Disclaimer : Kaamelott est l'oeuvre d'Alexandre Astier.
Résumé : Au final, ce n'était pas Yvain mais bel et bien lui, l'orphelin de Carmélide.
Note de l'auteur : Ceci est un petit hommage à Philippe Nahon, l'acteur de Goustan le Cruel, qui nous a quittés aujourd'hui ! Son personnage aura marqué les fans de Kaamelott et à travers cet OS, aussi modeste soit-il, je lui dis merci.
L'orphelin de Carmélide
Assis à la table ronde, le père Blaise à ses côtés, Arthur jouait avec ses doigts pour calmer ses nerfs. Il avait demandé à son beau-père, Léodagan, de le rejoindre, car une missive venait de lui arriver :
Goustan le Cruel, le père du roi de Carmélide, venait de mourir.
Etant son gendre, il sentait que c'était son devoir de le lui annoncer si jamais il n'était pas encore au courant. Et il appréhendait. Il savait bien que son beau-père n'était pas du genre à exprimer autre chose que la colère ou l'arrogance mais la perte d'un parent était toujours difficile à vivre. Il voulait lui apprendre la nouvelle avec délicatesse et respect. C'était la moindre des choses. L'homme arriva en maugréant.
- J'espère que vous avez une bonne raison de me tirer du lit aussi tôt ! Bougonna-t-il
Voyant l'air sérieux du roi de Logres, il comprit que c'était en effet important.
- Asseyez-vous, Beau-Père. Lui dit-il
Une fois face à lui, Arthur reprit, avec une voix posée et des mots qu'il cherchait à peser.
- J'ai reçu une missive de la Carmélide ce matin. Commença-t-il
- Pourquoi vous est-elle arrivée ? Pourquoi ne m'a-t-elle pas été envoyée directement ? Répondit Léodagan, piqué
Le porteur d'Excalibur lui tendit alors la lettre au cachet noir. Si la posture de son beau-père ne changea pas, il avait pâli. Il l'ouvrit et la parcourut vite fait.
- Je suis vraiment désolé, Beau-Père. Votre père, Goustan le Cruel, est mort dans son sommeil il y a quelques jours. Je vous présente mes condoléances les plus sincères.
Léodagan ne répondit rien mais enfonça le mot dans une poche.
- Je suis disposé à vous recevoir pour vous écouter, si jamais vous en ressentez le besoin. Proposa le père Blaise. Le deuil est une période particulièrement douloureuse...
- Vous en faites toute une montagne ! S'exclama le roi de la Carmélide. Mon père est mort, et alors ? Des gens meurent tous les jours !
- Mais enfin ! S'emporta le religieux
Arthur soupira. Il savait que cela allait se passer ainsi. Son beau-père ne savait pas vraiment exprimer autre chose que la brutalité. Ou quand il essayait d'exprimer autre chose, cela sortait de la mauvaise manière.
- Les funérailles ont lieu dans quelques jours. Je peux vous prêter quelques-uns de mes chevaux les plus rapides pour le voyage.
- Ca serait bien urbain, oui.
- Voulez-vous que je l'annonce à Guenièvre ?
- Ouais, ça serait bien ouais... Elle va pleurer, pour sûr. Je ne sais jamais comment réagir quand elle chiale.
Guenièvre avait en effet beaucoup pleuré. Goustan n'avait jamais été très agréable, même avec sa propre famille, mais il restait son grand-père et cela avait été une raison suffisante pour la reine de l'aimer et donc de pleurer son trépas.
- Je voudrais accompagner mon père en Carmélide, pour les funérailles. Vous m'y autorisez ? Lui avait-elle demandé entre deux moments de calme.
- C'était votre grand-père, j'ai pas à vous priver de ses derniers rites ! Répondit Arthur, surpris par la question.
Face à la porte de la chambre de ses parents, la jeune femme prit une grande inspiration avant de frapper et d'entrer une fois invitée. Séli n'était pas là, sans doute occupée à prévenir Yvain ou à régler les préparatifs du voyage. Son père finissait son paquetage et était déjà vêtu de noir.
- Oh, Père, Arthur m'a appris la triste nouvelle !
- Triste, triste, c'est vite dit, c'est la loi de la nature ! Répondit-il sans accorder un regard à sa fille aînée. Il était vieux et les vieux, ça claque. Moi aussi, un jour, quand je serai encore plus vieux, je cannerai ! Il y a pas de quoi chialer, c'est comme ça.
- Oh, ne me parlez pas de votre mort ! S'exclama Guenièvre. Je sais déjà que je pleurerai tellement que je finirai toute desséchée !
- Vous pleurez pour tout et rien, vous aussi !
Elle s'approcha doucement et lui mit la main sur son épaule.
- Je vous pleurerai parce que je vous aime. C'est pour ça qu'on pleure les morts. Parce qu'on les a aimés et qu'on est triste qu'ils ne soient plus avec nous. Je pleure Grand-Père, malgré tous ses défauts, parce que je l'ai aimé comme une petite-fille aime son papy.
- Oui, mais vous c'est normal, vous êtes une femme !
- Mère ne pleure jamais !
- C'est faux ! Elle pleure moins que vous, c'est clair, mais elle pleure !
- Arthur pleure quand il est trop triste.
- Lui, c'est son éducation à la romaine, en Carmélide, les hommes, s'ils ne veulent pas se faire traiter de noms d'oiseaux, ils ne chouinent pas comme des fillettes.
- Moi, tout ce que je dis, c'est que si on est triste, il faut pleurer. Et on n'est pas en Carmélide ici. Je serai du voyage, si vous voulez que je vous tienne compagnie à cheval.
Elle lui embrassa la joue, surprise qu'il la laisse faire. Elle savait que son père l'aimait, à sa manière bourrue, mais il n'était ni tactile ni démonstratif. Une fois seul, les mots de Guenièvre tournaient dans son esprit et il sentit alors, le long de sa joue, une larme rouler. Il la frotta avec colère, il n'était pas une gamine, il avait passé l'âge de pleurer ! Pourtant, son enfant venait de faire preuve d'une sagesse étonnante venant d'elle : on pleurait ses morts parce qu'on les avait aimés. Son père, il l'avait craint oui mais il l'avait tout autant aimé et respecté. Le savoir mort, enfermé sous peu entre quatre planches, lui qui avait été si grand, si combatif, si belliqueux, cela lui semblait irréel. Son père parti, le dernier morceau de son enfance partait avec lui, ainsi qu'un repère, un roc. Il avouait se sentir un peu perdu.
Une autre larme tomba sur ses doigts.
Il ne chercha pas à la combattre, c'était peine perdue. Il agrippa de rage la anse de son sac, son corps parcouru de soubresauts, tentant de ne pas se faire entendre, parce qu'il était hors de question que l'on dise de lui qu'il était une chouineuse !
Séli entra sans un mot, prête à faire son sac elle aussi, et le vit de dos, arrivant à capter quelques sanglots. Toujours muette, elle se rapprocha, le tourna vers elle et l'enlaça. Il lui rendit son étreinte et se laissa aller. Sa femme savait garder les secrets.
Au final, ce n'était pas Yvain mais bel et bien lui, l'orphelin de Carmélide.
FIN