Ce texte a été écrit dans le cadre de la cent vingt-et-unième nuit du FoF. Il fallait le rédiger sur le thème « chercher » en une heure. Pour plus d'informations vous pouvez m'envoyer un mp.


Les enfants l'appellent Papy Pom, leurs parents aussi, et il en a presque oublié son nom. Il n'y a plus beaucoup de gens de sa génération pour le lui rappeler. Et puis, c'est comme si son véritable nom, celui qu'on avait dû lui donner à la naissance, s'était usé progressivement au travail de la mine : la proximité des accidents, des explosions, des dangers de tous bords, rapproche les mineurs et favorise les surnoms. « Pom » n'est pas un mauvais surnom. C'est court, affectueux, et facile à retenir quand cela rime avec « Papy ».

Il est vieux, mais il n'est pas sourd, ni impotent, ni aveugle ; en fait il peut s'estimer plutôt vaillant pour quelqu'un de son âge. Et il a appris à écouter le chant des pierres. Et cette nuit, les pierres murmurent, comme elles le font parfois. Alors il prépare ses affaires et il descend par les anciens puits, ceux qui ne sont plus exploités, par les galeries qui sont épuisées et les chemins souterrains que les mineurs plus jeunes ont oubliés. Il se rend dans ce qu'il considère être le cœur de la montagne, un cœur creusé en partie par une rivière souterraine, en partie par la main de lointains ancêtres – si c'étaient bien des ancêtres et non pas des nains ou des gobelins qui étaient venus arracher ses secrets à la montagne.

Il s'installe : un abri, un réchaud, un matelas pour accueillir ses vieux os, et il éteint sa lampe. Il attend. Il cherche à se rendre le plus immobile, le plus minéral possible, pour mieux accueillir le chant des pierres et la faible lueur des pierres volantes qui s'allument d'une lumière bleue et évanescente sur le sol, sur les parois, sur le toit de ce cœur de la montagne. Il écoute, il observe, et il trouve dans ses rêveries le chemin extraordinaire de Laputa, qui peut-être en ce moment même passe au-dessus de lui, au-dessus de la montagne, au-dessus de tous les simples humains qui peuplent cette terre, là-haut dans le ciel, et dont le cœur fait de cristal de pierre volante fait vibrer à l'unisson toutes les pierres volantes restées en sommeil dans cette ancienne mine.

Le temps passe. En secondes, en minutes, en heures peut-être, et il cherche à se faire toujours plus présent à ce miracle, ce chant des pierres dans le cœur de la terre.

Au bout d'un moment indéfinissable, un bruit de voix vient rompre sa contemplation. Qui d'autre que lui peut bien s'aventurer aussi loin dans les galeries ? Et ce sont des voix aiguës, des voix jeunes, comme de petits lutins qui discutent gaiement, ou peut-être de petits diables qui jouent et s'amusent loin de la surface. Mais il est un peu trop vieux pour avoir peur, et il connaît un peu trop bien la mine pour s'enfuir, alors il va voir.

Ce sont des enfants, ou des petits diables déguisés en enfants : Pazu et une petite fille de son âge. Seuls loin de la surface. Alors il les ramène à son campement.

La petite fille lui demande s'il vit dans la mine et Papy Pom leur parle des pierres volantes, de leur chant qui résonne en ce moment dans le cœur de la montagne. Et il éteint sa lampe pour leur montrer la splendeur de la voûte étoilée quand elles brillent dans l'obscurité.

Mais la petite fille porte autour du cou un cristal de pierre volante : il n'en a jamais vu, et cette vision l'aveugle presque tant il brille, et il peut presque le toucher des doigts, et il pourrait vraiment le toucher, le regarder, le garder, précieusement, mais il s'arrête parce que Papy Pom n'est pas un voleur, et qu'elle c'est une petite fille, et il finit par lui demander de cacher son cristal.

Voilà, il a été tenté, mais il a résisté. Et maintenant il a un peu peur, car ce cristal semble encore plus puissant que ce que lui racontait son propre grand-père, et encore plus dangereux. Alors il met en garde la petite fille. Un objet si précieux peut faire le bonheur ou plus souvent le malheur de sa propriétaire, et c'est aussi bien que ce ne soit pas lui qui le possède.

Puis il raccompagne les enfants à la surface. Ils n'ont pas leur place parmi les galeries de la montagne.

Lui en revanche s'enfonce à nouveau. Il continue d'entendre chanter doucement les pierres, et il n'a pas fini de les écouter. Il cherche les galeries les plus profondes, les chemins les plus obscurs, et il écoute. Il écoute.


Voilà. Pour moi, Papy Pom est un chercheur de pierres volantes. Et il résiste à la tentation de prendre celle de Sheeta, pris à la fois de cupidité et de terreur.