Cette fanfic a été écrite dans le cadre de la nuit du FoF (Forum francophone) pour le thème "Mine" lors de la nuit du 01/02/20.

(1 thème par heure de 21 h à 4h du matin)

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Chapitre 10 : Dans de beaux draps

Ummmmmmmmm, j'aime cette atmosphère, cette chaleur, cette quiétude.

Ummmmmmmmm, hors de question que je quitte ce doux enfer.

D'ordinaire quand mon univers est si paisible soit je m'endors pour une nouvelle décennie, soit j'hurle pour réveiller ce monde si ennuyeux. A cet instant précis le choix est d'une rare évidence, je me rendors ; enfin j'essaie.

Je suis bercé par une douce mélodie, d'un rythme aussi lent que régulier. Il ne ressemble en rien à ce qui habituellement me charme. Je ne sais pas pourquoi je parviens à le supporter sans m'en lasser. Au contraire, il m'apaise.

Je me prélasse, puis retrouve ma position originelle, cramponné à ma montagne de couverture. Je patiente plusieurs minutes, je m'endors toujours aisément, c'est un don inné chez moi. Rarement, j'ai connu une telle invitation à un repos des plus mérités. Alors que je suis si bien blotti, quelque chose glisse sur mon dos. C'est une caresse délicieusement tiède. Je ne peux retenir un frisson. Malheureusement cette curieuse sensation ne se réitère pas. Sous mon épaisse couverture, mon drap de satin noir a chaviré de quelques centimètres, puisque à présent même les paupières closes je perçois un infâme rayon de lumière.

Outrage suprême au démon que je suis, je grogne en enfouissant mon visage vers les draps chauds. L'intensité lumineuse diminue instantanément. Hors de question qu'une stupide loupiote brise mon doux berceau. Même la lumière a peur de la colère du diable.

Victorieux, sans même combattre je me concentre sur la mélodie qui émane de ma couette en plumes de cocotte céleste. L'odeur toujours aussi délicieuse présage des songes miraculeusement merveilleux. Mon souffle se calque sur la mélodie. D'un léger mouvement de poignet, j'essaie de rapatrier encore plus de tissu contre moi.

Il résiste, si même mon lit fait de la résistance, je sens que je ne vais finalement pas dormir aussi bien que prévu. Je grogne, il faut savoir se faire respecter d'une fichue couette en plumes de poulette blondinette. Elle sait ce qu'elle doit faire, j'ai pris le temps de le lui inculquer en personne. Ma couette doit naturellement s'enrouler autour de moi, et former ce parfait cocon aussi voluptueux qu'opaque que j'apprécie tant. Elle sait qu'il serait dangereux pour son intégrité de jouer les effrontées ou les effarouchées.

Je grogne une nouvelle fois, mais rien à faire. Il ne me reste plus que la violence. D'une main ferme j'empoigne ma couette. Cette dernière frémit de peur. Elle n'est pas comme d'habitude, elle est plus chaude, bien plus lourde.

Quelque chose ne va pas, je sens la colère monter en moi alors qu'i peine quelques minutes j'étais dans les conditions optimales pour une petite sieste. Je vais devoir ouvrir les yeux. Je ne réponds plus de rien.

Je commence par cligner des paupières, la tête toujours enfouie dans mon amas de précieuses plumes. Malgré le tissu je sens un halo de lumière dans la pièce.

Dormir dans ma chambre avec une veilleuse est d'une incongruité totale, une insulte à ma nature démoniaque, pourtant je suis bien chez moi, je reconnais l'odeur de ma couette. Quelle est la source de cette offense ?

Je n'ai pas le choix, je vais devoir émerger. Tiré ainsi de force de mon repos sacré, je doute d'être des plus agréables. Les enfers n'ont qu'à bien se tenir, je vais en envoyer plus d'un aujourd'hui. Je me relève lentement en plissant les paupières. Mes magnifiques pupilles reptiliennes me permettent d'avoir une parfaite vision dans cette quasi obscurité.

Quelque chose me retient et appuie sur mes reins, il est trop tard chère couette, je suis réveillé à présent. J'ouvre pleinement les yeux, prêt à punir l'odieuse audacieuse.

Quelle est cette couleur sous moi, du bleu azur ?

Impossible.

Je me relève brutalement, la couette s'écarte immédiatement et me laisse découvrir un inédit spectacle aussi séduisant qu'effrayant.

Il est là….

Je recule de plus bel.

Il est vraiment là.

Je frotte mes yeux, peut-être est-ce un mirage.

Non, c'est bien lui, ce genre de chemise de nuit et ce stupide bonnet constituent sa signature. Je n'aurais jamais imaginé une telle horreur.

Lui, dans mon lit.

J'hurle, enfin non je ne peux pas le réveiller, que ferais-je dans ce cas ? Je prends une profonde inspiration pour me calmer. Finalement plusieurs inspirations sont nécessaires pour retrouver un semblant de calme.

Je me remémore ma dernière nuit…au fait combien de temps ai-je dormi ?

Peu importe la durée de ma sieste, je suis certain qu'il n'était pas là au départ. Je vous l'assure, parole de démon ! Sans blague, je dors seul, c'est un impératif pour ne pas nuire à mon sommeil. Oui, je vous l'accorde il m'est arrivé de m'assoupir quelques heures contre ses cuisses douillettes mais jamais, nous avons partagé un même lit. Un démon ne partage guère, il s'accapare, c'est dans sa nature. Je vous rappelle d'abord qu'Azi n'a pas de lit et ce n'est pas faute d'avoir essayer de le faire changer d'avis.

Par Satan, non pas de Satan, pas de Dieu aujourd'hui, est-ce l'apocalypse ? Que fait-il là au juste?

Ça lui prend souvent de … s'immiscer dans mon lit ?

Cet idiot … il dort si profondément. Il est dingue. Non, mais vraiment, encore plus que prévu.

Je me recroqueville à un mètre de lui en prenant garde de ne pas troubler son repos. Être si précautionneux, avoir tant d'égards irrite ma nature démoniaque.

D'abord, pourquoi cet idiot rayonne quand il dort ? Est-ce que tous les anges ont cette tare ? C'est insupportable, peut-être y a-t-il un interrupteur ? De toute évidence, si interrupteur, ou quelques manipulations il y a, il n'est guère aisé de le deviner.

Je patiente, mais il ne semble pas décider à bouger, au contraire il se plaît dans mon lit. En d'autres circonstances, j'aurais apprécié l'ironie de la situation, mais à cet instant précis je suis trop décontenancé pour jubiler.

On dirait le début d'une mauvaise blague, un ange se retrouve dans le lit d'un démon….Aziraphale a décidément un sens de l'humour hors norme. Bordel, il doit savoir que toute blague digne de ce nom. se doit d'avoir une bonne chute. Est-ce à moi d'écrire cette fin ?

Franchement, cela ne se fait pas, est-ce que moi je squatte son fauteuil pour parcourir ses foutus bouquins ? Non, bien sûr que non, j'ai une éthique, toute démoniaque certes, mais une éthique tout de même. A bien y réfléchir, cet idiot serait capable de se réjouir de me retrouver chez lui à bouquiner dans son hideux fauteuil.

Je m'égare. Revenons s'en à mon problème, à l'ubuesque lubie de mon ange. Le temps passe, et il ne semble pas décider à bouger.

Attendez, s'il se réveille, enfin bien sûr qu'il va se réveiller, il ne va tout de même passer la prochaine décennie dans mes draps ! A son réveil, attend-il quelques choses spécifiques de ma part ? L'abruti, il aurait au moins pu me laisser un mot ! Je suis un démon, moi, je ne fais guère dans les bonnes attentions.

Que ferait un humain dans de pareilles circonstances ? Une réaction normal du quidam londonien est soit d'appeler la police, soit de tuer ce doux clandestin ? Aucune de ces deux solutions n'est ici envisable. Même s'il me casse les pieds, et en particulier en ce moment, il reste mon ange à moi.

Soyons plus imaginatif et moins sanglant…. Un petit déjeuner ? Dois-je lui préparer un petit déjeuner ? Connaissant ce gourmand, cette idée l'enchanterait, mais pourquoi devrais-je cuisiner pour un canard mutin qui m'empêche de dormir? Soyons clair, je ne sais pas cuisiner, à la rigueur il y a quelques siècles j'ai brassé ma propre bière…

Par chance, une boulangerie s'est installée pas très loin. Dois-je sortir lui acheter quelques viennoiseries ? Et s'il se réveille pendant mon absence ? Vous voyez, vous êtes témoin de ma situation intenable dans laquelle me jette mon idiot rayonnant. C'est tout simplement indigne d'un ange ?

…Indigne d'un ange ? Non, mon Azi serait-il ... déchu ? Oh, non il est bien trop lumineux, bien trop bon pour être déchu. En tout cas, si son patron a vent de cette histoire, je ne donne pas chère de ses belles ailles.

Je dois avant tout couvrir ses arrières. Par chance, je ne ressens pas la présence de mes confrères pour le moment. Je dois masquer son aura bienveillante qui pollue mon repère. Je me concentre, enfin je fais de mon mieux. Je déploie mes ailes, et dresse une barrière toute machiavélique pour couvrir les ondes si bienfaisantes qu'il dégage même en dormant.

Une bonne chose de faite. Et maintenant ? Pourquoi ne pas prendre un verre et attendre de voir comment la situation évolue ? Non, Je ne peux pas, je dois garder les idées on ne peut plus claires pour compenser les folies de ma cocotte.

Je l'observe de longues minutes, c'est assez rare de le voir assoupi, si vulnérable. Cela réveille quelque chose en moi. Je pourrais lui jouer mille mauvais tours, mais je n'en fais rien. Comme toujours avec lui, je n'en ai ni la capacité et encore moins l'envie.

Au contraire j'aspire qu'à le laisser se reposer, qu'à protéger son sommeil, qu'à veiller sur lui. C'est une folie pour un démon, j'en suis parfaitement conscient, peut être est-ce là un immonde reliquat de ma nature d'ange. Si Aziraphale a le don de me mettre innocemment dans les situations les plus ubuesques possibles, il réveille aussi ce qui avait de meilleur en moi, ce qui a irrémédiablement disparu lors de ma chute infernale. Nul ne sait, pas même Satan, pas même Dieu ce que peut contenir réellement le cœur de cendres d'un diable rebelle.

Soyons honnête, je le reconnaîtrais jamais devant lui mais Aziraphale en prodigieux jardinier, était parvenu à faire fleurir une âme en enfer.

Après réflexion, je peux lui accorder quelques heures dans mes draps. C'est une maigre consolation pour toutes ces fois où j'ai pillé sa cave à vin. Je recouvre mon innocent de ma chère couette, cette dernière s'empresse de le border avec précaution, à croire qu'elle reconnaît son nouvel occupant. Elle a de la chance que je ne sois pas d'un naturel jaloux. Mon ange en réponse modifie sa position, il pivote doucement et vient naturellement vers moi.

Oh Miséricorde ! Que suis –je censé faire ? Paralysé, j'évite de peu l'asphyxie. Par Satan, c'est qu'il persiste ! Recroquevillé au milieu du lit, il prend mon genou pour son oreiller. Vous savez le pire dans cette infamie, c'est qu'il rayonne encore plus ! Qu'est ce que ce canard céleste croit-il au juste, que je vais le laisser impunément s'installer sur moi, le démon originel de la Terre ?

J'enrage devant tant d'audace mesquine, comment ose-t-il l'air de rien venir ce blottir contre moi ? Il s'installe confortablement et agrippe même un pan de ma sombre chemise en flanelle. Se faire prendre d'assaut par un canard endormi, quelle honte.

A mesure, que mon déshonneur et ma fureur croissent, son sourire s'élargit. C'est son arme fatale à lui cette grimace aberrante. Le lâche l'utilise même en pareil situation. Je résiste.

J'essaie nerveusement de me détacher de cette sangsue angélique, mais sa poigne est bien trop ferme pour que je m'écarte sans le réveiller.

Soudain je me fige, je crois que l'amas de niaiseries qui s'est attaché à mon noble corps vient d'émettre un son. Je lui lance un regard suspect. Ne me dite pas qu'il est conscient et qu'il me joue cette misérable comédie depuis le début ?

Plus un bruit, plus un mouvement. Je passe une main dans ces bouclettes. Vaincu, je suis son docile prisonnier, mais je vous le jure j'aurais ma vengeance.

Finalement, mine de rien un ange c'est diablement tentant.