9 – Présent

— Et voilà la chambre des Gremlins !

C'est avec un large sourire que Genesis ouvre la porte de la chambre en question, avant de s'écarter sur le côté pour permettre aux enfants d'entrer dans leur nouveau royaume. Yazoo laisse entendre un « Hooooo ! », tandis que Loz pousse une exclamation enjouée. À leurs côtés, Kadaj émet un petit cri et trottine en direction des lits, où des peluches ont été déposées.

Aux quatre coins de la pièce, d'autres jouets sont visibles, flambants neufs ceux-là aussi. La chambre comporte tout le confort nécessaire et en ouvrant la penderie, Sephiroth découvre que des vêtements y sont déjà soigneusement pliés.

— C'était plus facile de décorer leur chambre que les vôtres, explique Genesis en s'adossant contre l'encadrement de la porte pour observer Loz qui, les yeux pétillants, fait la découverte d'un circuit de petites voitures. D'ailleurs, il faudra que vous vous débrouilliez pour les adapter à votre goût. J'ai fait le maximum en fonction de ce que je connaissais déjà de vos appartements, mais… pour le reste, ça vous regarde !

Puis il se tourne vers Angeal qui sort justement de la pièce incarnant à présent sa chambre. Celle de Sephiroth est située juste en face de celle des enfants et la sienne juste après celle de leur père. Genesis, lui, s'est installé deux chambres plus loin de celle des petits, histoire sans doute de s'épargner le raffut que le trio risque de produire à toutes heures.

— Il y a six chambres à cet étage, poursuit Genesis, avant de lever un doigt en direction du plafond. Là-haut, c'est encore dans un piteux état, mais il y a un grenier. On possède même une cave que je vous montrerai un peu plus tard si vous y tenez.

— C'est énorme, fait remarquer Angeal, encore un peu perdu.

— Mais au moins, on ne pourra pas se plaindre de manquer de place, réplique Genesis en s'avançant dans le couloir. Et puis si on doit héberger des connaissances… ou de la famille, on sera bien content d'avoir des chambres pour les loger. On pourra même en faire construire une ou deux au grenier, histoire de conserver un minimum d'intimité s'ils doivent séjourner un moment chez nous.

— On n'en est pas encore là…

— Ce qui ne doit pas nous empêcher de tout prévoir. Enfin… plus ou moins. Bref ! Tout ça pour dire que c'était une sacrée affaire et que je crois avoir fait le bon choix !

Les bras croisés, il a levé les yeux en direction du plafond et semble particulièrement fier du travail accompli ici.

Se grattant les cheveux, Angeal ne sait trop comment accueillir toute cette nouveauté et l'idée d'avoir laissé Genesis s'occuper de tous les frais le dérange particulièrement. Il sait bien qu'au vu de l'état de sa fortune personnelle, s'ils avaient dû compter sur lui, ils n'auraient pas été bien loin, mais il a le sentiment d'être à présent redevable d'une sacrée dette envers son ami d'enfance. Et lui qui s'est toujours arrangé pour se débrouiller, quitte à devoir se serrer la ceinture ou faire des sacrifices, n'est pas très à l'aise avec le fait de se laisser ainsi entretenir.

Sephiroth, qui les rejoint au même instant, semble avoir suivi peu ou prou le même raisonnement que lui, car c'est avec un air incertain qu'il questionne :

— Tu es bien conscient que je ne pourrai sans doute jamais te rembourser ?

Et à Genesis de grogner et de lui retourner un regard dépité.

— Sérieusement ? Je me donne du mal pour vous et c'est tout ce que vous trouvez à me dire ? Vous pourriez au moins faire un effort pour avoir l'air heureux !

— La situation est compliquée, Gen, lui dit Angeal. Et je ne crois pas que ce soit très juste que tu te charges de toutes les dépenses.

— Mais qui parle de justice, ici ? s'exaspère Genesis en écartant les mains. Nous sommes collaborateurs, à présent, collaborateurs ! Et quand on lance une affaire, il faut bien qu'il y en ait un pour avancer l'argent !

— Donc, c'est un prêt que tu nous fais ?

— Oh, je compte sur vous pour m'aider à rembourser ce que je dois à présent à mes parents, mais… en ce qui concerne la part d'argent qui provient de mes propres fonds… eh bien ! Je ne serais pas contre l'idée de la revoir, mais ne vous fatiguez pas avec ça ! De toute façon, je touche un pourcentage sur ce que rapporte la vente de notre jus de fruits, alors ce n'est pas comme si cette dépense allait me mettre sur la paille !

— Ça n'en reste pas moins gênant…

— Pitié ! Si tu commences à te lancer dans tes histoires d'honneur, je te préviens, je te mets à la porte et tu iras coucher ailleurs s'il n'y a que ça pour apaiser ta conscience !

Puis, se tournant vers Sephiroth, il ajoute :

— Quant à toi, tu vas te retrouver coincé ici, à devoir tenir boutique même quand moi et Angeal ne serons pas disponibles. Et maintenant que tu n'es plus dans la course au SOLDAT, ça me laisse tout le champ libre pour en devenir le nouveau numéro un. Dans le fond, c'est presque un cadeau que tu me fais !

Mais il voit bien que ses propos ne parviennent pas à tranquilliser son ami qui, à présent, a non seulement l'air contrarié, mais aussi coupable. Un soupir lui échappant, il se retient de s'agacer contre ces deux imbéciles qui semblent décidés à lui gâcher sa journée. Lui qui pensait que, pour une fois, ils lui accorderaient un petit moment de triomphe, se retrouve au final à devoir se justifier d'avoir voulu leur faire plaisir. Vraiment, il y a des fois où il se demande pourquoi est-ce qu'il continue de s'attacher à ces ingrats !

Comme Kadaj et Yazoo quittent la chambre à cet instant précis, il marche dans leur direction et, s'accroupissant à leur hauteur, referme ses bras sur eux.

— Et vous ? Vous ne pouvez pas dire à votre père combien c'est chouette d'être ici et que vous êtes contents que tonton Genesis se soit chargé de vous construire un nid douillet ?

Tournant son attention vers Yazoo, celui-ci hausse les épaules. Kadaj, lui, laisse entendre un gloussement comme Genesis vient déposer un baiser bruyant sur sa joue ronde. Il veut faire subir le même sort à Yazoo, mais celui-ci arrête sa progression d'une main, l'air soudain fâché.

— Toi alors, soupire-t-il en le voyant se tortiller, pour finalement lui échapper. On peut dire que tu es le portrait craché de ton père : pas câlin pour deux sous !

Dans la chambre, il peut entendre Loz qui continue de s'amuser avec ses petites voitures. Il tourne momentanément la tête dans sa direction, avant de pester, comme Kadaj s'agrippe à ses cheveux en ricanant.

— Quant à toi, dit-il en libérant ceux-ci des mains du petit monstre qu'il serre toujours contre lui. Tu es une vraie peste. À croire que le seul qui soit gentil, ici, c'est Loz !

À l'entente de son nom, le concerné relève la tête pour lui adresser un regard surpris. Genesis, lui, a reporté son attention sur Sephiroth qui, décidément, semble avoir du mal à savoir comment se comporter. Libérant Kadaj, il se relève et lance :

— Allez, ne me fais pas cette tête là. Je te l'ai dit, non ? Que je serai là pour t'aider ?

En réponse, Sephiroth opine du chef.

— C'est vrai, reconnaît-il. Mais tout ça… (Son regard vole autour de lui.) J'ai l'impression que c'est trop.

— Quoi ? Ça ne te fait même pas un peu plaisir ? Je vous jure, je fais de mon mieux pour prendre sur moi, mais à force, vous allez vraiment finir par me vexer.

Puis il tourne les yeux en direction d'Angeal, qui se contente d'hausser les épaules pour toute réponse. Revenant à Sephiroth, et à son expression toujours plus incertaine, il se passe une main dans les cheveux et pousse un soupir. Vraiment, mais quelle bande d'empotés !

— Seph, viens ici, tu veux ?

Et comme Sephiroth fronce les sourcils en signe d'interrogation, Genesis tend les mains dans sa direction. Peut le voir se crisper aussitôt et, un petit sourire aux lèvres, ajoute :

— Écoute, votre attitude m'attriste et j'aurais bien besoin d'un câlin, d'accord ? Et comme Angeal risque de me faire toute une scène si je lui en demande un… désolé, mais ça va tomber sur toi.

Dans son coin, Angeal grogne quelque chose qu'il ne parvient à saisir.

Après un instant d'hésitation, Sephiroth capitule et, quoique toujours aussi crispé, vient passer ses bras autour de Genesis. Ce dernier peut le sentir tressaillir, comme ses propres bras se referment sur lui, et il vient appuyer son menton contre son épaule.

— Vraiment, ça ne te plaît pas ?

Tout d'abord, le silence lui répond. Puis Sephiroth, qui ne parvient pas vraiment à se détendre dans son étreinte, reconnaît :

— Si… c'est juste…

Un nouveau silence.

— Que j'ai le sentiment de ne pas en mériter autant.

— Il n'est pas seulement question de toi, tu sais ? Il est aussi question de tes fils. Et je crois qu'ils méritent au moins ça après le début de vie qu'ils ont eu, non ?

— C'est vrai…

— Quant à moi, ça me fait plaisir de pouvoir vous être utile. Tu devrais le savoir, pourtant, que je suis un chic type !

Un reniflement amusé échappe à Sephiroth. Puis celui-ci s'écarte un peu et, levant les yeux au plafond, questionne :

— Tu es bien sûr… ?

— Tu crois que j'aurais acheté cet établissement si je ne l'étais pas ?

En réponse, un petit sourire vient flotter sur les lèvres de Sephiroth. Une main toujours posée sur l'épaule de son ami, celui-ci adresse un regard à ses fils – qui les ont à présent tous les trois rejoints dans le couloir –, avant de dire :

— Merci.

Et à Genesis d'arquer un sourcil.

— Et j'ai même droit à un merci en prime ? Il faut croire que c'est mon jour de chance.

Puis portant son attention vers Angeal, il peut voir celui-ci lui faire un hochement de tête. Et même si Genesis n'est pas certain que sa conscience va s'en trouver apaisé aussi facilement, au moins son ami d'enfance a-t-il l'air de comprendre que son attitude n'était pas exactement celle qui convenait.

Quelque peu rasséréné, il annonce :

— Enfin, c'est pas tout ça, messieurs, mais il commence à se faire tard et notre camion ne va pas se vider tout seul !

10 – Passé

— Après ça, j'ai complètement perdu pied et…

Et il se revoit entrer dans une colère noire. Libérer cet enfant en repoussant rudement Hojo et l'assistant qui se tenait à proximité. Et puis, l'arrivée de deux autres enfants. L'un qu'on apportait seulement dans la pièce et qui était si jeune qu'il était encore presque un bébé; l'autre qui, inquiet, pointait le bout de son nez dans l'encadrement de la porte de la salle de simulation. Un voile sombre était passé devant son regard à ce moment-là et quand il avait repris conscience, la pièce autour de lui était en ruine et il serrait si fort la gorge d'Hojo que c'était un miracle qu'il ne l'ait pas déjà brisée.

D'autres scientifiques avaient déboulé sur les lieux, sans doute dans l'idée de le maîtriser, mais s'étaient finalement révélés incapables de savoir comment gérer la menace qu'il représentait. Et dans son dos, des pleurs d'enfants. C'étaient eux, du reste, qui l'avaient fait redescendre sur terre et relâcher sa prise sur sa victime.

Accoudé à table, les yeux appuyés contre ses mains, Sephiroth ajoute d'une voix blanche :

— Je lui ai dit que je le tuerais, s'il ne me disait pas qui ils étaient. Et il a bien vu que j'étais sérieux… que je le ferais s'il s'amusait à me mentir…

Dépeigné, la blouse déchirée et le nez en sang Hojo avait émis un reniflement. Et c'était d'une voix contrariée qu'il lui avait lancé :

« Qui veux-tu que ce soit ? Il s'agit de ta progéniture ! »

Le choc avait été si grand qu'il l'avait empêché de perdre pied à nouveau. Sans quoi, il aurait certainement achevé l'homme qui se tenait face à lui dans la seconde. Sans même y penser. Et sans aucun regret. Car de son avis, il existe peu d'êtres méritant davantage la mort qu'Hojo.

— J'ai obtenu de lui leurs dossiers… ils sont bien mes fils… ça ne fait aucun doute.

Et la nouvelle l'avait à ce point ébranlé qu'il ne se rappelle qu'à moitié de la façon dont il avait finalement regagné ses appartements. Tout ce qu'il sait, c'est qu'une fois la porte refermée derrière lui, il avait trois enfants effrayés et en pleurs avec lui, dont il n'était même pas certain d'être capable de s'occuper.

— Mais je ne pouvais pas les laisser là-bas. Pas après ce que j'ai vu… pas après ce que je sais… ça aurait été…

Et puisqu'il est leur père, il ne peut les laisser entre les mains de quelqu'un d'autre, qui que soit cette personne. Pas alors que son propre père n'a jamais été capable de le traiter dignement, ni même d'avoir pour lui le moindre geste paternel. Non, il aurait beaucoup trop honte de se conduire ainsi, de ne pas leur accorder le droit de grandir à ses côtés. Dignement, s'entend. De ne pas être là pour eux, comme il aurait aimé qu'on le soit pour lui et puis…

— Mais je ne comprends toujours pas, fait Genesis. Comment est-ce qu'ils peuvent être tes fils sans que tu n'aies eu connaissance plus tôt de leur existence ?

Près de lui, la mine grave, Angeal a un hochement de tête. Oui, lui aussi, cette histoire le dépasse. Se laissant aller contre le dossier de sa chaise, Sephiroth repousse en arrière une mèche de cheveux venue lui tomber devant le visage. Et c'est d'une voix lasse qu'il avoue :

— Quand j'étais adolescent… Hojo a demandé à ce qu'on congèle mon sperme.

À cette réponse, le visage de Genesis perd aussitôt toute couleur. Angeal, lui, fronce un peu plus les sourcils.

— Quand tu étais adolescent ?

Sephiroth approuve d'un hochement de tête.

— Oui… je… à l'époque, j'avais tendance à faire un peu tout ce qu'on me demandait sans discuter et… vu ma vie d'alors, cet épisode m'était totalement sorti de la tête. Si j'avais pu imaginer qu'il l'utiliserait pour…

Sur la fin, sa voix meurt et c'est donc Angeal qui termine pour lui :

— Te faire des enfants dans le dos ?

— Cette bande de malades ! s'emporte Genesis. De fumiers, d'enfoirés, de… !

— Gen', calme-toi un peu.

— Que je me calme ?! Est-ce que tu te fous de moi ? Tu as entendu ce qu'il vient de nous dire, non ? Comment est-ce que tu veux que je reste calme ?! (Puis se tournant vers Sephiroth, il questionne :) Quel âge est-ce qu'ils ont ? (Et comme son ami cligne des yeux, visiblement perdu, il insiste :) Je te parle de tes fils ! Quel âge est-ce qu'ils ont ?

— Je…, commence Sephiroth. Je ne sais pas… je crois que j'ai dû le lire, mais j'étais tellement…

Mais là non plus, il ne termine pas et son regard, à nouveau, se fait lointain. Avec un soupir, Angeal vient se masser les paupières; tente d'ignorer Genesis qui continue de fulminer et promet déjà de commettre un bain de sang du côté du Département scientifique.

Pas plus que son compatriote, il ne trouve l'affaire très reluisante. Il a déjà assisté à suffisamment d'évènements discutables au cours de sa carrière au sein de la Shinra pour savoir qu'il s'y trame de drôles de choses, mais ça… ça dépasse tout ce qu'il a connu jusqu'ici.

Et puis qu'est-ce qu'ils comptaient en faire, de ces gosses ?

Car au vu de la scène à laquelle Sephiroth a assisté, il est évident qu'on menait certaines expériences sur eux.

Des êtres humains… et des enfants par-dessus le marché !

Des enfants dont on n'avait même pas jugé utile d'informer le père biologique de leur existence, comme si la chose n'avait aucune sorte d'intérêt. Pas étonnant que Sephiroth soit dans un tel état de choc. Pas étonnant, non plus, qu'il ait manqué d'assassiner Hojo. Il en connaît d'ailleurs un, près de lui, qui n'aurait pas hésité une seule seconde si l'on s'était amusé à ce genre de petit jeu avec lui.

Il a bien fait de les prendre avec lui. Oui, puisqu'il est leur père, c'est à lui que doit revenir leur garde, mais…

Le métier de SOLDAT n'étant pas de tout repos, il risque d'avoir du mal à les élever lui-même. Qui plus est, les laisser vivre à la Shinra n'est sans doute pas la meilleure idée qui soit, surtout pas alors que leurs tortionnaires vont et viennent librement entre ses murs.

Je me demande s'il y a un recours en justice possible…

Car il y a clairement crime et, selon lui, il ne devrait pas rester impuni. Reste à savoir, à présent, si le principal concerné tient vraiment à s'engager dans une procédure qui risque d'être longue, compliquée et qui, quand on connaît la puissance de la Shinra, aura du mal à aboutir.

Je n'arrive pas à croire qu'on ait pu laisser faire ça.

Et cette découverte lui laisse un goût terriblement amer. Un sentiment de trahison, également.

— Seph', commence-t-il doucement. Est-ce que tu sais ce que tu vas faire, à présent ?

— Aller arracher la tête des responsables, quoi d'autre ?!

— C'est pas à toi que je parle, Gen' !

— Je…, fait Sephiroth. Je sais oui.

S'ensuivent de longues secondes d'un silence complet, pendant lesquelles la patience de Genesis termine de se fissurer. Il est d'ailleurs à deux doigts de se mettre à secouer Sephiroth pour qu'il leur livre enfin le fond de sa pensée, quand ce dernier reprend :

— Je vais quitter la Shinra.

Aveu qui a pour effet de doucher jusqu'à la fureur de Genesis. Ouvrant et refermant stupidement la bouche, ce dernier adresse un regard à Angeal. Un regard rond, de ceux destinés à vous demander si vous venez bien d'entendre la même chose. L'expression soucieuse, Angeal fait remarquer :

— Je ne suis pas certain que ce soit une très bonne idée…

Et comme il peut voir le visage de Sephiroth se crisper sous le coup d'une brusque colère, il ajoute :

— Je veux dire… ça me semble un peu précipité, comme décision. Peut-être que c'est effectivement le mieux que tu puisses faire… ou peut-être pas. C'est pourquoi je pense qu'il est préférable que tu prennes un peu de temps pour y réfléchir convenablement. Surtout si tu comptes élever ces enfants.

— Ça me coûte de l'avouer, mais je crois que 'Geal a raison sur ce coup, fait Genesis en croisant les bras. Si tu pars maintenant, les choses risquent d'être compliquées pour vous quatre et puis…

— Vous ne comprenez pas ! les coupe Sephiroth.

Et dans sa voix tinte une telle détresse qu'elle ramène ses amis au silence.

— J'ai des enfants et je l'ignorais. Ils m'ont privé du droit de choisir… ils m'ont privé du droit d'assister à leur naissance… j'ai raté une partie de leur enfance et… ils ont déjà quelques années, maintenant, et moi, je n'étais pas là pour…

Sur la fin, sa voix se brise, en même temps que son visage se crispe. Il se mord la lèvre, avant de se lever brusquement et de quitter la cuisine. Si Angeal est complètement pris de court par sa réaction, Genesis, lui, bondit aussitôt sur ses pieds pour se précipiter à sa suite.

Et alors qu'il le rattrape, il oublie toute retenue et referme ses bras autour lui.

Il peut aussitôt sentir son ami se crisper et tenter de se dégager, mais Genesis tient bon et, à présent collé contre son dos, lance :

— Tu n'as pas à nous fuir, Seph, on est tes amis !

— Lâche-moi !

— Je sais que tu souffres, idiot. On le sait tous les deux. Et tu n'as pas à en avoir honte ! On est là pour toi. Si tu as besoin de nous… si tu as besoin de quelqu'un pour t'aider… pour te réconforter… pour t'écouter, on est là. On ne va pas te laisser tomber, d'accord ? Quoi que tu décides, moi, je te soutiendrai. Mais ne nous fuis pas ! (Puis, tournant la tête vers Angeal qui vient de faire son apparition dans l'encadrement de la porte, il lance :) Dis-lui, bon sang !

— On est là pour toi, confirme Angeal. Mais Gen', je crois que tu devrais vraiment le lâcher.

Genesis ouvre la bouche pour protester, incapable d'assister plus longtemps à la souffrance de leur ami sans pouvoir tenter quoi que ce soit pour le réconforter, mais au même moment, il peut sentir Sephiroth trembler contre lui.

La seconde d'après, un premier sanglot s'échappe de Sephiroth. Douloureux. Poussé par une gorge qui n'a pas l'habitude de laisser ses émotions s'exprimer de la sorte. Puis il se courbe en avant et, incapable de se contenir plus longtemps, fond finalement en larmes…

Scène 11 – Présent

— Tu as décidément pensé à tout, fait Angeal, comme il accepte la bière que Genesis lui tend.

Bien fraîche, celle-ci est une récompense plus qu'appréciable après l'effort qu'ils viennent de fournir pour monter tous leurs cartons au premier – en particulier ceux de son ami d'enfance, bien plus nombreux que les leurs. Ceux-ci encombrent à présent le salon, où les enfants s'amusent à les ouvrir les uns après les autres pour en inspecter le contenu.

— Allons, Angeal, réplique Genesis en tendant une bouteille à Sephiroth – qui la récupère avec un hochement de tête en signe de remerciement. Tu vas vraiment me faire croire que ça te surprend ?

Puis il se laisse tomber sur sa chaise et décapsule sa propre bière. Tous trois installés dans la cuisine, ils commencent doucement à se sentir à l'aise dans cet environnement qui sera bientôt leur lieu de vie quotidien… ou presque. Car dans le cas d'Angeal et de Genesis, tous deux n'en ont pas encore terminé avec la Shinra – leur carrière au SOLDAT restant suffisamment importante à leurs yeux pour qu'ils aient renoncé à y mettre un terme aussi prématurément.

Sephiroth, de son côté, a encore un peu de mal à réaliser que cette vie est à présent terminée pour lui. Qu'une nouvelle existence s'ouvre devant lui, une du genre qu'il ne s'était jamais attendu à connaître et pour laquelle il n'est sans doute pas encore tout à fait prêt.

Mais si je dois en passer par là pour mes fils… alors je ferai de mon mieux !

Il devine que ça ne va pas être forcément facile au début, surtout avec le manque d'action qui s'annonce, mais il ne reviendra pas sur sa décision.

Oui, la Shinra va devoir se trouver un nouveau « héros » pour sa propagande…

Portant sa bière à ses lèvres, il ferme un instant les yeux. Se demande depuis combien de temps, exactement, il ne s'était pas senti aussi apaisé. Oh, il y a bien, dans le fond, l'ombre de ses inquiétudes, mais pour l'heure, celles-ci se sont faites discrètes. Daignent le laisser savourer cet instant de plénitude où les ténèbres de l'incertitude ont laissé place à une éclaircie au sein de laquelle se dessine un avenir pour lui et ses fils.

Et je sais exactement à qui je le dois…

Car sans ses amis, il ne serait sans doute pas là où il est aujourd'hui. Sentant le regard de Genesis peser sur lui, il rouvre les paupières et hausse les sourcils en signe d'interrogation. Un sourire aux lèvres, son ami questionne :

— Heureux ?

— Je crois…

— On sera bien, ici, lui affirme Genesis en se laissant aller contre le dossier de sa chaise. Et puis les enfants vont adorer leur nouvelle maison.

— J'en suis sûr, lui répond Sephiroth avec un petit sourire.

Puis il va pour reprendre une gorgée de sa bière, quand lui parvient du salon un raffut de voix et de cris. Comprenant que ses fils sont encore en train de se chamailler, il se lève pour aller voir ce qui a bien pu provoquer la crise en question. Angeal, qui le regarde disparaître dans le salon, pousse un soupir. Son regard se porte ensuite en direction de Genesis, qui lui dit :

— Monsieur a fini de jouer les crispés ?

— Désolé, lui répond Angeal. En vérité, je te suis reconnaissant de ce que tu as fait pour lui et les enfants.

— Eh bien, c'est pas trop tôt !

— Mais en ce qui me concerne, je tiens néanmoins à payer ma part… ou du moins, à te la rembourser au fur et à mesure.

— Laisse tomber, mon cœur. Tu es déjà à moitié fauché, ça me coûterait de te voler ce qu'il te reste.

— Je suis sérieux, Gen' !

— Et je le suis tout autant.

Mais au vu de l'expression que lui offre Angeal, il est évident qu'il aura du mal à faire entendre raison à monsieur « Honneur est mon nom ». Poussant un soupir exaspéré, il vient gratter nerveusement de l'ongle l'étiquette de sa bière, avant de revenir à son compagnon et d'ajouter :

— Écoute, je ne veux vraiment pas de ton argent. Mais si tu tiens tant que ça à payer ta dette, alors il y a quelque chose que tu peux faire pour ça. (Et comme Angeal l'encourage d'un geste du menton à poursuivre, Genesis ajoute :) Fais-lui ta déclaration.

Se hérissant des pieds à la tête, Angeal s'agace aussitôt :

— Tu crois que c'est le moment de parler de ça ?!

— Je ne vois pas pourquoi ça ne le serait pas…

— Il ne sait même qu'on est ensemble, je te rappelle !

Et à Genesis d'approuver d'un signe de tête, son ongle continuant d'attaquer l'étiquette ramollie par la condensation.

— Et il va falloir lui en parler bientôt, répond-il. C'est inévitable. Mais toi, ça ne doit pas t'empêcher de prendre enfin ton courage à deux mains pour lui avouer tes sentiments.

— Gen' !

— Tu m'as entendu. Si tu tiens vraiment à payer ta dette envers moi, alors…

Puis il hausse les épaules et prend une gorgée de sa bière. Avec un grognement, Angeal l'imite, avant de reposer avec brusquerie sa bouteille sur la table.

— Je ne comprends vraiment pas pourquoi ça t'obsède à ce point. (Et comme Genesis relève les yeux sur lui, il ajoute :) Tu sais très bien que ça n'a aucune chance d'être réciproque, mais toi…

— Qu'est-ce que tu peux être défaitiste, parfois, mon pauvre Angeal, soupire Genesis.

— Non, je suis réaliste. Quant à toi, j'aimerais que tu arrêtes de te mêler de cette histoire.

— Et pourquoi pas ?

— Parce que ça ne te concerne pas.

Ce qui arrache un petit rire à Genesis. Inclinant la tête sur le côté, celui-ci réplique :

— Nous sommes en couple, mais ça ne me concerne pas ? Tu en as des bonnes parfois, vraiment.

— En tout cas, ça ne te donne pas le droit de t'en mêler comme tu le fais. Alors arrête ça !

Là-dessus, Angeal retourne à sa bière, bien décidé à ignorer cet imbécile avant d'exploser pour de bon contre lui.

Son regard braqué dans sa direction, Genesis a pincé les lèvres. Contrarié. Son attention se porte ensuite en direction de la porte de la cuisine. Dans le salon, il peut entendre Sephiroth parler à ses fils. Le son de la télévision se fait bientôt entendre et, devinant que leur ami ne va pas tarder à les rejoindre, il revient à Angeal.

Une inspiration plus tard, il avoue :

— Tu sais… moi aussi, j'ai des sentiments pour lui.

Pris de court, Angeal porte vivement une main à ses lèvres, à deux doigts de recracher la gorgée qu'il vient de prendre. Le regard rond, de ceux qui se demandent si on est en train de se moquer d'eux, il croasse :

— Pardon ?

— J'ai des sentiments pour lui, Angeal, répète Genesis. Et, oui, je suis sérieux.

Ayant perdu toute couleur, son compagnon ne peut qu'ouvrir et refermer bêtement la bouche. N'y comprenant rien. N'ayant surtout jamais rien soupçonné et n'étant pas encore tout à fait certain que Genesis ne soit pas en train de se moquer de lui… ou pire, de le manipuler pour le forcer à…

— Mais dans ce cas, pourquoi tu… ?

— Parce que ça m'arrange si tu te déclares le premier, voilà tout.

Angeal n'a toutefois pas le temps de répondre à ça que Sephiroth revient dans la cuisine. Malgré lui, il se crispe, craignant l'espace d'un instant que celui-ci ait surpris leur conversation. Comprend vite qu'il n'en est rien et, la main à présent un peu tremblante, porte sa bière à ses lèvres, pas du tout certain de savoir comment prendre la nouvelle.

Genesis, lui, a retrouvé son sourire. Et, comme Sephiroth se réinstalle à table et croise son regard, il ajoute d'un ton tranquille :

— Oui, je suis sûr que nous serons tous très heureux ici…


Et donc fin de cet épisode d'intro ! x,) Je vais continuer d'écrire et de poster cette fic dans le désordre, mais ! Il était tout de même temps que je m'attaque au début de toute cette aventure. La suite de cet épisode devrait, d'ailleurs, continuer à alterner entre le passé et le présent... enfin... si tout se passe comme prévu !

En attendant, j'ai encore de côté un épisode qui se passe après "Avec toi, ça fait six" et qui devrait donc prochainement apparaître dans le coin. :)