Défi du Maître des potions "Harry devient mercenaire et fournit des ingrédients de potions rares à Rogue"
Severus Rogue, Maître des potions renommé et professeur à la célèbre école de sorcellerie Poudlard était un homme sombre, généralement décrit comme désagréable - pour ce qui était des qualificatifs les plus agréables.
De mémoire d'élève, personne ne l'avait jamais vu sourire, ou avoir un mot agréable pour qui que ce soit. Il était toujours seul, ne semblant avoir ni ami ni famille, et était visiblement aigri. Sa mauvaise humeur permanente était légendaire après tout.
Qu'il ait été un Mangemort à l'époque de la Grande Guerre des sorciers n'était un secret pour personne. Mais Albus Dumbledore en personne avait témoigné en sa faveur, jurant qu'il avait été un espion, et qu'il avait risqué sa vie à de multiples reprises pour le Bien.
La guerre avait brutalement prit fin lorsque les Potter avaient été tués. Ce soir là, quelque chose s'était produit.
Deux grands combattants de l'Ordre du Phénix avaient été tués, mais le Mage Noir avait été défait.
Le monde magique avait retrouvé la paix, entrant dans une période de célébration sans précédent. Le jeune héros était le fils Potter, un bambin âgé d'un an et demi, trop jeune pour comprendre ce qui s'était passé. Dumbledore l'avait discrètement fait disparaître, jurant qu'il était en sécurité.
Et puis, le monde magique avait oublié. Oublié la guerre, oublié leur héros. Les livres d'histoire avaient retenu que le jeune Harry Potter avait défait le plus grand mage noir du siècle, et qu'il avait récolté à cette occasion une cicatrice en forme d'éclair. Cependant, personne ne se préoccupait de savoir où était l'enfant, s'il grandissait bien ou s'il était heureux.
Les années avaient passé. Jusqu'au jour où Harry Potter devrait entrer à Poudlard.
En se rendant compte que la lettre que devait recevoir le jeune Harry revenait sans avoir été ouverte, Dumbledore soupira, grognant légèrement en maudissant la famille moldue du jeune héros. Il haussa les épaules et fit appeler Hagrid : même s'il était un sorcier plus que moyen, le demi-géant lui était fidèle et serait suffisamment impressionnant pour rappeler à ces fichus moldus qui était le plus puissant…
Sauf que… Sauf que rien ne se passa comme prévu. Rien du tout.
Hagrid revint, visiblement troublé, triturant un grand mouchoir à carreaux.
- Il était pas là, Professeur.
Dumledore fronça les sourcils, perplexe.
- Comment ça ?
- Le jeune Potter, Harry. Il était pas là.
Le Directeur lissa sa barbe nerveusement.
- Sa famille l'avait envoyé en vacances peut-être ?
Hagrid détourna le regard, avec une moue désolée.
- Non. Il vit plus là bas depuis longtemps qu'ils ont dit.
Le vieil homme s'étouffa presque avec un de ses bonbons au citron, laissant échapper une exclamation étouffée. D'un air sombre, il congédia son garde-chasse, réfléchissant.
Une affaire de ce genre nécessitait du doigté, et même s'il réugnait à ce que ses petits secrets soient dévoilés, il n'avait pas réellement le choix. Aussi, il fit convoquer son ancien espion et Maître des potions.
Dumbledore ignora l'air revêche de son professeur de potions en lui désignant la chaise devant son bureau.
- Severus, j'ai besoin d'un service de votre part.
L'homme grogna et lui lança un regard noir, qui laissa le Directeur de marbre.
- Il me semblait pourtant que ma dette était payée depuis le temps.
Dumbledore gloussa et fit un geste vague de la main, un large sourire sur les lèvres.
- Oh mon garçon, pas de ça entre nous ! Vous ne refuseriez pas un service à un vieil homme n'est-ce-pas ?
Severus grimaça et Albus Dumbledore put entendre distinctement un "vieux fou manipulateur" qu'il ignora.
- Je sais que je ne vous ai jamais demandé ce genre de chose, mais j'aurais besoin que vous alliez chercher un enfant dans le monde moldu.
L'homme en noir se leva brusquement, ses yeux lançant des éclairs.
- Hors de question !
Les yeux pétillant du Directeur se glacèrent et il laissa échapper un peu de magie, suffocant Severus. Sévère, il lui fit signe de se rasseoir.
- Il s'agit de Harry Potter. Il semblerait qu'il ne soit plus avec sa famille, et vous seul avez les compétences nécessaires pour savoir où il se trouve et le ramener ici. Il est nécessaire que nous puissions le localiser dans le vas où… Où Voldemort reviendrait.
Severus pinça les lèvres, furieux, mais ne répondit pas. Il savait parfaitement qu'il n'avait pas le choix, et qu'il pourrait toujours protester mais Dumbledore aurait le dernier mot. Malgré le fait qu'il avait été innocenté par un procès, il portait la marque sombre sur le bras, et il savait qu'il ne trouverait pas de travail s'il n'était plus professeur à Poudlard.
La menace était implicite, bien sûr. Jamais Dumbledore ne le menacerait ouvertement. Mais, il n'avait pas le luxe de refuser les "services" exigés.
Ainsi donc, Severus Rogue, Ancien Mangemort, Sorcier puissant et Maître des potions accompli, partit pour le Londres moldu. Il y avait grandi, longtemps auparavant. Il y avait grandi et il y avait été terriblement malheureux, si bien qu'il avait juré de ne jamais y remettre les pieds.
Lorsqu'il arriva dans Privet Drive, il grimaça en voyant les maisons toutes identiques, avec leurs petits carrés de pelouse parfaitement entretenus.
Devant le numéro quatre, il hésita longuement. Il savait qu'il allait se retrouver face à Pétunia Evans, et il ne gardait pas un bon souvenir de la gamine ingrate qu'elle avait été. Cependant, il soupira et s'avança avant de frapper d'un air décidé à la porte.
Ce fut un gros garçon maussade qui ouvrit la porte. Un énorme garçon. De la taille d'un baleineau au moins.
- Ouais ? C'est pourquoi ?
Le gamin mâchait en parlant et tenait entre ses doigts boudinés un sandwich largement garni.
Severus espéra un instant que le fils Potter n'était pas aussi glouton que le spécimen face à lui. Avec une grimace dégoûtée, il exigea de voir ses parents.
Parfaitement impoli, le gamin haussa les épaules et tourna les talons, laissant la porte ouverte avant de brailler un "Maman" tonitruant.
Severus renifla et imagina les punitions qu'il pourrait donner à ce gamin pour lui apprendre les bonnes manières. L'exercice eut l'avantage de lui permettre de se calmer légèrement. Il n'était donc pas sur les dents quand Pétunia se montra.
Il la détailla, curieux. Bien que plus vieille, la mégère n'avait pas changé. Elle était toujours aussi laide - et c'était incompréhensible à ses yeux de penser qu'elle était la sœur de son ange Lily. Elle avait un air revêche et elle détailla sa tenue - noire - d'un air méprisant.
- Nous sommes de bons catholiques ici ! On ne reçoit pas les saltimbanques de votre genre.
Severus écarquilla un instant les yeux avant de comprendre qu'elle le prenait pour un prédicateur ou quelque chose du genre. Il ricana et avança dans le couloir d'entrée de la maison d'un air menaçant.
- Nous avons à parler. Au sujet de votre neveu.
L'homme constata avec satisfaction que le visage de la femme se décomposait alors qu'elle comprenait qu'il était un sorcier. Avec un léger rictus, il sortit sa baguette de sa manche, pour la faire tourner entre ses doigts.
Elle glapit et lui ordonna de sortit, mais Severus avança d'un pas de plus avant de faire un geste rapide de baguette qui fit claquer la porte derrière lui.
Pétunia sursauta et sa voix tremblait lorsqu'elle lui ordonna de nouveau de quitter les lieux.
Severus resta près d'une heure au quatre, Privet Drive. Lorsqu'il sortit de la maison, il tremblait de rage, l'envie de tuer n'ayant jamais été aussi forte qu'à cet instant.
Il maudissait Dumbledore et ses petits secrets, mais plus encore, il exécrait ces fichus moldus.
Il s'attendait à voir les souvenirs d'un petit garçon choyé et prétentieux comme James Potter l'avait été lorsqu'il avait lancé le Legilimens sur Petunia. Au lieu de ça, il avait vu un souffre-douleur apeuré et maigre à faire peur, maltraité, sous alimenté. Un gosse aussi malheureux que lui l'avait été, battu, affamé. Exploité.
Il réprima une vague de nausée en repensant à l'enfance misérable du Sauveur du monde magique. Le gosse avait tout perdu, et il recevait en remerciement une séance de torture illimitée chez des moldus stupides.
Il avait vu son enfance dans un placard dans l'esprit de Pétunia, jusqu'à ses huit ans environ. Là, alors qu'il allait être tabassé par son cousin idiot - le baleineau était parfaitement capable de courir pour se montrer cruel malgré son embonpoint - il avait usé de Magie Instinctive pour transplaner sur le toit de son école.
Le soir même, il avait reçu une solide correction en se faisant traiter de Monstre et d'Anormal par son oncle. Severus avait tressailli à chaque coup de ceinture tombant sur le pauvre gosse décharné.
Le lendemain, Harry Potter avait disparu.
Severus soupira, espérant que l'enfant allait bien. Qu'il était enfin libre et heureux, et que plus personne n'abusait de lui. Cependant, c'était un vœu pieux. Il y avait bien plus de personnes prêtes à profiter de la faiblesse des autres que d'humains pleins de bonté.
Le Maître des potions repensa à Lily, la femme qu'il aimait encore, après toutes ces années. Il avait juré qu'il prendrait soin de son fils, alors, il partirait à la recherche de Harry, puis il s'assurerait qu'il allait bien. Mais il ne le livrerait pas à Dumbledore, certainement pas. Le vieux fou devait avoir prévu de s'en servir pour son "plus grand bien".
Évidemment, Dumbledore fut furieux d'apprendre que le gosse avait disparu sans aucune trace. Severus ne parla pas des maltraitances. Il annonça juste que le gamin avait disparu brusquement sans laisser de traces. Le soir il était présent, le lendemain… il n'y avait plus personne.
L'affaire en resta là. En apparences.
Severus n'avait pas cessé de chercher le gosses. Il était porté disparu depuis plus de trois ans. Un petit garçon de huit ans avait disparu - trop petit et trop maigre - et il cherchait un jeune garçon de onze ans, priant pour qu'il soit encore en vie.
Le maître des potions avait cherché Harry Potter partout en Angleterre. Il n'avait pas ménagé ses efforts, et il n'avait pas trouvé la moindre trace de l'enfant, comme s'il n'avait jamais existé. Parfois, il en venait à penser que son oncle l'avait tué et avait dissimulé son corps.
Un jour, il était même retourné à Privet Drive en toute discrétion, pour sonder l'esprit du gros moldu qui avait épousé Pétunia Evans. Mais à part avoir battu l'enfant encore et encore, l'avoir affamé, lui avoir donné des corvées totalement inadaptées à son âge, il n'avait pas été jusqu'à le tuer - accidentellement ou non. Pareil pour son cachalot de fils.
Le gosse lorsqu'il avait disparu était blessé, mais vivant et ses jours n'étaient pas en danger.
Severus en venait à rêver chaque nuit de l'instant où il retrouverait Harry. Il avait envie de le protéger, de lui offrir la sécurité qu'il n'avait jamais probablement connu.
Lui l'homme désabusé avait été touché en plein cœur par un gosse martyr, qui lui avait rappelé le petit garçon qu'il avait été. Le petit garçon trop maigres, aux vêtements déchirés et rapiécés, battu, qui allait à l'école moldue la faim au ventre, forcé de subir les quolibets des autres.
Ce n'était pas le premier gosse malheureux qu'il croisait dans sa carrière, mais c'était celui qui lui ressemblait le plus. Sans compter que Harry avait le regard vert de Lily, de sa Lily.
Chaque nuit, ces yeux verts venaient le hanter, et il les cherchait autour de lui, littéralement obsédé.
Dans tout ce qu'il avait pu imaginer, il n'aurait jamais pu deviner ce qui allait se produire.
En potionniste accompli, Severus était habilité à brasser des potions compliquées, voire dangereuses et pour ce faire, il avait besoin d'ingrédients extrêmement rares.
Parfois, il allait lui même les récolter, n'hésitant pas à risquer sa vie. Mais à d'autres moments, il passait par des échoppes d'herboristes, qui employaient des mercenaires.
Rarement, il avait besoin d'ingrédients rares et illégaux. Dans ce cas, il se rendait allée des Embrumes, où il était certain que la discrétion était de mise. Les boutiques étaient miteuses et sombres, mais on y trouvait de tout. Même les ingrédients les plus chers, ceux que toute une année de salaire ne suffirait pas à acheter…
Cette fois-ci, Severus avait besoin d'écailles de dragon. Ce n'était pas un ingrédient totalement illégal, dans le sens où il était tout à fait possible de s'en procurer légalement, mais il y avait une liste d'attente interminable et le maître des potions était pressé.
Aussi, il avait quitté Poudlard vêtu de sombre, dissimulé sous une cape noire, capuche rabattue sur ses cheveux gras lui masquant le visage. Il entra sans hésiter dans l'allée des Embrumes, sans regarder autour de lui, le nez froncés face à l'odeur pestilentielle des lieux.
Avec un soupir, il se glissa chez l'herboriste le moins malhonnête de l'allée, et trouva l'échoppe déserte à son plus grand soulagement.
Il resta près du comptoir, tapotant nerveusement sur le bois tâché de ses longs doigts, jusqu'à ce qu'un petit homme grassouillet ne se présente.
- C'est pour quoi ?
- Je voudrais des écailles de dragon.
- Pas en stock. J'peux envoyer quelqu'un mais y'aura un supplément.
Severus grogna, agacé. Il avait espéré repartir le soir même avec ses ingrédients plutôt que de devoir encore différer la préparation de sa potion. Il n'avait pas le choix cependant.
Il grogna un assentiment à contrecœur.
Avec un sourire cupide, l'homme acquiesça puis cria "gamin" en direction de l'arrière boutique.
Une petite silhouette se faufila, restant dans l'ombre, et Severus eut le souffle coupé un instant.
Le mercenaire était un enfant, un jeune enfant. Mince, les cheveux en bataille, il se tenait silencieux et tête baissée, attendant les ordres. L'homme lui indiqua ce que Severus voulait et le gosse leva brièvement la tête avant de transplaner.
Severus hoqueta. Déjà parce qu'un enfant mercenaire était une hérésie à son sens. C'était un métier dangereux. Extrêmement dangereux. Il fallait affronter de puissantes créatures magiques, pour recueillir les ingrédients. Il fallait échapper aux Aurors et aux autres mercenaires. Si un Auror pouvait hésiter à lancer un sort sur un enfant, un autre mercenaire n'hésiterait certainement pas.
Ensuite, un enfant qui transplanait avec autant de facilité à un âge aussi jeune - il ne devait pas avoir plus de huit ou neuf ans - c'était impossible. Exceptionnel.
Il fallait une large puissance magique et une sacrée maîtrise. Ce gosse deviendrait un sorcier exceptionnel…
La dernière image qu'il avait de l'enfant lui revint en tête, et Severus se figea. Il n'avait pas vraiment vu ses traits en détail - la boutique était bien trop sombre - mais il avait eu le temps de voir un seul détail. Ses yeux verts.
Il crut avoir rêvé, mais si Severus était un excellent espion ce n'était pas pour rien. Il avait pour habitude de vérifier chaque piste, chaque élément, avec un soin maniaque.
Aussi, le cœur battant, étreint d'un pressentiment, il se pencha vers l'affreux bonhomme, les yeux plissés. Il nota avec satisfaction que l'homme déglutissait. Il l'avait reconnu bien évidemment. Il avait un visage certes ingrat mais parfaitement reconnaissable. Et son passé de Mangemort donnait encore des frissons.
Il utilisa sa voix la plus glaciale, chuchotant presque les mots.
- Qui est ce gosse ?
Severus devina que l'homme était prêt à mentir. Son regard fuyant et les perles de sueur qui apparaissaient sur son front en étaient un signe certain. Aussi, il montra sa baguette, la tournant entre ses doigts, rappelant à l'homme qu'il était dangereux. Très dangereux.
L'homme déglutit de nouveau avant de céder, visiblement à contrecœur.
- Un gosse que j'ai trouvé y'a quelques années. Un gosse de moldu. Il était blessé, alors je l'ai soigné et depuis il travaille pour moi.
Severus grogna légèrement, alors que son pressentiment s'accentuait.
- Son nom.
L'herboriste tenta de feinter, n'étant visiblement pas prêt à se passer de son petit employé.
- Peu importe. Il n'est rien. Un né-moldu anonyme, sa famille ne voulait même pas de lui.
Severus leva lentement sa baguette, ses yeux sombres lançant une menace claire. L'homme dut décider que finalement sa vie était probablement plus précieuse que cet enfant anonyme comme il disait.
Il bégaya avant d'avouer le prénom du gosse.
- Ha… Harry. Son nom est Harry. Il a pas de nom de famille, j'vous jure !
Severus se pencha un peu plus, collant presque son nez à celui de l'homme transpirant.
- J'espère pour vous qu'il rentrera indemne. Et je l'emmène avec moi. Je connais cet enfant, et il est hors de question qu'il reste ici.
Une vague lueur de colère passa dans les yeux de l'homme, mais il hocha la tête vaincu. Le Maître des potions n'était pas de ceux qu'il fallait contrarier. Il allait perdre son meilleur mercenaire, mais au moins il serait encore vivant le lendemain pour continuer son petit commerce. Et des sorciers prêts à jouer les mercenaires, il en trouverait d'autres. Peut être pas aussi puissants que le gosse, mais il s'en accommoderait. Comme toujours.
Quand le garçon revint, il avait une estafilade sanguinolente sur la joue, et la manche de son pull était déchirée. Hormis ça, il semblait indemne et il avait entre ses mains une bonne poignée d'écailles de dragon.
Severus pinça les lèvres, refusant d'imaginer les risques pris par ce satané gosse, et lança une bourse bien remplie de gallions à l'herboriste, payant ainsi le prix demandé pour les écailles de dragon. Il attrapa l'épaule du gamin, en un geste inconsciemment protecteur, puis avant de sortir de la boutique, il lança un dernier avertissement à l'homme.
- N'essayez même pas de le retrouver, ou je ne serais pas aussi conciliant la prochaine fois qu'on se verra.
Puis il attira l'enfant à sa suite.
Ce dernier sembla effrayé et perdu, regardant cet homme immense et sombre qui l'emmenait. Cependant, depuis qu'il était tout petit, il était habitué à obéir aux adultes. Il suivit donc le mouvement, avec l'intention de s'échapper à la première occasion.
Severus n'attendit pas longtemps avant de serrer l'enfant contre lui pour transplaner. Il n'était plus vraiment en sécurité dans l'allée des Embrumes, désormais.
Normalement, il aurait dû se rendre à Poudlard, mais il ne pouvait certainement pas livrer le gamin. Dumbledore n'en ferait qu'une bouchée. Il choisit donc de rejoindre l'impasse du Tisseur, là où se trouvait la maison de ses parents. Il en avait hérité à leur mort, et à sa connaissance, personne ne savait qu'elle lui appartenait encore.
Il avait toujours dit qu'il n'avait nulle part où vivre en dehors de Poudlard, parce qu'il n'avait jamais considéré cet endroit comme son foyer. C'était pourtant un endroit parfait pour se cacher…
Il fit entrer Harry devant lui, le poussant doucement, conscient de sa crispation et de ses hésitations. Ils n'avaient pas encore échangé le moindre mot, mais Severus voulait d'abord qu'ils soient en sécurité avant qu'ils ne parlent.
Une fois dans le salon poussiéreux, il fit un geste de baguette et alluma une bonne flambée dans la cheminée. Un second geste enflamma les bougies, répandant une lueur chaude dans la pièce, masquant presque à quel point elle était sinistre.
Puis, il se tourna vers l'enfant et réprima un geste de colère en voyant la blessure qu'il avait récolté alors qu'il chassait les écailles de dragon.
L'enfant eut un geste de recul, et Severus eut la certitude que s'il ne l'avait pas tenu par le bras, il aurait transplané.
Il murmura un accio entre ses dents, faisant venir à lui une petite sacoche de soin. Le genre de sacoche qu'il avait pris l'habitude de garder à portée lorsqu'il était espion.
Le garçon écarquilla les yeux, visiblement apeuré, mais il se laissa faire. Severus le soigna avec douceur, et il nota la surprise du gamin. Visiblement personne n'avait jamais pris soin de lui, et il dut réprimer sa rage en pensant à ce qu'il avait traversé.
Puis il soupira.
- Tu as d'autres blessures ?
Le gosse resta silencieux, et secoua juste la tête, en croisant les bras sur son torse, en un geste dérisoire de protection.
Severus soupira, comprenant qu'il allait avoir fort à faire pour gagner la confiance de l'enfant. Il se baissa pour le fixer dans les yeux - les yeux de Lily - et prit la voix la plus douce possible.
- Je m'appelle Severus Rogue. Je connaissais ta mère.
Le gamin eut un mouvement de recul, et écarquilla les yeux. Severus le retint fermement avant de continuer.
- Je ne vais pas te faire de mal. Tu es en sécurité ici.
- Pourquoi ?
C'était le premier mot du jeune garçon. Severus hésita, puis se résolut à se montrer honnête.
- Ta mère était un amie chère à mon cœur. Elle a grandi près d'ici, tu sais.
D'un coup le gamin se figea, yeux écarquillés, attentif, son corps entier tendu vers Severus. Il était visiblement avide d'en savoir plus.
- Tu as ses yeux, tu sais. Elle était une sorcière très douée, et d'après ce que j'ai vu, toi aussi. Tu es déjà puissant.
Harry se détendit et Severus prit le risque de le lâcher. Il espéra que le garçon serait suffisamment intrigué pour rester près de lui, il lui resterait ensuite à gagner sa confiance.
Il vit l'hésitation dans le regard vert, mais finalement, Harry sembla décidé à lui accorder le bénéfice du doute.
- Tu as faim ?
Méfiant, le gamin hocha doucement la tête. Severus eut un léger sourire et appela un elfe de Poudlard pour avoir un repas. Il n'avait pas prévu de venir à cet endroit et d'avoir un invité. Et puis les elfes étaient aptes à garder les secrets…
Harry n'eut pas la moindre réaction face à la créature, rappelant à Severus qu'il avait vécu dans le monde magique.
Alors que la table se remplissait de plats, Severus fit signe à Harry de prendre place. Puis, il s'éclaircit la voix.
- Je… J'aimerai bien que tu me racontes ce qui t'es arrivé ces dernières années. J'ai vu ton oncle et ta tante et…
En voyant Harry se raidir immédiatement à la mention de sa famille moldue, Severus s'empressa de préciser.
- Tu ne retourneras jamais chez eux Harry. Je ferais ce qu'il faut pour t'en protéger.
La lueur de reconnaissance qui passa dans le regard vert serra le cœur de Severus. Il tendit une main hésitante vers l'enfant et lui ébouriffa doucement les cheveux, s'attachant malgré lui.
Il regarda Harry manger comme s'il avait peur de ne pas avoir le temps de se remplir l'estomac.
- Prends ton temps. Je vais te préparer une chambre pour cette nuit, et nous verrons demain ce que nous allons faire.
La bouche pleine, Harry s'immobilisa et le regarda les yeux écarquillés. Il hocha la tête et déglutit. Il continua de manger plus lentement, sans quitter Severus des yeux, comme s'il n'avait jamais fait confiance à personne de sa vie.
En pleine nuit, Severus fut réveillé en sursaut par des hurlements déchirants. Affolé, baguette en main, il se précipita dans la chambre de Harry, persuadé que quelqu'un les avait trouvé et essayait d'enlever l'enfant.
Mais il se rendit rapidement compte que le garçon était juste pris dans un cauchemar. Il s'agitait, les larmes roulant sur ses joues, poussant des cris déchirants et se débattant avec l'énergie du désespoir.
Severus hésita un instant, incapable de savoir ce qu'il devait faire. Il avait fait beaucoup de cauchemars dans sa vie, mais il n'avait jamais eu personne pour le consoler. Il avait perdu sa mère trop tôt pour se souvenir du réconfort que ça pouvait apporter, et pour savoir comment réagir face à cet enfant torturé par la vie.
Puis il s'approcha du lit et posa une main sur l'épaule de Harry. Sans qu'il ne comprenne ce qui se passait, il se retrouva rapidement avec un enfant en pleurs lové dans les bras, accroché à lui comme si sa vie en dépendait. Il hésita juste un instant avant de lui passer doucement la main dans le dos, murmurant des paroles sans aucun sens, juste pour le rassurer.
Rapidement, Harry se calma, se laissant aller contre son torse, somnolant. Severus ne le repoussa pas, cependant. Il le regardait, presque fasciné de se rendre compte qu'il avait réussi à l'apaiser, satisfait de le voir détendu.
Il garda l'enfant dans ses bras jusqu'à ce qu'il soit certain qu'il dormait profondément, avant de le reposer dans son lit et de le couvrir. Il passa la main dans ses cheveux, étrangement ému. Il avait vu des centaines de gamins défiler dans sa salle de classe, mais il n'avait jamais ressenti autant d'affinités qu'avec Harry.
Il était le fils de Lily, mais ce n'était pas la raison. Il s'identifiait à lui. Ils avaient eu la même enfance, mais Severus pouvait changer les choses pour Harry. Il pouvait lui apporter ce qu'il n'avait jamais eu, le protéger.
Le lendemain matin, Severus attendait Harry installé à la table de la cuisine, pensif. Après le cauchemar du garçon, il était resté éveillé, le veillant. Il avait soigneusement réfléchi.
Il avait ramené l'enfant avec lui, sans penser à l'avenir. Maintenant, il était sous sa responsabilité.
Lorsque Harry arriva, hésitant et encore ensommeillé, Severus lui fit signe de s'installer avec un léger sourire. Sans un mot, il lui servit un petit déjeuner - jus de citrouille, bol de lait chocolaté et tartines beurrées. Il le regarda manger, lui laissant le temps de se détendre totalement en sa présence.
Une fois la dernière bouchée engloutie, Harry le fixa longuement, attendant silencieusement les paroles de l'homme.
Severus soupira.
- Tu es connu dans le monde magique Harry. Et il y a beaucoup de monde qui te cherche.
Harry se raidit, inquiet. Severus soupira et se frotta le visage.
- Il y a quelques années tes parents ont été tués par un mage noir. Et toi, alors que tu étais bébé, tu as survécu et il a… disparu.
Le garçon se pencha en avant, avide d'en savoir plus. Il restait silencieux cependant. Severus soupira et continua.
- L'homme qui t'a… placé chez ta famille moldue… il te cherche. Il a prévu quelque chose pour toi, mais j'ignore quels sont ses plans. Tu peux… aller à Poudlard, apprendre et être placé sous sa protection.
Harry chuchota sa réponse.
- Et si je refuse ?
Severus haussa les épaules.
- Ou on peut fuir. Je t'instruirais, mais… Mais c'est une vie où nous devrons toujours être méfiants, à regarder par dessus notre épaule.
Il le fixa de ses yeux verts absinthe, comme s'il essayait de lire ses pensées.
- Vous aurez des problèmes ?
Severus ricana, peu impressionné par cette possibilité.
- Seulement si on nous trouve.
- L'homme… Celui qui me cherche. Il me renverra chez mon oncle et ma tante, n'est-ce-pas ?
Le Maître des potions ne détourna pas le regard, décidé à ne pas mentir au gamin.
- C'est un risque. Il a l'air de penser que tu y serais en sécurité. Parce qu'ils sont de ton sang.
- Alors j'irais avec vous, Monsieur.
Severus pinça les lèvres. Comment cet enfant brisé pouvait-il lui faire confiance aussi rapidement ? Comment pouvait-il encore croire en quelqu'un après tout ce qu'il avait vécu ?
Pour s'assurer qu'il soit bien conscient de son choix, Severus hocha la tête avant de préciser.
- Harry. Je ne suis pas un homme agréable tu sais. Je risque d'être exigeant. Tu devras m'obéir car notre liberté en dépendra. Je ne suis pas quelqu'un de… joyeux, je n'ai jamais eu d'enfant hormis ceux que j'effraie dans ma classe.
Harry resta un long moment silencieux, si bien que Severus crut qu'il allait fuir. Au lieu de quoi, le garçon hocha posément la tête, scellant leur destin.
- D'accord.
Severus hocha la tête, et Harry lui offrit un sourire. Dans un geste qui reviendrait souvent, le maître des potions lui ébouriffa les cheveux.
Il pensa qu'à Poudlard, son absence n'avait pas encore été remarquée. Ils avaient le temps de se préparer et de quitter les lieux. Avec un peu de chance, Severus aurait même le temps de repasser dans son bureau avant le début des cours pour y prendre des ingrédients de potion et des potions déjà brassées.
Ensuite, ils disparaîtraient.
Ils iraient vivre dans la campagne anglaise, dans un petit village, au cœur du monde moldu. Severus trouverait un endroit isolé pour qu'ils puissent faire de la magie. Ils seraient à cheval entre les deux mondes, invisibles avec beaucoup de chance.
Alors que Severus se levait pour aller se préparer, Harry attrapa sa manche. Le garçon attendit qu'il ne baisse les yeux sur lui pour parler, avec sérieux.
- Merci Monsieur.
Pour la première fois depuis longtemps, Severus eut un sourire sincère. Quelque chose lui disait qu'ils s'en sortiraient tous les deux. Et qu'ils arriveraient à être heureux, à leur façon. Pour sa part, il donnerait sa vie pour que ce garçon grandisse en paix et reste sain et sauf.