Déclaration : Les personnages ne m'appartiennent pas, ce sont ceux du film The eagle. Je ne fais que les emprunter, merci à Rosemarie Sutcliff de les avoir crées.

Bêta : Ka-cendres


Fin du chapitre 7 : Marcus et Esca se sont fait attaquer par une guerrière celte, une ancienne connaissance d'Esca. Celle-ci n'a pas compris les raisons de son attachement à Marcus mais les deux compagnons ont réussi à ce sortir de cet guet-apens. Ils ont traversé les montagnes blanches …

N. B. : mille excuses pour le délais ! J'avais besoin d'approfondir un peu leur vie à la villa avant de terminer cette histoire (mon autre fic en cours).
Voilà qui est fait, je me suis donc remise à écrire. J'espère que ce dernier chapitre de TLWH vous plaira ... assez pour me pardonner cet abandon temporaire ;-)
J'ai écris deux fins, impossible d'en choisir une ... alors, je l'ai aies mises toutes les deux. A vous de choisir celle que vous préférez ^^

Bonne lecture ! Si le coeur vous en dit, donnez-moi votre avis quand vous arriverez en bas de cette page ... il y a justement un lien fait pour cela, il est bien fichu ce site quand même ^^
Et surtout un big Merci à tous les lecteurs.


Chapitre 8 : la fin n'est que le commencement


Quand enfin les montagnes furent derrière eux, ils restèrent un long moment, côte à côte, à contempler les paysages magnifiques qui s'offraient à eux. Ils étaient à la dernière étape de leur voyage.

Pendant ces longues minutes, le temps sembla suspendre son vol. Deux hommes libres, égaux, qui prenaient le chemin de leur foyer, un bien long chemin.

Esca se sentait l'égal de Marcus, un affranchi aux yeux de la loi romaine. La liberté, il l'avait senti courir dans ses veines dès le mur d'Hadrien franchi. Marcus, son maître à ce moment-là, avait probablement ressenti lui aussi ce changement, ils foulaient un sol libre, un sol celte. Si pour le romain il était synonyme de danger, mais aussi de rédemption, cela avait représenté pour Esca le début de la reconquête de sa liberté. Il se savait toujours la propriété de Marcus, mais l'espoir d'être libéré de sa servitude romaine était apparue avec force. Lui qui avait tout perdu jusqu'à son identité culturelle, fouler des landes vierges de toute domination romaine avait été un moment exceptionnel.

Il avait alors longuement réfléchi, pendant leur recherche et en observant le romain, à l'honnêteté de ses sentiments, à la manière de retrouver sa liberté auprès de ce maître si particulier auquel il s'était attaché. Il avait alors mesuré la ferveur de ses sentiments à son égard ... Il avait souffert de lui mentir, de voir sa déception tandis qu'ils cherchaient l'aigle. Lui savait où se diriger mais l'implication de son clan serait alors révélée ... Esca avait été alors écartelé entre le bonheur de cette vie de chasseur enfin retrouvée, et la souffrance de Marcus qui jour après jour marquait un peu plus ses traits.

Mais tout cela était du passé, aujourd'hui il était l'égal du romain. Sans se presser, les chevaux les conduisirent jusqu'au fameux mur. Ils n'avaient rencontré pas une seule âme qui vive dans cette traversée et Marcus en était heureux. Cet épisode avec Margo lui avait rappelé combien Esca n'était en rien obligé de l'accompagner. Il avait aussi mesuré à quel point il ne voulait pas le perdre. Maintenant que le mur était en vue, Marcus repensait aux craintes qu'il avait eues avant de le franchir. Il savait qu'il allait trouver du danger, un peuple aux coutumes différentes des siennes ... mais jamais il n'aurait pu imaginer à quel point cela allait changer sa vision des choses. Il se rappela alors le médecin qui avait soigné Esca à la villa*, son rire quand il avait affirmé la supériorité de la médecine romaine ... il comprenait maintenant. Il avait pourtant voyagé en tant que soldat, mais ce voyage-ci, avec Esca à ses côtés, n'avait ressemblé en rien aux autres. Ses certitudes avaient été bousculées et il en était heureux.

A plusieurs reprises, tandis qu'ils chevauchaient côté à côté vers le mur, il avait observé son jeune ami. Mais lui, n'avait pas eu un regard pour lui. Marcus en avait conclu qu'il était certain de sa décision et ne changerai pas d'avis.

En arrivant devant le mur frontière, les lourdes portes s'ouvrirent pour laisser passer les deux hommes après que Marcus eut fait un signe de la main en direction du soldat qui guettait leur arrivée. Esca passa devant comme pour lui prouver encore une fois combien il était décidé à le suivre dans son monde.

- Oh ! Vous ! s'écria le soldat en charge de la porte.
Le même qui l'avait condamné à une mort certaine ... il s'en était fallu de peu, il fallait le reconnaître. Mais non, contre toute attente, ils revenaient victorieux.
- Ferme la bouche soldat, on pourrait croire que tu as vu un fantôme, se moqua Marcus en s'arrêtant à sa hauteur. Ou un dieu, ajouta-t-il en tirant son épée et en le faisant tomber d'un coup vif.

Cette fois, les hommes rirent en voyant leur chef les fesses dans la terre rendue boueuse par la fine pluie qui tombait. Pourtant, le soldat ne le quittait pas des yeux, il était l'archétype du romain dont la pensée ne pouvait s'élever au-dessus de ce mur qu'il gardait. Lui-même quelques temps auparavant.
- Il semble bien que nous ayons survécu, conclu Marcus en serrant les flancs de son cheval pour le faire avancer.
Esca n'avait rien dit, même pas sourit tandis que Marcus ridiculisait un soldat romain. C'était pourtant quelque chose d'impensable seulement un mois avant …

- Je sens que cela va me plaire, déclara Marcus en s'éloignant de cette frontière.
- Tu n'imagines pas à quel point, ajouta Esca en souriant enfin.

Après deux journées de chevauchées, ils arrivèrent enfin à Calavella. Marcus avait hâte de rendre l'aigle, ils allèrent directement au forum et attachèrent leurs chevaux. Délicatement Marcus sortit l'étendard, il le regarda longuement, c'était probablement l'ultime fois qu'il le voyait. C'était tout de même le dernier objet qu'avait tenu son père avant de mourir… mais il ne lui appartenait pas. Il s'avança vers le bâtiment mais vit, du coin de l'œil, qu'Esca ne le suivait pas.
- Que fais-tu ?
- Je t'attends ... répondit Esca comme si cela était une évidence.
- Non, tu viens avec moi, le coupa Marcus fermement. Je ne voudrais pas te priver de ce spectacle.
- Ce sera un honneur, déclara Esca tout sourire en finissant d'attacher son cheval.
Avant de pénétrer dans le bâtiment, le romain s'arrêta à l'entrée en tenant l'aigle contre son cœur.
- Esca, règle ton pas sur le mien. Si je suis là, c'est grâce à toi, je te veux avec moi, exigea-t-il.
Ce dernier acquiesça, touché par l'attention et le ton solennel qu'avait employé Marcus.

Ils avancèrent donc comme un seul homme, dévisagés par tous ceux qu'ils croisaient. Il était rare de croiser dans ces lieux un étendard romain et, ils l'apprirent plus tard, la quête de Marcus avait franchi les frontières et les mers. La stupeur se lisait sur leurs visages tandis qu'ils découvraient la relique qu'ils pensaient disparue à jamais.

Esca ne pouvait qu'imaginer les sentiments de Marcus en cet instant, dans ce lieu stratégique si beau et si ... romain. Il se sentait fier, fier de ce qu'ils avaient accompli, de ce qu'ils avaient découvert l'un sur l'autre. Il était particulièrement heureux de fouler ce sol romain enfin en homme libre.

Marcus posa un dernier regard sur cet aigle auquel il avait pensé tant de fois avant de le rendre à jamais.
- Pour mon père, fit Marcus avec émotion.

Esca se tint en retrait, c'était son heure de gloire. Il ressentait son émotion, il aurait donné sa vie pour cet objet ... son père l'avait fait et maintenant il le rendait. Le celte devinait en cet instant les émotions qui devaient assiéger son ami. Il ne pouvait le quitter des yeux, il le dévorait littéralement, aussi fier que lui tant il s'était investi dans sa quête. Il ne pouvait la dissocier de la sienne.

- Mon cher garçon, fit Claudius Marcellus en saisissant l'aigle. Je vous félicite ... Rome vous félicite, se reprit-il. Et la réputation de votre famille est rétablie.
C'était tout ce que Marcus voulait entendre. Cela atténuait la souffrance de rendre cet objet si précieux.
- Le Sénat voudra reformer la Neuvième Légion, continua le romain en se tournant vers Servius Placidus tandis qu'Esca baissait la tête involontairement.

Esca y avait pensé bien sûr, il était possible, probable, que Marcus réintègre l'armée. Les paroles de Claudius Marcellus, révélant pourtant une évidence, lui avaient fait l'effet d'un coup de poing dans l'estomac. Pour cacher son trouble, il avait joint ses mains … en revanche, Marcus gardait la tête haute, ce devait être tout ce à quoi il avait rêvé.
- Il peut peut-être vous récompenser en vous donnant le commandement.
Esca se tourna vers Marcus, il attendait avec inquiétude sa réponse. Le petit sourire qu'il affichait finit de le convaincre qu'il envisageait cette option et une boule se forma dans sa gorge. Marcus devait être satisfait … en revanche lui, sentait le sol se dérober sous ses pieds. Jamais il ne le suivrait dans l'armée s'il acceptait ce commandement ... qu'allait-il faire de sa vie ?

- Comment avez-vous fait ? Voulut savoir Claudius Marcellus.
- Avec qu'un esclave pour vous aider, ajouta Servius Placidus avec un dédain certain.
- Ce n'est pas un esclave, rétorqua aussitôt Marcus défendant son ami, dardant son regard sur le politicien.
C'était un avertissement et Servius Placidus le prit comme tel. Avec deux regards qui le foudroyaient -Esca avait ajouté le sien- il se figea sur place. Marcus ne pouvait supporter qu'un homme tel que lui, qui n'avait jamais eu à défendre sa vie, sa liberté, s'adresse à son ami avec un tel mépris.
- Il en sait plus sur l'honneur, reprit Marcus en regardant Esca, et sur la liberté que vous.
Marcus leur tourna le dos et quitta les lieux sur-le-champ. Il ne pouvait plus les supporter.

Cette fois, Esca ne put s'empêcher de sourire et de narguer Servius Placidius avec sa toge si bien drapée, si propre, avant de quitter l'assemblée à la suite de Marcus. Finalement, son ami ne semblait pas si enthousiaste à l'idée de repartir dans l'armée, c'était une excellente nouvelle.
- Et maintenant ? Fit Esca plus détendu, laissant surgir sa joie.
- À toi de décider, déclara Marcus dont le bonheur était tout aussi visible.
Oui, il était juste que dans cette alliance, ce soit à son tour de choisir leur voie.

Ils rentrèrent à la villa et Aquila ne cacha ni sa surprise ni sa joie. Marcus lui indiqua immédiatement qu'il avait affranchi Esca et c'est ensemble qu'ils s'attablèrent –ils étaient morts de faim- servis par Stephanos, bien sûr. Aquila voulu connaître tous les détails de leur voyage et Marcus, entre deux bouchées, lui expliqua leur recherche, comment ils étaient parvenus finalement à trouver le peuple des phoques puis à s'emparer de l'aigle. Il n'omit aucun détail, si ce n'est celui de citer la tribu d'Esca parmi celles qui avaient anéanti la neuvième légion. Il n'était pas certain qu'Aquila comprenne et pardonne à Esca, il ne connaissait pas aussi bien que lui. Il n'avait tout simplement pas entrepris ce voyage avec eux ... C'était un voyage plus spirituel qu'autre chose, même s'il avait ramené l'aigle. Esca avait regagné sa liberté et son honneur, il ne voulait pas qu'aux yeux de son oncle il en soit autrement.

Quand l'ancien esclave, qui l'avait écouté pendant son récit quitta la table, en tête à tête avec son oncle, Marcus insista sur son rôle, sur son histoire à lui. Il tenta de lui faire saisir combien leur histoire familiale était similaire, combien il avait été malin, loyal … combien son rôle avait été fondamental. Sans son aide et sa loyauté jamais il n'aurait pu ramener l'aigle qui restaurait l'honneur de leur famille. Aquila acquiesça tout au long de son discours sans l'interrompre.
- Ça … je ne m'y attendais pas ! Finit-il par déclarer ce qui les fit rire tous les deux, les renvoyant dans cette arène où Esca avait refusé de combattre. Vous avez été tous deux très braves, oui assurément très braves, déclara Aquila soudain sérieux. Je ne pensais pas que tu reviendrais, murmura-t-il ses yeux reflétant son émotion soudaine. Il saisit brusquement Marcus dans ses bras, trop heureux de le retrouver sain et sauf.
- Et cette jambe ? S'inquiéta son oncle en le lâchant.
- A nouveau blessée, mais rien de grave.
- Tant mieux … J'aurais aimé voir la tête de tous ces politiciens, ajouta-t-il songeur les yeux perdus dans le vague mais avec ce sourire qui le caractérisait.
Marcus sourit pour seule réponse. Il le laissa pour rejoindre Esca, il avait quitté la table bien top tôt à son goût. Mais avant, il demanda à Stephanos de préparer la chambre d'invité.

- Esca, fit-il en s'approchant. La scène lui sembla familière, son ancien esclave assis dans le jardin à contempler le soleil couchant. Ce dernier se tourna vers lui et tout à coup cette impression s'évanouit, Esca avait un visage ouvert, ses traits étaient détendus même si on pouvait y lire sa fatigue. Il avait devant lui le vrai Esca.
- Pourquoi es-tu parti ? Le celte haussa les épaules mais Marcus insista du regard.
- Pour que vous puissiez parler, vous retrouver en famille.
- C'est très délicat de ta part …

Cela n'étonnait pas Marcus, Esca avait toujours fait preuve de beaucoup de tact. A la villa, quand il était convalescent et tellement frustré et en colère, il l'avait ménagé et beaucoup aidé à traverser ce moment difficile.
- Mais tu fais partie de la famille, termina-t-il très sérieusement en s'asseyant près de lui.
- Marcus, souffla Esca, Aquila ne voit peut être pas les choses de la même manière. Je ne veux pas m'imposer entre lui et toi.
- Il a saisi, c'est un ancien soldat, ne l'oublie pas. Il a tout compris, insista Marcus.
Esca acquiesça sans être totalement convaincu. Il resterait discret en présence d'Aquila, quoiqu'en dise Marcus, pour lui laisser le temps de s'habituer à son nouveau statut.

- C'était une grande aventure, finit par dire Marcus les yeux dans le vague, se remémorant les paysages immenses qu'ils avaient traversés. Il avait une nouvelle à annoncer à Esca et il ne savait comment faire pour faire preuve à son tour de tact. Il était fort probable que cela le mette très en colère … à juste raison.
- Oui, ça l'a était.
- Esca, nous serons récompensés pour cela, affirma Marcus.
- Je crois te l'avoir déjà dit, je ne fais pas cela pour être récompensé**.
- Je le sais, répondit-il en calmement, mais c'est une certitude.
- Je ne cracherais pas dessus alors, répondit Esca en souriant.
- Esca, reprit le romain, je t'ai affranchi mais aux yeux de la loi romaine tout n'est pas en conformité.

Ça y était, il l'avait lâché et le regard qui lui lança Esca lui glaça le sang.
- Que veux-tu dire ?
Tous ses muscles s'étaient tendus, un arc prend à envoyer un flèche, imagina Marcus inquiet d'en être la cible.
- Je dois écrire une lettre pour demander une procédure exceptionnelle ...
- Tu veux dire que je ne suis pas libre ? ! S'exclama-t-il en se levant d'un bond. Et quoi tu m'as menti tout ce temps ?

Marcus déglutit difficilement. Dans son esprit Esca était libre et il ne doutait pas d'obtenir cette procédure exceptionnelle, cela lui avait semblé une telle évidence qu'il l'avait prise pour un détail. Mais clairement cela n'en était pas un pour lui.
- Dans cette maison tu es libre ...
- Mais passé cette clôture je suis ton esclave ! Le coupa Esca les yeux emplis de furie.
Un feu dangereux dansait dans ses yeux.
- Je t'en prie écoute-moi, le supplia Marcus en se levant à son tour. Ce n'est pas tout à fait ça ..
- Tu as menti ! Se récria Esca, avant de lancer son poing fermé sur le romain sans le laisser terminer de répondre.

Marcus l'évita de justesse, regrettant immédiatement ce réflexe. Peut être cela aurait atténué la colère de son ami ... Esca n'en resta pas là bien sûr, il n'était pas du genre à faire les choses à moitié. Il se jeta sur lui laissant exploser sa colère, il n'avait pas d'autre arme que celle-ci pour se rebeller. Ils tombèrent au sol et au terme d'une courte lutte, Marcus réussit à immobiliser le celte. Les bras au-dessus de sa tête, il pesait de tout son poids sur son corps pour l'empêcher de bouger. Esca se tortilla pour essayer d'échapper à son emprise puis se calma en constatant que Marcus le maîtrisait.


- Fin 1 -


- Ecoute-moi ! Tu es libre, personne n'a protesté quand j'ai remis l'aigle parce qu'il est évident que ton aide précieuse pour le ramener te libérera de ta servilité. J'aurais dû te le dire, avoua Marcus en fermant les yeux.
Il lui semblait avoir trahi son ami, il lisait sur son visage toute sa déception ... il désirait plus que tout chasser cette détresse qui était apparue dans ses yeux.
- Mais c'était pour moi un détail si infime ...
- Comment oses-tu parler de détail, le réprimanda Esca, tu as pourtant expérimenté l'esclavage ! Ajouta-t-il d'une voix pleine d'une rage jamais bien loin quand il s'agissait de sa condition imposée par les romains.
Il était abasourdi, il n'arrivait pas à se figurer ce qui était en train de se passer ...
- Je suis désolé ... l'implora Marcus, dans mon cœur tu es libre depuis longtemps, fit-il dans un élan spontané et désespéré. Le reste n'est que paperasse et administration ! Je te jure d'écrire une lettre dès ce soir et d'envoyer un coursier demain. Lorsque ma lettre parviendra au Senat, tu seras un citoyen romain tout comme moi. Ma requête sera acceptée, je connais la procédure et la loi romaine, fit valoir Marcus. Fais-moi confiance ... Ils te récompenseront à la hauteur de ta loyauté, murmura le romain.
- Lâche-moi, exigea Esca d'un ton dur.
Marcus lâcha doucement les poignets d'Esca sans pouvoir détacher les yeux de son ami. Ce dernier se recroquevilla vivement, lui offrant son dos comme obstacle à son repentir. Il se frotta les poignets et Marcus senti que cela était plus par symbole que douleur. Pourtant, par son geste, il n'avait pas voulu lui rappeler sa condition mais simplement se faire entendre ...
- C'est certain ? Fit le celte en se tournant lentement vers lui.

Il lui avait fallu quelques minutes pour redevenir maître de lui-même et chasser tout le ressentiment qu'il avait éprouvé. Il vit les traits de Marcus se décrisper et l'espoir naître à nouveau sur son visage.
- Certain, affirma Marcus soulagé. Cela ne fait pas l'ombre d'un doute.
- Explique-moi, réclama-t-il.
Il ne connaissait pas la différence entre un affranchi et un citoyen romain mais clairement Marcus faisait la distinction. Il n'avait même pas imaginé que cela pouvait être si compliqué ... pour lui, soit on était libre soit on ne l'était pas. Mais à y penser, cela ne l'étonnait guère des romains. Tout était toujours si compliqué et régenté chez eux qu'il aurait dû s'en douter. Marcus prit alors son temps pour lui expliquer qu'il devait écrire une lettre pour formaliser son affranchissement et que cela pouvait être fait dès le lendemain en présence d'un magistrat.

Mais il ne serait pas vraiment libre pour autant, il lui détailla alors toutes les restrictions qui le liaient très fortement à lui ... Marcus voulait plus pour lui et c'était pour cette raison qu'il allait réclamer une décision du Senat. Esca aurait alors le même statut social que lui, il serait un citoyen romain avec tous les droits et devoirs que cela impliquait. Esca se détendit un peu voyant que son ami voulait le mieux pour lui et ne doutait pas de parvenir à ses fins. Être un homme libre était primordial pour rester aux côtés de Marcus.

- J'ai aussi une requête, enchaîna le romain, surprenant le celte qui se remettait à peine de ses émotions.
- Tu ne doutes de rien, fit-il étonné tandis que Marcus souriait.
Esca le détailla : il avait retrouvé toute son assurance.
- Je doute ... maintenant plus que jamais, répondit pourtant le romain. J'ai fait une promesse aux dieux en échange de leurs faveurs.
- Je t'ai vu prier, mais je ne comprends pas ...
- J'ai juré d'aller à Aquae Sullis* en échange de la découverte de l'aigle. Je me dois d'honorer ma parole, les dieux ont été très généreux avec moi.
Esca ne put qu'approuver, lui aussi était certain que les dieux avaient lié leurs destins et leur avaient permis de survivre à ce voyage.
- Je t'accompagnerai mais à la condition que je sois affranchi d'après ta loi.
- Merci Esca.

Le lendemain, reposés, décrassés, les deux hommes se rendirent en ville. Le magistrat procéda à la cérémonie à laquelle se prêta Esca après avoir, néanmoins, tenté d'y échapper. Il dut écouter le magistrat, tourner sur lui-même et accepter d'être félicité par son ancien maître et les assistants ... Esca jugea la chose grotesque ,mais il était bien le seul, les autres romains trouvaient la procédure banale et tout à fait normale.

Esca conserva d'excellents souvenirs de leur voyage à Aquae Sullis.
D'abord, parce que c'était là-bas qu'ils apprirent que le Senat avait accepté la requête de Marcus. Ceux qui lui avaient tout pris en faisaient maintenant l'un deux ... Il lui fallut du temps pour s'habituer à cette idée, comme il lui en avait fallu pour accepter celle d'avoir un maître romain et se résoudre à lui obéir. Mais cette fois cela était plus facile, il retrouvait sa dignité d'homme, il n'avait plus le sentiment de se renier lui-même.

Ensuite, parce qu'il put faire un cadeau à Marcus avec une petite partie de l'argent qui lui avait été remis par le Senat. Une stèle*** dédiée à son ancien maître pour le remercier de lui avoir sauvé sa vie, lui avoir fait l'honneur de le choisir pour sa quête de l'aigle et lui avoir redonné sa liberté. Il avait demandé à l'écrivain de louer les qualités militaires de Marcus Flavius Aquila, sa bravoure, son sens de la loyauté, mais aussi ses qualités humaines dont lui, esclave avait bénéficié. Le celte, devenu citoyen romain, avait compris que ce témoignage, à l'épreuve du temps, était un moyen de remercier Marcus pour tout le bien qu'il lui avait apporté. La réaction du romain avait fini de le convaincre qu'il avait judicieusement choisi son cadeau.

On l'avait capturé, malmené, emmené loin de son foyer et longtemps il avait souhaité mourir. Aux côtés de Marcus, sa vie avait pris un nouveau sens, les dieux l'avaient épargné pour accompagner cet homme. Leur histoire dépassa le territoire de la Britania et d'autres missions leur furent confiées. Jamais l'un sans l'autre, ils vécurent bien d'autres aventures mais … cela est une autre histoire.


- Fin 2 -


Contre toute attente Marcus posa ses lèvres sur celles de son affranchi en fermant les yeux. Le romain avait cédé à une pulsion, un désir inassouvi qui le torturait depuis quelques temps déjà. Les lèvres du celte étaient douces et ce simple contact, si souvent fantasmé, fit réagir son corps très vite. Il sentait les lèvres d'Esca sous les siennes, sa lèvre supérieure charnue, qu'il avait souvent convoitée, ses petits poils drus qui lui chatouillaient les narines ... Mais soudain, Marcus réalisa qu'il était le seul à réagir à ce baiser chaste et ne sentant aucune réponse d'Esca, il ouvrit les yeux. Ce fut comme sortir d'un rêve pour plonger dans un cauchemar malheureusement réel.

Il lut l'étonnement d'Esca et en conçut une honte terrible. Il sentit ses joues chauffer et détourna le regard. Il avait cru ... que le celte le suivait parce qu'il avait des sentiments pour lui. Des sentiments autres que fraternels ... car lui se sentait irrémédiablement attiré par cet homme. Mais il s'était trompé et à présent, ce baiser aller gâcher leur amitié.

- Tu es libre, commença Marcus en brisant un silence devenu gênant, le regard toujours détourné de son affranchi, personne n'a protesté quand j'ai remis l'aigle parce qu'il est évident que ton aide précieuse pour le ramener te libérera de ta servilité, précisa-t-il d'une voix qui trahissait son émotion et qu'il maîtrisait mal. J'aurais dû te le dire, avoua-t-il en fermant les yeux.

Il n'arrivait à se résoudre à le lâcher et à le perdre ... mais ils ne pouvaient rester ainsi plus longtemps. Il se força à affronter le regard du celte. Etonnement, son expression avait changée du tout au tout. Il sentit alors une pointe s'enfoncer dans son cœur, c'était à la fois douloureux et bon ...

Esca souleva alors son torse pour attraper ses lèves, douces, chaudes qui avaient honorées les siennes. Cette fois ce fut loin d'être un baiser sage. Leurs langues se rencontrèrent pour la toute première fois, dans un ballet à la fois fou et terriblement sensuel. Ils se dévoraient, s'appréciant d'une manière intime, consumant toute leur frustration, prenant du plaisir à recevoir l'amour de l'autre. Les mains de Marcus glissèrent sans même qu'il ne s'en rende compte et Esca, ainsi libéré, posa les siennes sur le visage de Marcus. Sa colère avait disparu comme par magie, remplacée par un tout autre feu dont il n'avait même pas soupçonné l'existence.

Marcus avait les oreilles qui bourdonnaient, il ne savait plus où il était et peu lui importait. Plus rien d'autre ne lui semblait important, juste cet instant où tous deux calmaient leur faim de bonheur et d'amour. Son ancien esclave avait fini de se révéler à lui, tout comme lui s'était dévoilé. Une mise à nu au sens figuré qu'il comptait bien réaliser dans la réalité ... Il le désirait, il brûlait de caresser ce corps qu'il avait eu l'occasion d'admirer mais jamais de toucher. Mais, il irait à son rythme, rien ne pressait. A présent, tout était possible avec lui, c'était tout ce qui importait.

Les mains d'Esca partirent à la découverte de ce corps. Il se surprenait lui-même, il avait souvent vu Marcus nu, il l'avait trouvé beau, mais sans éprouver de désir. Le romain avait su deviner ce que lui-même ignorait. Leur baiser prit fin, dérangé par un Stephanos qui leur apportait du vin. Ils l'avaient entendu arriver, ils ne furent donc pas surpris et Marcus choisit ce moment pour lui expliquer ce qu'il comptait entreprendre pour qu'il soit son égal. Esca l'écouta religieusement, posant parfois des questions qui révélaient son ignorance de la loi romaine et de sa complexité. La magie de leur baiser avait disparue, mais Marcus réalisa avec soulagement qu'Esca ne semblait pas gêné pour autant.

Ce soir-là, après que toute la maison se soit endormie, à pas de loup, il l'avait rejoint dans sa chambre. Les lits étaient bien assez grands pour deux et Marcus ne voulait pas dormir seul. Sa chambre lui rappelait trop les souffrances qu'il avait endurées mais c'était surtout la présence d'Esca à ses côtés qui lui manquait. Le celte l'autorisa à dormir avec lui, la pénombre de la chambre l'avait privé des expressions de son beau visage, il aurait bien aimé savoir ce qu'il pensait de cette intrusion. Esca lui tourna le dos et après avoir longuement hésité, Marcus vint se coller doucement à lui. Il posa son bras sur le flanc de l'ancien esclave, celui-ci le saisit, l'embrassa et ne le lâcha pas. C'est ainsi qu'un sommeil réparateur les happa très vite.

Le lendemain, reposés, décrassés, les deux hommes se rendirent en ville. Le magistrat procéda à la cérémonie à laquelle se prêta Esca après avoir, néanmoins, tenté d'y échapper. Il dut écouter le magistrat, tourner sur lui-même et accepter d'être félicité par son ancien maître et les assistants ... Esca jugea la chose grotesque, mais il était bien le seul, les autres romains trouvaient la procédure banale et tout à fait normale.

Marcus lui avait demandé à aller à Aquae Sullis pour honorer le marché qu'il avait passé avec les dieux. Bien sûr le romain ne l'avait pas énoncé de cette manière, mais c'était ce qu'Esca avait compris. Les prières de Marcus semblaient fonctionner dans les deux sens, il avait fait une promesse en échange de faveurs et il se devait maintenant d'honorer sa parole. Le celte conserva d'excellents souvenirs de leur voyage à Aquae Sullis. Loin de la villa de l'oncle Aquila où ils avaient vécu en tant que maître et esclave, ils avaient pu faire connaissance de manière intime dans un lieu où ils étaient tous deux des inconnus. Leur amour avait grandi au bord de ces bassins d'eau chaude, au gré des coutumes romaines. Dans cet immense complexe, Marcus lui avait enseigné beaucoup sur le monde dans lequel il allait maintenant vivre, libre et l'égal de Marcus. En effet, peu de temps après leur arrivée, ils apprirent que le Senat avait accepté la requête de Marcus.

Ceux qui avaient tout pris à Esca en faisaient maintenant l'un deux ... Il lui fallut du temps pour s'habituer à cette idée, comme il lui en avait fallu pour accepter celle d'avoir un maître romain et se résoudre à lui obéir. Mais cette fois cela était plus facile, il retrouvait sa dignité d'homme, il n'avait plus le sentiment de se renier lui-même. Et l'amour que lui portait Marcus le rendait serein pour affronter cette nouvelle vie. Il put lui faire un cadeau avec une petite partie de l'argent qui lui avait été remis par le Sénat. Une stèle*** dédiée à son ancien maître pour le remercier de lui avoir sauvé sa vie, lui avoir fait l'honneur de le choisir pour sa quête de l'aigle et lui avoir redonné sa liberté. Il avait demandé à l'écrivain de louer les qualités militaires de Marcus Flavius Aquila, sa bravoure, son sens de la loyauté, mais aussi ses qualités humaines dont lui, esclave avait bénéficié. Le celte, devenu citoyen romain, avait compris que ce témoignage, à l'épreuve du temps, était un moyen de remercier Marcus pour tout le bien qu'il lui avait apporté. La réaction du romain avait fini de le convaincre qu'il avait judicieusement choisi son cadeau.

On l'avait capturé, malmené, emmené loin de son foyer et longtemps il avait souhaité mourir. Aux côtés de Marcus, sa vie avait pris un nouveau sens, les dieux l'avaient épargné pour accompagner cet homme. Leur histoire dépassa le territoire de la Britania et d'autres missions leur furent confiées. Jamais l'un sans l'autre, ils vécurent bien d'autres aventures mais … cela est une autre histoire.


* A la croisée de chemins, chapitre 9 (lien dans mon profil)
** A la croisée des chemins, chapitre ? , à venir !
*** Cet été, j'ai visité les bains romains de Bath (fantastique !). Dans le musée, il y a deux stèles dédiées à un même maître romain de la part de deux affranchis. Il me semble me souvenir que le maître romain était un légionnaire. Je n'ai pas pu m'empêcher de penser à Esca et Marcus ^^