Salut à tous! Je reviens vers vous, cette fois avec un OS sur un personnage qui plait tout particulièrement à une amie très chère (toi-même tu sais chaton 3) ;D Heleonora m'avait proposé d'écrire sur Nie Huaisang et sur un événement tout particulier, c'est donc chose faite! Mais attention! C'est du cent pour cent spoil ici! Donc si vous n'avez vu que le donghua (et si vous avez lu le manhua, j'avoue ne pas savoir où ils en sont donc mieux vaut éviter?), je vous conseille vivement de revenir sur cette page quand vous aurez lu le roman ou bien quand le donghua sera terminé (si si) :) Je me répète donc, masse spoilers dans cet OS, donc lisez uniquement si vous avez terminé le roman :)

Pour les initiés, j'espère que vous aimerez!

Enjoy!


Il ne parvenait pas à y croire.

Ca ne pouvait pas être réel, il devait être en train de faire un cauchemar éveillé.

Les yeux rougis d'avoir trop pleuré, les bras ballants et les épaules basses, Nie Huaisang contemplait le visage au teint cireux de son frère. Une couleur grisâtre qui ne lui allait pas, qui n'était pas naturelle. Non, son frère avait un teint hâlé par le soleil, il n'était pas aussi pâle, aussi gris. Ce n'était pas lui. Ca ne pouvait pas être lui.

Et pourtant, c'était bien Nie Mingjue qui gisait là, le visage tout sauf paisible, ce qui rendait sa vue encore plus douloureuse aux yeux de son frère. Pourquoi n'avait-il pas l'air apaisé comme on décrivait les morts dans les livres? Pourquoi ses sourcils restaient-ils froncés et ses mâchoires serrées?

-Comment veux-tu qu'il ait l'air paisible avec une mort pareille?

Persiffla une voix dans sa tête, le poussant à fermer les yeux pour réprimer un frisson.

Il voyait encore le visage déformé par la folie de son aîné, ses cheveux défaits tombant sur les veines striant son front. Il voyait encore le sang qui couvrait le sol à ses pieds et ses vêtements. Il voyait encore les disciples tomber sous les coups plus violents que jamais de Baxia. Il entendait encore les grognements et les rugissements qu'il poussait, comme si la rage lui avait fait perdre l'usage de la parole.

Les yeux toujours clos et les épaules tremblantes, Nie Huaisang passa machinalement la main sur son bras blessé. La souffrance physique n'était pas le souvenir le plus douloureux, à vrai dire, il avait été tellement choqué que son frère lève son arme sur lui qu'il n'avait pas eu mal avant plusieurs heures.

-Da-Ge!

Il entendait encore sa voix, comme entourée d'un brouillard épais, emplie de larmes, de peur et de désespoir. Et là arrivait ce moment si pénible. Celui où les yeux de Nie Mingjue s'étaient soudain éclairés comme il reconnaissait son frère et tombait en avant en soufflant son nom.

Nie Huaisang avait redressé le corps de son frère contre lui, les mains trempées de sang et les joues de larmes. Mais son aîné ne le regardait pas, fixait un point dans son dos:

-Il sourit… Huaisang… Il sourit, ce salopard…

C'étaient les dernières paroles que son frère lui avait adressées, sans quitter un seul instant Jin Guangyao des yeux.

Contrairement à ce qu'il aimait le faire croire, Nie Huaisang n'était pas stupide, bien loin de là. Il savait que Nie Mingjue nourrissait un mépris sans pareil envers Jin Guangyao, qu'il haïssait la relation qui s'était tissée entre Lan Xichen et lui mais aussi entre son frère et lui. Combien de repas Nie Huaisang n'avait-il pas passé à courber l'échine, attendant que l'orage passe, tandis que son frère tentait de lui démontrer par A plus B qu'ils ne pouvaient pas se fier au nouveau chef de la secte de Lanling.

Il en avait déjà parlé avec le principal intéressé. Et malgré son air sincèrement blessé, Jin Guangyao avait fini par tomber d'accord avec lui quand Nie Huaisang avait levé les bras au ciel en clamant:

-On doit se rendre à l'évidence, mon frère est complètement paranoïaque!

-Tu es un peu dur avec lui, Huaisang...

-San-Ge, tu ne peux pas nier la vérité!

Jin Guangyao avait poussé un long soupir et il avait baissé les yeux, le visage tiré par la fatigue et par la douleur, mais il n'avait pas pu lui dire tout haut ce que même lui avait fini par croire.

Nie Huaisang le savait, il savait que son frère avait développé une véritable obsession maladive quant il s'agissait de Jin Guangyao. Il savait que son frère souffrait de paranoia. Il savait pour l'avoir vu que personne ne souriait au moment du drame.

Et pourtant…

Pourtant, malgré tout ce qu'il avait pu dire et tout ce qu'il avait pu conclure, il faisait confiance à Nie Mingjue et ne pouvait s'empêcher de penser que quelque chose clochait. Comment avait-il pu souffrir d'une déviation de qi alors qu'il avait régulièrement droit à des séances d'apaisement?

Ce n'était pas logique. Ce n'était pas possible.

Quelque chose clochait.

Quelque chose ne tournait pas rond.

Son instinct lui hurlait que quelque chose avait dû arriver.

Mais alors qu'il poussait sa réflexion plus loin, une main se posa sur son épaule, le faisant sursauter:

-Huaisang…

Les yeux fatigués et les épaules basses, Lan Xichen posa un regard empli de douleur et de compassion sur lui. La voix rauque, Nie Huaisang souffla:

-Er-Ge

Lan Xichen poussa un long soupir qui sembla se briser sur la fin:

-Il est l'heure…

Les yeux de nouveau perdus dans le vague, le nouveau chef de secte hocha lentement la tête. Il n'était pas prêt à les recevoir. N'était pas prêt à les laisser emporter son aîné pour revenir avec une urne impersonnelle. Les lèvres tremblantes, il dut agripper la manche de Lan Xichen pour ne pas défaillir quand le corps de son frère lui fut enlevé, comme si une partie de son coeur était arrachée définitivement.

Il manqua de s'évanouir à plusieurs reprises pendant la cérémonie, soutenu à chaque fois in extremis par Lan Xichen. Il ne parvint pas à prendre la parole, articula difficilement des prières adressées à l'esprit de son frère, et ne garda presque aucun souvenir de ce moment terrible. Quand il « reprit connaissance », il était debout à côté de l'autel, deux larmes glissant le long de ses joues, tandis que les disciples rendaient hommage à leur ancien chef.

Le temps d'un clin d'oeil, et il était maintenant entouré par les chefs des autres sectes, venus présenter leurs condoléances mais aussi pour saluer une dernière fois Nie Mingjue. Les gens défilaient, les mains se levaient et les têtes se baissaient, mais aucune voix ne le touchait réellement. Pas même celle d'un ami de (presque) toujours, le visage toujours aussi fermé et les yeux toujours aussi sombres:

-Je suis désolé, Nie Huaisang.

Ils se connaissaient depuis des années, étaient amis proches depuis ce séjour à Gusu, ils savaient maintenant tous les deux ce que perdre un frère et un aîné voulait dire, mais Nie Huaisang ne put rien répondre de plus éloquent qu'un simple « Merci d'être venu, Jiang-xiong ». Il ne voulait voir personne, voulait juste s'enfermer dans sa chambre et pleurer jusqu'à en mourir. Il avait perdu plus qu'un frère: il avait perdu un guide, un protecteur, une figure paternelle parfois trop dure mais toujours prompte à se remettre en question et à s'excuser…

-Huaisang…

Cette fois, il redressa la tête, croisa le regard triste de Jin Guangyao, et il tomba presque dans ses bras comme sa voix se brisait:

-San-Ge.

-Je suis tellement désolé, Huaisang. Tout est de ma faute. (La voix de son ami tremblait légèrement) Je sais que tu ne veux sans doute pas de moi ici, mais je devais lui rendre hommage.

-Ne dis pas de ça, tu n'es responsable de rien. Tu sais qu'il était malade. (Les sanglots devenaient de plus en plus dur à réprimer) Vous étiez frères d'armes: tu as ta place auprès de nous.

Un soupir soulagé s'échappa des lèvres de Jin Guangyao:

-Je ne comprends toujours pas ce qu'il s'est passé…

-Il était malade, San-Ge… Son mal physique s'est répandu et a touché son esprit et il…

La boule dans sa gorge était de plus en plus envahissante, l'empêchait de finir sa phrase.

-J'aurais pu le sauver… Si seulement j'avais pu venir jouer pour lui plus souvent.

-Tu as fait tout ce que tu pouvais… Ce n'est pas…

Le coeur de Nie Huaisang manqua un léger battement comme les mots se frayaient un chemin jusqu'à son cerveau qu'il pensait complètement amorti par la souffrance. Les rouages se mirent en route à toute vitesse, comme fonctionnant par instinct pur, mues par les paroles murmurées de son frère.

-Huaisang?

Je ne lui fais pas confiance.

Attendez.

Lan Xichen venait jouer pour son frère une fois par mois.

Jin Guangyao venait avec son guqin jusqu'à trois fois par semaine.

Jin Guangyao lui avait même même offert un picolo pour jouer quand il n'était pas là.

Il sourit.

Le cerveau de Nie Huaisang tournait à toute vitesse, plus vite qu'il n'avait jamais fonctionné.

Il était venu régulièrement. Alors pourquoi dire une chose pareille? Pourquoi mentir et s'apitoyer sur son sort alors qu'il avait fait tout ce quel avait pu?

À moins…

À moins qu'il n'ait pas fait tout ce qui était en son pouvoir.

Huaisang.

Sauf qu'il était venu, c'était un fait. Il avait joué jusqu'à s'en blesser les doigts.

Mais l'état de son frère avait continué à empirer après ses visites. Seules celles de Lan Xichen semblaient véritablement l'apaiser. Nie Huaisang avait toujours pensé que c'était parce que son frère était aveuglé par sa paranoïa et qu'il ne parvenait pas à laisser la musique de Jin Guangyao faire effet.

Mais…

Et si…

Et si c'était autre chose.

Il manquait une pièce. Le puzzle était presque complet, mais il manquait la pièce centrale pour qu'il parvienne enfin à mettre le doigt sur ce qui le dérangeait soudain, sur ce qui avait fait s'allumer des centaines d'alarmes dans son esprit.

Quelque chose n'avait pas été fait correctement.

C'était la seule explication.

À moins que ce ne soit la musique qui cloche.

Alors, Nie Huaisang fut frappé par quelque chose qui n'avait jamais attiré son attention. Il n'avait assisté qu'à une seule séance pendant laquelle Lan Xichen avait joué pour son frère, si bien qu'il avait fini par n'avoir en tête que la musique du guqin de Jin Guangyao.

Sauf qu'il y avait une différence.

Son oreille ne pouvait pas le tromper et sa mémoire phénoménale encore moins. Et maintenant qu'il se rejouait la partition mentalement, il savait que Lan Xichen avait oublié une partie…

Ou que Jin Guangyao en avait rajouté une…

Il sourit, ce salopard.

Son franc tomba et son coeur s'arrêta dans sa poitrine quand la solution lui sauta aux yeux. Quand il comprit. Quand la mélodie devint si forte dans ses oreilles qu'il n'entendait plus les voix autour de lui. Un frisson glacé remonta le long de sa colonne vertébrale, vint se nicher dans le creux de son ventre pour nourrir une soudaine colère qui fit trembler ses mains. Et toujours cette musique qui semblait vouloir le rendre fou, le faire exploser.

-Huaisang… Il sourit, ce salopard.

Lentement, Nie Huaisang se détacha de l'étreinte de son ami et il se recula d'un pas, les sourcils légèrement froncés et les yeux plissés. Les lèvres entrouvertes, une expression de choc et d'incompréhension pure sur le visage, il souffla:

-San-Ge

-Ca ne va pas, Huaisang? Tu es si pâle tout à coup, tu devrais t'assoir. Attends, laisse-moi t'aider.

Le ton de Jin Guangyao était sincèrement inquiet, et la lumière dans ses yeux n'aurait su mentir. Pourtant, quand la main pâle effleura son épaule, Nie Huaisang dut lutter de toutes ses forces pour ne pas se dégager violemment.

Il le voyait maintenant.

Il voyait ce que seul son frère avait vu avant lui.

Il souriait.

Il souriait, ce salopard.

Une haine sans pareille s'empara de lui, avec une telle force qu'il crut qu'il n'allait pouvoir la contrôler. Mais il n'avait jamais été impulsif, avait toujours été maître de ses émotions. Si bien que, plutôt que de se mettre à hurler, Nie Huaisang se mordit la lèvre et s'effondra dans les bras de Jin Guangyao en éclatant en lourds sanglots, s'attirant un regard à la fois triste et méprisant de la part des autres personnes présentes dans la pièce:

-San-Ge! Qu'est-ce que je vais faire maintenant?! Comment je vais faire sans lui?!

Oh le regard des disciples et des chefs de secte. Oh l'air désespéré de Lan Xichen comme il se rapprochait à son tour.

Et la voix emplie de sanglots de Jin Guangyao comme il passait la main dans ses cheveux:

-Nous serons avec toi, Huaisang. Je veillerai sur toi, et Er-Ge aussi. Tu peux compter sur nous.

Trop d'yeux fixés sur eux, trop de regards inquisiteurs pour se permettre de perdre la face maintenant. Alors, Nie Huaisang continua de sangloter lourdement jusqu'à ce qu'enfin on daigne le raccompagner jusqu'à ses appartements. Et quand la porte se referma finalement derrière la tenue jaune bien trop colorée de Jin Guangyao, les larmes se tarirent immédiatement.

Et Nie Huaisang releva un regard noir empli d'une furie et d'une haine telle que ses cheveux se dressèrent sur sa nuque.

Ne jamais laisser voir sa colère. Ne jamais laisser voir son esprit brillant. Ne jamais laisser voir qu'il avait déjà tout compris.

Jin Guangyao avait tué son frère, avait planifié son assassinat sur de longues années, et il osait venir ici et feindre des pleurs.

Les poings serrés si forts que ses ongles entaillèrent sa peau, Nie Huaisang ferma les yeux et inspira profondément, les épaules tremblantes de rage presque impossible à contrôler. Puis, il souffla, longtemps, presque une minute. Et quand il rouvrit les yeux, son visage avait repris forme humaine. Presque comme s'il ne s'était rien passé.

Calmement, paisiblement, il s'assit et joignit les mains devant ses lèvres. Il n'avait jamais aimé la violence, à vrai dire, il détestait ça et faisait toujours tout pour éviter d'y avoir recours. Mais il avait aussi toujours trouvé une certaine beauté au dicton « oeil pour oeil, dent pour dent ».

Nie Huaisang allait se venger, mais il allait être plus malin que ce fourbe de Jin Guangyao. Il allait prendre son temps, récolter toutes les informations nécessaires, et il allait l'abattre. Sans jamais avoir à lever le petit doigt.

Le monde entier serait l'instrument de sa vengeance.

Mais il allait prendre son temps. Ne pas se précipiter. Continuer de laisser croire au monde entier qu'il était un idiot, un simple d'esprit. Continuer de dissimuler ce talent et cette intelligence prodigieuse qui étaient les siens.

Il n'avait jamais eu l'occasion de le démontrer parce qu'il préférait garder ce don caché, mais il s'avérait qu'en plus de tout cela, il était un excellent stratège.

Et il était temps d'en faire bon usage.


Et voilà! J'espère que ça vous a plu! :D Je ne suis pas cent pour cent convaincue par ce texte, j'ai l'impression que la découverte vient trop vite, mais en même temps je voulais faire honneur à la véritable perspicacité de ce personnage qui cache si bien son jeu :') Enfin bon, j'espère que vous aurez quand même plus ou moins apprécié :) On se retrouve bientôt pour une songfic bientôt terminée ^^