Ce texte a été écrit dans le cadre des journées d'écriture, consistant à écrire sur le thème d'une journée nationale/mondiale/internationale, ou sur des événements précis se passant ce jour-là. Il a donc été écrit pour la journée du Sommeil, qui était également le deuxième jour du confinement généralisé en France. J'espère que ça vous plaira !
ENJOY !
Jour 2
Marinette émergea du sommeil avec l'étrange impression de flotter dans une bulle de silence et de sérénité. Elle garda les yeux fermés quelques minutes avant d'ouvrir un œil. Le soleil passait au travers de ses volets fermés, et son réveil indiquait onze heures du matin. A quand remontait la dernière fois qu'elle avait pu dormir aussi tard ? Elle ne s'en souvenait pas. Probablement à avant qu'elle ne devienne Ladybug. A au moins un an et demi, donc. Mais cette impression de sérénité ne venait pas que de sa grasse matinée. Elle venait aussi d'un son, inhabituel, presque angoissant, qui résonnait beaucoup trop fort dans ses oreilles. Le silence. Que ce soit dans la boulangerie de ses parents trois étages plus bas, ou dans la rue sous sa fenêtre, ou sur le parvis de Notre-Dame à quelques centaines de mètres, pas un son ne résonnait. Elle s'étira, descendit difficilement de son lit et ouvrit ses volets. Les rues étaient vides. Quelques voitures, trop rares, qui circulaient beaucoup trop facilement, passaient encore. Des piétons encore plus rares se hâtaient sur les trottoirs. Certains en ayant la main crispée sur un papier, d'autres avec un foulard remonté sur le nez et la bouche. Tous se dépêchant. Parfois, deux d'entre eux se croisaient et s'adressaient un sourire et un signe de tête pour se saluer. Trop heureux de voir un visage autre que ceux de leur cercle familial. Mais surtout pas une parole, encore moins une poignée de mains, toujours après avoir fait un écart pour passer à distance raisonnable l'un de l'autre. Trop anxieux à l'idée de croiser quelqu'un d'extérieur à leur cercle familial. Cela faisait deux jours que la vie à Paris s'était arrêtée. Deux jours qu'une ambiance de fin du monde était tombée sur la ville lumière, et sur tout son pays. Deux jours que la France entière était confinée chez elle pour tenter d'enrayer la propagation du virus SRAS-CoV-2.
Pour l'instant, elle avait surtout goûté aux avantages que cela apportait. Depuis l'annonce, une petite semaine auparavant, de la fermeture des collèges, elle avait fait ce que sa vie de Ladybug l'empêchait de faire : Dormir. Cela faisait une semaine qu'elle se couchait à 20 heures et se réveillait le lendemain quand le soleil était déjà beaucoup trop haut. Si les premiers jours avaient été accompagnés d'une décompression la faisant se sentir plus fatiguée que jamais, elle commençait enfin à réellement récupérer et être bien plus en forme qu'elle ne l'avait été depuis longtemps. Ce virus avait arrêté la vie sur Paris. Toutes les sources de stress, d'inquiétude, de colère habituellement omniprésentes au quotidien avaient été remplacées par l'attention portée à ce phénomène. L'inquiétude était toujours là, bien sûr, mais pas de colère, pas de rage contre une personne en particulier. Donc pas d'akumatisation. Une pause dans sa vie de collégienne, une pause dans sa vie de Ladybug. L'espace d'une seconde, elle avait effleuré l'idée que ce virus était la meilleure chose qui pouvait lui arriver – avant d'avoir aussitôt honte d'avoir pu penser une telle chose.
Son téléphone fit sonner une alarme automatique. 11h55. Il y avait tout de même une chose, un rendez-vous quotidien, qu'elle ne pouvait se permettre de rater parce qu'elle aurait trop dormi.
- Tikki, transforme-moi !
Ladybug sauta sur le toit de sa chambre et s'y installa confortablement contre la cheminée. Le silence plusieurs étages plus bas était toujours aussi appréciable, mais toujours aussi étrange. Elle déplia son yoyo, activa le mode téléphone et, à midi pile, celui-ci sonna.
- Bien le bonjour, ma Lady ! Bien dormi ?
- A merveille. Et toi ?
- Je dors 18 heures par jour et je ronronne le reste du temps. Enfin une vie digne de mon Miraculous. Ronron.
Ladybug esquissa un sourire en entendant son partenaire ronronner dans le téléphone et elle reprit :
- Tout va bien pour toi ? Tu tiens le coup ?
- Je suis un chat de canapé. C'était déjà mon quotidien d'être enfermé chez moi. Ça ne me change pas trop. Et toi ?
- Ça va. Je m'habitue au silence et je dors. Ça risque de nous faire bizarre quand tout recommencera comme avant.
- Autant en profiter alors ! Prends des forces, on se fera une grande partie de chat-perché sur les toits quand tout ça sera terminé !
- Avec plaisir, sourit Ladybug.
Elle n'entendit pas la réponse de Chat Noir. A quelques centaines de mètres d'elle, une super-vilaine s'élevait dans les airs. Ses cheveux noirs volaient autour d'elle, ses yeux noirs brillaient de colère et d'épuisement. Elle serrait dans sa main une baguette, telle que celles utilisées par les professeurs pour désigner quelque chose au tableau, et, d'un geste de la baguette vers les rares passants, ceux-ci s'effondraient sur le sol. Éveillés, mais paralysés et muets.
- Chaton, on a une attaque à côté de Notre-Dame. Je vais essayer de la gérer seule, ne prends pas le risque de sortir.
- Ne dis pas de bêtises, ce virus est cent fois moins dangereux que ce qui t'arriveras si Papillon met la main sur ton Miraculous ! J'arrive !
Ils raccrochèrent et Ladybug s'élança pour faire face à l'akumatisée. Elle lui paraissait familière. Où avait-elle vu ce visage à la peau mate, aux cheveux noirs frisés ?
- On ne t'a pas dit qu'il fallait rester chez soi en ce moment ? lança Ladybug.
- Ne t'inquiète pas Ladybug, quand je t'aurais pris ton Miraculous, tu n'auras plus aucune raison de sortir.
Elle pointa vers elle la baguette qu'elle tenait et Ladybug sauta pour esquiver les rayons lancés à toute vitesse. Chat Noir la rejoignit et lança :
- Tu sembles mener tes adversaires à la baguette !
- Impertinents ! Vous feriez mieux de vous taire, comme tous les autres !
Un nouveau rayon les força à sauter chacun de leur côté pour se séparer, mais Ladybug réussit à contourner la vilaine pour atteindre Chat Noir.
- J'ai pas beaucoup d'indices sur la localisation de son akuma. On commence par le plus évident, sa baguette ?
- Ça se tente. Au pire, ça la désarmera.
Ils s'élancèrent vers elle et, en quelques minutes, Chat Noir parvint à cataclysmer sa baguette. Un akuma s'en échappa et Ladybug le purifia avant de rattraper la femme privée de ses pouvoirs pour la déposer sur un toit. Maintenant qu'elle la voyait sans son air furieux et sans son costume de super-vilaine, elle la reconnaissait enfin.
- Vous êtes la maman d'Alya, pas vrai ? demanda Ladybug.
- Oui. Je suis désolée de vous avoir causé autant de soucis et obligés à sortir de chez vous… Mais… J'ai pêté un plomb. J'essayais de faire la classe à mes filles, j'en ai deux de cinq ans, en plus d'Alya, mais elles n'écoutent rien, elles sont surexcitées, courent et hurlent dans tous les sens… C'est impossible à vivre, des enfants de cet âge-là confinées en appartement. Je ne voulais pas être akumatisée, je voulais juste… Qu'elles arrêtent de courir et de hurler juste cinq minutes.
- Vous n'avez pas à vous en vouloir, madame Césaire, assura Ladybug. La situation n'est facile pour personne, et encore moins pour ceux qui ont des enfants en appartement. Le plus dur est de trouver un équilibre et une nouvelle routine au milieu de tout ça.
La mère d'Alya acquiesça lentement et esquissa un sourire.
- Vous avez sûrement raison. Ça ira mieux quand on s'y sera un peu plus habitués…
- Bien sûr. Je vous ramène chez vous. Chat Noir, salua-t-elle d'un signe de tête.
- Je ne t'embrasse pas mais le cœur y est, ma Lady, lança-t-il en esquissant une révérence. Tu voudras bien m'appeler quand tu seras rentrée chez toi ?
- Ça marche, à tout à l'heure.
Ladybug ramena Madame Césaire chez elle puis, en quelques sauts, revint sur le toit de sa chambre. Elle appela Chat Noir et demanda :
- De quoi tu voulais me parler ?
- Je me demandais à quel point on allait avoir une recrudescence de ce genre de cas. Dormir autant qu'on veut et alterner entre bosser vaguement ses cours et ronronner sur le canapé le reste du temps, c'est cool quand on est jeune. Pour les autres, ceux qui ont des enfants et du télétravail, qui sont obligés de sortir en ayant l'impression de préparer une expédition à chaque fois entre les attestations et les masques… Combien de gens vont péter un plomb de la même façon ? Et… Qu'est-ce qu'on peut faire pour les aider ?
- C'est une bonne question. On ne peut pas sortir sans se mettre en danger – et sans les mettre en danger. Il faudrait trouver quelque chose à faire depuis chez nous.
- De quoi les distraire peut-être ? On retrace les événements de tous nos combats, on en fait un dessin-animé, on appelle ça « Miraculous – Les aventures de Ladybug et Chat Noir » et ça les distraira suffisamment pour passer du bon temps en famille ?
Ladybug rigola franchement.
- Ça aurait le mérite de nous faire rire. Sans aller jusque là… Oui, on doit bien pouvoir faire quelque chose. J'y réfléchis et on se tient au courant ?
- Ça marche. A plus tard, ma Lady. Prends soin de toi.
- Prends soin de toi aussi, Chaton.
Cette phrase était passée sur toutes les lèvres en l'espace d'une semaine. Prends soin de toi. Si elle la disait honnêtement à tous ses amis et aux membres de sa famille avec qui elle discutait par Skype, elle réalisait qu'elle n'était jamais aussi sincère que lorsqu'elle la disait à Chat Noir. Que si elle craignait pour sa famille, ses amis, ses grands-parents, c'était peut-être Chat Noir qu'elle redoutait le plus de perdre dans cette épidémie. C'était de sa perte qu'elle se relèverait le plus difficilement. Qu'est-ce que cela signifiait ? Ils étaient partenaires. Ils s'entendaient bien la plupart du temps, se disputaient le reste du temps. Pourquoi réalisait-elle maintenant, quand le danger devenait aussi pressant, à quel point elle tenait à lui ? A quel point, malgré tous leurs désaccords, elle n'aurait jamais voulu d'un autre partenaire que lui ?
- Marinette ?! Tu es là ?
La voix de sa mère la sortit brutalement de ses pensées. Elle se détransforma et retourna vers le velux de sa chambre.
- Je suis là, j'arrive ! cria-t-elle.
Elle redescendit et rejoignit sa mère.
- Qu'est-ce que tu faisais sur le toit ?
- Je prenais l'air. Il n'y a pas de mal, je risque de ne croiser personne là-haut !
- C'est vrai que c'est toujours mieux que de sortir se promener, concéda Sabine. Allez, viens manger, et ensuite tu te mets à tes devoirs.
Marinette descendit dans leur cuisine et commença à mettre la table tout en écoutant les informations. Son attention fut attirée par une interview du Maire Bourgeois.
- Je tiens tout d'abord à féliciter et remercier sincèrement la grande majorité de parisiens qui respectent le confinement et grâce à qui nous avons un espoir de gérer cette crise en évitant un maximum de drames humains. Cependant, nous déplorons trop de comportements égoïstes et inacceptables de personnes qui ne comprennent pas la nécessité de rester chez soi, hors cause urgente. Chaque sortie non-nécessaire nous pousse vers une aggravation de la crise et la nécessité de prolonger ce confinement. Je sais que les parisiens savent être responsables et solidaires, ils l'ont montré dans les pires moments que nous ayons connu – en s'alliant à Ladybug et Chat Noir lors de l'attaque du Jour des Héros, en faisant tout leur possible à chaque fois pour les aider à vaincre un akumatisé. Je leur demande de recommencer à montrer cet héroïsme et cette exemplarité, plus que jamais.
Marinette fronça les sourcils. L'histoire récente de Paris regorgeait de moments où les parisiens avaient été solidaires. Pourquoi citer cet événement précis ? Pourquoi les citer eux, Ladybug et Chat Noir, au cours de la seule crise contre laquelle ils ne pouvaient pas faire grand-chose ? Est-ce que… Était-il possible que le maire ait cherché à leur adresser un message ? Qu'il ait remarqué qu'à l'exception de l'attaque du matin même, eux aussi avaient disparu en même temps que le reste des parisiens, et qu'il leur demandait de revenir ? Mais pourquoi ? Et comment, sans briser les règles de distanciation sociale ?
-O-O-O
Marinette se transforma et remonta sur le toit de sa chambre. Après y avoir médité pendant tout le repas et une partie de ses devoirs, elle avait fini par admettre que seul un coup de téléphone lui permettrait d'en avoir le cœur net – et que ça ne lui coûtait rien.
- Secrétariat de la mairie de Paris, bonjour ?
- Bonjour monsieur, Ladybug à l'appareil. Pourrais-je parler au maire Bourgeois s'il vous plaît ?
- Ladybug ? Ce… C'est un canular ?
- Vous voulez prendre le temps de comparer ma voix aux autres vidéos qui existent de moi, ou vous me le passez ?
- Je… Ne quittez pas.
Une musique d'attente résonna quelques minutes avant qu'une autre voix ne reprenne :
- Allo Ladybug ? Oh, merci merci de m'avoir appelé ! Je ne savais ni comment vous contacter, ni comment dire explicitement à quel point que j'avais besoin de votre aide !
- Monsieur Bourgeois. Nos noms lors de votre interview faisaient très « cheveu sur la soupe ». Pourquoi nous avoir appâtés comme ça ?
- Parce que Paris… Non, la France a besoin de vous ! Peu importe les règles que l'on impose, les contrôles de police et les menaces sanitaires, Paris regorge de promeneurs, de gens qui ne respectent pas le confinement et contre lesquels on ne peut rien faire ! Je peux concevoir qu'ils n'écoutent plus les politiques, mais vous ils vous écoutent ! J'étais sincère lorsque j'évoquais le Jour des Héros : Quand des politiques ont besoin d'eux, il n'y a personne, mais quand Ladybug et Chat Noir ont besoin d'eux, tout Paris monte au front ! Je vous en supplie, passez-leur le message, convainquez-les de rester chez vous, chacune de vos paroles sera de toute façon plus efficace que la nôtre !
- Je comprends, répondit lentement Ladybug. Je vais en parler à Chat Noir. Et à Alya, on aura probablement besoin d'elle si on veut s'adresser aux parisiens.
- Bien sûr, bien sûr ! Je vous remercie ! Prenez soin de vous, surtout !
- Vous aussi.
Marinette raccrocha mais ne lâcha pas son téléphone. Elle composa dans la foulée celui de Chat Noir. Sur répondeur. Forcément, il n'avait aucune raison de se transformer à part pour leur conversation quotidienne. Tant pis. Ça attendra demain. L'avantage d'être confinés pour une durée indéterminée, c'est que l'on n'est pas à un jour près.
- Détransformation.
Jour 3
- Chers auditeurs, bienvenue sur le Ladyblog ! Nous sommes au troisième jour de confinement et, à l'aide de caméras interposées, je vais céder la parole à Ladybug et Chat Noir qui ont un message à nous faire passer !
L'image à l'écran changea et, au lieu de la chambre d'Alya, ce fut le sommet de Notre-Dame sur lequel Ladybug était perchée qui apparut.
- Merci Alya. Comme vous le savez, notre mission est de protéger Paris. Mais aujourd'hui, nous affrontons un ennemi contre lequel nous ne pouvons rien directement. Ce n'est pas un combat qu'on gagne en libérant un akuma en quelques minutes. Mais on peut le gagner quand même, ensemble, et pour cela nous avons besoin de tous les super-héros de Paris. Les soignants bien sûr, qui ont pris notre place comme premiers protecteurs, mais vous également. Vous tous, en restant chez vous, en respectant les gestes barrières, vous êtes des super-héros.
La caméra changea à nouveau pour montrer Chat Noir assis sur un toit derrière lequel le bois de Boulogne s'étendait.
- Mais être un super-héros n'est pas de tout repos, loin de là ! Ça ne s'apprend pas en un jour, et nous allons donc vous y aider en vous retrouvant quotidiennement sur le blog d'Alya.
Retour sur Alya.
- D'où vous est venue cette idée ?
Retour sur Ladybug.
- Nous étions choqués par les personnes qui prennent encore le confinement avec trop de légèretés. Ces personnes-là participent à propager activement le virus, qu'elles en soient conscientes ou non. Et quand on leur demande pourquoi elles sortent, la réponse est souvent la même. Elles étouffent chez elles, elles s'ennuient trop, elles en ont marre de tourner en rond. Alors nous nous sommes demandés ce que nous pouvions faire pour les aider à rester chez elles sans mourir d'ennui.
- Hier, compléta Chat Noir, je trainais sur Facebook et…
- Quoi, Chat Noir, tu as un compte Facebook ? s'exclama Alya.
- Bien sûr ! Cherche RonronDu75. Et je voyais défiler pas mal de commentaires sympas, d'articles listant les tweets les plus drôles sur le confinement, de vidéos parfois sidérantes mais d'autres amusantes… Et, en plus de bien rigoler, je n'ai pas vu le temps passer. Je me souvenais avoir eu une conversation avec ma Lady dans d'autres circonstances, on était arrivés à la conclusion que dans les pires moments, la seule chose capable de nous faire tenir le coup, c'est l'humour.
- Et Chaton étant spécialiste dans ce domaine, il a proposé que nous vous tenions compagnie régulièrement via le Ladyblog pour vous aider à passer le temps chez vous.
- Alors, avec Ladybug et Chat Noir, nous allons tous les trois nous relayer. Des conseils sur le confinement, des moments drôles, des moments de conseils pratiques…
- Nous prendrons des pauses de temps en temps, mais depuis la chambre d'Alya ou nos toits, nous ferons tout ce qui sera en notre pouvoir pour rendre ce moment chez vous aussi agréable que possible !
- Alors restez connectés au Ladyblog et n'oubliez pas de patouner sur votre gilet préféré tout en ronronnant !
Jour 4
- Chers auditeurs du Ladyblog, bien le bonjour ! Ici votre Minou préféré, c'est moi qui assurerait cette chronique aujourd'hui. Pour vous aujourd'hui, plusieurs conseils pratiques au quotidien, à mettre en application sans modération. Nous découvrirons donc ensemble comment vomir sur le fauteuil préféré de votre maître au pire moment, comment déchiqueter en trois coups de pattes la plupart de ses pulls, et comment bien choisir son herbe à chat. Non, ce programme ne vous enchante pas ? Tant pis, moi non plus je n'avais pas envie d'être rappelé à l'ordre par un coup de yoyo de ma Lady sur le coin du museau la prochaine fois que nous pourrons être côte à côte.
Du fond de son lit, Marinette écoutait la chronique de Chat Noir depuis son téléphone. Elle avait fini la veille tous les devoirs envoyés par son collège et avait convenu avec ses parents qu'elle pourrait dormir autant qu'elle le voulait aujourd'hui. Elle s'était levée pour se transformer et téléphoner à Chat Noir à l'heure habituelle, puis s'était recouchée. Elle réalisait seulement en ce moment à quel point le sommeil lui avait beaucoup trop manqué ces derniers mois, et environ douze heures de ses journées étaient consacrées à dormir ou au moins commater depuis le fond de sa couette. Elle restait donc là, en pyjama, son téléphone vissé dans sa main, rigolant légèrement aux blagues de Chat Noir tout en réfléchissant à sa propre chronique du lendemain. Leur annonce avait eu un effet globalement positif sur les auditeurs du Ladyblog qui les avaient remerciés de cette initiative, mais d'autres commentaires avaient été plus critiques. Plus irresponsables aussi. « Ce n'est qu'une balade, me faites pas chier, je fais attention en plus. » « On ne va pas rester enfermés dans 20 mètres carrés sans jamais sortir. » « C'est facile de prôner le confinement quand on peut se balader comme on veut sur les toits en toute sécurité. »
Chat Noir avait pris à sa charge de répondre à ces commentaires et, pendant que son humour cinglant expliquait avec autant de diplomatie que d'ironie pourquoi ils avaient tort sur toute la ligne, Marinette notait les derniers événements en quête d'idées pour sa propre chronique du lendemain. Son regard s'arrêta sur les articles ventant les pour et les contre des masques en tissu faits maison. Oui, il y avait quelque chose à tenter.
- Eeeet ça commence à chauffer par ici ! s'écria Chat Noir dans le téléphone.
Son regard revint sur la chronique. La caméra n'avait pas bougé mais elle apercevait Chat Noir sauter de toit en toit, passant parfois dans le cadre, pour courser un super-vilain qui, depuis le ciel également, envoyait sur les passants au sol des barres de métal qui se transformaient en cage dès qu'elles les touchaient. Déjà une dizaine de personnes étaient prisonnières chacune d'une cage leur laissant à peine la place de faire un pas à l'intérieur. Son cœur rata un battement. Elle savait depuis quelques temps qu'être enfermé était l'une des plus grandes phobies de Chat Noir, et son cataclysme ne lui laisserait qu'une seule chance de s'en dégager.
- Tikki, transforme-moi !
Jour 5
- Bonjour tout le monde ! lança Ladybug à la caméra. Comme vous le savez, Chat Noir a dû vous quitter un peu précipitamment hier à cause de l'attaque akuma. Nadya Chamack étant également confinée avec sa fille, aucune vidéo n'a fuité et nous avons donc décidé d'être transparents avec vous en vous exposant ce qui s'est passé.
- C'est pour cela que nous sommes réunis tous les deux sur le toit de la Tour Eiffel pour vous en parler un peu, compléta Chat Noir. Mais attention ! En nous tenant à plus d'un mètre de distance, et en portant un costume spécialement fourni par une amie d'Alya ! compléta Chat Noir en désignant les masques faits-maison en tissu qui recouvraient leurs nez et bouches.
- Alya et Marinette vous parleront de ces masques plus en détail un autre jour, précisa Ladybug. Pour l'instant, revenons à notre attaque. Une personne confinée dans son studio de sept mètres carrés depuis maintenant cinq jours, qui respecte scrupuleusement les restrictions de déplacement en prenant son mal en patience…
- Et qui a donc tout naturellement pété les plombs en voyant la Gare Montparnasse littéralement remplie à l'occasion du week-end, en voyant les familles avec enfants se balader trois fois par jour devant chez lui, tout en sachant que chaque personne qui agit de la sorte est un jour de plus de confinement avant de pouvoir endiguer l'épidémie.
- Il nous a dit avoir compté vingt personnes en une heure, confirma Ladybug. On vous laisse compter combien ça fait de jour supplémentaire ?
- Alors bien sûr, nous ne lui en voulons pas, assura Chat Noir. L'erreur est féline, et sa colère était légitime. Mais… Entre ce combat et les autres que nous avons menés depuis quelques jours, nous avons remarqué quelque chose…
- Le moins que l'on puisse dire à propos de Papillon, c'est qu'il a de l'imagination. Des géants, des miniatures, des volants, des rampants, des métamorphes… Depuis qu'il sème la terreur sur Paris, on a vu à peu près de tous les super-vilains et tous les pouvoirs possibles.
- Mais depuis cette semaine, un point commun revient systématiquement dans les pouvoirs qu'il donne à ses akumatisés. Celui de voler, et celui d'attaquer à distance. Vos moustaches commencent à sentir où on veut en venir ?
- Depuis le début du confinement, résuma Ladybug, aucune attaque, je dis bien aucune, n'a mis ces règles de distanciation sociale en danger. Nous avons tous les deux été exposés parce qu'il faut combattre, bien sûr, mais à chaque fois, l'akumatisé ne s'est approché de personne d'autre, et nous-mêmes n'avons jamais eu à livrer de combat au corps-à-corps. Le seul contact que nous avons eu à chaque fois est lorsque Chat Noir effleurait l'objet akumatisé avec son cataclysme. De plus, à chaque fois, les akumatisés n'entrent pas dans les immeubles, ils n'attaquent pas les gens aux fenêtres. Ils attaquent ceux qui sont dehors, eux et seulement eux. Cela s'est reproduit trop souvent pour que ce soit une coïncidence. Qui qu'il soit, peu importent les raisons qui le poussent à agir depuis tout ce temps, le Papillon respecte aussi scrupuleusement que nous tous les mesures de confinement, et ses attaques visent les gens qui ne les respectent pas. Bien sûr que la colère générée par la situation est trop tentante pour lui, l'essentiel est là : Ces attaques ont un risque quasiment nul d'aggraver l'épidémie. Alors… Je ne pensais pas dire ça un jour, mais j'y tiens quand même. Papillon… Merci. Merci pour cet effort et ce que l'on peut presque qualifier d'exemplarité vue la situation. On apprécie vraiment.
Son visage grave et ses lèvres pincées montraient à quel point Ladybug avait eu du mal à prononcer ces mots, même s'ils étaient sincères, et Chat Noir se redressa à ses côtés pour reprendre :
- Maintenant, un petit message à tous les autres, au cas où ce n'était pas encore tout à fait clair. Par les autres, j'entends ceux que l'on continue à voir dehors sans raison, ceux qui vont chercher leur pain deux fois et promener leur chat trois fois par jour. Déjà, arrêtez, promener un chat, c'est ridicule, laissez-nous ronronner en paix sur notre canapé. Ensuite, même le Papillon a un comportement moins dangereux et irresponsable que vous. Je la refais doucement au cas où vous n'auriez pas compris : En termes de danger pour Paris aujourd'hui, il y a le Papillon – il fit un signe de main au niveau de son épaule – et il y a vous, conclut-il avec un autre signe de main largement au-dessus de sa tête. Donc, s'il vous plaît, faites un effort, soyez aussi exemplaires et inoffensifs que Papillon ! Vous pouvez y arriver, on croit en vous !
Jour 6
- Bonjour chers auditeurs ! lança Alya. Ladybug vous avait teasé hier, aujourd'hui, Marinette et moi-même sommes ensemble – enfin virtuellement, hein, elle est dans sa chambre – pour détricoter avec vous le sujet des masques en tissus faits maison ! Je lui laisse la parole !
- Merci Alya ! Je m'appelle Marinette, une fille comme les autres, mais je vais tenter de vous distraire et de vous instruire autant que Ladybug et Chat Noir l'ont fait ces derniers jours. Donc je viens vous parler couture ! Il y a quelques jours, le CHU de Grenoble a publié un tutoriel et un patron permettant à toutes les personnes s'y connaissant un peu en couture de fabriquer ses propres masques et de les offrir aux hôpitaux. Alors depuis, le débat s'est un peu enflammé quant à leur utilité, le fait qu'ils n'étaient pas aux normes et donnaient un faux sentiment de sécurité… Et oui, c'est vrai. Ils ne sont pas aux normes. Ils ne vous protégeront pas des masses, et ne protégeront pas des masses une personne à moins d'un mètre de vous avec qui vous parlez pendant une demi-heure. Alors oui, il y a beaucoup d'hôpitaux qui n'en veulent pas, parce qu'ils ne remplaceront jamais un masque FFP2. Mais dans les hôpitaux qui n'ont plus un seul de ces masques, ou pour vous dans la rue si vous avez besoin d'un masque pour vous rassurer, ils sont mieux que rien. Alors aujourd'hui, je vous propose d'apprendre ensemble à les fabriquer, avec la méthode validée par l'hôpital de Grenoble. En récompense, à la fin, vous aurez le droit de contacter l'hôpital le plus proche de chez vous pour savoir s'ils en veulent, ou mieux encore, leur offrir les FFP2 que vous aviez acheté au début de l'épidémie dans la précipitation et vous contenter des vôtres pour votre sortie quotidienne !
Tout en montrant à la caméra comment procéder, Marinette ne put retenir un coup d'œil en biais vers son horloge. Midi cinq. Cet horaire était le seul auquel Alya avait le droit pour son temps libre et elle avait dû prévenir Chat Noir qu'elle ne pourrait pas honorer leur rendez-vous téléphonique quotidien. Il l'avait bien pris, mais elle-même le vivait plus mal qu'elle ne l'aurait cru. Comment allait-il ? Pourraient-ils se parler un peu plus tard ? Elle regrettait soudainement de ne pas lui avoir proposé un autre horaire au lieu de purement annuler leur rendez-vous. A ce moment-là plus qu'à n'importe quel autre, elle réalisa une chose qu'elle n'aurait jamais admise autrement : Il lui manquait. Sa voix lui manquait, ses blagues lui manquaient, son humour et sa capacité à dédramatiser lui manquaient. Leurs contacts physiques lui manquaient. Tous ces combats au corps-à-corps où ils étaient projetés l'un sur l'autre, où l'un chutait et que l'autre le rattrapait dans ses bras, où ils se retrouvaient invariablement collés l'un à l'autre et que, sans qu'elle s'en soit jamais rendu compte, ce simple contact suffisait à la rassurer et la conforter dans l'idée qu'ils s'en sortiraient. Au fur et à mesure qu'elle déroulait ses explications, une certitude apparut, plus forte et sincère à chaque seconde. La première chose qu'elle ferait, à l'issue de ce confinement, serait effectivement cette partie de chat-perché sur les toits que Chat Noir lui avait promise. En terminant en se jetant sur lui pour le serrer dans ses bras.
Jour 7
- Adrien ? Votre père demande à vous voir.
Adrien sortit de sa chambre et descendit dans le bureau de son père, où plusieurs vêtements étaient accrochés à des cintres sur un portant en métal. Il fronça les sourcils :
- Je croyais que vos ateliers étaient au chômage technique, Père ?
- Nous avons réussi à nous mettre d'accord sur une organisation. Nous avons reçu suffisamment de gants et industrialisé la production de masques suggérée sur le Ladyblog pour pouvoir protéger nos employés, qui parviennent à travailler sans être proches les uns des autres et en respectant les gestes barrières. Maintenant que tout est en place pour assurer leur sécurité, la production a repris un peu au ralenti et ils nous envoient par colis les pièces à te faire essayer pour la prochaine collection.
- La prochaine collection pourra sortir même si la Fashion Week du mois de juin est annulée ?
- Nous ne savons pas encore si elle se fera ou pas. Tout dépendra de l'avancée de l'épidémie, et donc du respect du confinement. Les attaques de Papillon et le discours de Ladybug à ce sujet semblent avoir eu de l'effet à ce sujet, nous ne pouvons que les en remercier et espérer que cela continuera. D'ici là, nous devons nous préparer au cas où elle serait maintenue. J'ai l'avantage contrairement à mes concurrents d'être confiné avec mon mannequin vedette. Essaye ces vêtements, je vais noter moi-même les retouches à faire et je les renverrai à l'entrepôt.
Adrien s'exécuta et, pendant que son père marquait avec des épingles à nourrice les endroits à resserrer ou les ourlets à refaire, celui-ci lui demanda :
- Comment vas-tu sinon ? Le confinement ne te pèse pas trop ?
Adrien s'étonna de la question et ne put retenir une pointe d'amertume dans sa réponse.
- Ce n'est pas comme si je n'avais pas été habitué à être enfermé auparavant…
Gabriel leva les yeux vers lui et resta silencieux quelques secondes avant de souffler :
- J'ai conscience que cette situation a pu te peser par le passé et j'en suis sincèrement désolé. Tu dois savoir qu'à chaque fois que tu as été enfermé, c'était dans l'unique but d'assurer ta sécurité. La seule différence, c'est que cette fois, tu connais également la source du danger qui nous pousse à rester chez nous.
Adrien ne répondit pas. Est-ce que vraiment, la raison pour laquelle il avait été enfermé depuis tout ce temps avait une autre origine qu'une simple paranoïa de son père ? Est-ce que vraiment, Gabriel avait à l'extérieur des ennemis dont il ne lui aurait jamais parlé mais pour qui il serait une cible rêvée ?
Jour 8
- Bien le bonjour, chers auditeurs ! lança Chat Noir. Vous êtes de plus en plus nombreux dans votre couffin à nous écouter et de moins en moins à chasser les souris dehors, et nous ne pouvons que vous en remercier ! Alors aujourd'hui, pour fêter cette première semaine de confinement, je vais vous révéler un grand secret. Je suis amoureux de Ladybug. Vous ricanez peut-être derrière vos écrans, mais aujourd'hui, je réalise à quel point elle me manque, à quel point le fait de ne pas pouvoir l'approcher dans nos combats me pèse, à quel point je souhaiterai avoir beaucoup plus que les quelques conversations téléphoniques qui nous permettent de garder un lien ensemble. C'est pour cela qu'aujourd'hui, je vous prends tous à témoin pour cette demande spéciale…
Chat Noir décrocha de sa ceinture un petit boitier, posa un genou par terre et ouvrit la boite en la tendant vers la caméra. Elle contenait un collier, visiblement réalisé à la main à l'aide de plusieurs matériaux. Une petite chaîne en argent au bout duquel un pendentif soigneusement décoré représentait le logo de la coccinelle et du chat noir emmêlés l'un à l'autre.
- Ma Lady, lors de la prochaine épidémie qui nous forcera à rester chez nous, accepteras-tu d'être confinée avec moi ?
Il laissa planer quelques secondes de silence avant de se relever et de lancer :
- Je n'ai aucune idée de quand est-ce qu'elle répondra, mais je sais que vous ne manqueriez ça pour rien au monde. Donc dans le doute, restez chez vous à surveiller le Ladyblog, ne prenez pas le risque de partir et de rater sa réaction en direct !
Jour 9
- Avant toute chose, commença Ladybug, je te dis un grand merci Chat Noir. Je commençais à manquer atrocement d'idées pour mon prochain passage à la caméra, et ta demande d'hier, en plus d'être super mignonne et touchante, m'a donné un truc inespéré à raconter aujourd'hui. Donc merci beaucoup. Ensuite, quant à ta demande en elle-même, j'y ai bien réfléchi et… J'ai fini par m'appuyer sur le témoignage d'une grande philosophe de notre époque, j'ai nommé Marina Rollman. Dans sa chronique sur les mérites du mariage, elle avait présenté la chose de cette façon : C'est à ça qu'on devrait penser quand on s'engage, pas « Est-ce que je kiffe cette personne ? » mais, « Est-ce que les trucs nuls, avec cette personne, ça passe ? ». Et la question prend aujourd'hui toute sa pertinence, vu que ce confinement et ce virus sont l'un des trucs les plus nuls qui nous soient arrivés depuis longtemps. Alors, maintenant que je suis en circonstances, avec tout le recul et le temps de sommeil nécessaires pour y réfléchir, je peux l'affirmer. Oui, Chaton. Je vivrai tous les confinements que tu voudras tant que c'est à tes côtés.
La fin... Part un peu en live, mais je tenais trop à leur rapprochement ?
La citation de Marina Rollman avait été utilisée par Milou en premier, dans son recueil Jardin Secret. Filez le lire !
Le coup des masques faits-maison est vrai, malgré le débat sur leur utilité, certains hôpitaux les acceptent faute de mieux, si vous savez coudre et que vous avez du temps à perdre, n'hésitez pas à vous renseigner auprès d'eux !
Enfin, la conclusion du jour 7 est possiblement un gros teaser d'une prochaine fic en projet de mon côté :p
J'espère que ça vous a plu et surtout, que ça vous a aidés à faire passer le temps !
N'oubliez pas que seules les reviews me permettent de le savoir !
A très bientôt, prenez soin de vous, et n'oubliez pas, restez chez vous ;)