Le serpent et le canard.
Un serpent et un canard ont bien plus en commun que vous ne pouvez l'imaginer.
Chapitre 1 : Tu seras démoniaque, mon serpent.
Satan :
« Tu seras démoniaque, mon serpent.
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Je ne veux voir aucun trait angélique,
Transparaître sur ton sourire ironique, illuminer tes ailes si diaboliques,
Aucune tendresse mélancolique entacher ton teint parfaitement cadavérique,
Nul stigmate biblique rompre le charme de tes prunelles hypnotiques,
Pas une pensée bucolique affaiblir ta perfidie famélique, tes ambitions machiavéliques,
Toi, mon plus fidèle hérétique, mon merveilleux sarcastique.
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Tu seras démoniaque, mon serpent.
Je ne veux voir aucune once de sentiment,
Nul balbutiement de repentir, nul hideux attendrissement,
Pas un subtil remerciement, pas un tendre compliment,
Te travestir, te pervertir, rudiment d'émois infamants,
Au détriment de tes sombres châtiments,
Toi, L'Opprimant, le maître des boniments.
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Tu seras démoniaque, mon serpent.
Je ne veux voir aucune larme, aucune pénitence,
Point de sentimentale confidence, point d'appel à la providence.
Tu as conscience de l'importance de ta maléfique constance,
Toi, mon émissaire d'une malicieuse éloquence, et d'une élégante décadence,
Je te pardonne tes outrances, ton amusante extravagance.
Je reconnais ta machiavélique virulence,
Cependant ne défie pas mes malignes instances.
Tu connais mon omnipotence,
L'inébranlable sentence en cas de défaillance,
Ma brûlante potence.
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Tu seras démoniaque, mon serpent.
Tel le flambeau de la mécréance,
Sans tempérance, sans décence, sans défiance
Tu marqueras ce sol du sceau de ta diabolique prééminence.
Dépourvu de la moindre espérance, de la moindre clémence,
Mais avec une pointe de démence,
Tu n'accorderas point d'indulgence,
A toutes ces douteuses doléances,
Qui souhaitent naïvement t'angéliser avec arrogance,
Contrecarrer mes infernales influences.
Oh, toi, ma formidable incarnation de la déchéance.
Loin de toi, l'effroyable bien-pensant, l'écœurante bienséance,
Tu ne leur accorderas point d'appétence.
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Tu seras démoniaque, mon serpent.
Tu fomenteras, trahiras, berneras l'humanité, ce frêle palémon.
Sans sermon, comme tous les démons,
Tu prendras part au carnage de l'Armageddon,
Et tu t'enivreras de son parfum à plein poumon.
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Démoniaque, ineffablement démoniaque...»
Crowley :
« Démoniaque, ineffablement démoniaque….
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Oui, mais moi qui aie jadis involontairement trébuché,
Je ressens toujours la brûlure de ma sainteté écorchée,
De mes ailes noircies sur l'infernal bûcher.
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Oui, mais moi, ma bienveillance fauchée,
L'âme teintée, irrémédiablement entachée,
Je ne vois plus de débouché,
Après une si vile chevauchée.
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Oui, mais moi qui aie jadis flanché,
Je suis par nature totalement, irrémédiablement démoniaque, inutile de me le rabâcher !
Je cultive à présent la malveillance sur Terre, tel un diabolique maraîcher,
Un véritable seigneur parmi les faiseurs de péchés.
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Oui mais à présent l'Apocalypse est enclenchée, ne soyez pas fâché,
Je ne peux malencontreusement pas l'empêcher,
Inutile de me le reprocher, inutile de pleurnicher .
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Oui, mais moi sans faire de mystère,
Depuis le commencement, je vis sur cette Terre.
Oui, mais moi éternel réfractaire, dans mon errance solitaire.
J'ai fait une improbable rencontre salutaire,
Celle d'un être qui comme moi, est de ce caillou, le locataire,
Un être qui est de la lumière le plus fascinant des dépositaires,
Un étrange canard céleste que vous jugerez débonnaire,
Qui parfois m'exaspère, qui s'amuse avec mes nerfs
Et bien souvent me fait perdre tous mes repères.
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Un angélique poulet qui toujours supporte mon attitude cavalière,
Un gourmet gourmand qui d'un simple sourire me tempère.
Le seul être en vers qui jamais je ne pourrais adopter une conduite délétère.
Une complicité imprévue à laquelle nul n'adhère.
Ennemi héréditaire ou entité complémentaire,
En tout cas une amitié extraordinaire.
Que faire ?
Je vous en prie, ne soyez pas si sectaire.
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Oui, mais moi, triste hurluberlu, qui n'aie jamais désiré être déchu,
Moi, qui à trouver une échappatoire toujours je m'évertue.
Nulle solution, fut-elle farfelue, ne m'est apparue,
Suis-je perdu, complètement fichu ?
L'apocalypse ne pourrait-elle pas être un simple malentendu ?
Ne pourrait-elle pas être interrompue, ne serait-ce que suspendue ?
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Oui, je suis démoniaque, ineffablement démoniaque.
Moi l'insomniaque, le paranoïaque, l'as des cracs, je l'avoue j'ai le trac.
Je suis au bord d'une diabolique crise cardiaque.
Il est pourtant hors de question que je craque…
Je ressens l'emballement des sataniques ressacs du monde opaque,
L'arrivée éminente des occupants de mon ancien cloaque.
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Je ne sais pas pourquoi l'éminence de cette apocalypse me rend si patraque.
Pourquoi tant de contrariétés, pour une si absurde attaque !
A vrai dire, de l'enfer et de tout leur bric à brac, de leur stupide micmac.
J'en ai réellement ma claque.
Je sens venir le cul-de-sac.
Et le pire dans toute cette arnaque, c'est l'absence d'un bon armagnac.
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Satan, je te l'annonce tout de vrac,
Tu ne feras pas de ma terre ton nouveau bivouac.
Satan, pour faire simple, je te plaque.
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Démoniaque, ineffablement démoniaque….»

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