Phoenix - 158 mots

Ils étaient plus que des Célestelliens, plus que des individus un peu à part dans leur propre race : ils étaient des élus, certes, mais ils étaient surtout des idées. Force, loyauté, courage, sacrifice, et une absolution totale. Ils étaient l'idée que se faisait Célestelle des êtres divins ultimes, un être qu'elle n'était pas, mais elle refusait de l'admettre. C'était bien une preuve de faillibilité, d'être incapable de sauver ses enfants elle-même, d'envoyer des élus qui finiraient par perdre la pureté de leur âme au fil des insupportables épreuves. Mais Célestelle essayait, encore et encore. Tel un phœnix, cette idée d'être parfait, pur et salvateur, renaissait de ses cendres à chaque disparition de l'un de ses enfants préférés. Blonds, aux yeux verts, incapable de lui ressembler trait pour trait tant elle se savait inférieure, ils prenaient leur envol pour sauver le Monde et perdre leur âme. Célestelle n'en avait cure. Elle était une déesse et elle était désespérée.

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Plaid - 162 mots

"Tu réalises que si tu restes dehors comme ça, tu vas attraper froid ? la gronda une petite voix qui s'efforçait d'être autoritaire et exaspérée. Qui sauvera les fesses de tous ces humains si tu choppes une pneumonie ?

-Tu pourras faire le travail, j'en suis sûre, plaisanta Daisy en souriant. Regarde toute la force que tu as dans les bras !

-Ah ! Au moins, les miens ne font pas la taille de ceux du Gros cheminot ! Tu as passé trop de temps à tuer tout ce qui bougeait dans les steppes gelées, ma chère."

L'ancienne Célestellienne esquissa un pauvre sourire et ne répondit rien. Stella posa alors un plaid sur ses épaules et se nicha en-dessous avec elle.

"Voilà ! J'ose espérer que tu ne me feras pas l'affront d'attraper froid, comme ça !"

Sans se donner la peine de répliquer, Daisy pencha la tête et la nicha contre l'épaule de Stella. Elle se sentait presque mieux, comme ça...

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Champagne - 170 mots

Daisy descendit les marches de l'antre qui menait à la caverne où Grizius reposait, incapable de reprendre sa place dans le monde des vivants. Au moins, il avait fini par retrouver la mémoire et se souvenir d'elle, après l'avoir affrontée si souvent sans la reconnaître. Le contraire aurait attristé la jeune Gardienne. Elle s'était beaucoup attachée au vieux dragon plusieurs fois centenaire.

"Salut, dit-elle en gravissant les marches du piédestal pour s'assoir contre son immense corps écailleux. C'est la nouvelle année aujourd'hui. J'ai apporté du champagne.

-Pas de la wyverne ivre ? ronchonna le dragon. Tu ne sais plus ce qui est bon, poulette.

-Désolée, je n'avais rien d'autre."

Daisy se servit un verre et fit rouler un gros baril sous le nez du vieux dragon. Ses amis ne voulaient jamais se soûler avec elle. Ils disaient que c'était inconvenant et dangereux. Mais ils ne comprenaient pas ce que c'était, eux, de vivre des siècles et de voir ce qu'on aime se désagréger autour de soi. Grizius, lui, il savait.

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Dimension - 159 mots

Le Havre des Aventuriers d'Ablithia ne dormait jamais, même pas la nuit où des voyageurs pouvaient se présenter à tout instant. Pourtant, au fur et à mesure que les années étaient passées, Bérangère, Tulipe, Vanda et Capucine avaient laissé Daisy gérer seule l'accueil aux clients, à l'occasion. Pendant qu'elles n'étaient pas là, la jeune Gardienne pouvait s'épancher auprès de Paona, la Célestellienne esseulée qui protégeait le portail entre les dimensions. Elle savait, cette Gardienne particulière, qu'il y avait d'autres mondes où Daisy, qui avait eu le même destin mais une fin différente, qui ne s'appelait d'ailleurs pas toujours Daisy, vivait une vie heureuse et épanouie. Rien à voir avec cette jeune Gardienne qui, souvent, se mettait à pleurer sur le comptoir, ou sur les genoux de Paona quand celle-ci, qui l'avait prise en amitié, entreprenait de la consoler. Qu'elle était malheureuse, l'apprentie de son frère, déplorait Paona. Et quelle injustice qu'elle n'ait pas eu droit à un destin heureux.

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Nature - 129 mots

Daisy se planta à l'entrée de Dracocardis et observa les plaines immenses qui s'étendaient depuis les pieds des petites maisons jusqu'à la mer. Il ne paraissait pas y avoir la moindre ville à des lieues à la ronde, seulement la nature sauvage, immense, pleine de fleurs, de ruisseaux et de monstres. D'habitude, elle aimait plus que tout foncer vers de nouvelles aventures, mais là c'était différent. Son maître l'avait attaquée, l'avait forcée à lui remettre les fyggs sacrées qu'elle avait eu tant de mal à retrouver, et elle avait été séparée de Bram. Elle ne savait pas s'il avait été éjecté de l'Orion Express comme elle ou s'il avait été fait prisonnier. Mais elle était rongée par l'inquiétude. Bram était son meilleur ami. Elle ne pouvait pas le perdre.