Cette fanfic a été écrite dans le cadre de la nuit du FoF (Forum francophone) pour le thème "Unanime" lors de la nuit du 04/04/20.

(1 thème par heure de 21 h à 4h du matin)

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Un succès unanime

Dorothèa, 16 ans, régnait dans le cœurs des hommes de la capitale de l'empire. Son nom n'appartenait à aucune des grandes familles impériales, son panache n'avait rien de militaire, et pourtant Dorothèa était belle et bien considérée comme une reine.

Elle était une monarque orpheline dépourvue de trône, une souveraine sans couronne, sans armée, sans terre, mais non privée de pouvoir. Son trône s'avérait en réalité bien plus grand et lumineux que celui de l'empereur en personne. Il portait juste un autre nom, c'était la scène : pas n'importe la quelle, celle de la plus célèbre troupe d'opéra du continent. Sur les planches, elle régnait en maître, même la lumière se courbait devant elle. Sa couronne était constituée les centaines de bouquets de fleurs que l'on lui jetait à ses pieds à chaque représentation. Elle n'avait pas d'armée, mais une horde de courtisans, qui pour quelques œillades lui auraient offert le monde.

Sa voix, sa beauté, son charme tenaient du divin pour les foules toujours plus nombreuses qui se pressaient pour l'entendre, l'observer, l'approcher. Celle qui misérable vivait autrefois sans toit dans la rue, était devenue la maîtresse de l'un des plus beaux théâtres de la capitale.

Malgré ce succès unanime, depuis quelques mois déjà , Dorothèa aspirait à autre chose. L'évidence aurait été de poursuivre sa carrière à l'opéra, de choisir parmi la multitude de prétendants un mari dévoué... d'y ajouter à sa convenance quelques amants. C'était le chemin tout tracé pour la belle jeune femme qu'elle était...

Elle ne pouvait s'y résoudre malgré son amour sincère pour le chant, et la troupe qui l'avait vue grandir. Ces regards que tous ces hommes lui lançaient, cette manière de la dévorer sans même la toucher n'éveillait en elle que rage et mépris. Ils ne la connaissaient pas, comment auraient-ils pu ?

Oui, pour la plupart des hommes, elle constituait un merveilleux trophée à exhiber. A maintes reprises avec élégance, elle déclinait les avances, parfois obscènes de ces goujats. Ils voulaient une maîtresse, elle cherchait un mari, une famille, les deux n'étaient guerre conciliables.

Bien que les nobles, voyaient généralement en elle une amante de luxe, certains semblaient réellement s'éprendre de la jeune brune, allant jusqu'à demander sa main. Nombre d'entre eux se prétendait même amoureux avant même de lui avoir adresser la parole. Ils confondaient désir, fantasme avec amour, comment aimer une personne sans la connaître ? L'aimeraient-ils toujours, si elle se retrouvait à nouveau à errer dans ces ruelles aussi fétides que sordides ?

Elle avait travaillé dur, multiplié les répétitions, pour faire honneur à l'ancienne diva de la troupe qui lui avait cédé la place. Si, Dorothèa appréciait à sa juste valeur son succès et de briller au devant de la scène, elle commençait à comprendre pourquoi Manuella, son idole avait quitté l'opéra quelques années plus tôt. Manuella, lui avait confié la troupe, pouvait-elle si facilement l'abandonner à son tour ?

Les mois passèrent, un soir elle fut invitée après une représentation à une réception. Cela n'avait rien d'extraordinaire en principe. Assister aux mondanités constituaient une faible contre partie de son statut de diva, elle y trouvait même parfois du plaisir. Le soir en question, elle fut loin de s'imaginer qu'elle allait vivre l'un des pires moments d'une vie déjà riche en tragédies.

Il était là, au milieu d'un amas de nobles qui la dévorait du regard. Il semblait à l'aise et apprécié. Heureux, il évoluait avec facilité de groupes en groupes jusqu'à l'approcher. Elle lui avait accordé bien plus d'attention, de regards qu'aux autres hommes, ce qui dérangeait le prétendant qui lui faisait actuellement la cour.

Elle s'était préparée à ce jour, mais ne s'attendait pas à ce qu'il arriva si vite. Il paraissait plus jeune que son age. Son cœur battait la chamade, elle prit de profondes inspirations pour conserver son calme.

Il se tenait à présent à moins d'un mètre d'elle, de son haleine elle discernait des relents d'alcool, sans pour autant que cet homme d'age mur parut saoul. Indulgente, elle ne lui en tenait pas rigueur. Elle avait hésité à prendre un ou deux verres pour se préparer à tenir le choc de leurs retrouvailles. Elle avait finalement décliné tous les cocktails pour garder un esprit aussi clair que possible.

Très vite son prétendant se sentit de trop, et l'abandonna au nouvel arrivant. L'homme se rapprocha encore d'elle. Elle le laissa faire. Il se pencha pour murmurer à son oreille, oh combien elle était divine et que sa présence suffisait à elle seule à illuminer la pièce.

Ce n'était pas les mots qu'elle espérait, mais la réplique eut son effet. Elle entama le dialogue. Ils discutèrent quelques minutes. Ils s'étaient éloignés de la foule pour mieux s'entendre. La jeune chanteuse l'avait suivi sans méfiance.

L'homme expliqua qu'il était de passage à la capitale et que ses amis lui vantaient la grâce du nouvelle ange de l'opéra. Il se rapprocha encore, Dorothèa frémit, elle n'aimait pas son regard. Se méprenait-elle ou ces compliments prenaient-ils la forme d'avances ? Comment pouvait-il ? Il n'oserait jamais !

La main de Dorothèa se crispa sur son verre de citronnade à mesure que celle de l'homme caressa ses reins. Non ! Jamais !

Elle recula d'un bon et lui rafraîchit les idées avec le reste de son verre. L'homme était furieux, ses yeux furibonds n'égalaient que la vulgarité de ses propos. Il lui assena une gifle monumentale qui lui fit perdre l'équilibre. Il l'insulta, l'humilia. Ces mots lui brisèrent le coeur.

Elle se redressa. Il s'apprêtait à se jeter sur elle, Dorothèa reconnaissait son regard. Elle ne lui en laissa pas l'occasion. Alors qu'il allait saisir son poignet, elle s'écarta d'un demi-pas, et profita de l'élan de l'assaillant pour le faire tomber. Elle avait appris à se battre dans la rue et rendre chaque coups encaissé.

L'homme au sol, elle fut partagée entre l'idée de le piétiner et celle de s'enfuir le plus loin possible. Elle choisit la deuxième option, la violence n'était pas dans sa nature.

Elle rejoignit l'assemblée les larmes aux yeux. Sur place, elle reprit son souffle. L'un de ses amis, Lucas un baryton d'une quarantaine d'années, croisa son regard et inquiet alla à sa rencontre. Elle ne lui décrocha pas un seul mot, pas une seule explication. Les flammes qui dansaient dans ses pupilles étaient équivoques. L'homme bafoué rejoint à son tour l'assemblée. Lucas le toisa et se dirigea vers lui prêt à en découdre.

Dorothèa le retint par la manche, il se retourna vers la jeune protégée de la troupe. Cette dernière planta son regard dans le sien :

« -Il n'en vaut pas la peine, rentrons. »

Lucas hésita, mais Dorothèa le traîna vers la sortie. L'assaillant face à la foule n'osa pas faire éclater un scandale.

Le baryton escorta Dorothéa jusqu'à son appartement. La brise était fraîche, les rues moins animées que d'ordinaire. Ses tentatives d'obtenir une explication sur l'état de la jeune femme restèrent vaines. Comment aurait-elle pu lui dire ? Énoncer l'indicible, l'insoupçonnable, l'invraisemblable...

Elle avait été idiote d'espérer quoi que ce soit de ce noble. Elle avait conscience pourtant de l'ignominie sans borne de la noblesse, elle les côtoyait depuis suffisamment longtemps pour lire entre les lignes et mettre à jour leur bassesse.

Elle n'avait jamais autant méprisé la noblesse qu'à cet instant. Ces gentilshommes prétentieux, corrompus, arrogants, inhumains, d'ordinaire elle prenait plaisir à les mettre à genoux devant la roturière qu'elle était. Elle leur faisait payer leurs arrogances avec une facilité déconcertante.

Pourquoi avait-elle pensé qu'il était différent ?

Elle abandonna Lucas au seuil de son immeuble, et s'enferma dans son appartement. Sa rage n'avait d'égale que sa déception. Les larmes retenues si longtemps se tintèrent du noir de son mascara, et obscurcissent son oreiller.

Il avait osé...

Elle entendit taper à la porte, c'était la voix de Lucas. Il devait s'inquiéter, mais Dorothéa ne voulait voir personne. A vrai dire, la seule qui aurait pu absorber ses larmes et sa détresse avait quitté la troupe et la ville depuis longtemps. Manuellea, sa mère de substitution n'était pas là pour la réconforter. L'ancienne diva lui avait appris à être forte, mais ce soir jamais Dorothéa ne s'était sentie aussi vulnérable et esseulée dans sa chère capitale. Aujourd'hui, elle lui en voulait d'être partie sans elle. Elle prit de profondes inspirations pour se calmer et essayer de clarifier la soirée.

Ce soir, elle avait rencontré son père et il avait voulu la mettre dans son lit. Elle savait pourtant que c'était un monstre. Il avait séduit sa mère alors servante dans sa demeure, et mise enceinte. Lorsqu'il découvrit que sa progéniture bâtarde était dépourvue d'emblème, il chassa aussi bien la mère et l'enfant.

Elle le savait pertinemment et pourtant, elle avait espéré un bref instant ce soir, qu'il était venu pour elle, pour renouer avec sa fille.

Ne l'avait-il pas reconnue ? Dorothèa portait le nom de sa mère, peut être s'en souvenait-il plus ?Toutefois, elle ne comprenait pas comment il avait pu oublier le prénom de sa fille.

Une idée encore plus horrible lui traversa alors l'esprit, peut être le savait-il...

Dorothèa eut un haut de cœur, alors que ses mots se formaient dans sa tête.

Ce soir là, elle prit une décision qu'elle reportait jusqu'alors, elle rejoindrait l'académie de Manuella. Elle y rencontrerait des étudiants de tous le continent et qui sait peut être un homme enfin digne d'intérêt. Elle apprendrait alors aussi bien l'art de la guerre que celui de la magie. Après l'académie, elle serait apte à se défendre, elle pourrait toujours revenir à l'opéra dans le pire des cas. Elle avait l'age idéal pour se présenter aux sélections.

La tache s'annonçait ardue tant l'examen d'entrée était réputé extrêmement compliqué. De plus, seul la noblesse était acceptée dans le cas de l'empire. Elle travaillerait chaque soir après les représentations s'il le fallait, ferait jouer toute son influence. Dorothèa se jura de rentrer dans cette académie. Elle finit par s'endormir, avec une rage et une détermination insoupçonnées.

Le lendemain ses amis de la troupe essayèrent de lui remonter le morale. Les quitter lui briserait le cœur, mais elle se promit qu'elle resterait en contact avec eux. Après tout, ils étaient ce qui' s'approchait le plus d'une famille. Leurs liens résisteraient à la distance, elle en était persuadée.

Le soir, une nouvelle représentation débuta. Chanter la soulageait. Au bout de quelques minutes elle reconnut dans le publique, à la deuxième rangée, quatorzième siège, son géniteur qui la dévorait littéralement. Lorsque leurs regards se croisèrent, Dorothèa flancha pas, sa performance ce soir là s'avéra comme l'une de ses meilleures et les applaudissements furent unanimes.

Elle n'avait rien à craindre sur la scène, c'était son trône pour encore quelques temps.

Ici, elle était plus qu'une reine, elle était une déesse.