Je n'avais jamais fini Dragon Quest VI, qui traînait dans mes affaires. J'ai donc refais une partie et cette fois-ci fini le jeu et… ça m'a donné envie d'écrire non pas sur Dragon Quest VI, le Royaume des Rêves (enfin, si mais… c'est une autre histoire) mais sur Dragon Quest V, La fiancée céleste que j'avais beaucoup aimé. D'ailleurs j'ai appris récemment qu'un film était basé dessus, Dragon Quest : Your Quest. Il faudrait que je le regarde.


La famille royale de Gotha.

« Non ! Papa, dis à Inga de faire s'éloigner Baumren de moi ! »

Roland sourit à la vue de ses enfants. Ceux-ci, bien plus intenables que lui lorsqu'il avait leur âge – ou peut-être l'étaient-ils tout autant que lui et qu'ils avaient hérité cela de lui ? –, s'ennuyaient à devoir rester dans le château et étaient parvenu à convaincre leur père de délaisser ses occupations de l'après-midi pour venir jouer avec eux.

Ils se trouvaient donc dans la cour du château de Gotha, en compagnie de Léon. Roland avait gardé son cher smilodon à ses côtés, notamment parce sa fille l'appréciait beaucoup – tout comme lui –, quand bien même le pauvre félin effrayait bien du personnel qui travaillait au château. Il s'amusait d'ailleurs assez bien de la peur qu'inspirait involontairement Léon à son fils.

Il était drôle que Nolan, le Héros Légendaire qui, muni de l'équipement zénithien, avait porté le coup de grâce et défait Nimzo, puisse avoir peur d'un simple smilodon d'ailleurs inoffensif à son égard. En même temps, Nolan n'était encore qu'un jeune garçon, ce que son père avait tendance à oublier tellement ses enfants le surprenaient de par leur courage et leur maturité.

Cela se voyait bien en ce moment : Nolan, raide comme un piquet près de son père, regardait en grimaçant sa sœur, qui caressait le smilodon, celui-ci aussi grande qu'elle. Elle riait du comportement inquiet de son frère. Il fallait dire qu'elle avait hérité de son père un lien assez unique avec les monstres. Peut-être même qu'elle deviendrait comme lui un Maître des Montres en grandissant.

« Inga, appela Roland en souriant. Ma chérie, tu dois comprendre que tous n'affectionnent pas autant les monstres que toi et moi. Rares sont ceux qui arrivent à ce lier d'amitié avec eux par ailleurs. Alors ne te joue pas autant de ton frère et cesse de l'effrayer, je te prie.

— Mais père… protesta Inga en faisant la moue. Je ne comprends pas comment on peut avoir peur de Baumren. Il est doux comme un agneau ! »

Le roi de Gotha arqua un sourcil. Baumren ? Il semblerait que ce cher Léon ait bénéficié d'un nouveau surnom de la part de ses enfants. En tout cas, le smilodon n'en paraissait pas dérangé. S'il ne se permettait plus d'agir comme lorsqu'il était petit et de ronronner à chaque caresse qu'il recevait, il paraissait tout de même apprécier des grattouilles que lui offrait Inga. Il laissait échapper quelques grognements satisfaits, qui faisaient sursauter Nolan et se cacher encore un peu plus derrière son père.

Roland s'agenouilla près de son fils et posa une main rassurante sur son épaule.

« Ta sœur a raison, tu sais ? Léon a peut-être une apparence terrifiante et est un redoutable combattant quand il fait face à des ennemis mais il est très affectueux et complètement inoffensif avec eux envers qui il est fidèle.

— M-mais comment pourrais-je savoir s'il m'apprécie ? demanda Nolan avec hésitation. Je ne suis pas toi ou Inga.

— Il n'y a qu'une seule façon de le savoir, répondit Roland en souriant. Laisse-le faire ta connaissance. »

Roland siffla. Les oreilles de Léon se dressèrent alors que ses yeux se tournèrent vers le roi de Gotha, qui lui fit signe d'approcher. Le smilodon rejoignit son maître en quelques sauts alors qu'au même instant, Nolan laissa échapper un cri d'effroi et sursauta… puis courut se réfugier à l'intérieur du château.

Roland et Léon eurent le même regard surpris en le regardant s'enfuir à prenant ses jambes à son cou.

« Hé bien… Cela sera plus difficile que je le croyais, dit Roland en frottant le cou. J'ignorais que Nolan avait une telle… appréhension pour les monstres.

— Il a toujours été comme ça, dit Inga en haussant les épaules. Je ne pense pas que tu pourras faire quoi que ce soit avec ça, papa. Je n'ai jamais compris pourquoi mais en général, les gens ont peur des monstres, même Nolan... »

Roland sourit à sa fille.

« Oh ne t'en fais pas, ma chérie. Je suis sûr que cela changera. »

Après tout, le monde était désormais en paix et même si certains monstres restaient farouchement hostiles aux humains, beaucoup d'entre eux changeaient et, au-delà de les tolérer, finissaient même par les apprécier, à l'image du roi de Gotha célèbre pour être non seulement le père du héros légendaire mais également un Maître des Monstres capable de se lier d'amitié avec eux, comme sa fille.

. . .

Le navire royal était en vue. Aujourd'hui, Gotha recevait la visite du prince du royaume de Somnia, d'une lointaine contrée à l'ouest de leur continent, au-delà du vaste océan.

Pour cette rencontre, Roland avait tenu à accueillir lui-même le représentant de Somnia et, à ses côtés, se tenait son fils. Nolan s'était d'abord plaint de devoir rester debout pour une rencontre diplomatique des plus ennuyeuses, avant de changer d'avis quand son père lui avait parlé de quelques rumeurs concernant le prince de Somnia.

« Oh ! Lui aussi, c'est un héros ? s'était-il exclamé.

— Selon les rumeurs, oui.

— Papa, papa ! Tu penses qu'il a vaincu de gros et méchants monstres ? Et est-ce qu'il a un équipement légendaire, lui aussi ? Je me demande à quoi il ressemble !

— Tu n'auras qu'à lui demander en personne », avait répondu Roland en souriant.

Ainsi, Nolan avait accepté de l'accompagner mais, depuis, l'enthousiasme du garçon à l'idée de rencontrer un héros d'une terre étrangère avait laissé place à de la lassitude. Il se plaignait de devoir rester debout sous le soleil tapant, alors qu'il commençait à avoir chaud et mal aux pieds.

Roland sourit et ébouriffa les cheveux de son fils, lui assurant que son supplice prendrait bientôt fin. Autant dire que Nolan fut réjouis en voyant le navire royal de Somnia apparaître à l'horizon.

« Hé, papa, regarde ! Il y a quelqu'un devant, sur la… euh…

— La proue, mon fils.

— Oui, voilà ! Y'a quelqu'un sur la proue du navire ! Tu penses que c'est le prince de Somnia ? »

Roland plissa les yeux. Effectivement, il y avait bien quelqu'un sur la proue. Il ne voyait pas son visage mais parvenait à apercevoir un tissu bleu sur sa tête et des vêtements colorés. Il s'agissait sans doute du prince de Somnia, comme le supposait Nolan.

« Probablement, Nolan. Te rappelles-tu ce que ta mère et Sancho t'ont dis au sujet de la manière à s'adresser à un invité ?

— Oui, papa… répondit Nolan d'une voix traînante en roulant des yeux. Je sais. Je dois être poli, ne pas poser de questions déplacées – même si je ne sais pas ce que ça veut dire… –, rester calme, et bla bla bla… »

Roland gloussa. C'était presque ça, même si Nolan était visiblement ennuyé de toutes ces bonnes manières à connaître. Si son fils avait hérité de lui son goût de l'aventure, il ne tenait pas de lui sa conduite, qui rappelait bien plus celle de son oncle Harry, surtout dans son enfance quand il était alors un enfant exécrable et insupportable. Il faudrait que Roland pense à dire à son vieil ami de faire plus attention à ce qu'il racontait à Nolan.

Le navire royal de Somnia finit par accoster au port de Gotha et une passerelle fut rapidement mise en place. Les gardes qui accompagnaient le roi et le prince se placèrent en rang, de sorte à former une allée que Roland et son fils fermaient, face à la passerelle. Ils s'attendaient à ce qu'un émissaire ou quelqu'un d'un rang semblable face son apparition et, après quelques salutations envers la royauté de Gotha, annonce l'arrivée du prince de Somnia mais ce ne fut pas le cas.

Au lieu de cela, un homme et une femme apparurent sur la passerelle et vinrent vers eux.

« Papa ! s'exclama Nolan, ébahi. Ils ont des cheveux de la même couleur que nous ! »

L'enfant disait vrai. L'homme qui s'avançait vers eux avait des cheveux bleus hérissés – que Roland avait confondu avec un chapeau tantôt –, tout comme une femme derrière lui, qui devait être sa sœur ou peut-être sa cousine.

En dehors de cela, s'il était bel et bien le prince de Somnia, il ne ressemblait guère à un membre de la royauté. En dehors de ses habits bleus et orangés qui ne rappelaient pas vraiment ceux d'une personne royale, il portait une épée dans son dos, ainsi que des anneaux en argent à ses oreilles.

S'il remarquait la surprise de Roland et Nolan, il ne le montra pas et se contenta de s'approcher d'eux avec un sourire satisfait et d'un pas assuré. Il ne paraissait pas plus étonné de voir quelqu'un avec des cheveux bleus comme les siens en face de lui.

« Je vous souhaite le bonjour ! déclara-t-il d'un ton gai. Je ne me trompe pas en affirmant que nous sommes à Gotha, n'est-ce pas ?

— C'est cela, affirma Roland en hochant la tête. Vous êtes la bienvenue dans le royaume de Gotha, prince… ?

— Prince Iza, fils du roi Somnus et de la reine Apnéa, souverains du royaume de Somnia. Celle qui se tient à mes côtés est ma sœur adoptive, Mélodie du Pic des Tisseurs. À qui ai-je l'honneur ? Vous êtes des envoyés du roi de Gotha ?

— Pas exactement. Nous sommes…

— Peuh ! intervenu Nolan en croisant les bras. Vous savez même pas qui est mon père ? C'est lui le roi ! Et moi, je suis son fils ! »

Le prince Iza cligna des yeux, avant de grimacer et de se frotter l'arrière de la nuque d'un air honteux.

« Mes excuses ! Je l'ignorais. C'est un honneur de vous rencontre, Roi Roland ! Et… ?

— Nolan ! se présenta l'enfant. Prince Nolan, mais vous pouvez simplement m'appeler Nolan si vous préférez. En fait, je n'aime pas quand les gens m'appellent prince, j'ai l'impression qu'ils sont tout le temps mal à l'aise en ma présence quand ils font ça…

— Vraiment ? s'étonna le prince Iza, son embarras déjà oublié.

— Mon frère aussi, déclara Mélodie en souriant. Il aime bien se faire passer pour un simple guerrier.

— Oh vous aussi vous aimez vous battre ? compris Nolan, enthousiasme alors qu'il sortit son épée. Moi aussi ! J'ai même affronté le méchant Nimzo qui menaçait notre monde, avec l'aide de mes parents et de ma sœur !

— Woah, je n'ai jamais vu une épée comme celle-ci ! s'exclama le prince Iza. Elle ressemble beaucoup à celle que j'ai laissé chez moi, à Somnia. Est-ce une lame légendaire ? »

Il ne ressentait clairement plus aucune gêne et s'agenouilla devant Nolan pour admirer de plus près l'épée zénithienne, ses yeux se mettant à briller tandis que le prince de Gotha s'enorgueillit des flatteries concernant son arme. À côté, sa sœur se mit à glousser.

« Cela est vraiment unique en son genre ! dit-elle distraitement à l'attention de Roland. En plus d'avoir la même couleur de cheveux, ils paraissent partager la même passion pour l'aventure et les combats.

— Vous avez raison, cela est assez surprenant... » approuva le roi de Gotha en hochant la tête.

Il fallait vraiment qu'il fasse se rencontrer Nera et le prince Iza. Sa femme lui avait déjà parlé des nombreuses voyages faits avec son père et sa sœur aîné autour du monde. Peut-être était-elle une cousine de la famille royale de Somnia ?

Cette couleur de cheveux semblait tout de même trop unique pour que cela ne soit qu'une coïncidence que Nera et le prince Iza aient la même. En plus, Roland ne doutait pas une seule seconde que le prince Iza et la princesse Mélodie seraient très apprécié au château, surtout par Nolan et Inga.

. . .

Roland avait bien conscience de ne pas ressembler à un prince. En fait, on le prenait plus pour un vagabond qu'autre chose, avec son turban, sa cape et son bâton. Si les gens de son royaume s'étaient vite habitués à voir leur roi portant un tel accoutrement, cela n'empêchait pas que le contraste entre ses vêtements de voyageurs et ceux que doivent porter un membre de la royauté ressortait fortement.

Cela se voyait surtout quand lui et sa famille rendaient une visite de courtoisie au prince Harry à Cobourg, après avoir salué et s'être entretenu avec le roi Will. Encore une fois, Rodéric – le fils de Harry et de Maria, et sans doute futur roi de Cobourg puisque le roi Will n'avait pas de progéniture – avait fait des siennes et embêtait Léon – enfin… Baumren –, ce qui avait conduit Inga à s'en plaindre et le jeune garçon aux cheveux verts, toujours aussi infernal, s'était enfui en se raillant d'elle. Ainsi, Inga était partie à sa poursuite, Baumren sur ses talons.

« Et dire que je l'ai appelé Rodéric en ton honneur... dit Harry en soupirant à Roland. J'aurais mieux fait de lui donner mon nom. Ce gamin est mon portrait craché de quand j'étais jeune.

— Dans ce cas il va s'assagir et deviendra plus mature et responsable avec le temps, rassura Maria. Comme un certain prince que je connais qui, selon ce que son meilleur ami m'a dit, était insupportable dans son enfance.

— Hein ? Mais papa, tu ne t'appelles pas Rodéric ! protesta Nolan, confus.

— C'est son deuxième prénom, mon trésor, expliqua Nera à son fils. Tout comme ton deuxième prénom est Rolando et celui de ta sœur est Nerane.

— Ah bon ? Nous avons plusieurs prénoms ? C'est bizarre, ça. »

Il ne restait donc plus que les adultes et Nolan dans le salon du prince Harry. L'enfant, d'ailleurs, ne cessait de dévisager son oncle, avant d'alterner pour regarder son père puis observer de nouveau le prince de Cobourg et ainsi de suite. Roland tentait d'ignorer l'étrange comportement de son fils pour profiter de ce moment passé avec son vieil ami mais se trouvait assez déstabilisé. Il n'appréciait pas trop qu'on le fixe ainsi, même si c'était son fils, et jeta un coup d'œil perplexe à son épouse, lui demandant silencieusement si elle comprenait pourquoi Nolan agissait ainsi.

« Nolan ? appela finalement Nera. Qu'y-a-t-il, mon trésor ? Tu ne cesses de dévisager ton oncle et ton père et je pense que cela peut les mettre mal à l'aise.

— Hé bien… c'est juste que je me disais que papa et oncle Harry sont vraiment très différents, déclara finalement Nolan.

— C'est le moins qu'on puisse dire ! rit le prince Harry. C'est vrai que Roland et moi n'avons vraiment pas le même caractère.

— Non, ce n'est pas de ça que je parlais, protesta le héros légendaire en secouant la tête. Je pensais à vos tenues.

— Nos… tenues ?

— Oui. Toi, oncle Harry, tu ressembles vraiment à un prince, avec ta cape rouge et des habits dorés. Papa, par contre... »

Nolan regarda son père et pencha la tête, perplexe.

« Papa… Pourquoi portes-tu des vêtements si bizarres ? »

Le premier à réagir fut Harry, qui éclata de rire suite à la question posée par son neveu. Nera et Maria ne tardèrent pas à suivre, la première se mettant à sourire et la seconde cachant son amusement derrière sa main.

« Je me suis posé la même question quand ton père a choisi ces vêtements une fois que nous sommes arrivés à Bonaventure, après avoir fuit dix ans d'esclavage, déclara le prince Harry avec amusement. Mais à chaque fois que je lui ai posé la question, il l'a évité et ne m'a pas répondu. Aujourd'hui vient l'heure des réponses, cher ami ! Allez, Roland, dis nous ! Pourquoi un tel accoutrement ? »

Roland soupira. Il était apparemment temps qu'il parle de cette étrange rencontre à Ruycelieu avec son double lorsqu'il était enfant et qu'il leur explique que le Roland de six ans avait été impressionné par l'allure de ce mystérieux voyageur vêtu de violet qui paraissait avoir beaucoup voyager et vécu bien des aventures. Il n'était pas certain qu'on allait le croire mais avoir tout ce qui s'était passé ces derniers temps, cela n'était peut-être pas si surprenant que cela.

Quoi qu'il en soit, il y avait une bonne raison pour laquelle il n'avait jamais pris le temps de parler en détail de la raison derrière son choix vestimentaire particulier…

« Hé bien… C'est une longue histoire. »

. . .

Revenir dans son village natal était toujours difficile pour Roland. Bien que lui et Harry aient entrepris quelques démarches pour faire revivre ce village, il n'en demeurait pas moins pour l'instant un endroit désolé, dévasté par la guerre, la misère et le feu. Il n'y avait que quelques rares habitations qui tenaient encore debout, les autres déjà brûlées jusqu'aux fondations ou rongées par le temps et les caprices de la nature. Les villageois, quant à eux, se faisaient encore plus rares.

Pourtant Roland tenait à y emmener sa famille. Ni sa femme ni ses enfants ne comprenaient son choix de revenir ici. Comme lors de leur dernière visite en ces lieux – après la mort de Nimzo –, ils le regardaient d'un air attristé mais semblaient aussi mal à l'aise en traversant ces champs de ruines.

« Papa… Je sais que tu tiens à cette endroit mais pourquoi nous emmener ici ? demanda Inga alors qu'ils passaient le pont qui permettaient de traverser la rivière. Nous sommes déjà venus ici et depuis la dernière fois, rien n'a changé…

— Inga a raison, approuva Nolan. C'est tellement ennuyeux d'être ici.

— Nolan ! intervenue Nera en jetant un regard réprobateur à son fils, qui grimaça. Ce village est important pour ton père, ajouta-t-elle plus doucement. Je sais qu'il ne représente rien pour toi mais essaye de comprendre la place qu'il occupe dans le coeur de ton père et ne lui manque pas de respect.

— Désolé, papa… s'excusa l'enfant. Mais tu reconnais quand même qu'il n'y a rien d'intéressant à voir ici, hein ?

— Si, protesta Roland en souriant. Il me reste quelque chose à vous montrer. Vous verrez, cela vous plaira. »

Ils avancèrent encore un peu dans ces terres désolées jusqu'aux ruines de la maison d'enfance de Roland. Il ne s'attarda qu'une seconde devant ce qui était autrefois l'encadrement de la porte d'entrée avant de conduire sa femme et ses enfants à la trappe où se trouvait le sous-sol et de les faire descendre les escaliers. S'ils s'interrogeaient quant à cette décision, ils n'eurent pas le temps de poser la moindre question : apparue à leurs yeux un escalier dorée menant à un portail de lumière éblouissante.

Mère comme fils et fille en furent ébahis.

« Papa, c'est quoi ça ? demanda Inga. C'est vraiment réel ?

— Pourquoi ça brille ? poursuivit Nolan. Et c'est quoi, cette lumière ?

— Roland… Cet escalier est-il celui dont tu m'as déjà parlé ? Celui qui mène au Royaume des fées ? » demanda Nera.

À la mention des fées, leurs enfants réagirent aussitôt.

« Les fées ! s'exclamèrent-ils en coeur. On va au royaume des fées ? »

Roland sourit. C'était exactement ce qu'il s'attendait comme réaction. Il leur confirma donc d'un hochement de tête mais, avant que Nolan et Inga puissent bondir de joie, leur ordonna de l'attendre ici. Sous les regards incrédules – et un peu inquiets – de sa famille, il passa l'escalier doré et disparu.

Il revient auprès d'eux une poignée de minutes plus tard, encore plus souriant.

« La reine Mélissa nous autorise à entrer à Fééria, annonça-t-il.

— Comment cela se fait-il ? demanda Nera à son époux. Les fées ne sont-elle pas censées êtres invisibles aux yeux des humains ?

— Si, mais elle fait une exception pour cette fois, en remerciement pour tout ce que nous avons fait pour le monde.

— Chouette ! » clamèrent Nolan et Inga.

En moins de temps qu'il ne faut pour le dire, ils grimpèrent les escaliers et disparurent. Roland les regarda puis offrit sa main à Nera et, ensemble, ils traversèrent le portail de lumière menant au Royaume des Fées.

Visiter le monde des fées fut plus rapide que ce que croyaient Nera, Nolan et Inga. Un seul continent du monde humain était déjà deux fois plus grand que ce royaume plongé dans un printemps éternel. Pourtant, tout cela était si nouveau pour eux et merveilleux à leurs yeux que leur promenade se révéla plus longue que l'on pouvait imaginer pour faire le tour de ce monde enchanté.

Roland et Candy y furent d'ailleurs pour beaucoup : le roi de Gotha et la fée, après que la famille royale se soit présentée devant la reine Mélissa, avaient joué les guides touristes et, à chaque lieu visité, y allaient d'un commentaire. Ils se remémoraient le passé quand un jeune garçon de six ans vit une fée lui demander son aide pour vaincre la Reine de l'Hiver, retrouver le Messager du Printemps et libérer Fééria, plongé dans un hiver sans fin.

« Papa, papa ! Tu parles sans cesse du Messager du Printemps, mais c'était quoi au final ? » demanda Nolan.

La famille royale de Gotha se retrouvait sur une colline, à l'ombre d'un arbre en fleur et avec une vue inestimable sur l'arbre ancestrale où résidait la reine Mélissa. Ils s'y prélassaient, après des heures à se balader dans tout Fééria. Nolan était allongé par terre à côté de sa sœur, elle assise tandis que leurs parents étaient appuyés contre le tronc de l'arbre.

« Une flûte, dit Roland. Une flûte magique qui, jouée d'une mélodie spéciale connue de la reine Mélissa, ramène le printemps.

— Mais et l'hiver ? Il ne revient plus, du coup ?

— Non, il ne revient plus. Le printemps dure toujours dans Fééria, contrairement à notre monde où nous avons quatre saisons qui se succèdent.

— Un printemps éternel ? J'aime bien cette idée ! déclara Nolan en plaçant ses mains derrière sa tête. Même si un été éternel serait mieux, ça serait bien qu'il fasse chaud toute l'année. Au moins, on éviterait d'être malade en hiver.

— Mais c'est bien, l'hiver ! protesta aussi Inga. Nous pouvons faire des batailles de boules de neiges et puis on boit plein de chocolats chauds !

— Tu as raison ! s'exclama Nolan en se redressant. J'avais complètement oublié pour les chocolats chauds ! Quoi que… on peut aussi boire du chocolat chaud quand il y a des tempêtes dehors, non ?

— Oui, mais ce n'est pas la même chose. C'est mieux d'en boire en hiver, en regardant la neige tomber dans la cour.

— Je ne vois pas en quoi c'est mieux. Il fait trop froid en hiver ! En plus, on glisse partout à cause de la neige. C'est pas marrant de tomber tout le temps. »

Roland et Nera observèrent en silence et avec amusement leurs enfants se chamailler.

« Pensais-tu que nous puissions vivre cela un jour ? demanda doucement Nera. Être ici, dans le royaume des Fées et tandis que la paix règne enfin dans le monde, à regarder nos enfants se disputer ? »

Elle posa sa tête sur l'épaule de son époux qui, en retour, passa son bras autour d'elle.

Roland sourit.

Quand son père l'avait emmené à Ruycelieu, Roland pensait qu'enfin ils aménageraient définitivement dans ce village et ce pour de nombreuses années, qu'il grandirait avec Léon et qu'ils rendraient visite à Bianca aussi souvent que possible. La mort de son père ainsi que sa nouvelle condition d'esclave avaient réduit ces plans à néant.

Dix ans plus tard, après avoir enfin retrouvé sa liberté, Roland partait à la recherche de sa mère et de ses origines, d'un monde qui serait le sien. Ses séparations avec Harry qui retrouvait sa place à la cour de Cobourg ne faisait pas partie de ses plans, pas plus que ses retrouvailles avec Léon ou Bianca.

Plus tard, il avait fait la rencontre de Nera, ne se souvenant que tardivement qu'ils s'étaient déjà croisés sur un bateau, bien des années auparavant. Il en était tombé amoureux, d'elle et sa voix mélodieuse, de sa douceur et de sa gentillesse. Plus tard, il avait également été impressionné par son courage et sa foi envers Roland, qu'elle connaissait pourtant si peu malgré leur mariage. Cela n'avait fait qu'accentuer ses sentiments envers elle.

Ensembles, ils avaient découvert Gotha et Roland devint roi. Puis les complications se présentèrent et encore une fois, il perdit des années de sa vie. Sans même qu'il ne le réalise, huit ans étaient passés et les bébés alors vus dans les bras de sa femme qui venait d'accoucher étaient alors devenus des enfants, vaillants et responsables, prêts à sauver leurs parents et les aider dans leur quête contre Nimzo.

Roland avait craint de ne pas voir ce jour arriver, que sa femme ou un de ses enfants meurt dans cette quête insensée pour sauver le monde. Heureusement, rien de tout cela ne s'était produit. Nera allait bien, tout comme Nolan et Inga.

Alors, après tant d'années sans pouvoir vivre une vie de famille normale, Roland était bien décidé de profiter des moments passés auprès de ceux qu'il aimait tant.

« J'y pensais, oui, mais seulement en rêve. Je suis heureux de voir que ce rêve est devenu réalité. »

Être aux côtés de Nera pendant que Nolan et Inga se disputaient. Telle était sa vision parfaite d'un paisible moment en famille.