L'école de Magie de Poudlard avait longtemps été le lieu de formation de l'élite sorcière.
Lorsque les fondateurs avaient construit le château, ils avaient souhaité un lieu qui pourrait être un refuge pour tous. Ils étaient quatre sorciers venant d'horizons différents, et ils avaient des histoires particulières.
Salazar Serpentard venait d'une noble famille sorcière. Sang pur, il avait été élevé dans les traditions sorcières les plus strictes, et il avait grandi avec l'idée que la pureté du sang était un idéal à atteindre pour tout sorcier qui se respecte.
Il était destiné à s'unir à une sorcière sang-pur, qui serait digne de porter sa descendance. Il ne pourrait même pas choisir son épouse : ce serait son père qui déciderait pour lui.
N'ayant jamais été élevé dans la croyance que l'amour puisse exister, Salazar n'avait émis aucune objection : c'était un fait, et il l'acceptait pleinement. Il n'y eut pas de réalisation subite, pas de romance interdite avec une jeune fille qui aurait déplu à ses parents.
En tous cas pas pour lui.
Le jeune fiancée était pleine de rêves et d'espoirs, et épouser Salazar Serpentard, quelque soit sa noblesse et la pureté de son sang n'entrait pas dans ses projets. Aussi, loin de se résigner, elle fugua, quelques jours avant le mariage.
Salazar avait haussé les épaules. Il n'était pas attaché à la jeune fille, et son départ n'était qu'un fâcheux contretemps : dans son esprit, son père trouverait bien une autre épouse pour lui.
Plus tard, il dirait qu'il s'était montré naïf, faisant honte à sa ruse innée.
Le départ de la future épousée provoqua un séisme dans le petit monde traditionnel de la noblesse. Et le père de Salazar préféra chasser son fils de chez lui, nommant son cadet héritier, plutôt que de faire face à la disgrâce.
Salazar avait donc pris la route, avec quelques effets personnels, découvrant que la vie n'était pas si aisée que dans le manoir familial.
Rowena Serdaigle était également une sang-pur d'une noble famille. Si l'absence d'émotions de Salazar avait été le déclencheur de sa chute, ce fut l'amour débordant de la jeune Rowena pour un palefrenier voisin qui la perdit.
La jeune femme s'éprit de ce jeune homme, avec toute la fougue de sa jeunesse. Elle crut en ses serments, et lui jura de ne rien laisser s'interposer entre eux.
Elle tomba enceinte, et crut que son amant allait l'épouser. Au lieu de quoi le garçon prit la fuite, refusant d'assumer ses responsabilités.
Rowena se retrouva donc déshonorée, chassée de chez elle. Sa mère accepta qu'elle reste enfermée dans un couvent voisin jusqu'à la naissance de l'enfant, mais ensuite, elle devrait se débrouiller seule. Elle profita de son séjour pour s'instruire et découvrit qu'elle aimait apprendre. Ce fut une femme érudite et décidée à mener sa vie selon ses désirs qui sortit du couvent.
C'est ainsi que Rowena croisa le chemin de Salazar, alors qu'elle errait, perdue, avec un nouveau-né dans les bras.
Helga Poufsouffle était une fille d'aubergiste. La jeune femme avait toujours été fascinée par la cuisine, et rapidement, ses parents moldus lui avaient laissé le contrôle de la cuisine, puisque ses plats faisaient la renommée du modeste établissement.
Helga avait rapidement découvert qu'elle était capable de plus que ses parents. Elle pouvait faire de la magie, et améliorait ses plats ainsi. Cependant, elle avait caché soigneusement ses compétences. Elle pressentait que sa petite différence ne serait pas forcément bien vue.
Les secrets étant faits pour être découverts, elle fut surprise en plein acte de magie. Elle profita de la stupéfaction générale pour fuir sans demander son reste. Alors qu'elle courait loin du seul foyer qu'elle avait connu avec pour seules possessions les vêtements qu'elle portait sur son dos, elle entendit au loin les hurlements de colère, et les premières accusations de sorcellerie.
Avec un sanglot étouffé, elle songea que même si elle était condamnée à errer comme une vagabonde, jamais elle ne mourrait de faim grâce à ses dons.
Godric Griffondor était un sang-mêlé. Frondeur et fonceur, il voyait le monde comme un immense terrain de eux, et il ne prenait rien au sérieux.
Il était certes courageux, prêt à se jeter devant le danger pour venir en aide aux autres, mais il était également irréfléchi. Il ne se préoccupait pas vraiment des conséquences.
Il démontra ses capacités de duellistes lorsque Salazar accompagné des deux femmes qu'il avait croisé au cours de son périple passa par son village. Les deux hommes se heurtèrent immédiatement, et la dispute dégénéra rapidement.
Sans l'intervention rapide de Rowena et Helga, ils se seraient probablement entre-tués. Cette première rencontre mouvementée donna le ton de toute leur relation… Leurs deux amies se demandèrent longtemps comment ils pouvaient se déclarer comme étant amis, alors qu'ils se battaient au moindre prétexte.
Avec l'impulsivité qui le caractérisait, Godric décida de suivre les trois autres. Il s'ennuyait dans son petit village et il n'était pas l'héritier de sa famille. Il n'était que le troisième fils, ce qui lui permettait une certaine liberté quand à ses choix de vie.
Rapidement, les quatre sorciers décidèrent de construire une école. Un pensionnat, qui accueillerait les enfants et leur offrirait un toit le temps de leur formation. Ils avaient rêvé de ce lieu, majestueux et unique, pour offrir à tous les sorciers une éducation correcte. Trop d'entre eux étaient tués à l'âge adulte, brûlés vifs pour sorcellerie parce que les moldus craignaient l'inconnu.
Au début, ils eurent quelques élèves. Ils éduquèrent Merlin en personne, qui resta dans les mémoires comme le sorcier le plus puissant de tous les deux.
Après leur mort, leurs apprentis prirent la relève, mais ils oublièrent le rêve initial des fondateurs : ils n'accueillaient plus que l'élite. Les nobles qui étaient prêts à débourser de grosses quantités de gallions ainsi que quelques privilégiés qui avaient montré une grande puissance ou des capacités impressionnantes.
La vie continuait en dehors des murs du château, les sorciers essayant de composer avec les peurs des moldus, risquant à tout moments d'être tués ou brûlés vifs.
Le monde entra dans une période sombre : les moldus craignaient de plus en plus la magie, et il n'était pas rare que des procès condamne de pauvres innocents de sorcellerie. Ils étaient alors promptement exécutés.
Les sorciers auraient pu continuer à ignorer ce qui se passait autour d'eux, en restant infiltrés profondément dans le monde. Ils avaient après tout la capacité à survivre à un bûcher - pour ceux qui maîtrisaient leur magie et qui avaient reçu une éducation suffisante - grâce à un simple sortilège de Gèle-flamme. Ils pouvaient alors changer de ville et recommencer une nouvelle vie.
Une sorcière marqua les esprits et demeura célèbre dans les livres d'histoire en se débrouillant pour être capturée à quarante-sept reprises. Elle fut brûlée autant de fois, simulant sa mort dans d'atroces souffrances avant de réapparaître comme si de rien n'était. Mais Gwendoline la fantasque était un cas à part, et la plupart des sorciers aspiraient à une vie tranquille loin des flammes…
Cependant, les chasses aux sorcières devenaient de plus en plus fréquentes et de plus en plus sanglantes. Certains sorciers prenaient un malin plaisir à les provoquer, dirigeant les soupçons sur des moldus dont ils voulaient se débarrasser. Les moldus étaient ignorants de bien des choses, et ils n'avaient aucun moyen de détecter la magie en leurs victimes. C'était donc le hasard qui déterminait qui survivrait à cette macabre loterie.
Quelques nobles du Royaume-Uni se rassemblèrent pour former un conseil, qu'ils nommèrent Magenmagot. Ensemble, ils débattaient et prenaient les décisions importantes pour le monde magique. Ils entretenaient des rapports cordiaux avec les autres organisations sorcières des pays étrangers, structurant ainsi le monde magique.
Lorsqu'une adolescente fut brûlée presque au pied de Poudlard, étroitement ligotée sur son bûcher, une vague de révolte enfla et menaça de submerger le monde. Le monde bascula sur son axe.
La jeune fille était une sorcière qui ne savait pas d'où venaient les choses étranges qui se produisaient parfois autour d'elle. Ce n'était que de la magie instinctive, répondant à ses émotions. Elle était née-de-moldue, et personne dans son entourage ne devina ce qu'elle était avant le drame.
Après une dispute avec ses parents, la gamine avait perdu le contrôle et la maison familiale avait été ébranlée sur ses fondations, menaçant d'ensevelir la famille entière. Le soir même, le bûcher était dressé et aux aurores, la jeune fille brûlée vive. Sans qu'elle ne comprenne ce qu'elle avait fait. Sans que personne ne cherche à protester. Ils étaient tous bien trop terrifiés par cette enfant de Satan, capable de faire trembler les murs.
Si le monde moldu ne s'en émut pas vraiment, puisque la chasse aux sorcières était devenu quelque chose de commun, le monde sorcier connut un bouleversement sans précédent.
La directrice de Poudlard de l'époque, Elisabeth Burke, fut la première à réagir, probablement parce qu'elle avait pu voir la lueur du bûcher depuis la fenêtre de son bureau et qu'elle en avait été profondément choquée. Il était malheureusement trop tard pour qu'elle puisse intervenir, mais elle se jura qu'un tel drame ne se reproduirait plus.
Alors même qu'elle était chargée d'apporter la connaissance aux enfants sorciers et de les protéger, une adolescente était tuée sous ses yeux à cause de l'obscurantisme ambiant. Burke était une sorcière puissante, tout comme ses prédécesseurs, et elle créa un sortilège qui permettrait d'envoyer un hibou à tous les enfants sorciers en âge d'entrer à Poudlard, qu'ils soient d'ascendance sorcière ou moldue.
Elle envoyait ses professeurs ou se déplaçait elle même pour convaincre les parents les plus réticents, consciente que la plupart étaient illettrés et ne comprenaient pas. Mais les enfants étaient identifiés, et il suffisait d'aller les chercher.
En moins d'une dizaine d'années, Poudlard commença à accueillir n'importe quel enfant, quelle que soit sa puissance. C'était un enfin refuge, et l'assurance que les jeunes sorciers apprendraient à cacher leurs pouvoirs aux moldus pour se protéger.
En parallèle, le Magenmagot continuait à débattre de la meilleure solution à appliquer, en concertation avec les autres pays. Certains voulaient réduire les moldus en esclavage comme les elfes de maison. D'autres voulaient trouver une terre inexploitée et se l'approprier, pour créer la première nation totalement sorcière.
Et puis, finalement, tous ces vieux sorciers riches et puissants trouvèrent la solution la plus satisfaisante possible : le monde magique allait disparaître. Ainsi, en 1689, ils se réunirent pour un sommet exceptionnel et inédit afin de signer le Code International du Secret Magique. Le principe en était simple : les sorciers disparurent totalement aux yeux des moldus.
Plutôt que de continuer à vivre disséminés dans le pays, ils se regroupèrent en petites communautés, créant des villages sorciers autour desquels un sort de repousse-moldu permanent était appliqué.
Trois années plus tard, la même décision fut appliquée aux animaux magiques. Désormais, les sorciers vivaient cachés au milieu même des moldus, et tout acte pouvant entraîner l'exposition du monde magique était sévèrement réprimé par chacune des nations ayant signé le code.
Ainsi, il fallut donc des années de persécutions de la part des moldus, et la mort tragique d'une adolescente qui resta anonyme pour que Poudlard retrouve enfin sa fonction première. Ce n'était plus une école destinée aux plus aisées, mais véritablement un refuge, berceau du savoir, ouvert à tous les enfants, quelles que soient leurs origines, ou leur fortune.