Petit mot de l'auteure : Par une matinée pluvieuse d'octobre, Angelica est venue toquer à la porte virtuelle de mes mp pour me proposer de participer au calendrier qu'elle organisait avec Strack29 (allez lire leurs calendriers!). J'ai dit oui, et je me suis retrouvée embarquée dans la rédaction de 24 chapitres + prologue. Les contraintes ? Ecrire une histoire qui se suit, avec un couple (plus ou moins incongru) déterminé par chapitre. Angelica, Starck et moi-même sommes donc partis dans des directions très opposées... Et j'espère que mon idée vous plaira.

Chaque chapitre sera associé également à plusieurs défis de la Gazette, listés en bas.

Sur ce, je vous laisse avec le prologue de cette histoire !


Arya ouvrit les yeux.

C'était un geste banal, automatique, qu'elle avait exécuté machinalement plus de fois qu'elle ne pourrait jamais compter. Elle n'aurait donc pas dû s'attarder sur cette action. Mais cette fois-ci, le fait d'ouvrir les yeux lui paraissait être totalement extraordinaire, comme si elle le faisait pour la première fois.

En un sens, elle n'avait pas complètement tord. Elle venait d'ouvrir ses yeux pour la première fois de sa seconde vie.

Mais ça, elle ne l'avait pas encore compris.

Pour le moment, Arya se contentait de reprendre lentement ses esprits, chose rendue difficile par le mal de tête qui la faisait terriblement souffrir l'empêchait de se concentrer correctement. Elle se redressa tant bien que mal et constata qu'elle avait été étendue sur un canapé – confortable certes, mais qui lui était complètement inconnu. Inconnu, tout comme la pièce dans laquelle elle se trouvait. Elle se rendit compte avec effroi que la seule chose qui lui était familière était ses habits nordiens : mais où était-elle tombée ? Inquiète de se retrouver en terrain inconnu, elle fouilla dans sa grosse cape d'hiver à la recherche de ses armes... sans qu'elle puisse en trouver aucune. Ni ses poignards, ni Aiguille ne semblaient être là. Quelqu'un l'avait-il dépouillée dans son sommeil ?

Cette réalisation termina de l'inquiéter. Elle se leva silencieusement pour se mettre en position défensive, prête à attaquer quiconque se mettrait en travers de son chemin. Un bruit se fit alors entendre et une porte s'ouvrit sur un être qu'elle n'aurait su décrire, tant il dégageait une aura de mystère et d'intemporalité. Arya allait se jeter sur l'intrus mais celui-ci prit la parole :

- Arya Stark ? C'est à vous.

Il s'effaça suite à cela, laissant la porte ouverte. Sans savoir pourquoi, la jeune louve le suivi sans chercher à l'attaquer – était-ce sa voix sereine ? Son aura qui dégageait quelque chose de calme et rassurant ? Elle n'aurait su le dire, mais toute envie d'attaque l'avait quitté dès qu'il avait ouvert la bouche. C'était vraiment étrange – et suspect – se dit Arya distraitement en décida de rester sur ses gardes dans la mesure du possible, même si tout en elle lui criait qu'elle ne craignait plus rien maintenant.

Lorsqu'elle rentra dans la pièce, l'homme s'inclina légèrement devant elle, avant de refermer la porte et de la laisser s'installer sur une chaise. Devant elle se trouvée une table, occupée par sept individus : un homme d'âge mur, une femme dont la bienveillance était perceptible de l'endroit où elle se trouvait, une dame âgée, deux hommes aux muscles saillants, une jeune femme. À l'extrémité de la table se trouvait un autre homme, mais dont l'aura était particulièrement mystérieuse. Arya compris alors qui était en face d'elle, où elle était – et surtout ce que cela voulait dire pour l'humanité.

- Alors comme ça nous avons perdu ?

- Oui, mon enfant, répondit la dame. Vous avez perdu. Mais cela ne veut pas dire que tout s'arrête pour vous. Bien au contraire. C'est aujourd'hui que commence votre vie post-mortem.

.

Arya déglutit. Même si elle s'y attendait, la confirmation lui fit un choc : les marcheurs blancs avaient gagné, elle était morte et se trouvait maintenant en face des Sept, les dieux qu'elle avait longtemps tenus comme inexistants. Force était de constater qu'elle s'était trompée...

- J'imagine que vous avez des questions, dit celui qu'Arya identifia comme étant le Père.

- Oui, répondit-elle. Si nous avons perdu, pourquoi suis-je toujours moi ? Pourquoi ne suis-je pas devenue un Marcheur Blanc ?

- Mon enfant, déclara l'Aïeule, vous l'êtes. Votre corps a rejoint l'armée des morts. Mais votre âme, elle, est venue ici.

- Justement... qu'est-ce qu'est ce « ici »? L'Enfer ?

- Vous croyez mériter l'Enfer, mon enfant ?

Arya ne répondit pas à la question de la divinité. Elle ne savait pas quoi répondre à cela.

- Ou peut-être qu'elle le savait, mais que sa réponse ne lui plaisait pas.

Voyant son trouble, la veille femme expliqua, sans tenir compte de son mutisme :

- Ici, c'est « l'endroit ». Les âmes restent ici durant vingt ans, vivent et évoluent librement parmi les autres âmes. Au bout de vingt ans en notre compagnie nous convoquons une seconde fois les âmes. En fonction de leur comportement lors des deux décennies passées dans cette réalité, nous les envoyons alors dans ce que vous appelez « paradis » et « enfer ».

- Donc si je comprends bien, tout le monde se retrouve au même endroit ? Même les pires ordures ?

- Pendant les vingt premières années de leur vie post-mortem, oui. Après, les âmes sont...

- Réparties, oui j'avais entendu la première fois, la coupa Arya. Mais pourquoi ne pas répartir les âmes directement ? Pourquoi laisser des monstres profiter d'avantage de la vie et les éloigner plus que de raison de l'Enfer ?

- Pour que nous puissions les juger.

- Mais leur vie sur Terre permet déjà un jugement...

- C'est faux.

La voix, tranchant dans le silence, appartenait à l'être du bout de la table : l'Étranger. La figure de la mort par excellence. Celui-ci expliqua de sa voix magnétique :

- La vie sur Terre ne permet pas un jugement, tout simplement parce que les dés sont pipés. Tous ne naissent pas dans les mêmes familles, avec les mêmes chances, le même environnement. Et de ce fait, ils ne pourront pas vivre de la même manière. Vous par exemple : vous avez tué des dizaines de personnes, vous...

- Ils l'avaient mérité. Ils avaient tué ma famille.

Et qui pensez vous être pour décider de qui mérite une punition ? Vous n'êtes personne, Arya Stark. Et certainement pas un dieu.

Ce jugement sans appel eut pour effet de lui faire passer toute envie de contester. L'Etranger repris son exposé, toujours aussi implacable :

- Pour les meurtres que vous avez commis, vous mériteriez l'Enfer. Mais les auriez vous commis si vous étiez née dans une autre famille, dont les membres n'auraient pas été impitoyablement assassinés ? Sûrement que non. Doit-on alors vous accorder le Paradis sous prétexte que la vie a été injuste avec vous et que vous n'avez fait que vous venger ? Personne ne peut le dire, parce que personne n'a la bonne réponse. Personne ne sait ce qui est bien ou mal sur Terre, pas même nous. Mais à l'Endroit, les choses sont différentes. Vous venez tous avec les mêmes chances, les mêmes possibilités. Vous voulez quelque chose ? Vous n'avez pas à manigancer pour l'obtenir, il vous suffit de le demander. Vous êtes libre de faire ce que vous voulez, sans restriction de classe sociale, de genre, de richesse... À Sept exception près.

- Vous ne pouvez pas rendre justice par vous-même en cas de conflit, dit le Père.

- Vous ne pouvez pas concevoir d'enfant, la vie était terminée ici, dit la Mère.

- Vous ne pouvez pas forcer quelqu'un à tomber amoureux de vous, dit la Jouvencelle.

- Vous ne pouvez pas rencontrer les personnes qui ont déjà quitté l'Endroit, dit l'Aieule.

- Vous ne pouvez pas estropier quelqu'un, dit le Ferrant.

- Vous ne pouvez pas tuer quelqu'un, dit le Guerrier.

- Vous ne pouvez pas partir d'ici avant vingt ans, dit l'Étranger. Même si tout en vous nous supplie de vous laisser gagner l'Enfer ou le Paradis.

La dernière règle surprit Arya – pourquoi quelqu'un voudrait partir de l'Endroit ? Si la personne se savait condamnée à l'Enfer, elle ferait tout pour retarder l'échéance. Et si elle était destinée au Paradis, pourquoi précipiter les choses puisque sa vie, à l'Endroit comme après, serait béatitude constante ?

Là encore, elle décida de ne pas poser la question, comprenant qu'elle n'obtiendrait aucune réponse claire. Elle demanda plutôt :

- Mais si chacun sait qu'il faut s'améliorer ou se montrer bon dans cette réalité et que la Terre ne comptait pas, n'importe qui peut montrer un aspect plaisant pendant vingt ans pour gagner le droit d'aller au Paradis ?

- Rassurez vous, mon enfant, dit la Mère en souriant. S'il y a bien un endroit où les hommes ne peuvent cacher leur véritable nature, c'est ici. Vous vous en rendrez compte bien rapidement... Mais d'ici là, il vous faut choisir un référent. Une divinité qui sera là pour répondre à vos questions et que vous pourrez contacter en cas de problème ou doute.

- Le Guerrier, répondit machinalement Arya.

Sitôt ces mots prononcés, les six autres entités disparurent, laissant la jeune fille seule avec l'impressionnant guerrier.

- Où... où sont-ils tous allés ? balbutia Arya.

- Ailleurs. Et partout. éluda l'homme.

Voilà qui l'éclairait vraiment...

- Une dernière question ? lui demanda le Guerrier.

- Non.

- Je peux pourtant voir que quelque chose vous tracasse.

- Ce n'est rien d'important. Simplement... je suis surprise de constater que c'est vous qui existez. Les Sept, précisa-t-elle, et pas le dieu Noyé, ou le dieu de lumière, ou les anciens dieux.

- Les anciens dieux, le dieu Noyé, le dieu multiface, moi... tout cela n'est que de multiples formes d'un seul et même tout. Si ce sont les Sept qui vous sont apparus, c'est parce que c'était la forme divine que vous vouliez voir, tout simplement.

Ces propos plongèrent Arya dans une confusion totale, tant par leur forme que par leur fond. Le Guerrier avait une façon si étrange de parler de lui-même, tantôt comme conscient de son individualité, tantôt comme s'il n'était qu'une part d'un bloc que formaient les Sept... sans compter sa dernière réponse, où il ne semblait même pas penser exister. Elle mourrait d'envie de lui crier qu'elle ne voulait pas les voir eux, que ce n'était pas ses dieux, mais elle ne savait pas à qui elle adresserait sa supplique désespérée : au Guerrier ? À ce « seul et même tout » qu'il avait évoqué ?

Et d'abord, qu'est-ce que c'était que ce « tout » ?

- La seule bonne réponse sera celle qui vous satisfera, déclara le dieu, comme s'il avait lu dans ses pensées. Et maintenant, je vais vous envoyer auprès de la personne que votre cœur a le plus besoin de revoir en ce moment.

Elle n'eut le temps de poser d'avantage de question que tout s'effaça autour d'elle.

.

Après quelques secondes, elle reprit pied dans la réalité. Elle se trouvait désormais devant une petite maison – maison qui, selon les dires du Guerrier, appartenait à la personne qu'elle avait le plus besoin de revoir en ce moment. Tout comme le reste de ses propos, la phrase était très mystérieuse, ce qui ne l'aida pas à savoir qui se cacherait derrière la bâtisse.

Elle ne savait même pas de quoi ou de qui elle avait besoin – elle était bien trop sonnée pour ça.

Elle toqua alors à la porte.

On verra bien ce que cet Endroit me réserve.


Note (de fin) :

Voici pour les défis de la Gazette :

- collectionner les pop Loot Llama : La texture de sa robe : Écrire sur les grosses capes d'hiver ou sur un personnage qui en porte une

- et si GOT (vol à Angelica) : les marcheurs blancs avaient gagné ?

- 1000 prompts : 928 : religion - les Sept

- tous fan de Tolkien (vol à Memepotter) : aborder la thématique de la séparation de l'âme et du corps

- Si tu l'oses 122 : subir / souffrir

J'espère que vous avez aimé cette mise en bouche. La thématique peut sembler étrange pour un calendrier de l'avent, mais j'ai pris beaucoup de plaisir à imaginer l'Endroit. Alors à votre avis, quels sont les rouages de cet "Endroit" ? Et qui est la fameuse personne qui attend Arya ?