Avant-propos

Après des mois (année ?) d'absence, je vous propose de reprendre cette fanfic pour, au moins, finir la partie sur Oropher. Pour remettre les idées sur les rails à tout le monde, anciens comme nouveaux lecteurs :

Tout appartient à J.R.R. Tolkien et ses descendants, sauf quelques OC inventés dont la présence s'avère néanmoins nécessaire. Cette histoire puisera dans le Seigneur des Anneaux, ses Appendices, le Silmarillion, les Contes et légendes inachevés et l'ensemble des textes de l'Histoire de la Terre du Milieu publiés en français (et quelques extraits des tomes non-publiés dans notre langue mais dont j'ai pu trouver des traductions sur internet). Je noterai toujours mes références et mes choix personnels.

Cette histoire propose de suivre l'histoire de la famille royale de Vertbois-le-Grand, appelé Mirkwood ou Grand'Peur par la suite. La première partie sera consacrée à Oropher, d'abord en Doriath puis sa venue à Vertbois-le-Grand et jusqu'à sa mort à la bataille de la Dernière Alliance. La seconde partie verra la parole être donnée à Thranduil, de la mort de son père jusqu'à la bataille contre Dol Guldur lors de la Guerre de l'Anneau et la renaissance du royaume en Eryn Lasgalen. Les bornes chronologiques font qu'on a une partie de l'histoire portant sur le Silmarillon mais une grande partie sera centrée sur Thranduil (un jour, un jour, oui).

Je ne peux donner des prévisions de temps avant de voir venir la mise à jour mais voici ce qui est prévu :

- Une reprise du prologue, présentée ci-dessous.

- Un chapitre supplémentaire racontant une vision fictionnelle de l'origine de la famille d'Oropher à Cuiviénen et de leur participation à la Grande Marche vers l'Ouest jusqu'à l'installation à Doriath. La charpente de ce chapitre est déjà entièrement écrite, il passe dès ce week-end en relecture.

- Deux (ou trois ?) chapitres supplémentaires sur Doriath, l'un racontant la venue des enfants de Finarfin à la cour de Thingol (notamment Angrod, Finrod et Galadriel), l'autre narrant l'impact de l'histoire de Turin sur Doriath. J'y traiterai aussi l'enfance d'Oropher, sa rencontre avec Eryniell et les raisons de ses liens avec Celeborn et Galathil.

- Deux chapitres concluant l'histoire d'Oropher lors de la Bataille de la Dernière Alliance.

- Une reprise des chapitres existants selon deux objectifs : améliorer le style et faire la chasse aux fautes - réparer des erreurs monumentales. Je pense notamment à l'après Bouches du Sirion car j'ai découvert une date bien précise sur le départ d'Oropher vers l'est et elle est postérieure au Troisième Massacre Fratricide : il a ainsi vécu un temps au Lindon puis, à mon sens, suivant Celeborn, en Eriador avant de passer les Montagnes de Brume ; ce qui va changer énormément de choses.

- En pleine lecture de la nouvelle traduction du Seigneur des Anneaux, je compte utiliser conjointement les anciens et nouveaux noms (Monts Brumeux/Montagnes de Brume, Fondcombe/Fendeval, Mirkwood/Grand'Peur).

Il ne faudra donc pas s'inquiéter de voir disparaître les chapitres pendant un moment afin d'intercaler les nouveaux chapitres en "préquelle" et mettre à jour les chapitres existants.

Sur ce, je vous laisse avec le nouveau prologue.


Prologue

Porté par son pas feutré, un jeune Elfe s'avança dans la pièce ombragée par la lumière déclinante du crépuscule qui étendait le manteau de la nuit sur Eryn Lasgalen. Les étoiles de Varda Elbereth perceraient bientôt les ténèbres qui n'en étaient plus vraiment depuis que le Sombre Ennemi était tombé et que ses miasmes avaient définitivement été chassés de Grand'Peur redevenue Vertbois-le-Grand. Soucieux de ne pas percer la quiétude du lieu, le prince Legolas prit garde de tirer vers lui sans bruit la chaise en bois verni. Il poussa quelques parchemins sur le côté pour se dégager de la place sous les rayons de la lune et s'installa en posant délicatement le gros amas de feuilles attachées par d'éclatants fils d'or. La couverture de cuir semblait pourtant avoir connu maints âges de ce monde et détonnait avec la clarté de la reliure. Malgré la vieillesse de l'objet, l'élégante broderie de mailles dorées mêlées d'argent n'avait pas perdu en éclat ni en beauté et déroulait sous ses yeux le titre de cet éminent ouvrage : Mémoires de la famille royale de Vertbois-le-Grand.

Le jeune Elfe était pourtant loin d'être emporté par l'allégresse de détenir un tel objet entre les mains. Le soupir qu'il laissait s'échapper en caressant du doigt les boucles des lettres brodées indiquait clairement qu'il aurait préféré être autre part que confiné dans ce bureau. Qu'il lui tardait en vérité de partir découvrir les bois ancestraux de Fangorn et les merveilles des Cavernes Etincelantes avec Gimli ! Mais son père, Thranduil, roi apaisé d'un royaume nouvellement débarrassé de ses ombres, l'avait accaparé le matin même avant qu'il ne puisse seller Arod et lui avait donné ce livre avec un ordre précis duquel il ne pouvait guère se soustraire.

- Ces Mémoires ont été débutées, il y a fort longtemps, par mon père Oropher et complétées tout le long de sa vie durant. A sa mort, j'ai pris le relais pour que, comme il l'avait voulu en son temps, les générations à venir aient connaissance du passé de leurs aïeuls. Elles sont, ion-nim, la trace la plus matérielle de notre passé et la seule que nous possédons avant de retrouver nos proches perdus par la mort en l'Aman bienheureuse, avait-il dit de sa voix sévère. Dans un premier temps, Legolas n'avait pas compris le fond de sa pensée, trop estomaqué qu'il était d'entendre son père, si avare de mots sur de tels sujets, se découvrir et en parler si crûment. Mais Thranduil avait rapidement ajouté, dissipant ses interrogations :

- A toi d'en faire de même en narrant le récit de la Guerre de l'Anneau à laquelle tu as participé, toi seul parmi les Elfes de Vertbois-le-Grand.

Thranduil n'avait pas pu s'empêcher de laisser paraître dans ses dernières paroles, sous la neutralité qu'il s'évertuait d'afficher, une pointe amère de la remontrance qu'elles renfermaient et l'ombre inquiète qui était tombée sur son fëa lorsqu'il n'avait pas vu revenir son fils de Fondcombe où il l'avait envoyé apporter la nouvelle de la fuite de Gollum ; acerbe avait donc été son ton et un orage avait-il éclaté dans le fond de ses yeux au souvenir de sa désobéissance. Le roi n'avait pas apprécié que son héritier aille en guerre sans même demander son accord, qu'il ne lui aurait pas octroyé dans sa terreur de le perdre, comme il avait perdu devant l'Ombre tous les autres membres de sa famille.

Du point de vue de Legolas, son père agissait envers lui comme s'il n'était pas plus âgé que d'une centaine d'années, voire moins encore, mais il ne lui en voulait pas longtemps et souriait bien vite de ces inquiétudes si aisément démontrées. Car beaucoup de personnes, et même parmi leur peuple, jugeaient trop rapidement que le roi Thranduil Oropherion n'était qu'un Elfe prompt à une vive colère, antipathique pour les étrangers, dans sa méfiance envers les Nains et les Noldor, et d'une grande froideur. Mais Legolas avait toujours su trouver son cœur, qu'importe l'endroit où l'habile Elfe avait pu le cacher. Il savait mieux que quiconque que derrière la façade distante du roi, il y avait un père aimant et un ami sincère, que l'Ombre avait peu à peu aigri et qui se remettait lentement de son poison.

Retournant son attention sur les feuillets entrelacés, Legolas ouvrit le livre jusqu'à la plus ancienne page que l'âge avait brunie et écornée. Comme son père le lui avait indiqué, mais dont la réalité ne le frappait que maintenant qu'il y était confronté, il ne trouva pas l'écriture fine et petite du roi mais un tracé plus grand et encore plus majestueux encore ; l'évidence ne put en effet que lui sauter au visage.

D'un coup oublieux de ses récriminations, de ses désirs d'aventure et de voyages, le prince caressa le vieux parchemin, s'imprégnant de son odeur de vieillesse, et se laissa happer par le passé de sa famille. Il était tout soudainement envahi d'une vive curiosité, de l'envie de savoir ce que son grand-père avait pu écrire. Comme assoiffé d'une longue marche sous un soleil éreintant, il but avec avidité les mots tracés par une encre séchée qui avait dû être recouverte pour être encore lisible.

« En cette année 750 du Deuxième Âge, l'aube se lève sur la jeunesse d'Eryn Galen. J'entends au loin les trilles du chant des oiseaux mêlés aux belles voix des Elfes, et me voilà pourtant à tremper ma plume dans l'encre qui noircit désormais ces quelques feuillets qui constitueront sous peu une préquelle à l'histoire de ma famille. J'ai narré, depuis maintes années, tout ce que nous avions vécu de marquants durant les nombreux siècles de nos existences mais, alors que je songeais à la postérité de ce récit, il me sembla qu'un manque en amoindrissait le souvenir ; mon récit ne laissait en effet nulle place à mes aïeuls.

Comme ces pages ont vocation à figurer au début de ces Mémoires, il me semble intéressant de reprendre, ou plutôt de correctement démarrer, mon récit depuis le prime commencement. Je suis Oropher, autrefois Rothfêr de Doriath, en ce jour Roi d'Eryn Galen, et mon souhait est ici de consigner sans détour, sans mensonge ni aucune vérité cachée ou brouillard camouflant les faits, l'histoire de ma lignée. »

Legolas interrompit sa lecture pour reprendre une gorgée de l'air qu'il avait trop longtemps retenu dans son excitation, les yeux écarquillés sous le choc. Le récit de son grand-père allait bien plus loin qu'il ne l'avait pensé au premier abord. Il entrevoyait Doriath, plus âgée qu'Eryn Galen qui était pourtant née avant qu'il ne vienne en Arda, et les couloirs innombrables du palais de Menegroth, ses richesses et sa beauté, et la splendeur éclatante d'Elu Thingol ; un nom qui faisait courir dans sa chair un frisson qui le secouait jusqu'aux tréfonds de son fëa. L'envie de lire les Mémoires qui le prit alors devint si forte qu'elle en fut lancinante. Mais il devait la réprimer car, s'il voulait rapidement partir à l'aventure avec Gimli, il devait promptement obéir à son père.

Prenant alors un parchemin vierge sur le côté du bureau, Legolas trempa sa plume dans le pot d'encre qu'il avait emmené avec lui et se positionna pour écrire. Contrairement à ce qu'il avait pensé, son grand-père avait usé de la première personne pour relater son récit. Feuilletant rapidement le vieil ouvrage, il s'aperçut que son père l'avait imité ; il allait donc procéder de même. Posant la pointe de la plume sur la feuille, le prince commença à tracer les lettres qui coucheraient sur le papier les mots qu'il voulait offrir à la prospérité. Il allait lentement, prenant soin de s'appliquer et ne voulant pas hâter la réflexion, mûrie avec soin, d'un récit autant lié au destin d'Arda.

« En l'année 3018 du Troisième Âge, écrivit-il en reprenant la structure d'Oropher,je me rendis à Imladris, la vallée cachée du seigneur Noldo Elrond Peredhel. Mon père, le Roi Thranduil, m'y envoya pour prévenir Mithrandir que la créature, Gollum, qu'il nous avait demandé de garder, s'était enfuie malgré notre vigilance. En vérité, nous avions laissé la pitié prendre le pas sur la prudence et nous lui permettions de sortir pendant quelques heures. Mais un jour, Gollum refusa de descendre d'un arbre et des Orcs nous attaquèrent. Certains d'entre nous périrent de leurs lames honnies mais nous réussîmes à tous les tuer avant qu'une plus grande peine n'advienne. Malheureusement, Gollum s'était entretemps échappé en profitant de l'égarement dans lequel cette attaque nous jeta.

A Imladris se tint alors un Conseil de grande envergure. Elrond Peredhel avait en effet rassemblé des représentants des peuples de la Terre du Milieu et il y fut débattu du sort de l'Anneau Unique de Sauron qui n'avait pas été détruit à la bataille de la Dernière Alliance et qui avait été retrouvé par un Hobbit du Comté. »

La plume de Legolas se figea à moitié en l'air et il la posa vivement avant de faire tomber de l'encre sur le parchemin. L'émotion avait enserré son fëa d'une puissante pulsation, de souffrance et de tristesse mêlées, le renvoyant au sein de sombres pensées, lorsqu'il avait écrit le nom de la terrible bataille où son grand-père, et une grande partie de l'armée de Vertbois-le-Grand, avait péri par les lames des armées innombrables de Sauron. Il n'avait été qu'un jeune enfant sanglotant dans les bras rassurant de sa mère quand cela était arrivé mais il se souvenait avec netteté de sa douleur et de son incompréhension quand son père était revenu seul, le visage vide et le regard dévasté par la guerre et la perte de son père bien-aimé ; quelle horreur avait alors hanté le regard de sa grand-mère !

« A-t-il écrit sur ce passage ? Y a-t-il consigné l'ampleur de sa douleur ? » se questionna-t-il dans le silence de son esprit figé sur cette idée. L'envie qui n'avait cessé de le tarauder n'en revint qu'avec plus de force. Il avait peut-être là, à portée de main, le moyen de mieux comprendre son grand-père et son père, surtout le premier qu'il n'avait que peu connu, mais aussi le second qui parfois se rendait secret même à son entourage. C'était quelque chose de trop précieux pour être différé ; Gimli comprendrait la raison de son retard. Refermant le pot d'encre pour éviter qu'elle ne sèche durant sa lecture, Legolas reprit le vénérable ouvrage qu'il avait repoussé sur le côté et l'ouvrit à nouveau à la première page, reprenant le récit là où il l'avait laissé.