Bienvenue à tous pour une nouvelle aventure ! Pas besoin de présentations trop longues à ce stade, je vous laisse plonger et découvrir. Je tiens cependant à remercier le FoF pour son soutien indélébile, notamment les participant.e.s du camp Nano de cette année, ainsi que les personnes qui m'ont débloquée, relue, corrigée : vous vous reconnaitrez (ouip, j'ai peur d'en oublier). Remerciements en particulier à Océ qui a relu trois fois cette histoire et m'a gentiment tenu la main le temps que je me décide.

Mais bref, sans plus attendre...


M-Files : Aux frontières du possible

La bizarre affaire du voleur de fleurs

I.

Lorsque le jour se leva, au matin du jeudi où commence notre histoire, rien ne laissait présager que la vie de Joseph Bishara était sur le point de changer. Commençant plus tard que ses colocataires, il s'était levé juste à temps pour les voir partir, et savourait maintenant son café en se demandant si la brume qui recouvrait Londres allait se lever.

Ce n'était toujours pas le cas quand il sortit, et c'est sous un ciel gris et lourd qu'il rejoignit le commissariat. Il salua d'un signe de tête le policier qui tenait l'accueil, et d'un sourire ou d'un geste les autres uniformes qu'il croisa avant d'arriver à la salle qu'il partageait avec ses collègues de la police judiciaire. Vue l'heure, elle était vide, et il s'installa à son bureau avec un soupir.

Il attaquait son deuxième dossier lorsque le Sergent Gregory sortit de son bureau et se dirigea vers lui. Son éternelle veste noire, trop large, flottait sur son chemisier gris et faisait ressortir un peu plus que d'habitude la pâleur de son visage étroit, à peine réhaussé par ses lèvres fines et peu maquillées.

- Bishara, je vous envoie sur un cambriolage sur Lisle Street. Elle avait ce ton qui marquait une nuit trop courte et une patience limitée, que tous ses subordonnés apprenaient assez vite à connaitre.

- Un cambriolage ? C'est pas notre secteur, normalement, se risqua-t-il en se levant à demi, prenant le papier qu'elle lui tendait.

- C'est le dixième en une semaine, sans compter les vols à la tire. Ils sont surchargés, et… celui-ci est bizarre, répondit-elle en plissant les yeux. Le deuxième du genre dans le mois. A moins que vous préfériez passer votre journée dans la paperasse ? ajouta-t-elle avec un sourire dangereux.

- Je suis déjà dehors, Chef, dit-il en se dirigeant en toute hâte vers la sortie.

Une fois dehors, il sortit son téléphone et y entra l'adresse indiquée sur le post-it avant de se diriger vers le lieu du cambriolage, heureux de faire un tour. La vie d'un policier était une éternelle alternance de dossiers et d'enquêtes, et Jo avait vite décidé ce qu'il préférait.

Les deux agents en uniforme qui l'accueillirent lui résumèrent l'affaire, mettant un sens derrière le mot « bizarre » qu'avait utilisé sa chef pour le qualifier. Et de fait : l'appartement, situé au cinquième étage, avait été cambriolé sans qu'aucune trace d'effraction ne soit trouvée sur la porte d'entrée ou les fenêtres. La locataire, endormie, n'avait rien entendu, et s'était réveillée tardivement pour découvrir que ses bijoux et quelques tableaux avaient été emportés, mais ni son téléphone ni son ordinateur, pas plus que sa télé. Et, pour couronner le tout, ses plantes avaient disparu.

- Ses plantes ? répéta Jo, dubitatif.

- Ses plantes, confirma l'agent Thompson avec un hochement de tête, l'air entendu. Elle avait des herbes aromatiques sur le bord de la fenêtre, apparemment, et d'autres plantes en pot dans l'appartement. Plus une trace.

Il accompagna son commentaire d'un geste de la main, comme pour souligner l'information, et Jo la nota dans son carnet en fronçant les sourcils, le cerveau tournant à plein régime.

- Je vais aller l'interroger, annonça-t-il.

- Elle est dans la cuisine avec un thé. Elle est pas mal secouée, ajouta l'agent en baissant la voix, ajoutant une petite grimace en prime.

Jo put rapidement le constater : les mains de la jeune femme blonde qui leva les yeux vers lui dans la cuisine étaient pressées contre un mug qu'elle tenait au bord de la table, contre son torse, et la tension de sa posture était visible. Elle avait l'air fragile, les cernes marquées, les épaules voutées, peut-être un peu trop mince… de quoi réveiller les meilleurs instincts de Thompson, qui avait l'art de tomber amoureux tout les quatre matins – avec guère de succès, malgré ses joues roses et son air franc de viking nourri au grand air et aux verres de lait.

Jo prit soin de prendre une voix calme pour se présenter, et laissa à la jeune femme le temps de lire son badge avant de s'approcher et de s'assoir face à elle. Vérifiant qu'elle le regardait et attendait qu'il se lance, il s'accouda à la table pour déclarer, factuel :

- Les agents à l'entrée m'ont renseigné, mais pourriez-vous me raconter ce qu'il s'est passé avec vos propres mots ?

Son récit était haché et comportait peu d'informations supplémentaires, mais peu importait : l'essentiel était de la calmer et de la mettre en confiance, pour obtenir les détails auxquels elle n'avait pas pensé.

- Il n'y a pas de traces d'effraction sur la porte, savez-vous si quelqu'un pourrait avoir une clé ? Un ancien locataire, par exemple… demanda-t-il une fois son récit terminé.

- Non, affirma-t-elle en secouant la tête. J'ai changé la serrure il y a quelques mois, et il n'y a pas de copie. Et j'ai ajouté un verrou, aussi, que je ferme systématiquement quand je suis dans l'appartement. Il était ouvert ce matin, je ne sais pas comment c'est possible !

Sa voix montait dans les aigus à la fin de la phrase, et elle s'arrêta brusquement, respirant profondément. Jo se concentra sur son carnet pour lui laisser le temps de se calmer à nouveau avant de poser la question suivante.

- On vous a volé des bijoux, trois tableaux, et des plantes, c'est ça ? Quel type de plantes, ajouta-t-il avec curiosité quand elle hocha la tête.

- Je… des herbes aromatiques, thym, basilic, menthe… J'avais aussi deux orchidées et petit buis en pot. Qui vole des plantes, sérieusement ? Qu'est-ce qu'ils vont bien pouvoir en faire, hein ? Alors qu'ils m'ont laissé la télé ?

Jo posa une main apaisante sur celle de la jeune femme, qui cessa brusquement de parler et détourna la tête, tentant de calmer sa respiration. Elle retira sa main pour saisir le mug et le porter à ses lèvres, buvant à petites gorgées, et le jeune policier rangea son carnet et son stylo, sortit une carte de visite, la posa sur la table, et se leva. Il aurait d'autres questions, mais elles pouvaient attendre. La jeune femme était trop secouée pour qu'il insiste sans se sentir un peu minable. Avec une bouffée de culpabilité, il entendit la voix de son premier chef répéter qu'il n'était pas là pour être l'ami de tout le monde, mais il réussit à l'étouffer avec un certain succès.

- Je vais faire mon possible pour retrouver les coupables, dit-il en faisant son mieux pour paraître plus sûr de lui qu'il ne l'était. Si quelque chose, même un détail, vous revient… N'hésitez pas à m'appeler. Vous avez quelqu'un qui peut rester avec vous dans les jours qui viennent ?

Elle secoua la tête :

- Je refuse de rester ici. J'ai une amie qui va m'héberger quelques jours, le temps que je trouve une solution.

Il serra les lèvres, compréhensif, et se dirigea vers la sortie. A sa demande, l'agent lui indiqua l'adresse du cambriolage précédent, et il s'y rendit d'un pas athlétique, refusant de réfléchir aux options possibles. Il fallait qu'il en sache plus avant d'échafauder des théories. Ça aussi, ça faisait partie des enseignements répétés par le vieux Maisel. Un qu'il avait globalement mieux intégré que la distance envers les victimes, il devait bien l'admettre.

Le couple de sexagénaires qui l'accueillit fut très aimable, mais rien dans leurs réponses ne faisait tellement avancer son enquête. Comme chez MacPherson, ils s'étaient réveillés un matin pour découvrir qu'ils avaient été cambriolés, sans trace d'effraction, et leur télévision était toujours à sa place.

« Elle est tellement grande, vous comprenez… On s'est dit que peut-être ils n'avaient pas de quoi l'emporter », avait déclaré Misha Burton avec une fausse humilité qui lui allait bien. Sa femme avait levé les yeux au ciel et proposé une deuxième tasse de thé. Tout en rondeur, le couple Burton se complétait bien, la moustache de l'un répondant aux cheveux de l'autre. Même leurs pulls étaient de la même couleur – bleu pâle – assorti pour ainsi dire au papier peint de leur salon. Ils étaient charmants. Ce qui n'avait jamais résolu une enquête ou empêché un crime, hélas.

Rentré au commissariat, Jo ouvrit un nouveau dossier avec un soupir et lista les différents éléments de l'affaire. Pas de dossier, pas d'enquête… Il fallait donc bien en passer par là. Et puis, qui sait où il trouverait le détail qui le mettrait sur la bonne voie ? Le premier cambriolage avait eu lieu un jeudi, le deuxième un mercredi. Le premier appartement était au deuxième étage, l'autre au cinquième. Les Burton étaient un couple âgé et aisé, propriétaires de leur logement, MacPherson une femme seule d'une profession intermédiaire. Tous étaient présents, endormis au moment des faits, et n'avaient rien vu ni entendu. Les objets volés étaient des bijoux, de l'argenterie, quelques bibelots… pas d'électronique… Et des fleurs ? Pourquoi des fleurs ?

Cette question trottait encore à l'arrière de son esprit quand il rentra chez lui ce soir-là. Il avait passé l'après-midi au téléphone, confirmant le nom puis l'alibi du serrurier de MacPherson et de la femme de ménage des Burton. Sur une intuition, il avait rappelé ces derniers pour apprendre que leurs deux cactus avaient effectivement disparu, tout comme leur plant de jasmin, monsieur l'agent, vous pensez que c'était au même moment ? Il n'en savait rien, mais ce détail le tracassait sans qu'il sache exactement pourquoi. C'était bien ce qui l'agaçait.

Hissa était dans la cuisine en train de préparer à manger quand il rentra, et il se laissa guider par les bonnes odeurs. Il l'embrassa sur la joue pour la saluer, ignorant les cheveux échappés de sa tresse qui vinrent lui chatouiller le nez et elle lui répondit distraitement, concentrée sur sa casserole.

- Qu'est-ce que tu prépares comme mixture ? demanda-t-il en plongeant son petit doigt dans la sauce avant de le porter à ses lèvres.

Elle lui tapa sur la main avec un froncement de sourcils, faussement grondeuse, et répondit en remuant la sauce :

- Je tente un ragoût. Fous pas tes doigts sales dedans.

-Des problèmes à l'agence ? il demanda en s'appuyant contre l'évier.

Elle poussa un profond soupir, repoussa du dos de la main une mèche de ses longs cheveux noirs qui lui tombait devant les yeux.

- Comment t'as deviné ?

- Hé, je suis flic, moi, madame. J'ai des pouvoirs de détection au-dessus du commun ! Tu cuisines toujours quand tu as un truc à débloquer, ajouta-t-il après avoir évité le coude qu'elle tentait de lui enfoncer dans les côtes.

- J'ai un groupe un peu pénible, expliqua-t-elle. Une grand-mère qui ne peut plus trop marcher qui paie le voyage à toute sa famille, et qui voudrait donc décider de tout. Eux, ils ont tous des idées différentes – ça va du lieu des vacances aux hôtels, en passant par les activités… Mais je vais trouver une solution.

- Je te fais confiance, grimaça-t-il, décrochant un mince sourire à sa cousine.

La porte d'entrée s'ouvrit sur ces entrefaites, et Chris entra bientôt dans la cuisine. A son tour, il vint regarder la casserole par-dessus l'épaule d'Hissa, et demanda :

- Qu'est-ce que c'est que cette potion ?

- Un ragoût, répondit la cuisinière en le poussant d'un geste des hanches. Et arrêtez de râler si vous voulez y goûter !

Chris s'éloigna en protestant, les mains levées vers le ciel, et commença à mettre le couvert. Jo fit de même tandis qu'ils échangeaient sur leurs affaires de la journée, Hissa posant parfois une question sarcastique, dans un ballet bien réglé. Cela faisait six mois maintenant qu'elle habitait avec eux, remplaçant Bilal qui les avait lâchement abandonnés pour aller s'installer avec sa copine et la cohabitation était harmonieuse. La plupart du temps.

- … Leah prenait notre défense.

Jo releva brusquement la tête, quelque chose venant soudain de faire tilt quelque part dans son cerveau.

- De quoi tu parles, Hissa ? demanda-t-il lentement, tentant de retrouver le fil, le mot, l'expression qui avait bien pu déclencher cet éclair.

- Je disais que quand on était petits, Leah était toujours la première à nous entraîner dans les bêtises, mais que c'était toujours nous qui nous faisions prendre, répéta-t-elle.

Mais il ne l'écoutait déjà plus. Ça y était ! Il examina en pensée les différents éléments de la théorie qui s'était présentée à lui, et plus il y réfléchissait, plus ça collait, réalisa-t-il avec excitation. Il fallait qu'il parle à Leah. Vite. Il sortit son téléphone, s'excusa auprès de ses colocataires surpris en promettant de ne pas en avoir pour longtemps, et rejoignit sa chambre en croisant les doigts pour qu'elle réponde.

Au bout de quatre sonneries, il entendit le clic et le message enregistré se lança, l'invitant à laisser un message. Il jura, inspira un grand coup, et commença : « Leah, c'est Jo. A quoi ça sert bordel que tu aies un téléphone si tu ne réponds jamais ? Bon écoute, je suis sur une enquête, là, et elle… est bizarre. J'ai une idée, mais j'ai besoin de ton aide pour savoir si c'est possible ou pas. Il est… trop tard pour que je vienne ce soir, mais demain matin, ok ? Pitié écoute tes messages et sois là demain, ok ? Bisous. »

Il raccrocha avec un énorme soupir, hésita à rappeler immédiatement sa sœur, puis à contacter sa chef, mais renonça. Objectivement, ça pouvait attendre le lendemain. Il se résolut donc à rejoindre Hissa et Chris pour finir de dîner. Il tenta de chasser son idée bizarre pour la soirée, mais elle revenait régulièrement tapoter au coin de sa tête avec un nouvel élément en sa faveur. Quand il alla se coucher, il était persuadé d'avoir raison, et cette certitude l'empêcha longtemps de dormir. Il ne restait plus à Leah qu'à lui expliquer comment…

Le lendemain matin, aucun message sur son téléphone n'indiquait que Leah avait bien reçu le sien, et il râlait mentalement contre sa sœur en allant chercher les clés d'une voiture au commissariat, après avoir expliqué au Sergent Gregory qu'il en avait besoin pour vérifier une piste. Il s'engagea sur la route qui quittait Londres vers le nord en marmonnant qu'à tous les coups elle ne serait pas là et qu'il faisait le voyage pour rien et que c'était bien la peine, sérieusement, d'avoir un téléphone.

Dans les faits, la frustration était ancienne. Quand Leah était partie à Poudlard la première année, les téléphones portables arrivaient à peine sur le marché, aussi ses parents l'avaient-ils munie d'une carte de téléphone. La famille entière avait été surprise d'apprendre que l'école de sorcellerie ne disposait pas de cabine téléphonique, et que la seule solution pour échanger des nouvelles avec l'aînée était le courrier. Porté par des chouettes. A l'époque, l'information avait ravi Jo, mais pas pour bien longtemps. Il n'aimait pas tellement écrire, et Leah non plus.

Quand elle était entrée en quatrième année, ses parents lui avaient offert un téléphone portable, et Jo s'était répandu en hurlements jaloux – dont il avait encore honte aujourd'hui, il fallait bien l'avouer… Elle l'avait consolé en promettant de l'appeler toutes les semaines. Mais elle n'avait pas plus pu tenir cette promesse que les autres : le téléphone ne passait pas à Poudlard, pas même dans le Parc, et seulement dans un coin assez isolé de Pré-au-Lard. Les communications directes étaient donc rares…

Quand elle et Daniel avaient décidé de s'installer ensemble, Leah avait insisté pour un lieu au moins en partie moldu, qui rendrait l'accès plus facile pour sa famille – et pour les ondes électriques et électromagnétiques. Ça partait d'un bon sentiment, Jo était prêt à le reconnaitre – et d'un peu de flemme, rajoutait-il systématiquement pour le plaisir de voir sa sœur lever les yeux au ciel. Restait qu'elle n'avait jamais véritablement pris l'habitude d'avoir son téléphone sur elle, ou même de le garder chargé. Et c'était exaspérant.

Il était donc relativement à cran lorsqu'il arriva dans le petit village de Weston et tourna dans le virage qui menait à la dernière maison, juste avant les champs. Il gara sa voiture sur le bord de la route et sonna, s'attendant presque à trouver la porte close et la maison vide. Il fut donc raisonnablement surpris lorsque la porte s'ouvrit sur Daniel, qui l'accueillit d'un grand sourire et d'une poignée de mains chaleureuse.

- Entre, Jo, Leah ne devrait pas tarder à rentrer, l'invita le mari de sa sœur en rentrant dans la maison.

Jo le suivit en regardant autour de lui d'un œil curieux. Ce n'était pas la première fois qu'il venait, et il avait appris à rester à l'affût des surprises que la maison pouvait receler pour un non-habitué. Les plumes dorées et le chaudron sur la table du salon, par exemple, qui devaient attendre que Daniel s'en occupe. Et les quelques photos animées qu'il appréciait toujours autant. Jo s'assit sur le canapé, acceptant l'offre de thé avec un sourire, tout agacement oublié. Il était simplement content d'être là, impatient de confronter sa petite théorie avec des gens aptes à lui répondre. Un bref instant, il se demanda comment il vendrait ses conclusions à sa hiérarchie, mais étrangla fermement ces interrogations. Il verrait quand le temps viendrait, se convainquit-il, tandis que ses doigts reprenaient leur tambourinement contre la table basse.

Daniel revint avec un plateau et venait de s'assoir lorsque Leah entra dans la pièce. Elle embrassa son frère et se percha sur un fauteuil en lui demandant ce qui l'amenait jusque chez elle.

- J'ai une affaire bizarre, commença Jo avec lenteur, ordonnant ses pensées avant de lui résumer ses découvertes de la veille. Ce qui m'a fait percuter, conclut-il en avalant sa dernière goutte de thé, c'est les plantes. Et l'électronique. Qui vole un buis en pot et pas un ordinateur portable ? Ça peut être qu'un sorcier.

Comme à chaque fois qu'il prononçait le mot, il réprima un frisson – excitation mêlée au regret, un mélange qu'il connaissait bien et avait appris à accepter. Il ne serait jamais sorcier et sa vie avait son propre lot d'apprentissages, d'excitations et de mystères. L'important n'était pas là. L'important, c'était de comprendre, de coincer ce voleur qui s'en prenait à plus faibles que lui, à la ravissante Josie MacPherson et aux sympathiques Burton. Si l'affaire lui permettait de plonger une fois de plus dans le monde de sa sœur, comme quand ils étaient petits et qu'elle lui racontait les couloirs de Poudlard et les allées de Pré-au-Lard… Ma foi, c'était un plus.

Leah et Daniel échangèrent un regard à sa déclaration, et Jo respira plus librement. S'ils ne riaient pas, c'est que son idée n'était pas aussi ridicule qu'il l'avait craint un moment à la lumière du jour. Au contraire, l'air sombre de son beau-frère semblait plutôt confirmer ses soupçons.

- Je récapitule, tu as donc deux cambriolages, pas de marque d'effraction, les gens ne se sont pas réveillés, et les plantes ont été volées, c'est bien ça ? se lança Leah en comptant sur ses doigts. Et tu penses que c'est l'œuvre d'un sorcier ?

- C'est la seule chose qui a du sens, pour l'instant, confirma Jo, le cœur battant un peu plus fort, les ongles tapotant la table. Tu penses que c'est possible ? Qu'un sorcier vole dans le monde moldu ?

- Possible, oui… intervint Daniel. Mais… c'est interdit, et je ne vois pas trop pourquoi un sorcier ferait ça, il ajouta avec réticence.

- C'est spécifiquement interdit ? interrogea Jo, intéressé. Plus… je sais pas, moi, plus puni que le vol d'un autre sorcier ? Parce qu'il y a bien des vols, chez vous, non ? Comme partout…

Daniel grimaça, hocha la tête en guise de confirmation, les yeux bruns fixés sur son épouse. Leah resta silencieuse, tournée vers son mari avec un air ouvertement interrogateur. Même au bout de quinze ans, il y avait encore des choses qu'elle ignorait sur le monde sorcier, nota Jo avec un sentiment diffus de culpabilité. Etait-elle vraiment la meilleure personne pour le renseigner ? Mais qui d'autre ? songea-t-il sombrement.

- C'est possible de vérifier ? demanda Jo à haute voix. S'il ou elle a utilisé des sorts, est-ce qu'il y a… je sais pas, moi, des traces ? Des empreintes magiques ?

- Il faudrait demander à un Auror, je sais pas du tout comment ça fonctionne, moi, répondit Leah après un nouvel échange de regards avec Daniel.

- Un au… ah, les flics sorciers, c'est ça ? confirma Jo. Comment on les contacte ? Tu en connais ?

- Peut-être, lâcha-t-elle en regardant Daniel. La sœur de Lauren est devenue Auror, je crois ? On pourrait lui demander…

- Il me semble, oui, fit-il lentement. Je pourrais lui écrire, si tu veux, ajouta-t-il pour faire bonne mesure.

- L'idéal, ce serait que je la rencontre, dit Jo d'une voix sûre, tentant de cacher son impatience. De flic à flic, je suis sûre qu'on trouvera une solution pour résoudre cette enquête.

- Laisse-moi voir quand et où je peux organiser un truc, reprit Leah après avoir échangé un nouveau regard avec Daniel.

- Tu m'appelleras, cette fois ? demanda Jo avec un sourire ironique.

Elle leva les yeux au ciel et ne jugea même pas bon de répondre, ce que Jo interpréta comme le signal du départ. Il se leva, refusant leur invitation à déjeuner, et retourna directement au commissariat. Même si sa théorie était juste, il restait du travail qu'il pouvait accomplir avant de rencontrer cette Auror : essayer de savoir où les Burton et MacPherson avaient bien pu rencontrer le même sorcier, par exemple…

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Le rendez-vous avait été fixé deux jours plus tard, au Chaudron Baveur. Bien que connaissant l'existence de ce café sorcier, Jo n'y avait que rarement mis les pieds – et jamais seul. Il s'efforça de détendre ses épaules et de chasser le malaise qui le poussait loin de l'entrée, bien conscient que c'était l'effet d'un sort destiné à repousser les moldus. Mais le savoir n'y changeait rien. L'impression restait là, tenace et envahissante, poisseuse, comme un mauvais rêve ou un pressentiment. Non, il ne devait pas rappeler sa mère, acheter de la lessive et n'avait pas laissé le four allumé. Avec une dernière inspiration, il poussa la porte et plissa les yeux, tentant d'apercevoir sa sœur dans la pénombre.

Un geste de la main au fond de la salle attira son attention, et il se dirigea vers Leah d'un pas qu'il espérait tranquille. Elle était assise avec deux jeunes femmes qui arboraient une ressemblance certaine.

- Jo, annonça Leah après s'être levée pour l'accueillir d'une accolade qui signifiait qu'elle n'était pas convaincue par sa posture, je te présente Lauren et Charlie Selwyn. Charlie est Auror.

Il serra les mains qui se tendaient, s'assit, et attarda son regard sur celle qui était, sinon une collègue, du moins sa correspondante dans cette affaire bizarre. Les yeux sombres et les cheveux châtains attachés sur sa nuque, elle avait les traits plus tirés que ceux de sa sœur et un air que Jo aurait qualifié de décidé, à défaut d'un meilleur terme. Les sourcils froncés, elle écouta avec attention le résumé de l'affaire que Jo entama une nouvelle fois.

- C'est la combinaison entre le vol de plantes et l'absence de traces d'effraction qui m'a mis la puce à l'oreille, conclut Jo, mais d'après Leah, les victimes auraient aussi pu être ensorcelées. Ce qui expliquerait pourquoi elles ne se sont pas réveillées.

- Si c'est un sorcier qui a fait le coup, c'est probable, confirma Charlie d'une voix plate.

De leur côté, Leah et Lauren avaient commencé à discuter d'autre chose, et n'avaient pas l'air de prêter une grande attention à leur conversation.

- C'est possible de vérifier si un sort a été lancé ? insista Jo en croisant les doigts, refusant de se laisser impressionner par le manque de coopération de sa soi-disant collègue.

- Ca dépend de quand il date, admit Charlie avec une moue dubitative. Quand ont eu lieu les cambriolages ?

- Jeudi pour le dernier. Il y a dix jours pour l'autre.

- Trop tard pour le premier, soupira Charlie avec un plissement des lèvres qui ressemblait à une grimace. Le deuxième… Il y a peut-être encore une chance. Je peux voir l'appartement ?

- C'est tout près, je vous y accompagne, proposa Jo avec un sourire. Comme quoi, elle ne devait pas être aussi indifférente à l'affaire qu'elle le semblait.

- Oh, allez-y, vous nous retrouverez ici après, proposa Leah quand il se tourna vers elle en se levant.

Il haussa les épaules et sortit en suivant Charlie, pas dupe. Il posa quelques questions à la jeune femme sur le chemin de l'appartement de Josie MacPherson, mais ses réponses courtes le dissuadèrent rapidement d'insister, et ils firent le reste du trajet en silence.

Une fois devant la porte, Charlie Selwyn vérifia qu'ils étaient seuls et sortit sa baguette magique de son manteau. Jo sentit son cœur s'accélérer et fit son possible pour cacher son excitation. Il avait rarement l'occasion de voir la magie en action : quand ils vivaient encore sous le même toit, Leah était encore élève et n'avait pas le droit d'utiliser la magie en-dehors de Poudlard. Pour lui, l'acte restait donc rare et un peu mystérieux, la manifestation d'une société qu'il ne côtoyait que de loin en loin. Sans prêter la moindre attention à ses émotions et réflexions profondes, l'auror marmonna quelques mots en direction de la serrure, qui s'illumina faiblement. Elle se retourna vers lui, visiblement satisfaite.

- Il y a bien eu de la magie utilisée sur cette porte, mais la trace est trop faible pour que j'aille plus loin que ça. Je peux même pas vous dire quel sort a été utilisé exactement… ajouta-t-elle avec un soupir agacé. Mais au moins ça répond à la question. Il faudrait que je rencontre la victime, voir si elle aussi a reçu un sort.

- Elle n'est pas ici, expliqua Jo avec un geste de la main. Mais je peux lui dire de nous retrouver demain au commissariat.

Elle le jaugea du regard, commença à descendre l'escalier. Jo la suivit avec un temps de retard.

- Ok, pourquoi pas. Normalement, il faudrait que je parle de ça à mon chef, mais… Je suppose que je peux attendre d'avoir des résultats un peu plus probants avant qu'on reprenne l'enquête.

- Reprendre l'enquête ?! Mais…

- Rencontrons d'abord la victime, l'interrompit-elle. Il sera bien temps ensuite de voir ce qu'on fait.

Il acquiesça, les lèvres serrées, et ils reprirent leur route en silence, ne marchant pas tout à fait l'un à côté de l'autre. Des bouts de phrases tournaient en boucle dans le cerveau de Jo sans qu'il arrive à les assembler pour en faire une phrase à la fois cohérente, polie et définitive. Quant à Charlie… Chaque fois qu'il coulait un œil vers elle, elle regardait devant elle, les sourcils froncés, visiblement soucieuse. Ils rejoignirent Leah et Lauren dans cet étrange silence inconfortable, et Jo s'excusa rapidement.

- Je dois passer chez les parents.

Leah lui jeta un regard alarmé.

- Tu n'as pas dit à Maman qu'on se voyait aujourd'hui ?

- Tu crois que j'aurais réussi à venir seul si j'avais dit à Maman que tu es à Londres ? répliqua-t-il en secouant la tête.

Sa sœur se renfonça dans son siège, visiblement soulagée.

- Si j'appelle, elle va demander pourquoi j'appelle pas plus souvent, et elle va vouloir que je vienne, marmonna-t-elle. Et elle va me demander si elle aura un petit-fils bientôt…

Jo lui fit un demi-sourire compatissant.

- Ca fera plaisir à Papa.

- Faut que je les appelle, soupira-t-elle.

- Oui, insista Jo. Elle n'attend que ça.

Leah émit un son à mi-chemin entre le gémissement et le miaulement, accompagné d'une grimace piteuse, et Jo leva les mains devant lui, se déchargeant de toute responsabilité. Puis il se pencha sur sa sœur, l'embrassa sur la tempe pour lui dire au revoir, salua les sœurs Selwyn, et quitta le Chaudron Baveur avec un soulagement qu'il refusait de nommer.

Le lendemain, Jo arriva en avance, bien décidé à ne pas se faire malmener par la sorcière. Il avait passé une partie de sa soirée à ruminer ses arguments et à les ordonner, et avait même pris la peine de les noter, histoire de ne pas les oublier. Il avait distraitement écouté Hissa raconter sa victoire absolue sur son groupe, qui partait finalement à Izmir. « C'est parfait, tu comprends ? La plage pour les enfants et mamie, des randonnées pour le jeune couple dynamique, du shopping pour les adolescentes… ». Elle avait également râlé sur les flics obsédés par leurs enquêtes, et Chris comme lui avaient baissé la tête d'un air coupable, avant de lui proposer de choisir le film de la soirée.

Et après, ils s'étonnaient de finir devant Victor, Victoria… Sacrés enquêteurs, ouais !

Il était donc bien décidé à ne pas se faire piquer son enquête sous le fallacieux prétexte qu'il était moldu, et il s'y tiendrait. Il avait sorti les différents éléments de l'enquête : transcription des interrogatoires, déclarations de vol, rapports, etc. Il les avait ordonnés, et il attendait en tapotant son bureau de voir qui de Charlie Selwyn ou de Josie MacPherson arriverait la première.

Ce fut l'auror qui gagna, et si Jo aurait effectivement parié sur elle – il n'avait guère de doute quant à son professionnalisme – il n'en fut pas particulièrement heureux. Elle entra dans la pièce en regardant autour d'elle, les sourcils froncés – ce qui semblait être son expression favorite. Il lui fit un bref signe de la main et elle se dirigea vers lui, faisant voler son long manteau derrière elle, et il se demanda si elle avait transformé une robe sorcière ou si elle s'était effectivement habillée en moldue. Le gris uniforme du manteau et du pantalon faisait pencher son avis vers la première solution, mais il se garda bien de lui poser la question.

Josie MacPherson entra à son tour, les salutations à peine évacuées, lui évitant de faire la conversation. Elle les rejoignit avec un regard interrogatif, presque craintif vers Charlie Selwyn, et Jo les guida vers une salle où ils seraient plus tranquilles après l'avoir présentée comme une collègue.

Charlie le regarda attentivement quand il sortit son téléphone et demanda à la jeune femme s'il pouvait l'enregistrer, et se pencha même sur l'objet pour regarder. Il se retint de sourire, se demandant si elle avait jamais vu un portable – ou si elle connaissait les applications.

Comme il le lui avait indiqué par téléphone, il lui fit répéter l'enchaînement des événements du vol : son horaire de coucher, la qualité de son sommeil, le réveil, les choses disparues… Puis, quand il la sentit calmée, il passa aux sujets qu'ils n'avaient pas encore eu le temps d'aborder.

- J'ai emménagé il y a deux ans, avec… avec mon copain de l'époque, Basil, dit-elle dans un souffle, jouant avec le bracelet qu'elle avait au poignet. Il… Nous nous sommes séparés il y a… quatre mois, maintenant ? J'ai… changé la serrure après son départ de l'appartement.

- Pourquoi ? demanda doucement Charlie, ouvrant la bouche pour la première fois.

La jeune femme en face d'eux haussa les épaules, s'humecta nerveusement les lèvres avant de les serrer violemment l'une contre l'autre.

- Je… nous… la séparation ne… s'est pas vraiment bien passée… finit-elle par lâcher. Il ne voulait pas partir, vous comprenez ? Il n'avait nulle part où aller, et moi, je… Il a dormi sur le canapé, au début, mais… Elle soupira, passa une main tremblante dans ses cheveux. Quand je partais, il était là, quand je rentrais, il était là… Il mangeait mes provisions, regardait la télé… j'en avais assez.

Pour la première fois, sa voix prit un accent métallique qu'ils ne lui connaissaient pas. Jo jeta un œil vers Charlie, qui lui rendit son regard entendu. Elle glissa sa main dans sa poche, et le policier comprit qu'elle s'était saisie de sa baguette. Ils n'avaient pas discuté de la façon dont elle vérifierait l'usage de magie, mais continuer à faire parler la victime semblait pertinent quoi qu'il arrive. Et si, pendant qu'elle était distraite, Charlie pouvait faire quelque chose…

- Et donc ? Vous lui avez demandé de partir ? relança-t-il à la jeune femme, qui n'avait rien perçu de leur échange silencieux.

- Oui. Elle accompagna le mot d'un signe de tête volontaire. Je lui ai dit d'aller chez son frère et de débarrasser ses affaires. Il s'est mis en colère… Il a même levé la main, comme s'il allait me gifler. Je me suis enfermée dans ma chambre et le lendemain matin, il était parti. J'ai appelé le serrurier tout de suite.

- Il avait pris ses affaires ? demanda Jo, observant Charlie du coin de l'œil. Elle avait l'air concentrée, mais il ignorait si c'était sur la conversation.

- Pas toutes… quand il est revenu, c'était trop tard, grimaça Josie MacPherson. Il s'est acharné sur la porte, j'ai cru qu'il allait la défoncer… Je lui ai dit de revenir calmé, et j'ai demandé à deux amies d'être présentes. Après… elle soupira. Ça a été terminé. Je ne l'ai plus revu.

- Vous n'avez pas pensé à déménager ? demanda-t-il encore.

Elle secoua la tête, sourcils froncés.

- C'est chez moi ! C'est moi qui ai trouvé cet appartement, il était à mon nom, et je travaille juste à côté.

Jo hocha la tête, compréhensif. Finalement, elle n'était pas aussi fragile qu'elle en avait l'air… Le vol avait dû sacrément la secouer. Ou alors, c'était le sort… A ses côtés, Charlie hocha imperceptiblement la tête, et il sentit son estomac se crisper. La voix de l'auror lui rappela qu'il devait respirer, et il tenta de se concentrer sur ce qu'elle disait malgré les pensées qui cognaient contre les parois de son cerveau.

- Et depuis ? Avez-vous eu des visiteurs, des gens que vous ne connaissez pas ?

- Quelques livreurs… Et puis, bien sûr, les calendriers : pompiers, éboueurs… énuméra-t-elle.

Charlie se tourna vers Jo avec un regard éperdu, et il ravala un nouveau sourire avant de reprendre la parole.

- Vous les avez laissé entrer ? Ils ont pu voir à quoi ressemble l'appartement ?

La jeune femme secoua la tête, lentement, faisant visiblement appel à ses souvenirs.

- Je… ne crois pas, ils sont restés à la porte… Mais enfin, on peut voir le salon, depuis la porte, et je…

Les questions suivantes, posées alternativement par Jo et Charlie, ne révélèrent rien de plus concluant, et ils finirent par remercier la jeune femme de s'être déplacée. Le policier la confia à son collègue Thompson avec un regard appuyé, et s'assura qu'il avait coupé l'enregistrement sur son téléphone avant de demander à Charlie ses conclusions.

- Elle a bien été ensorcelée, soupira-t-elle. C'est léger, presque effacé, mais… Aucun doute.

Ils restèrent un instant silencieux, contemplant les conséquences de cette certitude. Appuyé contre le mur, Jo tournait et retournait son téléphone dans sa main, tandis que Charlie, face à lui, passait son poids d'un pied sur l'autre, les bras croisés.

- Jo, dit-elle finalement d'une voix conciliante. Je comprends que vous n'ayez pas envie de passer l'affaire, mais…

- C'est mon affaire, l'interrompit-il en secouant la tête. Il regrettait d'avoir laissé sa liste sur son bureau. C'est moi qui aie compris, qui vous aie appelé.

- C'est un sorcier ! s'exclama-t-elle. Vous avez eu le bon réflexe, on a vérifié… Maintenant on reprend. Si vous tombez sur lui, qu'est-ce que vous ferez ? argumenta-t-elle.

- Je l'arrêterai, déclara Jo en croisant les bras, têtu.

Elle secoua la tête en soupirant.

- Il a jeté un sort à une moldue, Jo, expliqua-t-elle en le regardant droit dans les yeux. Elle avait fait un pas vers lui. Il… C'est un crime, chez nous. Un crime grave, qui justifie qu'on lui envoie les Aurors. Et il le sait, il le sait forcément !

Sa voix avait pris un accent urgent qui l'impressionna malgré lui. Mais il n'allait pas céder maintenant. Il devait y avoir une solution.

- Vous l'avez dit, il s'attaque aux moldus. Et visiblement, ce n'est pas un monde que vous connaissez très bien. Le téléphone ? Les éboueurs ? ajouta-t-il tandis qu'elle le regardait, l'air blessée.

- Une enquête conjointe, ça doit être possible, non ? proposa-t-il après un bref silence. Vous n'en faites jamais ?

Elle soupira, détourna la tête. Il se dit brusquement qu'il avait une chance de gagner, de poursuivre l'enquête, et sa respiration se coupa. A quel moment cette affaire était-elle devenue aussi importante à ses yeux ?

Elle partit, indiquant qu'elle allait interroger sa hiérarchie sur la possibilité et la procédure d'une enquête conjointe, et il s'attaqua à l'ex. Après tout, même sans double des clés, c'était probablement leur piste la plus sérieuse.

Jo découvrit ainsi – merci les réseaux sociaux – que l'ex filait désormais le parfait amour avec une nouvelle jeune femme, qui ressemblait étrangement à Josie MacPherson. Ce garçon avait visiblement un type –ce qui n'était pas un délit en soi. Il décida qu'il avait bien mérité un café, et se leva pour se diriger vers la machine qui lui faisait de l'œil depuis une bonne demi-heure.

Il se servait une tasse quand Dale et Spencer arrivèrent auprès de lui, leurs mugs brandis, et il les servit sans un mot. Les épaules larges, les cheveux châtain tombant sur les épaules et le piercing dans l'arcade sourcilière, Ethan Dale contrastait avec les rondeurs d'Eve Spencer, sa queue de cheval rousse et son visage en cœur. Ils partageaient cependant son goût pour la caféine et les pauses bien méritées.

- Alors ? Week-end chargé, ou t'as pu te reposer ? lui demanda sa collègue, les mains serrées contre la tasse pour se réchauffer. Elle avait toujours froid.

- Les deux, sourit-il. J'ai avancé un peu sur le cambriolage, mais y avait pas d'urgence, donc j'en ai aussi profité un peu… J'ai vu ma sœur.

- La charmante et mystérieuse Leah, c'est ça ? demanda Ethan Dale avec un sourire ironique qui faisait pétiller ses yeux bleus.

Jo leva les yeux au ciel et but une gorgée avant de prendre la peine de commenter.

- Bilal et ses conneries…

- C'est vrai qu'il ne l'a jamais vue autrement qu'en photo ? Insista son collègue.

Jo haussa les épaules et se tourna ostensiblement vers Spencer, qui souriait tranquillement dans sa tasse de café.

- Et toi ? C'était ton week-end avec Lana, ou celui de ton ex ?

- Non, je l'avais, sourit-elle. On a fait des pancakes et on s'est baladées le long de la Tamise, juste toutes les deux. Elle m'a fait promettre de l'emmener au cirque dans quinze jours…

- La culpabilité du parent divorcé ? grimaça Jo, à mi-chemin entre la compassion et l'amusement.

- De la mère divorcée, répliqua-t-elle en lui envoyant une légère bourrade dans l'épaule, tandis que Dale ricanait. C'est moi qui édicte les règles, la nourrit et l'emmène à l'école… Et son père se contente d'être le papa copain qui lui passe tout, soupira-t-elle. J'ai pas toujours envie d'être la méchante.

Jo ouvrit la bouche sans savoir ce qu'il allait bien pouvoir répondre, lorsqu'une échappatoire attira son œil. Il posa sa tasse et s'excusa rapidement auprès de ses collègues, montrant du menton Charlie qui venait d'arriver, accompagnée d'un type râblé et sec, dont la tenue semblait à peine plus moldue que la sienne.

- C'est pour moi.

- Faudra que tu nous dises pourquoi t'as des consultants sur une affaire de cambriolage, Bishara… lança Dale dans son dos, et Jo fit un gros effort pour ne pas se crisper trop visiblement.

Il fallait qu'il trouve une explication valable, et vite.

- Jo, mon partenaire, Hugo Santos, annonça Charlie quand il les rejoignit. Jo Bishara, le policier en charge des cambriolages. Sa sœur est sorcière, ajouta-t-elle.

L'autre lui serra la main en le détaillant sans la moindre gêne, aussi Jo se sentit-il autorisé à faire de même. Santos avait une poigne ferme et la trentaine probablement bien tassée. Il avait plusieurs cicatrices sur le visage, plus ou moins discrètes mais visiblement anciennes – et tout dans sa posture disait le flic qui en a vu beaucoup. De près, il était moins petit qu'il ne l'avait cru au premier abord, plus musclé, aussi…

- Voilà comment ça va se passer, attaqua-t-il en relâchant la main de Jo, qui ignorait s'il avait ou non passé le test. Le Commandant a accepté une enquête commune, et s'occupe de Scotland Yard. Apparemment on a des contacts là-bas qui feront passer le truc.

- Et mon Sergent ? Qui lui explique ?

- Eux, répondit l'auror, avec un signe du pouce vers le haut. Elle devrait recevoir un coup de fil qui lui donnera la couverture de Charlie. Je sais pas encore ce qu'ils vont choisir… Mais faudra l'aider à vendre l'histoire, OK ?

Jo hocha la tête avec un regard en coin vers la jeune femme qui avait croisé les bras, l'air plus sévère que jamais.

- Quand est-ce qu'on saura ? Quelle couverture a été choisie ? demanda le policier.

- Le Commandant appellera Charlie sur son miroir quand ce sera bouclé. En attendant, soyez discrets et évasifs.

Il les regarda tour à tour et soupira.

- Je préférerais rester avec vous, ajouta-t-il, peut-être plus pour Charlie que pour lui. On est à deux normalement sur les enquêtes, explicita-t-il pour Jo. Mais là… L'enquête ne semble pas si compliquée, mélange des mondes mis à part, et on est déjà sur un gros procès chez nous. Charlie peut y échapper, pas moi.

Charlie soupira à son tour et secoua la tête. Santos mis une main sur son bras, attendant qu'elle le regarde en face, et ils eurent une conversation complète et silencieuse qui passa complètement au-dessus de la tête de Jo.

- Et je vais aussi donner un coup de main à Finnigan et Zeller, compléta l'auror pour sa collègue, leur échange silencieux visiblement terminé. Un assassinat avec un gros héritage à la clé, et beaucoup d'emmerdements, éclaircit-il pour le policier.

- Pas de suspects ? proposa Jo, complice.

- Trop, répliqua l'autre avec un sourire. Le vieux avait deux ex-femmes, cinq enfants, douze petits-enfants, et tous le détestaient et avaient de bonnes raisons de vouloir sa mort. Sans compter ses elfes et ses employés. La plupart n'ont même pas le début d'un alibi…

Jo grimaça, et l'autre hocha gravement la tête, tandis que Charlie arborait son premier sourire de la journée. Puis Santos posa ses mains sur les épaules des deux jeunes gens devant lui et, les regardant l'un après l'autre, leur dit très sérieusement :

- Faites attention à vous, d'accord ? Charlie, il est moldu, c'est son univers, tu fais comme lui. Bishara, vous me l'abimez pas. Et si vous tombez sur ce sorcier… Tu t'écrases et tu la gênes pas. Je suis clair ?

- Oui chef, répliquèrent-ils en chœur. Et que Santos ne soit en aucun cas le chef de Jo ne lui vint même pas à l'esprit.

- Bien, fit-il en relâchant sa pression sur leurs épaules. Bon courage, alors. Trouvez ce petit con.

Et sur ces bons conseils, il se retourna et sortit du commissariat avant que Jo ait le temps de dire ouf. Il aurait bien accusé la magie, mais il était prêt à parier que le niveau de charisme de ce type était parfaitement naturel. Parfois, la vie était vraiment injuste…

Ils en étaient à discuter de l'opportunité d'interroger Basil Miller lorsque Charlie se tendit, et s'excusa rapidement pour sortir du commissariat, la main dans sa poche. Elle revint en annonçant qu'elle était consultante, spécialisée dans le trafic de bijoux et d'objets rares. Jo hocha la tête, songeur. Finalement, Dale avait tapé juste – ou presque.

- Bon, on le cueille où, ce Miller ?

Jo rouvrit le dossier, lut l'adresse de son boulot à haute voix, et se dirigea vers Thompson qui tenait désormais le standard, Charlie derrière lui. Il sentit son regard sur lui tandis qu'il ouvrait la voiture avec le bip, et elle s'installa maladroitement dans le véhicule, ramenant les pans de son manteau contre elle. Il dû lui dire de s'attacher, lui montrer comment faire, et elle agrippa la poignée avec force quand il démarra. Ce n'est qu'après un long moment qu'elle reprit la parole.

- Tu… vous voyez ça comment ?

- On est partenaires, maintenant, on peut peut-être se tutoyer, répondit Jo après avoir tourné dans l'artère principale.

Elle hocha la tête et, encouragé, il continua.

- S'il est sorcier, on le saura vite, non ? Tu as le moyen de le repérer ?

Elle ne répondit pas, les yeux plissés fixant la route devant elle, probablement sans la voir. Il la laissa réfléchir – après tout, on leur avait dit de s'appuyer sur les forces de l'autre, non ?

- Pas vraiment, lâcha-t-elle finalement avec un soupir. S'il n'a pas sa baguette à la main, à moins d'avoir jeté un sort puissant quelques minutes avant qu'on arrive… Non, pas sûr que je puisse le repérer. S'il s'énerve, peut-être, ajouta-t-elle après un bref instant. S'il s'énerve assez pour que sa magie instinctive s'agite, et qu'il ne la maitrise pas assez bien… peut-être.

- Donc il faut que je l'énerve, conclut Jo. Ça doit pouvoir se faire…

Charlie sourit largement.

- C'est sûr qu'il n'a pas l'air très calme et patient, ce type, si on en croit MacPherson…

De fait, c'est un jeune homme baraqué à l'air visiblement énervé qui les rejoignit dans le hall d'entrée de l'entreprise pour laquelle il travaillait, après que l'hôtesse d'accueil lui ait annoncé que la police voulait lui parler. La mention de Josie MacPherson ne fit qu'accentuer son humeur, et il serra des poings massifs avant de parler, une veine apparaissant sur son large cou.

- C'est à cause de cette salope que vous êtes là ? Qu'est-ce qu'elle a inventé encore ? Je ne l'ai jamais touchée !

- Où étiez-vous il y a une semaine, monsieur Miller ? demanda simplement Jo.

- Au cinéma, avec ma copine, fit-il en croisant les bras sur sa poitrine, qu'il devait avoir velue. Vous pouvez vérifier ! J'ai refait ma vie, moi, j'en ai rien à faire de Josie !

- Elle a été cambriolée, le coupa Charlie, et il eut la bonne idée de paraitre embarrassé.

- Elle va bien ? demanda-t-il avec une grimace, passant la main dans son cou.

- Secouée, commenta Jo. Maintenant, l'adresse du cinéma et le nom de votre amie, s'il vous plait ?

Il s'exécuta sans poser davantage de questions, et répondit aux suivantes avec une certaine humilité, une main dans la poche. S'il était le coupable, il cachait vraiment bien son jeu…

- On va vérifier, déclara-t-il à Charlie quand ils furent de retour dans la voiture, mais je doute que ce soit lui…

Elle hocha la tête, soupira.

- Je n'ai détecté aucune trace de magie, de toute façon. Au mieux, il est complice, mais…

Ils roulèrent un moment en silence, Charlie agrippant la poignée et fermant les yeux chaque fois qu'il ralentissait, accélérait, tournait...

- Ca ne te dérange pas, de ne pas être sur ce procès dont parlait ton collègue ? finit-il par demander, espérant détourner son attention de la route.

Elle fit une grimace et soupira avant de se décider à répondre, les yeux fixés devant elle, comme pour mieux éviter de le regarder.

- C'est une sale affaire, on a eu de mal à trouver les coupables, et elle remue tout un tas de souvenirs de la guerre.

- La guerre ? fit-il en fronçant les sourcils.

- Leah ne t'en a jamais parlé ? Il y a eu une guerre, chez nous, il y a vingt ans. Un mage noir a pris le pouvoir…

- Ah, si, ça me dit vaguement quelque chose ! Mais c'était il y a longtemps, non ?

Elle soupira à nouveau, frotta le dos de sa main sur ses lèvres, cherchant visiblement ses mots.

- Pas tellement… Vingt ans à peine. La guerre était finie avant que j'entre à Poudlard, et ta sœur aussi, mais… Je comprends que pour une fille de moldus ça semble lointain, mais moi, je m'en souviens. Ma mère nous a emmenées en Italie, on ne savait pas si on reverrait notre père… Les conséquences… La guerre n'est pas encore enterrée, non, pas chez nous…

Le silence se fit à nouveau, Jo tentant d'imaginer cette guerre qui s'était déroulée si proche de lui sans que personne ne le sache.

- Bref, reprenait Charlie, la voix un peu cassée, interrompant ses rêveries. L'affaire et le procès ont réveillé de mauvais souvenirs, et il vaut mieux pour tout le monde que l'auror Selwyn, Serpentard de surcroît, se tienne éloignée du Magenmagot. Evitons le mélange des genres.

L'amertume était palpable dans sa voix, et Jo choisit un silence prudent – mais agacé, réalisa-t-il en tapotant le volant.

- J'ai deux cousins éloignés qui étaient Mangemorts, reprit soudain Charlie, la voix dure, lui évitant de trouver une nouvelle ouverture. Ceux qui ont suivi le mage noir. Un est mort pendant la première guerre, l'autre pendant la deuxième. Ils ont tué des gens, et essayé de forcer mon père à les rejoindre. Selwyn… N'est plus un nom qui a une très bonne réputation.

Cette dernière phrase sonnait comme une condamnation définitive, et Jo laissa le silence se réinstaller. Il fallait qu'il digère ces informations, sans doute, et elle méritait qu'il abandonne l'interrogatoire de toute façon. Elle avait les lèvres toujours serrées et le regard fixée devant elle, aperçut-il du coin de l'œil, mais ne semblait plus du tout se soucier de sa conduite. Brièvement, il se demanda si cela en avait vraiment valu la peine.

Jo blâmait encore son instinct d'enquêteur quand il se gara derrière le commissariat. Il l'installa devant l'ordinateur et baissa la voix pour lui expliquer ce qu'il faisait, ouvrant le dossier. Devant ses questions de plus en plus nombreuses, il finit par renoncer, disant qu'il n'était pas un expert et promettant de réfléchir à comment lui expliquer internet, un logiciel et le code. Il lui montra néanmoins comment rédiger un document et elle entreprit de résumer leur rencontre avec Basil Miller, touche par touche, tandis qu'il contactait le cinéma et la petite amie pour vérifier son alibi. Qui était bien sûr valable.

Il soupira en raccrochant, jeta un œil sur l'écran. Charlie avait probablement mis beaucoup plus de temps que lui à décrire leur brève entrevue, mais c'était à peu près bon. Il lui sourit, et lui proposa de remettre la suite au lendemain.

- On pourra essayer de croiser les vies de MacPherson et de Burton, voir s'il y a des recoupements. Je ne vois que ça.

- Pas de mobile clair, oui, confirma l'auror en hochant la tête. Je vais passer au Ministère voir si on a des choses sur eux, s'il y a des sorciers dans leur entourage, mais… j'en doute. A demain, Jo.

Elle se leva, renfila le long manteau qu'elle avait fini par quitter, révélant un pull du même gris que son pantalon. Elle noua autour de son cou son écharpe verte, qui semblait être son seul vêtement non transformé, et lui tendit la main. Il la regarda un bref instant avant que son cerveau ne se rebranche et que ses réflexes reprennent le dessus. Il lui serra la main et hocha la tête, répondit à son salut, et se fendit même d'une main levée vers elle quand elle quitta la pièce, attirant les regards de Khan et Spencer.

Jo reprit son ordinateur pour retoucher un peu le rapport de Charlie avant de se décider à partir à son tour. Spencer avait disparue entre temps, mais Khan était toujours à son bureau, regardant fixement son écran. Il hésita un temps à lui proposer un verre au pub qui était pour ainsi dire en face du commissariat, en faisant un haut lieu de rassemblement, mais renonça. Il n'avait pas vraiment envie de faire la conversation, et encore moins d'expliquer qui était Charlie et les raisons de sa présence sur son enquête. Aussi se contenta-t-il d'un geste d'au revoir auquel elle répondit avec un temps de retard.

En sortant, il resserra un peu son écharpe autour de son cou, soupirant sous la bruine. Son regard embrassa la rue en face de lui, le couple qui marchait vers le passage piéton, la gamine sur sa trottinette, le magasin de porcelaine éternellement désert, le restaurant indien et le livreur qui en sortait, son casque à la main, le pub où Bilal, Spencer, et probablement Dale devaient se raconter leurs journées… Il soupira en se frottant la nuque, hésita encore un peu.

Il avait beau voir Bilal tous les jours, son ami lui manquait. Depuis qu'il avait déménagé, il avait l'impression de ne plus le voir qu'entre deux portes. Oh, bien sûr, il comprenait. Lui et Mia étaient ensemble depuis deux ans, ils avaient finalement tous les deux un salaire stable… L'ère de la coloc' avec les copains de l'académie avait perdu de son attrait. Et puis, ils se voyaient encore, régulièrement, tous les trois. Et après tout, Hissa s'était vite très bien entendue avec Chris, facilitant la transition, et il appréciait d'avoir sa cousine dans l'appart et de la voir plus souvent. Mais ce n'était pas pareil. Même les soirées rugby et bières n'étaient pas pareilles.

Jo vérifia la circulation des deux côtés de la rue… et son téléphone sonna.

Par réflexe, il le porta vers son oreille, arrêtant son geste juste au moment où il allait appuyer sur le téléphone vert sur son écran. Son souffle se bloqua entre ses lèvres pendant qu'il fixait le nom affiché. Le téléphone sonna quatre fois, puis s'éteignit, sans que le visage de Jo ne bouge, tandis que son cerveau, lui, tournait à pleine vitesse. Qu'est-ce qu'elle pouvait bien vouloir ? Il sursauta violemment quand l'appareil sonna à nouveau. Cette fois, il décrocha avant que la première alarme ne se termine.

- Patricia ?

- Salut, tu fais quoi, là ?

Il hésita, cherchant la bonne réponse, mais elle ne lui laissa pas le temps de la trouver.

- Je suis dans un bar avec des amies, ça te dit de te joindre à nous ? Promis, ça vaudra le coup…

Sa voix était pleine de sous-entendus et juste un peu trop forte, comme chaque fois qu'elle avait bu. Jo ferma les yeux, essayant d'ignorer l'effet produit sur son bas-ventre et sa poitrine.

- J'ai des courses à faire, répondit-il plutôt. Et j'ai promis à Hissa que je rentrerai tôt ce soir.

- Tsss, tu n'as jamais su t'amuser, Jo, le défia-t-elle en riant.

Plusieurs réponses lui traversèrent l'esprit en même temps, et après avoir hésité entre trois, il se contenta de raccrocher. Il secoua la tête, regarda une nouvelle fois le pub qui ne le tentait soudain plus du tout, et se dirigea vers le métro.

Chris était devant la cuisinière quand il rentra, surveillant d'un œil des pâtes tout en racontant sa journée à Hissa, qui l'écoutait visiblement d'une oreille seulement pendant qu'elle faisait le tour de ses réseaux sociaux. Jo s'appuya contre l'embrasure de la porte et les regarda sans rien dire, content d'être là. Sa cousine leva les yeux vers lui et lui sourit sans rien dire, retourna à tumblr.

- Et là, le mec, racontait Chris, droit dans les yeux, qui nous dit qu'il n'a jamais vu cette femme de sa vie. On a au moins trois caméras différentes qui les montrent ensemble, mais à part ça il l'a jamais vue ! Et quand on lui montre les putains de vidéos, devine ce qu'il dit ?

Il se retourna, les yeux bruns et expressifs passant de Jo à Hissa et d'Hissa à Jo, sans qu'aucun des deux ne réagisse.

- « Je dois avoir un sosie », lâcha-t-il en faisant des guillemets avec ses doigts malgré la cuillère en bois dans sa main droite. Un sosie ! Mais quel connard.

Jo secoua la tête en souriant, vaguement blasé.

- Ce qui est bien, avec les connards, commenta Hissa d'un ton égal, c'est que non seulement ils se croient tout permis, mais qu'en plus ils prennent les gens pour des abrutis.

- Et leur imagination est sans limite, ajouta Jo avec une crispation de la joue droite.

Chris secoua la tête, se retourna à nouveau, la casserole à la main cette fois.

- Bon, c'est prêt. A table les enfants.

Ils s'assirent tous autour du comptoir qui leur servait de table et séparait l'espace cuisine de l'espace salon. Hissa ferma son ordinateur et le déplaça sur le canapé et Jo disposa les couverts pendant que Chris servait les pâtes dans trois assiettes.

- Qu'est-ce que vous avez fait, du coup ? demanda Hissa après deux bouchées. Après le coup du sosie ?

- On est sortis, mâchonna Chris. On le laisse poireauter cette nuit en cellule, en espérant que ça le fasse réfléchir un peu. Mais faudra qu'on trouve un autre truc demain, parce que sa garde à vue se finit à 15h et pour l'instant, tout est circonstanciel.

Jo hocha la tête, compréhensif, et Hissa grimaça.

- Qui veut entendre mon client de l'enfer de la journée ? demanda-t-elle à la cantonade, s'appuyant sur le dossier de sa chaise.

Les deux garçons sourirent largement, échangèrent un regard et se tournèrent vers elle. L'avantage des histoires d'Hissa, c'est qu'elles incluaient rarement un meurtre.


Toum-doum-doum-doum...

Mais qui est donc le voleur de fleurs ? Va-t-il frapper à nouveau ? Charlie et Jo réussiront-ils à le coincer ? Vous le saurez dans le prochain épisode de M-Files : Au frontières du possible ! Ne ratez rien en vous abonnant et en laissant un commentaire !