Cette fic est écrite dans le cadre de la 120ème nuit écriture du FoF (Forum Francophone) pour le thème "Maelström". Le FoF est un forum regroupant tous les francophones de ffnet où l'on peut discuter, demander de l'aide ou s'amuser entre nous. Le lien se trouve dans mes favoris. Rejoignez-nous !

Note de l'auteur : Parmi toutes les thématiques non-finies dans l'anime, la fin proposée à Maï est celle qui me reste le plus en travers de la gorge. Je me suis possiblement beaucoup trop identifiée à elle étant enfant pour accepter cette fin de "Elle est à nouveau seule", et ça fait des années que je m'étais jurée qu'un jour, j'écrirai sur ce sujet. Je suis trop décalquée ce soir pour relire, je passerai éditer demain si besoin, mais dans tous les cas, j'espère que ça vous plaira. ENJOY !


A travers la fenêtre, un rayon de soleil couchant frappa la joue de Maï. Machinalement, presque sans y penser, elle se leva et se posta devant la fenêtre pour observer les rayons orangés se refléter sur la mer. Elle avait toujours aimé ce paysage, ce soleil couchant qui se réfléchit à l'infini sur l'océan, et pourtant, il lui provoquait à chaque fois le même pincement au cœur. Ce décor était sensiblement le même qu'elle avait longé en moto, plusieurs mois auparavant, après s'être enfuie de l'emprise de Dartz. Ce trajet en moto, loin de tous ceux qui lui étaient chers, afin de s'assurer que jamais plus elle ne pourrait les blesser et les briser comme elle l'avait fait à l'époque. Comme elle l'avait fait avec Joey.

L'année passée à les fréquenter régulièrement aura probablement été l'une des plus belles de sa vie. Celle où elle avait des amis, où elle croisait dans les tournois des visages qu'elle était sincèrement heureuse de revoir. Celle où elle avait vécu aussi intensément que possible le bonheur de compter pour quelqu'un, d'avoir face à soi des personnes heureuses de la voir. Elle avait passé vingt ans sans connaître cette sensation, ces sentiments aussi puissants, et aucun enfant n'est censé en être privé. Aucun adulte ne peut savoir gérer ce maelström d'émotions qui se bousculent en lui sans y avoir été habitué durant toute son enfance et, lorsqu'elle a enfin connu cette véritable amitié, cette véritable insertion au sein d'un groupe, elle avait été incapable d'y croire. Elle l'avait vécu aussi pleinement qu'il était possible de le faire, mais elle refusait de croire qu'ils ressentaient également ces sentiments pour elle. Elle le supposait, elle l'espérait. Elle n'en avait jamais été convaincue. Elle avait tâché de faire semblant, pourtant, de s'intégrer dans leur groupe en faisant comme si tout était normal, et cela avait fonctionné. Jusqu'à ce qu'ils soient de nouveau séparés.

La fin du Tournoi de BatailleVille était censée être un au revoir comme n'importe quel autre. Un « A bientôt » qu'on lance négligemment. C'était ce qu'elle avait sincèrement cru à l'époque. Mais, une fois seule dans cette ville où elle essayait de vivre à travers ses duels et de se faire un nom, la solitude l'avait frappée de plus belle. Et surtout, la solitude était revenue avec ses vieilles habitudes. Celle de ne compter sur personne, celle de ne croire en personne, celle de se persuader que ses cartes de Dame Harpie sont sa seule compagnie et que c'est beaucoup mieux comme ça. Elle avait arrêté de compter les mois pendant lesquels ce sentiment l'avait rongée jusqu'à la moelle, jusqu'à la faire sombrer. L'arrivée de Valon, puis de Dartz, lui avait alors paru être une occasion inespérée, cette aide et cette compagnie qu'elle attendait depuis si longtemps. Elle les avait suivis. Elle avait emprisonné un nombre incalculable d'âmes dans le Sceau d'Orichalque, elle avait fait souffrir des gens. Elle avait emprisonné Joey dans ce Sceau et l'avait fait souffrir, lui plus que quiconque d'autre. Parce qu'elle se sentait seule. La question que Joey lui avait posée à l'époque continuait de résonner en écho dans sa tête : « On était là. Si tu te sentais seule, pourquoi tu n'es pas venue nous voir, on aurait tous été là pour toi ? ».

Cela lui avait paru tellement simple, tellement évident lorsqu'il le lui avait dit. Tellement impossible, tellement irréalisable lorsqu'elle était seule et que ses habitudes de solitaire avaient repris le dessus. Ce jour-là, Joey lui avait fait comprendre quelque chose d'important, et qu'au fond, elle n'avait jamais soupçonné. Ils la considéraient comme une amie. Peu importe à quel point leur groupe était soudé avant qu'elle ne les rencontre, peu importe à quel point leurs relations avaient mal commencé, ils l'avaient intégrée et la considéraient réellement comme une amie. Pas quelqu'un qu'ils étaient contents de croiser à l'occasion, pas quelqu'un qu'ils appréciaient vaguement quand elle se greffait à eux, juste quelqu'un sans qui leur groupe n'était plus au complet. Ce sentiment était d'autant plus inconcevable qu'elle estimait n'avoir rien fait pour eux, pour leur rendre service ou se faire accepter, elle s'était juste comportée naturellement. Mais la Maï qu'elle avait été pendant vingt ans était tellement insupportable, égoïste et détestable que cette situation était définitivement incompréhensible. Qu'avaient-ils vu en elle pour l'accepter de cette façon ? Qu'est-ce que Joey avait vu en elle pour l'aimer de cette façon ?

Elle avait réalisé bien trop tard à quel point ils l'aimaient, à quel point elle avait déjà les amis formidables qui lui avaient beaucoup trop manqués quand Dartz l'avait repérée. Elle l'avait réalisé en les détruisant, et ce fait qui achevaient de la convaincre que jamais elle ne pourrait se le pardonner. Elle se haïssait elle-même suffisamment, la dernière chose dont elle avait besoin était de recroiser leur regard déçu ou rancunier, de les entendre lui rappeler qu'elle a sacrifié leur amitié et l'âme de Joey pour un rêve de gloire. Elle reviendra, un jour. Quand elle sera capable de se faire pardonner. Dans combien de temps ? Combien d'années de solitude et d'isolement l'attendent, avant qu'elle ne soit en mesure de le faire ? Peu importe. Elle attendrait. Une vie entière de solitude ne serait toujours pas une punition à la hauteur du dégoût d'elle-même qu'elle ressentait.

La sonnette de la porte l'arracha à ses pensées. Le soleil était presque couché à présent, qui pouvait venir à une heure pareille ? Elle se dirigea vers la porte, ouvrit, et cligna des yeux plusieurs fois pour s'assurer qu'elle ne rêvait pas.

- Sérénity ? finit-elle par bafouiller devant les yeux verts et les cheveux roux de la jeune fille.

- Salut Maï ! Ça faisait longtemps. Je ne te dérange pas ?

- Non, bien sûr que non… Entre, je t'en prie ! Qu'est-ce que tu fais dans le coin ?

- Je voulais te parler ! répondit Sérénity comme si c'était la chose la plus naturelle au monde.

Maï referma la porte derrière elle et servit deux verres de limonade avant de désigner le canapé à Sérénity. Une fois assise, cette dernière reprit :

- Joey m'a appris ce qui s'est passé. Avec Dartz et tout ça et… J'irai pas par quatre chemins, Maï. Reviens. Tu nous manques.

Maï laissa échapper un léger rire.

- Comme tu le présentes, ça paraît tellement simple.

- Ça l'est ! assura Sérénity.

- Non, tu te trompes. Je… Tu n'étais pas là, Sérénity. Tu ne m'as pas vue les détruire, affronter ton frère jusqu'à ce que son âme soit emprisonnée… Comment veux-tu que je me fasse pardonner de ça ?

- Tu as plein de façons de le faire ! En offrant à Joey ta carte d'accès aux trois millions de dollars du tournoi du Royaume des Duellistes… En aidant sa sœur et ses amis à échapper aux pilleurs de l'ombre… En affrontant Marek pour eux au péril de ta vie… Tant de possibilités, tant d'actes qui feraient que tu serais pardonnée cent fois…

Maï resta interdite devant l'énumération des choses qu'elle avait faites pour eux et Sérénity reprit :

- Tu vois où je veux en venir ? Tu es quelqu'un d'exceptionnel qui a fait pour eux et pour nous des choses exceptionnelles. Tu es quelqu'un qu'on apprécie, qu'on aime. Alors pourquoi tu voudrais tout envoyer en l'air à cause d'une erreur que tu aurais faite ? Joey te connaît depuis deux ans, et tu voudrais qu'il te juge sur une erreur faite pendant un mois ? C'est mal le connaître. Il t'a déjà pardonnée cent fois, il n'aurait même pas déclaré forfait pendant votre duel au prix de son âme si ça n'avait pas été le cas.

Je suis content que tu aies gagné, j'aurais pas supporté de te perdre à nouveau. La dernière phrase que Joey avait prononcée avant que son âme ne lui soit arrachée résonna dans sa tête. Même la pire mauvaise foi du monde n'aurait pas suffi à lui faire affirmer que Joey n'avait pas été sincère à ce moment-là. Elle secoua lentement la tête.

- Bon sang, Sérénity, comment veux-tu que je passe par-dessus ça ? Que je fasse comme si rien ne s'était passé ?

- Se pardonner à soi-même est beaucoup plus long et dur que de pardonner aux autres. Dis-moi… Est-ce que tu en veux à Joey de ne pas avoir empêché Marek d'envoyer ton âme au Royaume des Ombres ? Ou de ne pas être venu te retrouver quand tu te sentais seule ?

- Bien sûr que non, il n'y pouvait rien…

- Parce que lui, il ne s'en est pas encore remis. Il pourra te le dire lui-même, il ne s'est jamais pardonné de ce qui t'est arrivé. Si on l'écoute, le fait que tu sois tombée dans les griffes de Dartz est de sa faute à lui, il aurait dû être là pour toi au moment où tu te sentais seule.

- C'est stupide…

- Je suis bien d'accord. Il me répondra ça aussi quand je lui dirais que tu t'en veux de ce qui s'est passé. Alors… Au lieu de culpabiliser chacun dans votre coin en souffrant de l'absence de l'autre, qu'est-ce que tu dirais de le revoir et de vous aider l'un l'autre à passer par-dessus ça ?

Maï resta silencieuse quelques secondes. La solution que Sérénity lui proposait était tellement simple… Tellement tentante. Revoir Joey. Convenir que son erreur était pardonnée. Retrouver leur groupe. Retrouver ses amis. Retrouver les personnes qu'elle avait le plus aimés en vingt ans de vie. Mais un doute subsistait.

- Si vraiment il veut que je revienne, pourquoi c'est toi qui es là ? Pourquoi pas lui ?

- Parce que c'est un crétin qui n'osera jamais te dire en face qu'il t'aime bien plus que tu ne pourrais l'imaginer. Joey, avouer qu'il est sentimental ? Ne lui en demande pas trop, laisse-le jouer les gros bras en s'imaginant avoir un cœur de pierre, ajouta-t-elle avec un sourire moqueur.

Maï ne put retenir un rire franc et renvoya son sourire à Sérénity.

- OK admettons que j'accepte de le revoir, au moins pour en discuter. Tu… As son numéro ? Depuis le temps, je doute d'être encore à jour.

- Pas la peine de l'appeler. Tu n'as pas encore mangé ? On peut se faire un resto ce soir tous les trois si tu veux.

- Quoi, il est dans le coin aussi ?

- Tu crois que je suis venue comment ? Je n'ai pas encore le permis. Il doit être en train de mourir de trouille à l'idée de toutes les horreurs qu'on raconte sur lui pendant qu'il m'attend. On va le rassurer ?

Maï resta dubitative devant la révélation de Sérénity, mais finit par laisser échapper un rire nerveux. Sérénity avait toujours eu cette franchise, cette honnêteté et cette gentillesse caractéristique des Wheeler. Comment, en quelques minutes de discussion, avait-elle pu autant bouleverser toutes les certitudes qu'elle avait acquises en plusieurs mois d'isolement ? Aucune idée. Tant pis. Elle mourrait beaucoup trop d'envie de le revoir pour repousser encore de quelques secondes les retrouvailles qu'elle appréhendait autant qu'elle les espérait depuis trop longtemps.


J'espère sincèrement que ça vous a plu !

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