Rating : K
Genre : Général
Disclaimer : L'univers et les personnages de Trigun appartiennent à Yasuhiro Nightow.
Note : Le confinement aidant, je me suis replongée dans la série animée de Trigun, et je suis toujours aussi fan de ce manga !
Le pouvoir d'un nom
Les noms ont un pouvoir.
Il suffit de voir l'application avec laquelle Meryl se présente comme agente de la compagnie d'assurance Bernardelli, déclinant ses prénoms et noms avec le calme et la régularité d'un métronome. Quand bien même sa comparse et elle se retrouvent prises entre deux feux, piégées sous les tirs croisés et les balles volantes, ou encore au beau milieu d'une course-poursuite vertigineusement dangereuse, la jeune femme commence toujours de la même manière : « Je suis Meryl Stryfe, de la compagnie... ».
Et Milly Thompson suit toujours le mouvement.
Elle garde son air naïf et candide, mais n'agit jamais véritablement par simple bêtise.
En de rares circonstances, les deux assureuses précisent leurs identités : Derringer Meryl et Stungun Milly ne sont pas seulement des bureaucrates. Elles ont été envoyées pour surveiller et limiter les dégâts provoqués par le typhon humanoïde.
Vash se demande parfois qui a bien pu lancer cette idée de « typhon humanoïde ». Bien sûr, la notion de catastrophe naturelle paraît logique, face aux villes fantômes qui se multiplient dans son sillage. Mais la formulation lui paraît peu commune. Comment les surnoms apparaissent-ils ? Qu'est-ce qui fait qu'une expression, lancée au hasard dans un moment de panique, va être reprise par d'autres, puis répétée encore et encore, jusqu'à ce qu'elle devienne universelle ? Il aurait bien aimé changer le cours de certaines de ces locutions, ou même les effacer. Parce que, franchement, ça veut dire quoi « typhon humanoïde » ? Est-il un véritable typhon ayant pris forme humaine, ou un homme devenu typhon ? Comme si Vash the Stampede ne suffisait pas.
Une tempête n'est pas nécessairement un typhon.
Vash the Stampede. Le typhon humanoïde. L'homme qui valait soixante milliards de double-dollars. Le pire criminel que cette terre ait jamais porté et l'homme le plus recherché au monde. Le pistolero le plus habile, mais aussi le plus meurtrier.
Celui qui détruit chaque ville sur son passage, semant misère et désolation derrière lui.
Celui qui échappe aux pires situations, sans jamais tirer la moindre balle.
Celui qui a plus de sang sur les mains que tous les autres criminels réunis.
Celui qui ne fait jamais aucune victime, malgré les désastres qu'il provoque.
Les rumeurs qui font sa réputation se contredisent toutes, ce qui ne les empêche pas de se répandre et de se multiplier. Comme si leur paradoxe ne faisait que les renforcer. Mais en y réfléchissant bien, chacune a son fond de vérité. C'est peut-être ce qui les rend aussi tenaces. Se résume-t-il vraiment à cela ? Il ose croire que non...
Tout ce que l'on raconte à son sujet fait de lui une espèce de figure mystique et inaccessible. Il lui suffit parfois d'un sourire imbécile ou d'une remarque naïve pour se discréditer aux yeux des fanatiques qui recherchent « Vash the Stampede, le typhon humanoïde ». Après tout il a fallu des semaines de rencontres inattendues et d'aventures farfelues pour que Meryl accepte de croire que cet idiot insatiable et ridicule était bien le célèbre pistolero dont tout le monde ne cesse de parler. Cela a ses avantages. Grâce à cette astuce, il s'est tiré plus d'une fois de situations difficiles, ou d'une attention malvenue.
Enfin, quand la combine ne se retourne pas contre lui. Il a vu des chasseurs de primes se battre en s'accusant les uns les autres d'être « Vash the Stampede ». Il aurait pu se féliciter de leur réconciliation, s'ils ne s'étaient pas ensuite ligués contre lui dans un éclair de lucidité. Et le revoilà en train de courir pour sauver sa peau.
Il a l'impression de ne faire que ça. Courir. Vash n'a jamais voulu de toutes ces catastrophes. Les villes détruites, les explosions d'usines, les ravages qui se multiplient autour de lui. Mais la somme astronomique sur sa tête attire bien des convoitises. Il ne peut même plus manger de frites au restaurant ou boire un verre dans un bar sans qu'une troupe de truands lourdement armés ne débarque pour tenter de le capturer. Et sa noire réputation sert bien souvent de couverture aux petites crapules qui n'assument pas la cruauté de leurs actes. Lorsqu'un drame se produit, qu'une banque est cambriolée, ou qu'une auberge est prise en otage... c'est forcément du fait de Vash the Stampede. Un criminel si tristement célèbre, comment pourrait-il ne pas être impliqué ? D'ailleurs le voisin d'un ami du cousin de la mère du boucher affirme avoir vu le pistolero dans le coin, récemment.
Alors tout s'explique. C'est le typhon humanoïde, pourquoi en douter ?
Mais si les noms ont un tel pouvoir, que révèlent-ils de lui ? Vash n'est-il que cela ? Un nom chargé de légendes. Parce que c'est tout ce qu'il lui reste : son nom, son habilité au tir, une chanson à demi-oubliée, et la silhouette lointaine de Rem. Une promesse aussi, celle de ne jamais blesser personne. Que valent ces maigres souvenirs, face aux tentaculaires proportions que prend le nom de Vash the Stampede à travers le monde ?
Maaah, que voilà de mauvaises pensées, se fustige le jeune homme en remontant ses lunettes rondes sur son nez. Il lève la tête vers les deux soleils ardents qui brûlent ses yeux, même au travers de ses verres fumés. Nous ne sommes rien d'autre que ce que nous décidons d'être. Vash remonte son paquetage sur son épaule et pousse la porte du petit hôtel délabré. Il ne paye pas de mine, mais tant qu'il peut trouver un lit et un peu d'eau fraîche. Par cette canicule perpétuelle, c'est tout ce qu'il demande.
– Une chambre, s'il vous plaît.
– À quel nom ?
– Vash.

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