Petit mot de l'auteure : Nouveau recueil, 100 % Braime, qui répond à la question qui me hante depuis le 8x04 : et si Jaime était resté à Winterfell ?
Ce recueil n'est pas destiné à être mis à jour régulièrement, il répondra sûrement aux défis de Bibliothèque de fiction et aux nuits du FoF. Il sera constitué de textes indépendants, mais prenant la même base : Jaime est resté à Winterfell avec Brienne, tout le reste demeure à l'identique que ce que la série a proposé (Cersei et Daenerys meurent, Bran est roi, Sansa est reine du Nord etc). Après avoir mis au monde un premier garçon dans le Nord, Jaime et Brienne s'installent à Castral Roc où ils vivent leur vie de famille. La famille c'est Wylan, premier né et héritier du Roc, petit garçon timide, curieux, plus porté sur les livres que sur les épées. Ensuite vient Eléa, la "petite étoile" tels que se plaisent à la surnommer ses parents, et qui est à l'identique de sa mère : bagarreuse, aimante des combats, franche. Et enfin le petit dernier, Renly, qui commence à faire ses pas dans le monde.
Ce texte premier texte (que j'ai proposé dans un autre recueil à l'origine, désolée du doublons Marina et Angelica) a été écrit pour la 113e nuit du FoF sur le thème "chaton". Il répond aussi au 197e défi du mille prompts (lieu : Castral Roc) et au prompt of the day de la gazette (banc)
Jaime poussa un soupir fatigué et s'étira, faisant craquer son dos. Le bruit de ses os malmenés, ainsi que la nuit qui tombait, lui indiqua qu'il était temps de rentrer. Il avait passé les deux dernières heures assis sur un banc dans les jardins de Castral Roc, occupé à lire les rapports que ses conseillers lui avaient soumis toute la journée. Ces derniers ne comprenaient pas pourquoi leur seigneur se plaisait tant à faire la lecture en extérieur. Il avait même surpris certains de leurs murmures au détour d'un couloir – étudier les affaires importantes du pays ailleurs que dans un bureau, c'est tellement irresponsable !
Là où Tywin Lannister aurait réprimé violemment ces propos en les entendant, Jaime s'était contenté de lever les yeux au ciel. Qu'importe ce que pensait cette bande d'incapables. Il savait qu'il remplissait son travail correctement, Brienne aussi, et c'est tout ce qui lui importait.
Fier de cette résolution, Jaime regroupa les documents qui étaient autour de lui et se décida à quitter son banc de pierre. Marchant dans les couloirs, ses pensées rivées sur les informations de la journée, il failli ne pas entendre les sanglots qui provenaient de quelques mètres sur sa droite. Se dirigeant vers la source du bruit, il tomba nez-à-nez avec son premier-né, en pleurs. Son instinct de père se réveilla instantanément et chassa de son esprit tout ce qui ne concernait pas la petite forme tremblante.
- Wylan ? Wylan, que se passe-t-il?
Voyant que le dit Wylan ne répondait pas, Jaime prit quelques instants pour vérifier que son fils ne s'était rien cassé, ce qui ne semblait pas être le cas – aucune blessure n'était appartante. C'est déjà ça, se rassura Jaime. Mais si la cause des pleurs n'était pas physique... de quoi s'agissait-il ? Comprenant qu'il n'aurait sa réponse que lorsque Wylan serait calmé et en mesure de s'exprimer rationnellement, Jaime l'enveloppa de ses bras rassurants. Il pouvait sentir sa chemise se tremper sous les larmes de son fils, ce qui serra son coeur – ce qui n'était guère étonnant. Quel genre de père aurait pu rester impassible devant les pleurs de son enfant ? Jaime chassa de ses pensées la petite voix qui répondait à sa question "Tywin Lannister" et consola d'avantage le petit garçon. Celui-ci se calma au bout de quelques minutes et se dégagea de l'étreinte de lui-même.
- Veuillez m'excuser, Père, déclara solennement l'enfant.
- T'excuser de quoi ?
- D'avoir pleuré.
Jaime ne put retenir un soupir devant cette remarque.
- Wylan... ne soit pas désolé de pleurer. Tu as tout à fait le droit et tu n'as pas à t'en excuser.
- Mais cela ne prouve-t-il pas que je suis faible ?
- Non Wylan, cela prouve simplement que tu as des émotions. Alors... pourquoi pleurais-tu ?
Jaime vit son fils se débattre entre sa volonté de cacher ses sentiments et son devoir de répondre à son père. À son grand soulagement, la deuxième proposition l'emporta.
- Eléa a dit que je n'étais qu'un chaton.
- Un... chaton ? demanda un Jaime qui n'avait pas l'air de comprendre en quoi le petit félin était une insulte. Tu peux développer ?
Jaime vit Wylan soupirer de résignation et se dit distraitement que son fils avait peut-être trop pris de lui – mais cette pensée fugace fut vite chassée de son esprit car il reporta rapidement son attention vers la suite du récit :
- Nous étions en train de nous entraîner à l'épée et Eléa avait le dessus sur moi. Encore.
- Et c'est que ta soeur te batte qui t'a tant dérangé ?
- Bien sûr que non. Maman te bat toujours en combat, déclara Wylan à un Jaime qui retint de protester d'un vif "pas toujours!". Je sais que les femmes peuvent être aussi fortes que les hommes et je n'ai donc pas honte que l'une d'entre elles parvienne à me vaincre. Mais quand je me suis rendu, Eléa a rit en disant que cela ne l'étonnait pas. Je lui ai demandé pourquoi et elle a dit que je n'étais qu'un petit chaton.
- Wylan, tu ne...
- J'ai déjà huit ans Père ! Je devrais être en âge de manier l'épée correctement, mais je n'y arrive pas. Je sais bien comment tout le monde me considère : comme un petit chaton sans griffes. Je devrais être un lion féroce comme vous mais... je n'aime pas les épées et les activités violentes que les garçons se doivent d'apprécier. Je... je suis une honte pour vous. Vous devriez me répudier et laisser le Roc à Renly, déclara dramatiquement l'enfant.
Jaime prit un instant pour assimiler ce que venait de dire son fils. Il avait bien remarqué que celui-ci n'appréciait pas les entraînements aux armes ou les courses de chevaux, mais préférait les activités sereines telles que la lecture. De ne pas pouvoir partager avec enthousiasme ses passions avec son fils l'avait toujours un peu frustré, mais de là à le... répudier pour cela ? C'était totalement inconcevable. Sentant que l'enfant pensait sincèrement ces mots, Jaime s'empressa de le rassurer :
- Wylan... Ce n'est pas important si tu n'aimes pas les épées. Je souhaite simplement que tu en apprennes suffisement pour pouvoir te défendre, mais je ne te forcerai pas à devenir un épéiste hors-pair si cette activité ne te plait pas. Et je ne vais certainement pas t'abandonner ou cesser de t'aimer parce que tu n'aimes pas des loisirs qui seraient soi-disant réservés aux garçons.
Le garçon leva des yeux surpris vers son père.
- Soi-disant ?
- Les épées, les armures, les chevaux... cela n'appartient pas aux hommes. Comme tu l'as dit toi-même, Mère est très forte dans ces domaines, et ce n'est pas un homme. Eléa aussi. Elles aiment simplement cela. Et toi, tu as le droit de ne pas partager leurs goûts. Tu sais... je ne penses pas qu'il devrait y avoir d'activités réservées aux hommes ou aux femmes. Simplement des loisirs pratiqués par ceux qui les apprécient.
- C'est facile pour vous de dire cela, Père. Vous aimez toutes les activités de garçons.
- J'adore en effet les combats et les épées. Mais... tu veux connaître un secret ? demanda-t-il sur le ton de la confidence.
Wylan acquiesça joyeusement, tout heureux de savoir qu'elle allait être la révélation de son père.
- J'adore la couture, déclara Jaime.
- La couture... avec les aiguilles ?
- Celle là même. Tu te souviens que je t'avais parlé de ma défunte soeur, Cersei ? Lorsque nous étions enfants, nous nous ressemblions comme deux gouttes d'eau, si bien que parfois nous échangions nos habits. Elle assistait à mes cours d'épée, et moi à ses leçons de couture. Et cette activité me plaisait vraiment. Tellement, que j'ai continué d'apprendre les points en cachette, même lorsque la supercherie de nos échanges a été découverte. J'ai continué à coudre adulte, cela arrivait toujours à me calmer.
Il vit l'air faciné de Wylan qui demanda timidement :
- Et cela vous manque-t-il de coudre ?
- Oui, admit Jaime. Beaucoup.
Il fut surpris de constater à quel point sa réponse était sincère. Il n'avais plus cousu depuis que les Stark l'avaient fait prisonnier et n'avait jamais osé reprendre, diminué de sa main droite.
- Mais tu sais quoi ? Peut-être que je pourrais réapprendre. Si j'ai réussi à me tenir une épée de la main gauche, je dois pouvoir tenir une aiguille. Et... tu pourrais apprendre avec moi ? Cela te plairait ?
- Oui! S'exclama Wylan. Mais... si les gens l'apprennent ? Il n'y aurait pas que Eléa qui dirait que je ne suis qu'un petit chaton.
- Et alors ?
- Comment ça "et alors" ?
- Serait-ce si horrible ? Les chatons sont gentils, mignons, attentionnés, ils sont débrouillards et savent se défendre tout de même. Alors serait-ce si horrible d'être un chaton ?
L'enfant considéra la question un instant avant de rougir en admettant :
- En fait... ça me plairait bien d'être un chaton.
- Alors si tu préfères être un chaton, soit un chaton. Wylan... Un chaton, un lion, une tortue ou bien un phacochère... tu peux être tout ce que tu veux. Ceux qui t'aiment ne cesseront jamais de t'aimer, et ce n'est pas comment tu t'identifies qui va y changer quoi que ce soit. D'accord ?
Wylan fit alors un large sourire et répondit joyeusement :
- D'accord !
- Très bien, déclara Jaime. Alors nous allons chercher du fil, des aiguilles, un dé à coudre, et c'est partit ! Il y a quelque chose que tu voudrais faire en particulier ?
- J'aimerai coudre des fleurs sur ma tunique !
- Des fleurs ?
- Vous avez dit que je pouvais être tout ce que je voulais. Et je crois que plus qu'un chaton, je préférerait être une abeille. Parce que j'aime beaucoup les fleurs.
Jaime resta quelques secondes indécis, avant de se reprendre :
- Très bien, on part sur des fleurs. Tu as une couleur en particulier ?
- Rose ! s'exclama le petit garçon. Comme les roses du jardin.
Quelques mois après cette conversation, les courtisants et conseillers de l'Ouest eurent la surprise de remarquer que le seigneur du Roc avait revêtu une tunique cousue de fleurs roses. Jaime savait que son vêtement avait été source de nombreux ricanements chuchotés, mais n'en tenait pas compte – tout ce qui importait, c'était que le sourire et la fierté dans les yeux de son fils. Et qui sait ? Peut-être qu'à force, tous ces médisants comprendraient que les couleurs ou les loisirs n'étaient en définitive pas une question de genre.
Note (de fin) : Sinon, peut-être que nos médisants de 2019 vont eux aussi finir par arrêter de penser que le monde va s'écrouler si leur petit garçon aime le violet et les Barbies. Si, toi qui lis ça, fais partie de ces médisants : Jaime est cool et soutient son fils. Soit comme Jaime.
Bises !