Remerciements aux mêmes pour les encouragements et la relecture, ainsi que pour les reviews et mises en alerte/favori. Merci à Adenoide et Marie la Petite à qui je ne peux répondre en direct, vos commentaires m'ont fait plaisir.

Mais bref, sans plus attendre...


M-Files : Aux frontières du possible

La bizarre affaire du voleur de fleurs

III.

Le lendemain, Jo fut le premier de l'équipe criminelle à arriver au commissariat. Il salua l'agent de garde, alluma les néons, et s'installa devant son poste avec un léger soupir. Il était temps d'enregistrer les différents entretiens qu'ils avaient menés la veille, d'ordonner leurs théories et de justifier les pistes qu'ils suivaient. Le plus difficile serait finalement de trouver un moyen de raconter leur tour sur le Chemin de Traverse, mais comme il n'avait rien donné, de toute façon... Il trouverait bien.

Il finalisait les détails donnés par Burton et notait les points à vérifier avec Simpson et la fleuriste lorsque Dale entra dans la pièce et se dirigea droit sur lui de sa démarche athlétique.

- Alors, Bishara ? Pas de cambriolage cette nuit ?

- On se rapproche du but, répondit-il avec un sourire, se levant à moitié. D'ailleurs faudrait que je fasse un rapport à Gregory.

L'autre lui mit une petite frappe de main dans le dos, en geste de soutien, tandis qu'il se dirigeait vers le bureau de leur supérieur.

- Si Charlie arrive, tu pourras lui dire de m'attendre ?

- T'inquiète, Bishara, on a bien repéré que tu veux la garder pour toi, ta petite consultante ! répondit l'autre avec un large sourire sardonique.

Jo ouvrit la bouche pour lui répondre avant d'en décider autrement. Toute protestation ne ferait que convaincre son collègue davantage, de toute façon… Et il valait sans doute mieux qu'il s'imagine ce genre de chose plutôt que de s'intéresser d'un peu trop près à l'auror. Il était loin d'être sûr que sa couverture était solide, malgré la confiance qu'elle avait dans sa hiérarchie.

La discussion fut courte mais efficace, et quand il sortit du bureau du sergent, il avait un plan clair et approuvé par la hiérarchie pour la suite des événements. Quant à Charlie, elle l'attendait appuyée contre son bureau, les bras croisés, écoutant attentivement Dale qui faisait de grands mouvements de bras. Jo retint une grimace et se dirigea vers eux.

- Ah, le revoilà, je vous avais bien dit qu'il ne tarderait pas ! Bon, je vous laisse bosser, signala Dale, tendant la main à l'auror.

Avec un temps de retard, elle la lui serra, tandis que Jo déposait son dossier sur son bureau. Il attendit que son collègue s'éloigne avant de demander à Charlie, la regardant attentivement, droit dans les yeux :

- ça va ? Il t'a raconté quoi ?

- Pas grand-chose, haussa-t-elle les épaules. Il m'a demandé si le travail de consultante me plait, et d'une affaire de vol de bijoux qu'il a résolu l'année dernière.

- Je me souviens, oui… Il avait remonté un joli petit réseau. Bon, on s'y met ? Je pensais commencer par les vidéos de surveillance… On peut aussi appeler Simpson pour confirmer le type bizarre de la boutique de fleurs…

Charlie regarda sa montre avec une petite moue.

- Elle risque d'être partie de chez elle, non, à cette heure-là ? Commençons peut-être par les… vidéos ? On l'appellera plus tard, finit-elle quand il eut approuvé le mot d'un signe de tête.

Le policier profita du marquage clair des dossiers sur le disque dur pour sélectionner celui, un mois plus tôt, de la visite de Miller chez la fleuriste. La vidéo se lança et Charlie étouffa une exclamation en voyant l'image bouger. Jo réprima un sourire et décida d'attendre quelques minutes avant d'accélérer. Une surprise à la fois.

La caméra était placée derrière la caisse et embrassait donc l'essentiel de la boutique – y compris la porte d'entrée. Il y avait eu peu de clients en cette veille de noël, et seule une vieille dame admirait les roses lorsque Miller entra. Jo repassa la vidéo à un rythme normal, et Charlie se redressa de sa chaise pour se rapprocher de l'écran. Miller se secoua, faisant tomber de l'eau sur le sol, et indiqua d'un geste un bouquet de fleurs rouges déjà préparé. La fleuriste se saisit du bouquet avec nonchalance et le prépara avec des gestes précis mais mesurés, discutant visiblement. Tout dans la posture de Miller indiquait la tension et l'énervement – ou était-ce parce que Jo le connaissait désormais, et qu'il savait ce qu'il pensait du lieu et de sa propriétaire ?

- Tu crois que c'est un bouquet pour Hunt ? murmura-t-il.

Charlie tourna la tête vers lui avec un sourire sardonique.

- Probablement son seul cadeau de noël de la part de son petit ami.

- Pauvre fille, commenta-t-il. Tellement jalouse…

La fleuriste releva les yeux et, suivant son regard, Jo vit la porte s'ouvrir et un homme avec un chapeau entrer. Il mit sur pause, le montra du doigt à Charlie. Elle hocha la tête et il relança la vidéo, partageant son attention entre les deux parties du magasin, la caisse où Miller payait, et le fond où le visiteur mystérieux contemplait de petites plantes vertes en pots. Miller s'empara du bouquet et se dirigea vers la sortie, heurtant au passage, de l'épaule, le sorcier en puissance. Il ne s'arrêta même pas et sortit. L'autre resta tourné dans sa direction pendant un moment, comme s'il allait le suivre à l'extérieur, avant de reprendre sa contemplation des étalages. Pas une fois il ne s'approcha de la fleuriste qui, après un coup d'œil dans sa direction, reprit ses vagues rangements derrière la caisse, ne s'interrompant que pour servir la vieille dame. Leur suspect sortit peu après elle. Jo soupira.

- On ne l'a pas d'assez près pour savoir à quoi il ressemble.

Charlie se frottait pensivement la joue, observant l'écran figé sur le magasin vide.

- On n'a pas d'images plus anciennes ? De la visite des Burton, ou de la dispute avec Miller ?

Jo secoua la tête, faisant la moue.

- Elles ne restent qu'un mois sur le disque dur. Après, c'est supprimé pour faire de la place.

- Espérons que Simpson y est allée plus récemment, alors… On fait quoi ? Tu l'appelles ?

- On va passer à son bureau, décida Jo. Ça ira aussi vite. Et je prends l'ordinateur.

La personne qui leur ouvrit la porte du petit cabinet comptable les regarda avec énormément de curiosité, et s'empressa de prévenir Ella Simpson – qui les accueillit avec un air moins que ravi. Ses sourcils et ses lèvres maquillés restèrent crispés après l'explication des raisons de leur visite, mais elle décroisa les bras et leur indiqua une salle vide avec une table, ce que Jo décida de prendre pour une marque d'appréciation et de considération.

- J'y suis allée la semaine dernière, en rentrant du boulot, leur expliquait-elle. Vendredi soir, je crois. Je passe devant tous les jours, vous comprenez, et ce jour-là, elle avait des Gardenia augusta en vitrine et… j'ai craqué. J'en ai acheté deux, absolument magnifiques. Tout ça pour me les faire voler trois jours plus tard…

- Vous vous souvenez d'un autre client, un peu bizarre, qui a pu être… désagréable ou désobligeant ?

- Désagréable, vous êtes bien gentil, vous, grogna-t-elle, baissant la tête pour les regarder par-dessus ses lunettes. Un gros con, oui, et misogyne de surcroit ! Il s'est interposé en disant que jamais je ne pourrais entretenir des fleurs pareilles, que j'étais trop molle pour ça, qu'elles avaient besoin d'humidité… Je fais pousser des gardénias depuis dix ans ! Trop molle… je lui en remontrerais, moi !

Jo et Charlie échangèrent un regard entendu et le jeune policier sortit l'ordinateur de son sac, accompagné du disque dur.

- J'ai des images à vous montrer, madame Simpson, si vous voulez bien ? Si vous pouvez identifier ce… malotru pour nous ?

Elle se concentra sur l'écran tandis que les deux autres regardaient par-dessus son épaule. Ils la virent entrer dans la boutique et désigner les fleurs que la fleuriste saisit et emballa avec son indolence coutumière. Aucun d'entre eux ne vit entrer l'homme – peut-être était-il déjà présent – mais il fut soudain là, contre le comptoir de la caisse, éloignant les gardénias de leur propriétaire qui les rattrapait. Ils ne pouvaient entendre ce qui se disait, mais le ton montait visiblement, jusqu'à ce que la fleuriste intervienne. Le suspect recula alors et sortit, non sans avoir regardé à plusieurs reprises vers la caméra. Ils allaient pouvoir en sortir des images nettes, à la grande satisfaction de Jo.

- Que lui a-t-elle dit ? s'interrogea Charlie.

- La fleuriste ? Oh, que les clients étaient libres d'acheter ce qu'ils voulaient, une connerie comme ça. Que s'il continuait elle serait obligée de lui demander de partir. M'est avis qu'elle aurait dû le faire il y a longtemps, mais enfin…

- Vous l'aviez déjà vu ?

- Dans la boutique, oui, plusieurs fois. Pratiquement chaque fois que j'y vais, en fait.

- Et c'est la première fois qu'il vous prenait à partie comme ça ?

Elle réfléchit un instant avant de répondre, lentement.

- Oui… Il avait râlé une fois ou deux, avant, il me semble… Ou marmonné dans son coin, mais je ne lui prêtais pas tellement attention.

Charlie la remercia pour son aide tandis que Jo rangeait l'ordinateur dans son sac, après avoir fait quelques captures d'écran de leur suspect – officiel, désormais.

La fleuriste les accueillit sans sembler les reconnaitre, aussi Jo préféra ressortir sa carte de police et lui rappela leur rencontre de la veille. Elle hocha vaguement la tête et il lui montra les quelques photos qu'il avait prises sur l'écran. Son regard parut à peine plus éveillé.

- Il vient souvent, oui, confirma-t-elle.

- Vous connaissez son nom ?

Elle secoua doucement la tête, faisant voltiger ses cheveux noués en deux couettes, une de chaque côté de son visage.

- Il ne parle pas beaucoup, vous savez. Et il n'achète pas beaucoup non plus. Quand il le fait, c'est toujours en espèces, sourit-elle. Il a l'air tellement empoté, il me tend toujours une liasse de billets et me demande de faire le compte.

- Que fait-il, quand il vient ?

- Il regarde les plantes… parfois, il m'aide, quand je dois rempoter ou arroser. Il a vraiment la main verte, vous savez. Il y a des fleurs que je pensais foutues et qu'il a réussi à sauver !

Pour la première fois sans doute il y avait un peu de passion dans sa voix. Jo s'interrogea brièvement sur les ressorts de l'âme humaine, ce qui lui arrivait régulièrement au cours de ses enquêtes, mais reprit le fil de son interrogatoire. Il aurait bien le temps, l'affaire résolue.

- Vous souvenez-vous de moments où il a été désagréable avec des clients ? Les Burton, monsieur Miller ou madame Simpson, notamment ?

Elle fit une moue non engageante, son visage se fermant à nouveau.

- Il est un peu particulier, c'est tout… Et il tient beaucoup aux fleurs. Parfois, j'ai l'impression qu'il voudrait les acheter toutes et les garder, plutôt que de les voir partir, sourit-elle.

- D'après monsieur Miller, ils en sont pratiquement venus aux mains, insista Charlie. Et nous avons la vidéo de madame Simpson, vous avez même été obligée d'intervenir.

- Si je ne vends rien, je ne peux pas vivre, répondit la fleuriste avec un nouveau haussement d'épaules. Et puis, elle, je la connais, ça fait cinq ans qu'elle m'achète des gardénias. Mais il ne pouvait pas savoir, et il n'a rien fait de mal.

- Ca, ça reste à prouver, marmonna Jo.

Charlie lui lança un regard en coin et reprit la parole tandis qu'il se détournait, toussant pour étouffer un rire fort déplacé.

- Vous l'avez vu, aujourd'hui ? Il vient tous les jours ?

- Non, pas encore. Il vient généralement en fin de matinée, tous les deux ou trois jours. Parfois plus.

- ça vous dérange si on attend un peu ici ? demanda Charlie en consultant sa montre.

La jeune femme haussa les épaules et retourna derrière le comptoir de la caisse, les observant d'un œil morne. L'auror l'ignora et regarda tranquillement les différents étalages, s'arrêtant dans un coin qui arborait de nombreuses plantes tropicales sous un éclairage puissant. Jo l'observa un temps puis balaya la pièce du regard, arrivant à la conclusion qu'elle avait choisi le meilleur emplacement pour surveiller la rue et la porte d'entrée sans en avoir l'air. Il vint tranquillement se placer derrière elle, notant au passage qu'elle le dépassait de quelques centimètres.

- Tu penses qu'il va se pointer ? souffla-t-il à son oreille.

Elle fit un signe de la main qui marquait l'ignorance, mais il nota que l'autre était dans la poche de son manteau. Sur sa baguette, il en aurait juré.

- Rappelle-toi Santos, répondit-elle finalement, sur le même ton. S'il arrive… Tu me laisses faire.

- Qu'est-ce qu'il pourrait faire ?

Il réprima un frisson. Le froid, très certainement.

- Qui sait ? C'est un criminel, dit-elle froidement. Généralement, ils aiment pas trop quand les Aurors débarquent.

Elle tourna la tête pour lui jeter un regard, continua :

- Le transplanage est la réaction la plus fréquente, en fait. Mais, parfois, avec la panique, ils y pensent pas. Ou ils essaient un sort offensif quelconque. Bref, que des bonnes raisons de ne pas avoir un moldu dans les parages – et j'en ai deux.

- Je parie sur le transplanage, répondit Jo après avoir réfléchi quelques secondes à ses paroles.

Elle eut un demi-sourire et il décida de prendre ça pour une victoire. Après ce bref échange, le silence retomba à nouveau, et le regard de Jo retourna vers la rue, complètement vide. A peine une voiture passait de temps en temps, éclaboussant le trottoir de gerbes d'eau sale. L'odeur entêtante des fleurs tropicales lui montait légèrement à la tête, et il avait du mal à fixer son attention.

Il ne sut pas combien de temps exactement s'était écoulé quand l'homme apparut. Il surgit brusquement au coin de la rue d'en face, arrivant d'une allée ou d'un immeuble. Au départ, Jo le suivit du regard simplement pour s'occuper, mais quand il fut clair qu'il se dirigeait vers la boutique, il se raidit. Son cœur s'accéléra et il vit du coin de l'œil que Charlie s'était tendue, elle aussi. « Je m'occupe de la fleuriste », lui glissa-t-il, et elle hocha la tête. Il se dirigea vers le comptoir et eut juste le temps de demander à la jeune femme de rejoindre l'arrière-boutique lorsque le carillon de la porte d'entrée se fit entendre.

L'homme n'eut guère le temps de réaliser que quelque chose d'anormal se passait : Charlie avait sorti sa baguette et Jo devina plus qu'il ne sentit le sort s'abattre sur la pièce.

- Division des Aurors, prononça-t-elle très distinctement tandis que le suspect se retournait vers elle. Vous êtes en état d'arrestation. Je vous demande de me suivre sans opposer de résistance.

Ne l'écoutant pas, l'homme avait sorti sa baguette à son tour et jetait à présent des regards désespérés autour de lui. Panique, songea Jo. Mauvais signe. Il recula le plus discrètement possible vers la porte de l'arrière-boutique, songeant qu'il pouvait au moins empêcher la fleuriste de débarquer dans cette scène.

- J'ai posé un sort anti-transplanage sur la boutique, dit calmement Charlie, ne quittant pas l'homme du regard. Vous êtes coincé. Suivez-moi sans faire d'histoire, ce sera moins douloureux pour vous.

Un bref instant il eut l'air de vouloir lancer un sort, mais finalement, il abaissa sa baguette et releva la tête, la toisant du regard.

- Je n'ai rien fait de mal, argua-t-il.

- Nous allons justement pouvoir en discuter, répondit Charlie, abaissant sa baguette à son tour.

Deux lanières de cuir vinrent s'enrouler autour des poignets du suspect, pendant que Charlie disait « la procédure ». Jo se rapprocha, les menottes à la main, ne sachant pas trop comment les choses allaient ensuite se passer. Si c'était une arrestation normale, avec un moldu, il l'emmènerait au commissariat… Mais étrangement, ça ne lui semblait pas une bonne idée d'y emmener un sorcier attaché vêtu d'un imperméable vert et une Auror qui ne lâchait pas sa baguette. Charlie, elle, se posait visiblement moins de questions. Elle avait retiré sa baguette au suspect et sortait de son manteau une page de journal froissée sur laquelle elle appliqua un sort avant de le tendre vers lui. Il le prit doucement, lui jetant un regard interrogateur.

- C'est un Portoloin, expliqua-t-elle. Ça va nous emmener dans une des salles de garde du Ministère. Je suppose que tu veux assister à notre petite conversation ?

- ça va marcher ? Même pour moi ? préféra-t-il demander.

- ça devrait, fit-elle en haussant les épaules. J'ai vérifié, admit-elle ensuite.

Elle agrippa le bras du suspect qui n'avait pas dit un mot pendant leur échange, fermement, et lui posa une main sur le morceau de journal, qu'elle saisit également. Jo eut tout juste le temps de fixer les yeux sur l'auror avant de sentir comme un crochet s'enfoncer au niveau de son nombril et le monde se compresser autour de lui comme pour le forcer à passer par le chas d'une aiguille. Il ouvrit la bouche pour respirer, chasser l'oppression, et se retrouva dans une grande pièce, presque carrée, qui hébergeait plusieurs miroirs et tableaux de tailles différentes, ainsi que deux tables et quelques chaises. Il cligna des yeux, tenta de reprendre sa respiration et d'empêcher la nausée de lui retourner l'estomac. Charlie, elle, avait déjà rempoché la feuille de journal et entraînait le suspect vers la seule porte de la pièce.

Jo la rattrapa alors qu'elle sortait, et la suivit dans un couloir relativement étroit et peu lumineux. Ils dépassèrent deux portes fermées avant qu'elle n'ouvre la troisième. Ils entrèrent alors dans une salle d'interrogatoire qui ressemblait à peu de choses près à toutes les salles d'interrogatoire que Jo avait pu voir dans sa vie – si ce n'était le miroir ouvragé qui décorait un des murs et les épaisses chaines qui ornaient la table, qu'il trouva un peu exagérées. D'ailleurs, Charlie se contenta de fixer la lanière de cuir à la table avec un anneau et un sort. Après quoi elle fit signe à Jo de la suivre.

- Je vais voir si Santos ou mon lieutenant sont là, dit-elle quand ils furent dans le couloir. On préfère être deux pour les interrogatoires et… je suis pas sûre que tu comptes, pour le Magenmagot, grimaça-t-elle. Ça t'embête de m'attendre là ?

- Le magenquoi ? Non, compléta-t-il rapidement alors qu'elle s'éloignait déjà.

Resté seul, il regarda autour de lui avec une certaine curiosité, profitant de ces quelques moments de répit pour remettre de l'ordre dans ses idées. Le couloir était en pierre – et probablement isolé par des sorts, tellement il était silencieux. Des portes faisaient des taches sombres à intervalles réguliers, sûrement vers d'autres salles d'interrogatoire. Le couloir devait faire quelques dizaines de mètres de long et tournait à angle droit des deux côtés. Deux tableaux, l'un représentant une colline enherbée, l'autre un intérieur sombre, étaient suspendus un peu plus loin…

Il sortit son portable de sa poche pour consulter l'heure et constata qu'il ne captait aucun réseau. Pourvu que Gregory n'essaie pas de le contacter… Et que la fleuriste ne se pose pas trop de question.

Charlie revint accompagnée non par Santos mais par un grand jeune homme aux cheveux ébouriffés, un peu trop longs, d'un brun tirant vers le roux. Il arborait un grand sourire qu'il tentait tant bien que mal de cacher chaque fois que l'auror le regardait. « Personne n'était là, mais Harborn m'a refilé son tout jeune aspirant », dit l'auror en arrivant à sa hauteur, avec un geste de la main vers son accompagnateur qui tendit la main vers Jo avec un air curieux. Le policier la serra, retenant son amusement. Charlie leva les yeux au ciel et se tourna vers son collègue.

- Joseph Bishara, le policier moldu avec qui je bosse sur cette enquête. On va interroger le suspect, et tu ne dois rien dire. Rien, insista-t-elle. Tu es là pour prendre des notes et observer. Ce n'est pas une enquête compliquée, y a pas de piège… Juste. Prendre. Des. Notes.

Elle le fixa plusieurs secondes jusqu'à ce qu'il hoche nerveusement la tête. « Oui chef » ajouta-t-il pour faire bonne mesure, sans doute un temps trop tard. Charlie sembla cependant s'en satisfaire et détacha son regard de l'aspirant pour entrer dans la pièce, suivie de son collègue. Jo entra en dernier et ferma la porte derrière lui.

- Libérez-moi tout de suite ! attaqua immédiatement le prisonnier. Je n'ai rien fait de mal !

Charlie s'assit tranquillement face à lui tandis que l'aspirant sortait un morceau de parchemin et une plume avec fébrilité. Décidé à ne pas se laisser oublier, Jo s'installa à côté de l'auror.

- Je suis l'auror Selwyn. Voici l'aspirant Newton et l'inspecteur Bishara. Vous êtes accusé de vol et d'actes magiques sur moldus, et nous sommes ici pour établir les faits.

Le regard du suspect s'était fixé sur Jo quand Charlie l'avait présenté et ne s'en était pas détourné. Le policier doutait qu'il ait même entendu la suite. Sa lèvre supérieure s'était légèrement retroussée et toute son attitude avait gagné un cran de tension.

- Si nous commencions par votre nom, continuait Charlie. Vous vous appelez…

- Norman Holdoway, lâcha-t-il, arrachant son regard de Jo.

La plume bougea toute seule sur le parchemin de Newton, et Jo retint un mouvement de surprise.

- Et que faites-vous dans la vie ?

- Je suis préparateur en parfumerie. Je m'occupe de l'extraction des essences de fleurs.

- C'est dans ce cadre que vous avez connu la boutique moldue O'Flowers et avez commencé à la fréquenter ?

Il secoua la tête sans paraître vouloir répondre. L'auror se contenta de le fixer du regard jusqu'à ce qu'il cède, son sourcil droit se levant progressivement de plus en plus haut sur son front.

- J'habite deux rues plus loin, finit-il par expliquer. Je suis passé devant plusieurs fois en rejoignant la cheminée la plus proche et… un jour je suis entré.

- Vous ne transplanez pas sur votre lieu de travail ? Pour qui travaillez-vous, d'ailleurs ?

- La Parfumerie Pacifiée et non, monsieur Pierce a fait installer un sort d'anti-transplanage. Il a peur que quelqu'un puisse voler des échantillons ou des formules.

A côté de lui, l'aspirant remua sur sa chaise, et Charlie lui lança un regard rapide mais efficace, puisqu'il s'arrêta immédiatement. Jo le regarda du coin de l'œil poser sa main bien à plat sur la table, plus la ramener vers lui, avant de l'aplatir à nouveau. Bientôt, son genou commença à tressauter sous la table, et Jo du étouffer un sourire.

- Donc, O'Flowers… Vous êtes entré un jour, fit Charlie, reprenant l'enchaînement de événements. Pourquoi ? Et pourquoi y êtes-vous retourné ?

- La sélection de plantes était impressionnante – pour une boutique moldue, précisa-t-il avec un geste de la main, entravé par la lanière de cuir. J'y suis retourné… quelques fois. Pour voir.

- Presque tous les jours depuis presqu'un an, déclara Jo d'une voix plate.

L'autre lui lança un regard qu'on pouvait qualifier de haineux, et ne répondit pas.

- Vous avez trouvé la vendeuse à votre goût, j'imagine ? continua le policier. Toute moldue qu'elle soit… Vous espériez quoi, au juste ? Qu'elle vous remarque ?

- Pourquoi vous en êtes-vous pris à des clients ? demanda Charlie quand il fut clair qu'il ne répondrait pas.

- Ces ignorants, ces… foutus moldus ! Ils achètent n'importe quoi n'importe quand, et ne savent même pas s'en occuper !

Jo et Charlie échangèrent un regard, et il reconnut l'absence de sourire sur son visage neutre qui devait refléter le sien. Il avait commencé à lâcher, si tout se passait comme il faut, il ne s'arrêterait plus. La clé était de bien diriger le flot de paroles, d'orienter les questions et de bien écouter les réponses. Tout l'art de l'interrogatoire, en somme – mais jamais un moment très simple à passer.

- Vous parlez de Basil Miller ? L'homme à l'orchidée, précisa l'auror.

- Sale moldu arrogant ! Je je… Il achetait une orchidée juste après l'été, n'écoutait rien de ce que disait la vendeuse, c'était…

Plus il parlait, plus sa voix enflait et son visage devenait rouge. Bon signe, tout ça, bon signe. Mais il n'avait encore rien avoué de substantiel…

- Et vous l'avez suivi ? demanda Charlie, suivant le fil.

Jo hocha silencieusement la tête et elle lui jeta un regard rapide. Newton gardait les yeux fixés sur le parchemin et les mains sur ses genoux enfin calmes, tout dans son attitude trahissant la tension.

- Juste pour voir s'il habitait dans un bon endroit pour une orchidée, se récria Holdoway. Et bien évidemment, ce n'était pas le cas. Connard arrogant…

- Qu'est-ce qui vous a décidé à le cambrioler trois mois plus tard ?

- Je ne… je n'ai jamais fait une chose pareille.

Newton soupira et se recula sur sa chaise. Charlie le regarda attentivement et il rougit, reprit sa position. Elle sourit.

- Vous voyez, monsieur Holdoway, c'est là que vous avez un problème. Vous avez laissé des traces magiques partout.

- Vous ne pouvez pas prouver que c'est moi, s'entêta-t-il.

- Vous êtes le seul et unique sorcier à être entré en relation avec les victimes. Toutes les victimes, précisa-t-elle. Et avec la boutique.

- Je… c'est une coïncidence. Je n'y vais même pas si souvent que ça !

- Ce n'est pas ce que dit la vendeuse, remarqua Jo.

L'autre lui jeta à nouveau un regard enflammé de haine. Le policier le regarda calmement, les mains tranquillement croisées sur la table. Il hésita à sourire, mais craignit qu'il ne tremble sous les coups de son cœur, qui avait quand même accéléré.

- Elle… je… C'est une moldue, elle ne peut pas témoigner devant le Magenmagot !

- C'est vrai, admit Charlie, toujours aussi calme. Mais elle n'en a pas besoin. Voyez-vous, monsieur Holdoway, nous avons des… comment appelez-vous ça déjà ? Des vidéos de surveillance ! feignit-t-elle de retrouver en claquant des doigts. Je suis moi-même assez novice en matière de technologie moldue, mais mon collègue ici présent pourrait vous en dire plus…

- ça ne prouve rien.

Mais sa voix était déjà moins assurée, son attitude défensive se craquelait. L'auror poussa son avantage, ponctuant chaque argument d'un doigt appuyé sur la table. Jo se demanda un instant si l'aspirant respirait toujours tant l'immobilité qu'il avait atteinte devenait inquiétante.

- Ça prouve au moins que vous venez de nous mentir. Vous étiez dans la boutique presque tous les jours. Vous avez interagi et verbalement attaqué les trois victimes dans les jours qui ont précédé leurs cambriolages. Tout pointe vers vous, et la fouille de votre appartement devrait confirmer nos soupçons. Combien de plantes allons-nous retrouver chez vous, monsieur Holdoway ?

Ses yeux s'agitaient dans tous les sens pendant que Charlie assenait les différents points de sa démonstration. Elle avait à peine fini de parler lorsqu'il se jeta en avant, comme pour la renverser, seulement retenu par les lanières de cuir – et, peut-être, un sort. Jo avait reculé violemment avec sa chaise et Newton s'était levé de la sienne, mais Charlie était restée impassible, sans jamais le quitter du regard. Il se renfonça sur sa chaise et se tassa sur lui-même, levant lentement les yeux vers elle. Jo souffla doucement. C'était fini.

- Je… je voulais juste corriger une erreur, lui donner une leçon. Comment aurais-je pu savoir qu'il ne vivait plus là ? Quand j'ai vu la fille, j'ai failli laisser tomber et faire demi-tour. Mais l'orchidée… Les orchidées étaient mal au point, délaissées, je l'ai bien vu ! Alors je les ai emportées.

- Et les bijoux ? demanda l'auror d'une voix douce.

Il haussa les épaules.

- J'étais là, alors… Ils n'étaient même pas rangés. Ça pouvait toujours me faire un peu d'or.

- Et les Burton ? Madame Simpson ?

- De bêtes moldus incapables de s'occuper de fleurs compliquées, précieuses, qui méritaient bien mieux qu'eux. Moi, au moins, je sais ce qu'il leur faut. Je les ai suivis, et après, j'ai sauvé les plantes. Je devrais être récompensé au lieu d'être puni !

Ses épaules et son menton s'étaient redressés à nouveau et il la défiait du regard. Jo devina plus qu'il ne vit qu'elle se retenait de lever les yeux au ciel. Claquant la main sur la table, elle se leva. Le policier et l'aspirant l'imitèrent et sortirent de la pièce.

De retour dans le couloir elle tendit la main sans rien dire vers Newton, qui lui tendit le parchemin en poussant un gros soupir. Elle le parcouru rapidement du regard, un sourire s'étendant progressivement.

- On a nos aveux, donc… On va l'envoyer à la Justice pour le procès et finaliser le dossier, mais… On a fini.

Elle releva les yeux vers Jo en terminant sa phrase et il lui sourit doucement. Elle n'irait jamais dire que ça lui manquerait, hein ?

- Ça me manquera, de travailler avec vous, Auror Selwyn, offrit-il.

Elle leva les yeux au ciel et pinça les lèvres comme pour retenir un sourire. Elle posa la main sur la poignée de la porte presqu'en face de celle qu'ils venaient de traverser.

- Comment on fait pour ma hiérarchie ? continua-t-il. Comment je finalise mon rapport, moi, maintenant qu'on a le coupable mais qu'il est sorcier ?

Charlie arrêta son geste et se retourna vers lui, le regard lointain, songeuse.

- Bonne question… Je ne sais pas comment ça se passe habituellement. Va falloir en discuter avec le Commandant, je suppose.

Newton lui lança un regard furtif et elle lui adressa un sourire narquois.

- Six mois t'ont pas suffi, t'es toujours pétrifié devant le Grand Harry Potter, Newton ?

Il grimaça et baissa la tête, penaud, et elle lui donna une légère bourrade dans l'épaule.

- T'inquiète, ça va passer. Mais faut que je finalise le rapport avant… Et que je parle à Abbot – mon lieutenant, précisa-t-elle pour Jo, qui marqua sa compréhension d'un signe de tête.

- On pourrait fouiller son appartement, non ? proposa Jo. Si on retrouve tout, ça solidifie le dossier – les deux dossiers, même. Et comme de toute façon il faudra les rendre aux victimes.

- Bonne idée, approuva l'auror. Newton, si Harborn est d'accord, t'as qu'à venir avec nous.

- Je vais lui demander tout de suite, fit-il avec empressement. Je vous retrouve où ?

Elle lui rendit le parchemin sans un mot après avoir regardé à nouveau l'adresse et entraîna Jo vers la pièce dans laquelle ils étaient arrivés, qu'ils dépassèrent pour entrer dans une autre, plus vaste et plus chaleureuse. Quelques canapés étaient poussés contre les murs, décorés de toutes sortes d'affiches, certaines annonçant des rencontres sportives, d'autres les portraits de sorciers recherchés. Tout un pan de la pièce était occupé par un espace cuisine : marmites, étagères, plaques, bouilloires, cafetière… Bref, une salle de repos comme il devait y en avoir dans tous les commissariats du monde, conclut Jo, qu'ils soient moldus ou sorciers.

Deux Aurors discutaient, une tasse à la main, et s'interrompirent quand ils les virent entrer. Charlie leur adressa un signe de la main qu'ils lui rendirent, suivant du regard leur progression vers… oui, c'était bien une cheminée. Une immense carte du pays trônait au-dessus, et quand Jo s'approcha pour la regarder plus attentivement, il remarqua des points brillants d'une légère lumière jaune à divers endroits.

- Les lieux d'habitations de sorciers, expliqua Charlie, suivant son regard.

Elle sortit sa baguette et la posant sur l'immense point jaune qui indiquait la capitale, murmurant un mot que Jo ne comprit pas à plusieurs reprises. Sur la carte, la ville grossit, grossit, jusqu'à ce qu'il puisse lire les noms des rues. Il pointa du doigt celle où habitait Holdoway, à quelques rues de la boutique. A côté de lui, Charlie désigna du doigt un des points bleus qui était apparu sur la carte. « Une cheminée publique. Sûrement celle qu'il utilise pour aller travailler. »

Elle saisit une petite boite sur le linteau de la cheminée et la lui tendit. Il regarda dedans avec circonspection et vit une poudre scintillante. Il releva les yeux vers l'Auror et haussa les sourcils.

- C'est ce que je crois que c'est ? Tu veux ma mort ?

Elle étouffa un rire, les yeux brillants.

- C'est juste de la poudre de cheminette, Jo. Tu en prends une poignée, tu la jettes dans le feu…

- Je sais, la coupa-t-il. Leah m'a expliqué, et j'ai vu Daniel l'utiliser quelques fois. Mais d'abord ça a l'air vachement dangereux, et ensuite, est-ce que ça fait pas un peu beaucoup de moyens de transport sorciers, là ?! Y a pas plus simple ?!

Il n'avait pas voulu élever la voix, mais visiblement… la journée avait été plus longue qu'il ne le croyait. Il était fatigué. Elle souriait toujours, plus paisiblement maintenant, et posa une main sur son bras avec un demi pas vers lui.

- ça va aller, promis. C'est le moyen le plus rapide pour aller là-bas, on ne peut pas transplaner à l'intérieur du Ministère et les Portoloin sont à sens unique, ils servent uniquement à rejoindre la salle de surveillance. Si tu préfères vraiment transplaner, il faut remonter à l'Atrium, sortir du Ministère… On en a pour un bon quart d'heure de plus. Mais après tout, rien ne presse…

Il secoua la tête, se sentant un peu idiot.

- Je t'ai bien emmenée en voiture, fit-il avec un clin d'œil. Redis-moi comment on fait, déjà ?

- Ouais, c'est ma revanche. Son sourire se fit plus large. Tu prends une bonne poignée, tu jettes dans les flammes, et quand elles sont vertes, tu entres et tu donnes l'adresse. Distinctement !

- L'adresse ? demanda-t-il en suivant ses instructions.

Les flammes tournaient déjà au vert.

- Celle de la cheminée. 8, Foxley Road.

Il répéta religieusement, articulant autant que possible malgré la suie et les flammes, et ferma les yeux lorsqu'il se sentit bouger. C'était mieux comme ça. Il n'était jamais passé dans un lave-linge, mais il se fit la réflexion que ça devait ressembler fortement au voyage à travers les cheminées. Il était secoué dans tous les sens, heurté parfois aux coudes ou dans les jambes, et il dut à une ou deux reprises se rappeler de respirer. Enfin, les mouvements s'arrêtèrent et il ouvrit prudemment les yeux. Il était dans le foyer d'une nouvelle cheminée. En face de lui, un mur gris, rongé par les plantes grimpantes. Il avança d'un pas, puis de trois, regardant prudemment autour de lui et époussetant un peu ses vêtements.

Charlie sortit à son tour de la cheminée un instant plus tard. Elle eut un frisson en retrouvant l'air glacé de l'hiver londonien et lui sourit. « Alors, Bishara, on a survécu ? ». Il lui répondit d'une grimace et d'un commentaire désobligeant, et elle rit. Il se mit en marche vers la rue et elle le rattrapa rapidement.

Les plantes n'étaient même pas cachées ou rangées dans un coin. La moitié du minuscule salon de Holdoway était empli de fleurs, dans une atmosphère humide et chaude qui n'avait rien de naturel. Jo reconnut tout de suite les fleurs caractéristiques des orchidées, il en compta cinq. Il sortit son téléphone et les photographia l'un après l'autre avant de s'attaquer aux autres plantes. Charlie avait disparu à travers la seule autre porte de la pièce, sans doute à la recherche des bijoux. Il la rejoignit après avoir fini ses photos et la trouva assise sur le lit, une boite à la main dans laquelle se trouvait quelques bijoux – et pas de ceux que portent les hommes ni, tellement, les sorciers, pour ce qu'il avait pu en voir.

- Quel gâchis, souffla-t-elle en levant les yeux vers lui.

Il n'avait qu'une moue à lui offrir. Que répondre après l'interrogatoire qu'ils venaient de faire, aussi facile qu'il avait été ? Tant de vies chamboulées…

- S'il lui avait simplement dit… S'il avait parlé à cette petite idiote de vendeuse…

Jo secoua la tête, soudain amer.

- C'est plus que ça, formula-t-il. C'est des habitudes et des préjugés ancrés tellement profondément qu'il est incapable de les dire. C'est de la haine rancie qui dit pas son nom. Et face à une situation impossible, parce qu'il l'a voulue impossible, il a choisi la violence et la dissimulation.

Elle garda les yeux sur lui et juste au moment où il allait en être gêné et repartir, ou dire autre chose, n'importe quoi pour briser le silence, elle baissa la tête vers la boite et les bijoux. Elle la referma d'un geste sec et se leva, retourna dans le salon en posant au passage une main légère sur son bras.

Newton les rejoignit peu après et parut déçu du voyage. Jo ne pouvait le blâmer, l'affaire n'avait vraiment plus rien de compliqué à ce stade. Il l'aida à emballer soigneusement les plantes pour le transport et, sur les consignes de Charlie, entreprit de retirer les sorts et objets magiques qui peuplaient la pièce.

- L'appartement risque de rester vide un moment, peut-être de repasser à des moldus, expliqua-t-elle. Il ne faudrait pas qu'ils tombent sur quelque chose… ça va aller pour rapporter tout ça au commissariat, Jo ?

- J'ai déjà appelé Gregory, elle doit m'envoyer quelqu'un pour m'aider, lui assura-t-il. Tu peux y aller.

- Je te tiens au courant, pour le rapport, conclut-elle en poussant Newton devant elle.

Sutton et Harris arrivèrent ensuite pour aider Jo à transporter toutes les plantes au commissariat, qui prit soudain des allures de jardin – ce qui plut beaucoup à Khan, qui demanda à garder celles qui n'avaient pas été volées. Prudent, le jeune policier préféra ne pas se prononcer et s'installa à son bureau pour finaliser son rapport – ou plutôt, pour appeler les victimes et leur demander de revenir chercher leur dû. Les Burton le remercièrent abondamment et vinrent récupérer leurs jasmins peu après. MacPherson et Simspon annoncèrent qu'elles passeraient en fin de journée.

Charlie ne réapparut qu'en tout début de soirée. Il avait rendu les plantes, avait cédé une orchidée et deux amaryllis - « oui, Bishara, c'est leur nom » - à Khan et avait même ouvert son rapport, se demandant comment il allait le refermer de manière satisfaisante. Elle s'assit en face de lui, sourit, et il sentit ses lèvres s'étirer automatiquement en un geste miroir.

- C'est bouclé chez nous, il sera jugé rapidement, commença-t-elle. Entre ses aveux et les plantes dans l'appartement, même avec un bon avocat, il ne devrait pas ressortir de sitôt.

- Tout le monde a récupéré ses fleurs, compléta Jo. Tu veux une orchidée ?

Il lui tendit la fleur orangée qu'il avait gardée en pensant à elle.

- Je n'ai pas tellement la main verte, moi, dit-elle avec un soupir de regret, sans pour autant lâcher le pot qu'elle avait pris dans la main. Merci.

- Et pour mon rapport ?

- Tu as retrouvé les plantes… On pense que tu peux clôturer le dossier comme ça. Il y aura un avis de recherche pour Holdoway, qui sera tranquillement oublié… En tout cas pour vous. Le Commandant fera un rapport plus complet à votre chef de la police, ajouta-t-elle avec précipitation.

Jo hocha lentement la tête, laissant l'idée faire son chemin. Ça pouvait marcher, il voyait pourquoi l'idée séduisait les sorciers. Gregory ne serait pas enchantée, évidemment, mais avec le temps… Et si Scotland Yard poussait dans son sens… Il commença à tapoter les touches de son clavier, sentant sur lui le regard de Charlie.

Il imprima la version finale de son rapport et la lui fit relire avant d'aller la déposer sur le bureau du sergent Gregory, accompagnée d'une demande d'avis de recherche. Elle trouverait tout ça le lendemain, dès son arrivée.

- Je t'offre un verre ? proposa-t-il à Charlie. Pour fêter ça.

- Une bière ? sourit-elle.

- Par exemple.

oOoOoOoOoOo

Le lendemain à la première heure, Jo était de retour chez O'Flowers. Il s'était réveillé en sursaut sur le coup de cinq heures du matin, mettant enfin le doigt sur l'élément qui clochait depuis la veille. Le visage de la fleuriste se referma en le reconnaissant, et elle croisa les bras devant elle.

- Qu'est-ce que vous voulez, encore ?

- Bonjour Madame. J'aimerais récupérer la vidéo de surveillance d'hier matin.

Elle souffla et se dirigea vers l'arrière-boutique en marmonnant. Elle revint quelques minutes plus tard et lui tendit la clé usb qu'il lui avait fournie, le visage toujours fermé.

- Vous l'avez regardée ? demanda-t-il.

Elle haussa les épaules.

- Qu'est-ce que ça peut vous faire ?

- Rien, fit-il d'une voix neutre, le regard fixé sur elle. C'est juste par curiosité.

- Oui. Elle haussa à nouveau les épaules. Fallait bien que je sache… je vous ai même pas entendu partir ! La porte a tinté, je pensais que vous partiez, mais c'était une cliente !

- Et qu'est-ce que vous avez vu ? insista-t-il en fourrant la clé dans sa poche.

Il devait bien y avoir une solution magique à ce genre de problème, non ? Les accidents devaient arriver régulièrement, les sorciers ne pouvaient pas cacher leur existence au monde moldu depuis si longtemps sans… sort ou potion appropriés.

- Que vous l'avez menacé, grogna-t-elle en croisant les bras à nouveau. Votre collègue, là, a sorti un… un bâton avant même qu'il se soit retourné !

- Il en avait un aussi, répondit-il distraitement.

Oui, il y avait sûrement un moyen de modifier la mémoire… Il suffisait qu'il rappelle Leah, elle pourrait joindre Charlie ou…

- … brouillée, disait la fleuriste.

Jo cligna des yeux, tenta de rappeler à la surface de sa mémoire le début de la phrase. Sans succès.

- Je vous demande pardon ?

- La vidéo, elle saute, répéta la fleuriste. C'est la première fois que ça arrive, mais elle se brouille deux fois. L'entrée du monsieur et votre sortie ne sont pas enregistrées.

- Bizarre, sourit Jo.


Toum-doum-doum-doum...

Jo et Charlie se reverront-ils un jour? Y a-t-il d'autres enquêtes mixtes qui attendent notre intrépide duo ? Vous le saurez dans le prochain épisode de M-Files : Au frontières du possible ! Ne ratez rien en vous abonnant et en laissant un commentaire !

Plus sérieusement, oui, je compte bien écrire d'autres enquêtes pour Jo et Charlie, sur un format un peu similaire à celui-ci. La question est quand : je ne publierai la prochaine enquête que quand elle sera écrite au complet. Elle est entamée, mais je ne peux pas prétendre écrire vite ou régulièrement. Je n'ai donc aucune date à annoncer. Mais... Il y en aura d'autres. ;)