Cette fic est dédiée à JENNY/CPTJACKHARKNESS dans le cadre des voeux 2020 du salon "Papotage, écriture, lecture et bonne humeur".
Avertissement :
Les textes qui suivent tendent à démontrer pourquoi les Wesen ont aussi peur des Grimm. Ce n'est pas pour rien que cette fic est classifiée en « M » (en même temps, la série est elle-même plutôt violente, sinon trash) et rares sont ces histoires qui finiront bien. En fait elles finissent presque toutes dans le sang et la douleur. Bref, âmes trop sensibles s'abstenir.
N.B. :
Tous les contes utilisés ne sont pas des frères Grimm, d'autant que la plupart des contes ont des variantes, reprises par différents auteurs (ou "compilateurs"). De toute façon j'ai fait figurer l'origine à la fin de chaque chapitre.
J'ai utilisé dans les textes les noms de la série pour les Wesen, donc comme il n'est pas toujours facile de s'y retrouver, je précise également en fin de chapitre de quelles sortes de "créatures" il s'agit.
Ah, et très important : j'ai intentionnellement paraphrasé les contes d'origine, sauf bien entendu dans les passages que j'ai été forcé de changer. Aussi ne vous étonnez pas que le texte soit le plus souvent assez naïf.
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Il était une fois une Ziegevolk (1) nommée Flora, qui vivait seule avec ses sept enfants, trois filles et quatre garçons, qu'elle aimait tendrement. Ils vivaient seuls depuis que son mari avait été chassé par les villageois car, bien qu'il ait déjà une belle famille, il ne pouvait s'empêcher de suivre sa nature profonde et de tourner autour de toutes les femmes. Nul ne savait ce qu'il était devenu mais la mère se doutait bien qu'elle ne le reverrait jamais.
Douce et timide, contrairement à nombre de ceux de sa race, Flora élevait ses enfants avec amour tout en les mettant en garde contre les dangers de ce monde, les humains jaloux, les prédateurs parmi lesquels les autres Wesen, elle les mettait même en garde contre leur propre nature et les exhortait à ne pas imiter leur père. Et bien entendu, elle les avertissait de se garder au mieux du pire de tous les ennemis : les Grimm.
Un jour qu'elle s'apprêtait à partir au marché, elle rassembla ses enfants, recommanda aux plus grands de veiller sur les plus jeunes et, surtout, de verrouiller la porte derrière elle et de ne pas sortir en son absence.
- Vous n'ouvrez à personne. Lorsque je reviendrais, je vous ferai signe à la fenêtre. Entendu ?
- N'aie crainte, Mère, répondit l'aîné. Je ferai attention aux autres. Tu peux partir tranquille.
Rassurée, Flora prit son panier et s'en alla. Elle entendit le verrou se mettre en place dès qu'elle fut à l'extérieur et prit le chemin du village.
Arrivée au marché elle entreprit de faire ses emplettes, échangeant ici et là quelques mots avec ses connaissances. Si son mari avait laissé de mauvais souvenirs aux gens, principalement aux hommes, on plaignait volontiers son épouse d'avoir eu pour compagnon un tel coureur de jupons dont les frasques la laissaient à présent seule avec sa nichée et sans grandes ressources pour la faire vivre. Comme elle était douce et timide et les enfants gentils, personne n'avait rien contre eux.
Personne ? Bientôt Flora éprouva le sentiment désagréable d'être observée sans relâche. Elle se rendit compte alors qu'un homme, un inconnu, la suivait partout où elle allait sans jamais la quitter des yeux. Il était assez grand, vêtu de noir, la tête couverte d'un grand chapeau. Il avait un visage dur, terminé par une courte barbe couleur de fer, une longue cicatrice le long du nez qui courait jusqu'à sa bouche et des yeux... ses yeux firent frissonner de terreur la pauvre mère de famille. Elle n'osait pas le fixer trop ouvertement, mais elle avait une certaine idée de ce que cet homme pouvait bien être.
Angoissée, Flora n'avait plus du tout la tête à ce qu'elle devait acheter. Elle entendait à peine ce qu'on lui disait. Nerveuse, alors qu'elle voulait remettre sa bourse dans sa poche elle la laissa tomber sur le sol. Elle se baissa hâtivement pour la ramasser et ramasser les quelques pièces qui s'étaient répandues sur la terre battue. Avant de se redresser, elle jeta à nouveau un coup d'œil furtif derrière elle. L'homme en noir était toujours là mais il semblait plongé dans une grande conversation avec un marchand. Flora éprouva un léger espoir. Peut-être après tout n'en avait-il pas après elle. Ou peut-être que c'était juste un de ces hommes à la nature perverse qui suivent les femmes seules ? En tous les cas, elle décida de profiter de ce qu'il était occupé pour s'éclipser. Elle se releva précipitamment, se glissa entre les étals en surveillant constamment ses arrières puis, une fois hors de vue, se mit à marcher aussi vite que possible vers la sortie du village et sa maison. Tant pis pour le marché. Elle se débrouillerait autrement. Flora faisait d'aussi grandes enjambées qu'elle en était capable et elle n'aspirait plus qu'à rentrer chez elle, à l'abri, à refermer la porte à la clef et au verrou et à retrouver ses enfants, les garder en sûreté, tout auprès d'elle, en espérant que... que ce qu'elle craignait n'arriverait pas. Elle tournait régulièrement la tête pour regarder derrière elle et ce fut ainsi que son pauvre cœur reçut soudain une secousse terrible : l'inconnu du marché la suivait. Il avait retrouvé sa trace -en supposant qu'il l'ait jamais perdue- et maintenant... Désespérément, Flora regarda autour d'elle. Les rues étaient désertes. C'était jour de marché et tout le monde était sur la place, à flâner ou faire des achats. Elle était seule.
Elle sentit une boule douloureuse obstruer sa gorge, la peur monter en elle comme le lait lorsqu'il est sur le feu. Terrorisée, elle se mit à courir. Elle entendit derrière elle les foulées de l'homme accélérer également. Encore quelques mètres et elle jeta son panier pour courir plus aisément, mais ! c'était peine perdue. Elle l'entendait, juste derrière elle. Elle percevait le bruit de ses bottes sur le sol et son souffle qui s'accélérait.
- Arrête !
Elle se garda bien d'écouter, tenta de courir plus vite. Elle ressentit cette fois sa chaleur, juste avant qu'une main brutale la saisisse par le bras.
- Regarde-moi ! Pourquoi fuis-tu ? Qu'est-ce que tu caches ?
Sa voix était aussi dure que son visage.
- A l'aide ! bêla la malheureuse d'une voix chevrotante.
Submergée par la panique, elle venait de reprendre sa véritable apparence : un joli poil clair, d'un gris presque blanc, couvrait à présent ses joues et son crâne, sur lequel perçaient deux petites cornes pointues. Ses oreilles s'étaient allongées et une petite barbichette ornait son menton.
Flora était une fort jolie Ziegevolk, autant qu'elle était jolie femme sous son apparence humaine. Hélas ! Dans les yeux d'un noir d'encre qui la fixaient, triomphants, il n'y avait pas trace d'humanité ou de compassion. Car jamais un Grimm ne sera touché par la grâce d'une Wesen.
- Je le savais ! fit l'étranger.
Il dégaina alors une sorte de machette qu'elle n'avait pas vue, car il la portait cachée sous son manteau, et la brandit.
- Non ! hurla la malheureuse.
Ce fut sa dernière parole. La lame acérée lui trancha la tête une demi seconde après qu'elle l'ait prononcée.
Satisfait, le Grimm ignora les gerbes de sang qui jaillissaient du corps mutilé, empoigna les chevilles de Flora et traîna son cadavre derrière un tas de fumier. Un coup de pied négligent envoya rouler sa tête au même endroit.
Après quoi il essuya soigneusement sa lame, rengaina et poursuivit son chemin, car sa mission n'était pas terminée. Au village, on lui avait parlé du mari et il avait tout de suite soupçonné la vraie nature de cette famille. On lui avait aussi parlé des sept enfants et il avait pour habitude d'aller jusqu'au bout de son travail.
Il n'eut pas grand mal à trouver la maison, traversa le jardinet et heurta la porte du poing. Au bout d'un petit instant, une voix juvénile se fit entendre :
- Qui est là ?
- C'est Papa ! ricana le Grimm. Et j'apporte des cadeaux pour vous tous.
Un silence.
- Montre-toi à la fenêtre, répondit enfin la voix enfantine.
- Ouvre tout de suite ou je te flanque une fessée !
- Mère ne veut pas qu'on ouvre la porte, s'entêta le jeune garçon, fidèle à la consigne donnée. Montre-toi à la fenêtre, que je vois si c'est toi.
Pour toute réponse, il perçut un choc sourd : l'inconnu venait de donner un violent coup de pied dans la porte.
Effrayés, les enfants se regardèrent tout en reculant vers le fond de la pièce. Un second coup retentit, plus fort, et le panneau de bois gémit et craqua. Le Grimm tentait d'enfoncer la porte à coups d'épaule.
- Cachez-vous ! souffla l'aîné des enfants, terrifié. Vite, cachez-vous !
Ce fut la débandade. La maison n'était pas bien grande, les cachettes n'étaient pas si nombreuses. Tandis que les coups à la porte se succédaient et que le bois craquait de plus en plus fort, chacun des petits se trouva un précaire refuge : l'un se glissa sous son lit, un autre sous la table, le troisième dans le cellier, le quatrième sauta dans la cheminée et fit voler les cendres pour s'en recouvrir, le cinquième se faufila dans le placard, le sixième retourna la bassine et se fourra dessous, enfin le plus jeune, qui n'avait que trois ans, parvint à s'insinuer, grâce à sa taille menue, dans le socle de la vieille horloge familiale, qui était fendue sur l'arrière et que la famille n'avait jamais eu les moyens de réparer ou remplacer.
Déjà, la porte malmenée se fendait en deux et le Grimm, son arme à la main, faisait son entrée dans la maison. Il s'arrêta sur le seuil et parcourut les lieux du regard, lentement, en enregistrant chaque détail. Un sourire sinistre lui vint aux lèvres lorsqu'il s'aperçut que la nappe qui couvrait la table était retroussée sur un coin.
Posément il fit le tour de la maison et débusqua six enfants, qui tous furent décapités séance tenante. Car il ne faut pas laisser l'engeance Wesen se reproduire et se multiplier, telle était sa conviction. Ces monstres mi-hommes mi-bêtes, totalement contre nature, devaient être éradiqués.
Enfin le Chasseur s'en alla, après avoir essuyé sa machette rouge de sang sur la nappe, laissant la porte brisée béante, la table et les chaises renversées, les coussins et les couvertures des lits éparpillés, la grande bassine brisée. Le Grimm ignorait seulement que la vieille horloge, debout toute droite devant le mur, était fendue et qu'un bambin terrorisé y avait trouvé refuge. Longtemps, longtemps après son départ, le plus jeune des enfants se décida enfin à sortir de sa cachette pour tomber sur un spectacle de désolation. Au milieu des meubles renversés ou mis à mal gisaient les cadavres de ses frères et sœurs, dont le sang rougissait tous les sols.
Le petit appela sa mère d'une voix tremblante. Elle ne répondit évidemment pas. Enfin, malade d'horreur et de terreur, l'enfant sortit et trottina, dans le crépuscule, jusqu'au village. Il frappa à la première porte qui se présenta et, tremblant de peur, en larmes, raconta qu'un méchant homme noir avait massacré toute sa famille.
La porte à laquelle il avait frappé était celle d'un couple de braves gens qui furent bouleversés par la vue de ce petit tout seul. La femme le prit, ne réussit pas à le faire manger, finalement le coucha dans un lit avec son propre fils et parvint non sans peine à l'endormir.
L'affaire fit grand bruit. On ne tarda pas à trouver le corps décapité de Flora et les carcasses mutilées de ses enfants. La révolte se mit à gronder dans tout le village. Bien sûr, le mari de cette pauvre femme avait été un vilain drôle. Mais de là à massacrer une pauvre femme innocente et six enfants, dont l'aîné avait tout juste onze ans... Les gens s'insurgeaient, ceux qui étaient eux-mêmes parents réclamaient justice. Le Grimm n'avait pas encore quitté le pays. Il avait une chambre à l'auberge, car il pensait continuait à enquêter un moment dans la région. Quant il vit qu'on commençait à le regarder de travers et qu'il entendit la rumeur qui réclamait que le sextuple meurtre ne demeure pas impuni, il prit une décision. Après tout, il ne fallait pas espérer que le peuple stupide puisse comprendre la grandeur et la nécessité de sa mission. Ces gens étaient tous des Kehrseite (2), des humains ordinaires, ils ignoraient l'existence des Wesen, à quoi bon essayer de leur expliquer, puisqu'ils ne comprendraient pas ? L'homme aurait pu prendre la fuite, car après tout rien ne le retenait dans le pays. Mais il décida de se disculper tout en continuant à accomplir ce qu'il tenait pour son devoir sacré.
A force de discuter avec les gens, ce qui constituait sa tactique habituelle pour dénicher les Wesen, il avait entendu parler d'un homme vivant en solitaire à la lisière de la forêt. Il n'avait pas encore eu le temps d'aller voir lui-même ce qu'était cet homme mais son expérience lui avait appris que souvent, ce type de personne fait partie de ce qu'il appelait : "le peuple des bêtes".
Le Grimm avait sur les pauvres villageois un gros avantage : il était instruit et connaissait bien la nature humaine. Il savait que les humains grégaires se méfient toujours des solitaires. Il accusa ce dernier des meurtres et monta la population contre lui. Quelques heures lui suffirent pour y parvenir.
Puis il prit la tête des villageois furieux et donna l'assaut à la maison du solitaire. Ce dernier était bien un Wesen, c'était un Blutbad (3) qui vivait là depuis des années. Dire qu'il était innocent serait sans doute exagéré, car il menait une sorte de guerre personnelle à une famille de Bauerschwein (4) établie dans un autre village, de l'autre côté du bois. Il en avait déjà dévoré quelques uns, car leurs deux espèces sont ennemies depuis la nuit de temps. Mais quand aux Kehrseite, le blutbad se gardait bien de s'en prendre à eux car il tenait à sa tranquillité.
Ses précautions ne lui servirent à rien. Pris par surprise, le malheureux n'eut pas le temps de fuir. Encerclé par les villageois furibonds qui lui lançaient des pierres, il "wogue"(5) sans s'en apercevoir et de telle sorte que tout le monde put voir ses yeux sanglants et ses crocs aigus.
- Voilà le monstre ! hurla le Grimm. Il a tué cette femme et ses enfants !
Alors ce fut la ruée et le malheureux Blutbad fut massacré à coups de bâtons, de faux, de serpettes et de pierres. Lorsque son corps immobile ne fut plus qu'un amas sanglant, le Grimm s'approcha tranquillement et le décapita avec sa machette.
Puis il donna des instructions et le corps fut cloué sur un arbre, à la croisée des chemins. On lui trancha d'abord les pieds et les mains à hauteur des poignets et des chevilles et le cadavre fut cloué à l'envers, l'endroit où s'était autrefois trouvé la tête vers le bas.
A titre d'exemple.
Puis les villageois s'en retournèrent satisfaits et tranquilles. Le Grimm quant à lui avait bien conscience de devoir se faire oublier. Il s'en alla comme il était venu.
Il revint subrepticement dans le pays un an plus tard, juste le temps de tuer le petit dernier de la pauvre Flora, qui avait été adopté par la famille qui l'avait recueilli le premier jour et qui le pleura comme s'il avait été un enfant de son sang. Le Grimm attendit le jeune garçon un soir auprès de la fontaine, le transperça de sa lame et le jeta dans le puits.
Après quoi, enfin conscient du devoir accompli, il s'en alla porter ailleurs la justice des siens.
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Adapté d'un conte de Grimm, La chèvre et les 7 chevreaux.
(1) homme/femme bouc ou chèvre
(2) humains ordinaires ignorant l'existence des Wesen
(3) homme/femme loup
(4) homme/femme cochon
(5) signifie que le Wesen reprend son apparence animale. Ce verbe ne se conjugue pas. C'est « wogue » quels que soient le temps et le mode.