Bonjour ! Voici un nouveau One Shot sur le thème du confinement, il fallait bien que les évènements actuels m'inspirent, n'est-ce pas ? En espérant qu'il vous plaira et qu'il vous fera passer un peu le temps ! Enjoy !


13 mars 2020, le Président de la République explique dans un discours à la Nation que nous traversons une crise sanitaire alarmante. Il préconise à la population de respecter les règles de sécurité. Nous essayons de ne pas trop nous inquiéter. Dimanche 15, l'ensemble des commerces non indispensables ferment leurs portes. Là, le stress commence à monter. Nous pensons à écourter notre séjour. Nous hésitons. Nous continuons comme si de rien n'était, le déni nous fait avancer. Et mardi 17 mars, il est trop tard. La phrase « nous sommes en guerre » est lâchée. Le confinement total est décrété — pas par la bouche du Président, mais c'est ce que tout le monde comprend. Les déplacements non utiles sont interdits. Nous aurions dû rentrer…

Oui, je suis à plus d'une centaine de kilomètres de mon petit appartement. En effet, le mercredi 11 mars, la totalité de l'entreprise avait embarqué dans un bus pour se rendre au séminaire annuel organisé par Lexa Woods, ma boss, dans une immense résidence perdue au milieu de nulle part. Son idée est de souder les liens entre employés et de permettre d'annoncer les nouveaux plans d'action et marches à suivre. C'est la deuxième année que j'y participe. Je ne comprends pas trop mon utilité à la manœuvre puisque je ne fais, presque, que des photocopies, mais cette année j'ai été particulièrement ravie de prendre place dans ce bus à côté de mon collègue de bureau. Il m'avait dessiné des dizaines d'animaux totems sur ses fameux post-it qu'il me dédiait d'habitude au travail.

J'avais été heureuse de partir cette année, car il se trouvait que je devais partager ma chambre avec Lexa. Une partie de moi espérait fortement que le choix venait d'elle. Mais j'appris plus tard qu'il s'agissait d'un tirage au sort. L'année précédente, je m'étais retrouvée deux semaines dans la chambre d'un inconnu qui avait quitté la boîte quelques mois plus tard.

Les premiers jours, nous avions tenté d'oublier la propagation du Coronavirus qui faisait déjà des ravages dans le monde entier, pour nous concentrer sur les activités de groupes et les premières réunions. Le soir, j'avais à peine le temps de faire connaissance avec Lexa, nous étions si fatiguées de nos journées que nous nous écroulions, raides, dans nos lits respectifs.

Mardi 17 mars, 20h, nous sommes tous, une bonne cinquantaine, scotchés devant le poste de télé dans la salle commune pour écouter le discours du Président.

— « Dès demain midi et pour 15 jours au moins, nos déplacements seront très fortement réduits. Cela signifie que les regroupements extérieurs, les réunions familiales ou amicales ne seront plus permises. Se promener, retrouver ses amis dans le parc, dans la rue, ne sera plus possible. Il s'agit de limiter au maximum ces contacts au-delà du foyer. Partout sur le territoire français, en métropole comme Outre-mer, seuls doivent demeurer les trajets nécessaires, nécessaires pour aller faire ses courses avec de la discipline et en mettant les distances d'au moins un mètre, en ne serrant pas la main, en ne s'embrassant pas, les trajets nécessaires pour se soigner, évidemment, les trajets nécessaires pour aller travailler si le travail à distance n'est pas possible et les trajets nécessaires pour faire un peu d'activité physique mais sans retrouver, là encore, des amis ou des proches. »

— Oh là, là, là, là, se lamente Lincoln, mon collègue de bureau, c'est la merde les gars !

— Chut ! le réprimande un autre garçon.

Le silence revient et tout le monde se concentre sur le Président qui parle à présent de guerre.

J'ai les mains moites lorsque le discours se termine. J'ose à peine jeter un œil vers Lexa assise non loin de moi. C'est à elle de réagir à présent et tout le monde le sait. Cinquante pairs d'yeux se tournent vers elle lorsque la personne chargée de la télécommande éteint l'écran. Lexa se racle la gorge avant de se lever. Elle paraît calme et totalement maîtresse de l'enjeu.

— Au vu de la situation actuelle, et puisque nous sommes tous collés ici ensemble depuis une semaine, il me paraîtrait très déraisonnable de rentrer chez nous précipitamment. Si par malheur il y avait parmi nous ne serait-ce qu'une seule personne porteuse du virus au moment de notre départ, nous devenons tous des personnes à risque. Il me semble alors judicieux de rester en quarantaine ici tous ensemble pendant les quinze jours annoncés. Après cette période, si aucun de nous ne déclare de symptômes, nous pourrons envisager un retour chez nous. Mais je ne peux pas vous forcer. Si vous désirez rentrer chez vous pour retrouver vos proches, vous êtes libres de partir.

Quelques personnes s'indignent, d'autres se redressent et commencent déjà à regagner les étages pour faire leurs valises. Lorsque le silence revient, Lexa reprend :

— Évidemment, toutes les activités sont annulées, et par mesures de précaution, au moins pendant sept jours, il vaut mieux que chacun reste dans sa chambre. Il nous faudra néanmoins quelques téméraires volontaires pour apporter à manger à toutes les chambrées. Je vous laisse réfléchir à la question. Nous ferions mieux de nous rendre dès à présent dans nos chambres, je pense que nous avons tous besoin de digérer l'information et de contacter nos familles.

Il y a un moment de latence avant que les corps ne commencent à bouger. J'ai beaucoup de mal à réaliser la situation. Quand je vois Lexa amorcer un début de départ, je me redresse précipitamment et la suis jusque dans notre chambre. C'est la première fois que nous nous y trouvons toutes les deux ainsi confinées, sans rien d'autre à faire que de réfléchir aux événements récents.

— Tu veux appeler ta famille Clarke ? me demande-t-elle en sortant son portable de sa poche.

— Euh, oui, je vais appeler mon père…

— Je te laisse la chambre alors, je vais appeler mes grands-parents sur le balcon.

Mon père, complètement affolé, me somme de rentrer à la maison, je lui explique qu'il est plus sûr que nous restions confinés à l'écart, au moins le temps de voir si l'un d'entre nous développe la maladie, appelée alors Covid-19. J'arrive finalement à le convaincre que je suis plus en sécurité ici et je raccroche avant de lever les yeux vers le balcon. La porte-fenêtre est entre-ouverte mais ne me laisse pas parvenir le son de la discussion qu'entretient Lexa avec sa famille. Je l'observe faire les cent pas dans le petit espace. A certains moments elle fronce les sourcils, puis son visage se radoucie assez vite. Sa queue de cheval valse dans les airs à chacun de ses pas. Et soudain, la réalité me frappe de plein fouet. Je vais être confinée avec elle dans cette chambre pendant au moins sept jours ?! Je dois m'asseoir au bord de mon lit pour avaler la nouvelle. Le bout de mes doigts me piquent et ma gorge se serre.

— Ça va Clarke ?

C'est Lexa qui me regarde dans l'entrebâillement de la porte-fenêtre.

— Euh, oui, oui… Enfin, je crois !

Elle me sourit abondamment avant de me rejoindre. A ma grande surprise, elle prend place à mes côtés et pose sa main sur ma cuisse.

— Ne t'inquiète pas, me rassure-t-elle en me regardant dans les yeux, nous avons plutôt bien respecté les règles d'hygiènes depuis que nous sommes ici. Je ne prends que des mesures de précaution.

— Mais, si dans les sept jours un collègue tombe malade…

— On verra à ce moment, pour l'instant, laissons le temps faire son affaire, tu veux ?

— Je vais essayer… Mais…

Je n'ose pas lui poser la question, j'ai peur qu'elle y lise un sous-texte.

— Mais quoi ?

— Qu'est-ce qu'on va faire ? Je veux dire, tout ce temps, enfermées dans une chambre ?

Je sens mes joues rougir. Lexa a un petit rire cristallin qui me ferait presque mourir de honte. J'ai envie de me cacher sous le drap.

— J'ai mon ordinateur, on a internet, j'ai vu que tu avais amené un livre, on trouvera toujours quelque chose à faire, ne t'en fais pas ! Et puis, ce sera l'occasion de faire connaissance. J'ai hâte d'en savoir un peu plus sur toi, la rêveuse à la photocopieuse.

Cette fois, ça y est, je suis sûre qu'elle peut voir le rouge à mes joues. Je me lève en vitesse pour essayer de cacher ma gêne et je vais m'enfermer dans la salle de bain après lui avoir bredouillé quelques excuses. Je tente de rester le plus longtemps possible sous l'eau chaude, mais il me faut finir par regagner la petite chambre. Avant d'ouvrir la porte de la salle de bain, j'essaie de calculer mentalement la distance qui sépare nous deux lits. Il y a deux mètres tout au plus. Je vais donc passer sept jours, ou plus, à deux mètres maximum de Lexa. J'essaie finalement de ne pas y penser et ouvre. A mon grand soulagement, Lexa s'est assoupie sur son lit. Sa tête repose nonchalamment sur le bas de l'oreiller. Sa poitrine se soulève tout doucement. J'ai envie de passer une main dans ses cheveux pour lui défaire sa queue de cheval. Ces sept jours vont être particulièrement compliqués.

Je m'endors assez vite, épuisée par l'angoisse de la situation. C'est le soleil qui me réveille le lendemain vers six heures du matin. Je n'avais pas fermé les volets. Je jette un œil sur le lit à ma droite, Lexa dort toujours, depuis, elle s'est glissée sous sa couette. Puisque visiblement la lumière ne semble pas la déranger, je tente de me rendormir sans nous mettre dans le noir. Mais c'est peine perdue. Après presque une heure à tourner en rond, je me lève pour aller m'habiller dans la salle de bain. Puis, je reviens lire sur mon lit.

Le temps file sans que je ne m'en aperçoive. Mon estomac se met à gronder à l'exact même moment où j'entends une petite voix roque me saluer.

— Bien dormi ? me demande Lexa qui s'étire à mes côtés.

— Oui, et vous ?

— Ah, tu peux me tutoyer tu sais. J'ai dormi comme un loir ! Bon. Il va falloir que je contacte les autres, voir s'il y a des volontaires pour la bouffe.

— Moi je veux bien.

— Parfait, alors moi aussi !

En s'exclamant, elle se lève d'un bond. Un bond trop violant qui la force à se rattraper au montant du lit pour ne pas qu'elle s'éclate au sol. Je ricane, elle se retourne et me fusille du regard avant de rire.

— Je vais chercher de quoi faire un peu de café et un petit-déjeuner.

— Dans cette tenue ?

— Tu as quelque chose contre mon pyjama Clarke ?

Je ne pouvais lui dire que je la trouvai très sexy dans son ensemble noir en satin et que je n'avais donc pas envie qu'une autre personne pose les yeux sur elle.

— Absolument pas !

Lexa quitte la pièce pour ne revenir qu'après un chapitre entier de mon bouquin. Elle a un plateau sur lequel deux tasses et quatre tranches de brioches sont disposées. Elle apporte le plateau jusqu'au pied de mon lit et y prend place le plus naturellement du monde.

— J'ai croisé quatre volontaires dans la cuisine. On a essayer de respecté les distances de sécurité... On sera donc six. Il faudra effectuer des roulements.

— Je peux établir un emploi du temps si tu veux.

— Ah, c'est vrai que c'est un peu ton job de base…

Je hoche la tête en attrapant ma tasse.

— Merci, je veux bien. Il va falloir que je règle plein de trucs… Avec ce confinement l'entreprise va être mise en arrêt… Arf !

Elle râle un grand coup avant de croquer dans un morceau de brioche. Comment peut-elle diriger une entreprise d'une cinquantaine de personnes et avoir des réactions si enfantines ? Et si mignonnes… Je secoue la tête pour me reprendre. Nous avalons le petit-déjeuner comme s'il s'agissait du dernier repas du condamné. Puis, je me porte volontaire pour ramener le plateau.

Cette première matinée est consacrée, pour ma part, à l'élaboration de l'emploi du temps pour l'approvisionnement en nourriture. Lexa m'apprend qu'il n'y aura pas besoin de faire les courses avant au moins cinq jours. Les stocks avaient été faits pour les deux semaines du séminaire. Quant à elle, elle passe sa matinée au téléphone avec des clients ou des collègues.

— J'ai bien peur que ce soit à nous de faire la cuisine pour aujourd'hui, dis-je à Lexa lorsque midi approche.

— Ah ! Tu m'as mise en binôme avec toi, mmh ?

Son air narquois et coquin me gêne.

— C'était plus logique de mettre les personnes des mêmes chambres ensemble. Pour éviter la contagion…

— Je te taquine ! On y va ?

Dans la cuisine, je me trouve un peu bête. Je n'ai jamais fait à manger pour cinquante personnes. Les casseroles sont immenses, les paquets de pâtes font 10kg, même le four a une taille gigantesque.

— J'ai l'impression d'être en colonie de vacances ! s'enthousiasme Lexa en se frottant les mains. Bon, il va falloir qu'on se lave bien les mains et qu'on évite de cracher dans la soupe, si je puis dire…

Elle attrape un élastique autour de son poignet et se fait un chignon à la va-vite. Je veux l'imiter mais mes poignets sont nus.

— Tiens, fait-elle en me tendant un petit rond noir.

Je l'attrape en la remerciant. La pulpe de mes doigts glisse sur la sienne et m'électrise. Chaque contact avec elle me paraît inespéré. J'attache mes cheveux en essayant de penser à autre chose. Je n'ai pas le droit de tomber amoureuse d'elle. Ce n'est ni le lieu ni le moment.

— Et qu'est-ce qu'on prépare ? demandé-je en regardant les réserves.

— Les cuisinières que j'ai congédiées tout à l'heure m'ont dit que le menu était accroché dans un coin. Mais je doute qu'on sache cuisiner ce qui était prévu. Alors, franchement, pour ce premier jour et premier essai, je crois qu'on se contentera de pâtes avec un peu de fromage. On verra si les deux autres binômes sont plus aventuriers !

— Hahahah ! Eh bien boss, on n'aime pas prendre de risques ?

— Oh ! s'exclame-t-elle l'air amusé. Je vois qu'on ne t'a pas encore parlé de mes légendaires talents en cuisine !

— Dois-je sentir de l'ironie dans cette phrase ?

— C'est-à-dire que… Je suis peut-être douée pour diriger une équipe, mais pas pour suivre les étapes d'une recette. Enfin, je sais faire cuire les choses simples, c'est suffisant pour une femme célibataire, non ?

Je n'ai pas le temps de répondre qu'elle se précipite à l'évier pour se laver les mains. Je la suis puis, toutes propres, nous sortons une des grandes casseroles afin de la remplir d'eau. Il me paraît bon d'en sortir une deuxième.

— Euh, hésité-je en regardant les deux engins, à mon avis l'eau va mettre un temps fou à bouillir.

— En effet… Allons faire un tour !

— Est-ce vraiment prudent ?

— Juste dans le jardin !

Je n'ai encore une fois pas le temps de répondre car elle attrape mon avant-bras et me tire dehors. Il fait un soleil radieux et j'ai presque déjà chaud. Nous nous éloignons de la bâtisse tout en veillant bien à ne pas sortir du périmètre de la résidence. Une question me brûle alors le fond de la langue. Moi qui suis d'habitude si timide, je ne peux pas m'en empêcher. Je suis comme mue par un instinct vital.

— Tu es célibataire ? m'entends-je demander.

Aussitôt la bombe lâchée que j'ai envie de prendre mes jambes à mon cou et d'aller plonger dans une des deux marmites. Je jette un coup d'œil à la façade, quelques fenêtres sont ouvertes.

— Je me disais bien aussi, répond Lexa sur un ton espiègle, que tu n'avais pas relevé quand je l'ai dit tout à l'heure !

— C'est que… Je n'ai pas tilté sur le moment.

C'est un mensonge honteux. Mes oreilles avaient bourdonnés lorsqu'elle l'avait lâché plus tôt.

— Eh bien oui, toutes les patronnes et patrons ne sont pas mariés !

— Une aussi jolie femme que toi…

Encore une fois, j'ai envie de ravaler mes paroles et de me cacher.

— Hahaha ! se réjouit Lexa. Tu me surprends de plus en plus Clarke. Merci pour le compliment. J'ai eu des aventures, c'est sûr. Mais rien depuis quelque temps. Mais qui sait, peut-être que j'ai quelqu'un en vue, mmh ?

En disant cela elle se retourne vers moi. En voyant mon air effrayé, elle rigole comme si de rien n'était puis se met à tournoyer sur elle-même. Après trois boucles complètes, elle m'attrape les mains pour me faire valser avec elle. J'ai soudain peur qu'on nous observe par la fenêtre.

— On devrait retourner surveiller l'eau… dis-je pour couper court à l'instant.

Lexa ne répond pas verbalement mais comprend et reprend la direction de la résidence. En arrivant au pied de la structure, j'entends Lincoln qui nous appelle. Nous levons les yeux, il est penché à sa fenêtre au deuxième étage.

— Bah alors, c'est comme ça que vous restez confinées ?

— Il fallait te proposer pour être de corvée mon vieux ! le provoqué-je en lui tirant la langue.

Il me répond avec un doigt d'honneur magistral qui fait éclater de rire Lexa. Mais dans quel monde vit-on pour que ce jeune homme se permette ce geste grossier devant son employeur ?!

Nous rions encore lorsque nous retournons en cuisines. Un bruit sourd nous indique que l'eau commence à bouillir. Il nous faut au moins dix bonnes minutes pour arriver à ouvrir les énormes paquets de pâtes, à décider combien en mettre, puis à réussir à les verser dans les contenants. C'est presque en sueur que nous nous asseyons pour attendre la fin de la cuisson.

— Et il va falloir faire la vaisselle…

Retirer l'eau des pâtes n'est pas une mince affaire non plus. Finalement, le service se révèle être le moins compliqué. Nous remplissons ensemble les premières assiettes, ensuite, Lexa continue de les remplir pendant que je monte dans les étages pour servir les premiers plats. Je les dépose au pied des portes avant de frapper pour indiquer que le repas est servie.

Mon estomac gronde de fureur lorsque les plats sont tous livrés. Je m'affale sur une chaise dans la cuisine, exténuée. Lexa glisse alors vers moi une énorme assiette de pâtes, avec le peu de Parmesan qu'il reste dans l'énième sachet ouvert. Je me jette sur le plat avant même de la remercier. J'avale le tout en moins de dix minutes et lance un « ah » de soulagement en m'appuyant sur le dossier. Lexa finit son plat en me regardant, amusée. Puis, elle attrape nos assiettes pour les mettre dans l'évier. Alors que je pensais qu'elle allait se proposer pour aller ramasser les assiettes au pied des chambres, elle s'approche de moi, son regard fixé sur ma bouche. Je me redresse, sans comprendre.

— Il te reste du fromage, là…

Elle se penche sur moi et son doigt vient caresser le coin de ma bouche. Je vois le morceau de fromage sur son pouce qu'elle amène ensuite à sa bouche. Puis, elle suce son pouce dans un bruit de succion qui fait naître en moi des sensations très étranges.

— On fait la vaisselle du coup ? propose Lexa comme si de rien n'était.

Je bredouille une réponse en me levant maladroitement. L'évier aussi est gigantesque, le système d'eau est donc adapté à la situation. L'embout du robinet se détache pour permettre un rinçage en profondeur. Mais je n'ai pas le temps d'en étudier le principe que je me reçois un jet en plein dans la figure. Je me retourne vers Lexa, hilare, debout devant le second évier, le pommeau pointé dans ma direction. Ni une, ni deux, j'ouvre l'arrivée d'eau devant moi et m'empresse de la viser. Elle crie comme une enfant en laissant tomber son jet et en partant se réfugier dans le fond de la pièce. Je m'arme de toute mon âme de gamin et tire sur le tuyau pour tenter de l'exploiter à son maximum. Lorsque la limite est atteinte, je vise une nouvelle fois Lexa qui ne peut plus reculer. Elle se laisse arroser en riant. Mais elle finit par fuir et me contourne pour retourner devant l'évier et préparer sa revanche. S'ensuit une danse mêlée de cris, de jets d'eaux et de rires tonitruants. Je sais que personne ne peut nous entendre tant la cuisine est éloignée de tout. Je m'amuse comme jamais depuis longtemps. A bout de souffle, je pose mon arme, et fais un signe de croix avec mes mains pour marquer un temps mort. Lexa respecte mon geste et revient éteindre son robinet.

— Oh, oh, fait-elle en regardant par terre.

La cuisine est inondée. Nous sommes trempées. Nos chignons se sont défaits pour devenir des couettes informes. Son soutient-gorge est à présent visible sous son t-shirt rose pâle. Je me racle la gorge de gêne.

— Comment on est censées nettoyer ça ?

Lexa me répond en haussant les épaules. Elle va dans un coin de la pièce pour ouvrir un placard. Par chance, elle y trouve une serpillière qu'elle jette au sol. En moins de cinq secondes, la pauvre est totalement imbibée d'eau. Et là, je vois Lexa, toujours prête à déconner visiblement, poser un pied sur la serpillière et amorcer un mouvement de glissade. Mais ce qui devait arriver arriva. Son poids l'emporte trop vite et elle bascule, s'étalant violemment sur le sol, la tête en arrière. Je me précipite vers elle en faisant le plus attention du monde de ne pas tomber. Sauf que c'était sans compter sur l'esprit imaginatif de Lexa. Lorsque j'arrive à sa hauteur, elle donne un violent coup de pied sur le sol. Le geste a pour conséquence de faire gicler de l'eau dans ma direction. Complètement prise au dépourvu et désorientée, je perds l'équilibre et tombe à mon tour. Je m'étale, tête la première, de tout mon long sur Lexa.

Le temps de reprendre mes esprits est un peu long. Je sens ma poitrine contre la sienne, une de mes cuisses s'est logée entre les siennes. Je me redresse doucement pour réduire la pression que mon corps fait subir à son être, et inévitablement, je me retrouve le visage tout proche du sien.

— Tu ne t'es pas fait mal ?

Nous posons la question ensemble. Cela nous fait rire.

— Non, dis-je la première.

— Je crois que moi non plus, je ne sais pas. Peut-être que j'ai mal aux fesses à bien y réfléchir.

Je ris encore. Elle se joint à moi. Les rires baissent en intensité, et mon regard tombe dans le sien. Mon rythme cardiaque s'accélère. Ses prunelles s'ancrent dans mes yeux. Je repense à la sensation de son pouce contre ma bouche. J'en veux plus. Mon instinct m'appelle encore une fois. Il fait descendre mon visage vers elle, et avant que mon esprit ne reprenne les devant, je sens mes lèvres entrer en contact avec sa bouche. Mes yeux se ferment et j'ai l'impression que tout autour de nous disparaît.

A ma grande surprise, une main de Lexa se pose sur ma nuque, m'emprisonnant un peu plus contre elle. Son autre main se pose sur ma hanche. Je lâche une des miennes qui jusque-là me tenait en équilibre au-dessus d'elle, et je viens caresser sa joue mouillée. Je déplace quelques mèches de cheveux qui me gênent. Après un temps infini, je sens sa bouche s'ouvrir et un bout de sa langue venir caresser ma lèvre supérieure. Je n'hésite pas une seule seconde et dessoude à mon tour mes lèvres pour l'accueillir. Une valse aqueuse commence entre nous. Son goût de Parmesan me nourrit et la pieuvre de mes entrailles se met à grouiller dans mon bas ventre. Sa main sur mes hanches remonte le long de ma colonne vertébrale pour redescendre chercher ma peau à nu à la lisière de mon jean. J'ose quitter sa joue pour venir caresser la naissance de son buste.

Le baiser s'intensifie beaucoup trop, je sens mon corps qui commence à trembler. A contre cœur, je lâche sa bouche. Un filet de salive nous garde unies pendant quelques secondes supplémentaires. Nos yeux en revanche, refusent de se perdre.

— On devrait finir la vaisselle, dis-je en pensant avoir un comportement adulte.

— Et laver le sol…

Je hoche la tête avant de me redresser. Je lui propose ma main pour l'aider à se remettre debout. Une fois sur pieds, Lexa tire sur mon avant-bras pour m'attirer à elle. Je me retrouve plaquée contre son buste, elle enroule son bras autour de ma taille et attrape mon menton entre son pouce et son index.

— Je sens que ce confinement s'annonce intéressant.

— Si on s'amuse comme ça tous les jours, réponds-je en la regardant dans les yeux, je vais passer les plus belles vacances de ma vie…

— Et encore Clarke, tu n'as rien vu…

Sa phrase se perd sur ma bouche. Nos langues se retrouvent.

— J'espère qu'il va durer longtemps, chuchoté-je sur sa bouche, longtemps, longtemps, longtemps, longtemps…

Lexa pose son doigt sur ma bouche pour me faire taire et le remplace bien vite par la sienne. Le baiser dur, dur, dur. Mais nous devons bientôt nous détacher pour réparer nos bêtises.