Grosso modo un an après vous avoir proposé de choisir entre deux fics à traduire, me voilà enfin prête à poster celle qui a emporté la majorité des votes.

Cette histoire est la traduction de iWritten on the Heart/i par Who_la_hoop, avec son accord bien sûr. Je n'ai pas fini de la traduire (elle est looooongue) mais j'ai déjà bien avancé. Vos reviews et encouragements m'aideront bien sûr énormément à garder ma motivation. Les chapitres sont longs, je pense en publier 1 ou 2 par mois, on verra. Si je tarde trop, vous pouvez venir me harceler sur Twitter ( viviane_faure), c'est là où je suis le plus réactive en général.

Bonne lecture ! ^^

Où l'on fait la connaissance de Blaise Zabini, roi des enfoirés

Dimanche 1er septembre, 10 :55 (Un an, quatre mois cinq heures, douze minutes et sept secondes depuis la Bataille de Poudlard)

Blaise Zabini entre dans le compartiment du Poudlard Express à une telle vitesse que Harry a à peine le temps de réaliser de qui il s'agit avant que cet enfoiré ne s'asseye quasiment sur ses genoux.

— Décale-toi, tu veux bien, dit Zabini avec la voix de quelqu'un qui se sent lésé de découvrir qu'il est pratiquement assis sur les genoux de quelqu'un.

Harry trouve ça plutôt injuste. Ou du moins, c'est ce qu'il trouverait si ses neurones n'étaient pas toujours en train d'analyser le fait que Blaise Zabini s'est assis sur lui. Ce salopard semble composé de plomb et d'angles, plutôt que de chair et d'os.

— Greg est parti chier et Merlin seul sait ce que Millicent est en train de foutre – taper une durite à Pansy, probablement – mais ils vont bientôt arriver, et les autres aussi, poursuit Zabini tout en glissant de la jambe de Harry.

Il est toujours assis beaucoup trop près.

— Qu'est-ce que tu fiches dans le noir, Potter ? ajoute-t-il en tirant sur la cordelette du store.

— Je ne ferais pas ça, à ta place, Zabini, déclare Hermione d'une voix glaciale.

Les premiers centimètres de la fenêtre sont surtout emplis de nez, qui se lèvent pour suivre le store et révéler des bouches – ouvertes, et glapissantes. C'est assourdissant, même à travers la vitre, et c'est suivi d'une vague d'applaudissements tonitruants. Les gens sur le quai sont si près du wagon que c'est à peine croyable qu'ils ne soient pas encore tombés sur la voie. Harry se retrouve à souhaiter, assez peu charitablement, qu'ils tombent effectivement, sauf que ça voudrait dire que le train ne partirait pas à l'heure, et au moins quand le Poudlard Express sera en mouvement, il n'y aura plus que lui, Ron et Hermione jusqu'à leur arrivée.

Lui, Ron, Hermione et ce putain de Blaise Zabini, corrige-t-il dans sa tête.

Zabini, dont le coude est quasiment dans le nez de Harry, émet un petit son de dégoût et referme élégamment le store avant de se rasseoir.

Harry n'a pas le temps de se réjouir de ne plus avoir de coude dans le visage, parce que Zabini – qui semble avoir eu son diplôme de sans-gêne avec mention – se renfonce en arrière dans son siège et étend ses jambes, comme s'il se mettait à l'aise en prévision du voyage.

Eh bien, Harry ne compte pas se laisser faire. Il va… il va… se décaler en grimaçant comme si le Serpentard était contagieux, et ce faisant, se cogne le coude dans la vitre, comme un abruti.

— Aïe, dit-il, ce qui, évidemment, lui donne l'air beaucoup plus digne.

Il jette un regard à Hermione, dans un appel à l'aide silencieux. Ron a l'air d'avoir été frappé de stupeur par la situation, donc c'est à elle de se débrouiller pour dire à Zabini de dégager.

Le regard que lui renvoie Hermione lui donne l'impression de mesurer dix centimètres, mais elle carre les épaules, et s'assied droite comme un i.

— Je suis désolée, mais qu'est-ce que tu fais là, au juste ? demande-t-elle de sa voix la plus passive-agressive – et la plus forte.

À l'extérieur, les cris se sont calmés, mais les applaudissements continuent, et à travers la vitre, on entend parfois quelques couplets de « Il est notre sauveur », le dernier tube des Bizarr' Sisters, chantés avec davantage d'enthousiasme que de talent musical.

Ron, qui jusque-là contemplait Zabini la bouche ouverte comme un poisson hors de l'eau, sursaute avec une telle violence quand Hermione parle qu'il manque tomber de son siège. Il tente héroïquement de faire passer ça pour quelque chose de voulu en faisant de grands étirements et en faisant rouler sa nuque contre ses épaules, comme s'il ne pouvait rester en place. Harry doit admettre que Hermione a eu un peu la même voix que Mrs Weasley quand ils sont en retard pour le dîner, et que ça doit être perturbant d'entendre la voix « spéciale remontrances » de sa mère sortir de la bouche de sa copine.

— Je t'aime, Harry ! hurla une fille à l'extérieur, la voix éraillée d'avoir trop crié.

Harry parvient à ne pas grimacer ; il a eu l'occasion de beaucoup s'y entraîner. Hermione fait sortir sa baguette de sa manche et la dirige vers la fenêtre avec un geste tout aussi expert, pour ramener dans leur compartiment un silence épais, presque tangible, avant de se tourner pour jeter un regard incrédule à Ron.

— Quoi ? demande celui-ci d'une voix assez haut perchée avant de croiser les bras.

Zabini s'éclaircit la gorge et Hermione et Ron se retournent tous les deux pour lui jeter un regard noir. Harry voudrait faire de même, mais c'est difficile de jeter des regards noirs à quelqu'un qui est assis juste à côté de vous et phagocyte votre espace personnel. S'il essayait, il se retrouverait probablement le nez dans la coupe afro de Zabini, dont pas un poil ne dépasse.

— Est-ce que tu viens de dire que tu étais désolée, Hermione ? Je t'en prie, ne le sois pas, dit Zabini d'une voix joyeuse.

Quand Harry lui jette finalement un regard de côté, il est en train de sourire à Hermione. Sauf qu'on dirait moins un sourire qu'un sortilège d'amour informulé – et Hermione commence à rougir, de façon tout sauf uniforme : des taches rosâtres remontent sur son cou et transforment ses oreilles en feux follets.

Bien sûr, c'est peut-être juste l'incroyable culot de Zabini qui lui a coupé le sifflet, suppose Harry sans trop y croire, et il se demande si Zabini a remarqué que Ron commence à frémir. Il n'arrive pas à décider si ce serait une bonne ou une mauvaise chose que Ron lui allonge une droite – il est certain que Zabini le mérite, mais se lancer dans une bagarre à coups de poings avec un Serpentard avant même que le Poudlard Express parte serait un nouveau et triste record.

Harry est à moitié déçu de voir Zabini se défaire de son sourire avec la rapidité d'un Cognard lancé à toute vitesse.

— Eh, Pany, on est là ! crie-t-il par la porte entrouverte du compartiment.

Le voilà soudain entièrement concentré sur ce qu'il se passe dans le couloir, et sous son apparence détendue, on sent une tension sous-jacente.

Hermione se raidit, et Harry sent ses propres membres se crisper. Quand il pense à Pansy Parkinson – ce qu'il évite de faire autant que possible – il ne ressent rien d'autre que du mépris, ce qui le met hyper mal à l'aise. Il n'a pas envie d'être le genre de mecs qui méprise les autres. Alors elle a qu'à ne pas être méprisable, intervint une petite voix un peu pimbêche dans sa tête, et il ne voit pas comment aller contre la logique de cette déclaration.

Pansy se précipite à travers la porte comme si elle était poursuivie par tous les Détraqueurs d'Azkaban, et elle la ferme dans un claquement sonore qui fait sursauter Harry, si bien qu'il se cogne à nouveau le coude dans le mur. Il va finir avec un énorme bleu. Pansy a sa baguette à la main et Harry a besoin de serrer son pantalon entre ses doigts pour s'empêcher de lui jeter un Expelliarmus, juste au cas où.

Zabini s'en rend compte – il jette un regard de côté à Harry – et puis pour une raison étrange, il fait comme s'il n'avait rien remarqué et réprime l'éclair de colère qui apparaît sur son visage. Il détourne le regard plutôt que de faire un commentaire acide sur les Gryffondor qui ont du mal à faire confiance aux autres. Harry ne connait pas bien Zabini, mais ce n'est pas comme s'il ne le connaissait pas du tout, après six ans passés à fréquenter la même école. C'est un Serpentard de bout en bout, tout en morgue et en sarcasmes pathétiques, comme les autres.

Colloportus ! parvint à crier Pansy, plus ou moins à bout de souffle.

Elle agite sa baguette en direction de la porte – juste à temps, car Millicent Bulstrode, qui s'est coupé les cheveux courts et les a teints en châtain, se colle à la porte pour regarder à travers la vitre et secoue la poignée avec une force certaine. Ses narines frémissent.

Pansy, qui fait toujours face à la porte, recule prudemment de quelques pas. Elle a le menton levé et une mine acerbe. Bon sang, Harry ne peut vraiment pas la voir. Mais elle n'a pas repéré le sac à main d'Hermione sur le sol. Elle trébuche et tombe en arrière, atterrissant moitié sur le pied de Harry, moitié dans la fenêtre, en poussant un glapissement.

Par une espèce de miracle elle n'arrache pas le store – du moins jusqu'à ce que Millicent, avec un mouvement agacé de sa baguette, n'amplifie sa voix pour atteindre le volume d'une Beuglante et se met à hurler dans le compartiment :

— Laisse-moi entrer, sale peau de vache, avant que je t'arrache les yeux pour les faire bouffer à Lady Voldemort.
Pansy sursaute et, l'espace d'un instant, elle et le store ne forment plus qu'un.

— Qu'est-ce que c'est que ce bordel… ? demande-t-elle en voyant ce qui se trouve à l'extérieur.

Elle se défait tant bien que mal du store et se laisse tomber lourdement – sur Ron.

La foule bigarrée amassée à l'extérieur se tord le cou pour mieux voir à l'intérieur du wagon. Leurs bouches s'ouvrent et se ferment et leurs mains s'agitent en tous sens, mais le sort de Silence d'Hermione tient bon. Il est clair qu'ils ne sont pas méchants, mais quand même – leur présence a quelque chose d'étrangement menaçant. Harry plaque un sourire figé sur son visage et leur fait un petit salut forcé de la main avant de détourner le regard ; c'est à lui qu'ils font des signes, bien sûr. Le bon côté, c'est qu'ils sont tellement serrés comme des sardines qu'il est peu probable que l'un d'eux parvienne à prendre une photo. Il s'attend néanmoins à ce qu'il y ait une demi-douzaine d'articles dans les journaux du lendemain qui s'interrogeront sur la distance exacte qu'il y avait entre lui et Pansy, et si le fait qu'elle était assise sur les genoux de Ron laisse présager un triangle amoureux, ou bien si Harry et elle sont secrètement fiancés et qu'ils ne font ça que pour donner le change.

Le fait qu'elle porte une jupe très courte et que ses jambes n'en finissent pas ne fait qu'empirer les choses.

— Est-ce que c'est ta mère là-bas dans le fond ? demande Zabini d'une voix méchante.

— Va te faire, répond Pansy.

Harry regarde fixement le sol – le tapis est usé jusqu'à la corde et mériterait vraiment qu'on le remplace. Il ne pense pas que la mère de Pansy soit vraiment dehors, mais il y a sans aucun doute les mères de nombre de ses camarades, et pour préserver sa santé mentale, il a depuis longtemps décidé qu'il valait mieux ne pas regarder. Une foule d'inconnus c'est une chose – une foule de gens qu'il connaît et pour qui il pourrait éprouver de l'affection et du respect s'ils n'étaient pas en train de glapir et d'essayer de toucher son bras comme s'il était du Felix Felicis sous forme solide, c'est quelque chose de très différent.

Quand il relève la tête, Pansy est toujours assise sur Ron et celui-ci est aussi figé que s'il avait été Pétrifié, sauf que ses oreilles sont rouge vif. Le store est de nouveau en place, le compartiment a retrouvé sa pénombre et Pansy remet sa baguette dans sa manche.

Ils sursautent tous quand Millicent Bulstrode, de l'autre côté de la porte, hurle avec une certaine jubilation :

— J'espère que tu n'as pas oublié que je suis toujours là et que je compte bien te réduire en bouillie, Pansy ?

— Tes méfaits finissent par te rattraper, hein, Pans ? renifle Zabini.

On dirait qu'il s'amuse bien.

Le visage de Pansy vire au rouge et elle jette un regard affolé à Harry.

Bon. Jusque-là Harry ne pensait pas au fait qu'elle avait voulu le vendre à Voldemort – il voudrait vraiment dépasser ça, et il sait, de façon raisonnée, à quel point elle devait avoir peur, et il a entendu, durant les procès qui semblaient ne jamais devoir finir, toutes les putains d'excuses pour lesquelles elle n'a pas la moindre once de courage, de morale ou d'humanité – mais voilà que maintenant, il y pense. Et vu l'expression sur son visage – de la honte, mêlée de terreur et d'une bonne dose de rébellion – elle aussi y pense. Il a envie, juste un peu, d'être mort. Ça serait franchement plus facile à gérer.

Mais alors qu'ils se fixent en chien de faïence, il sent ses lèvres se retrousser en une marque de dédain qu'il n'a pas envie d'afficher sur son visage. Pansy a la mine de quelqu'un qui est sur le point de se mettre à pleurer, et malgré ça, il n'arrive toujours pas à rassembler la moindre once d'empathie pour elle, et ça fait de lui un sacré connard, non ? Il se dit avec une panique grandissante qu'on trouve nettement plus de gares dans les limbes qu'il ne l'aurait cru, alors il est bien possible après tout que même la mort ne le libère pas de ces conneries.

Il faut qu'il dise quelque chose, toutefois, histoire de briser ce qui est devenu un silence insoutenable. Qu'est-ce qu'il est censé dire ? Quelque chose de digne. Peut-être qu'il devrait mentir et lui dire qu'il lui pardonne ; ça serait un bon mensonge, et il a vraiment envieque ce soit vrai. À la voir en ce moment, les yeux humides, tremblante d'émotion, il pense bien qu'il n'a jamais été si proche d'être sincère dans ce pardon.

La vulnérabilité lui va bien, pense-t-il. Il se sent soudain très fatigué et pas du tout enclin à la charité. S'il plisse les yeux, il pourrait presque avoir l'impression qu'il s'agit d'un être humain, et pas de quelqu'un qui a essayé d'échanger l'avenir du monde sorcier contre sa sécurité.

Peut-être qu'il devrait dire…

Lady Voldemort ? explose Ron, de là où il est enseveli sous Pansy.

Le sang-froid d'Hermione semble se fissurer lui aussi, et elle se racle la gorge avec un certain à-propos. Il n'y a pas que son sang-froid qui se fissure : au même instant, la porte se brise et tombe en morceaux dans un bruit de verre partiellement couvert par le sifflement du train qui quitte la gare.

— N'importe quoi, dit Millicent en émergeant d'un nuage de sciure. Et c'est quoi le problème avec Lady V ? ajoute-t-elle d'une voix soupçonneuse.

Ron ouvre la bouche pour répondre mais en est empêché par une crise de toux.

Millicent étrécit les yeux, comme si la toux de Ron était une sorte d'insulte et puis, embrassant d'un seul regard les jambes de Pansy, sa vulnérabilité et ses yeux humides, elle lui adresse un sourire dédaigneux.

— Je sais que tu as dit que tu voulais mettre le grappin sur un Sang Pur cette année pour faire plaisir à ta maman, mais je ne pensais pas que tu tomberais si bas.

Bizarrement, le mépris de Millicent semble redonner du courage à Pansy et lui rappeler qu'elle a du répondant.

— Mettre le grappin ? répété Pansy avec dérision. Tu as lu trop de romans à l'eau de rose, Bull'. Ça te ramollit le cerveau. Je me servais juste de Weasley comme siège, c'est tout ce à quoi il est bon.

Elle se relève et tire sur sa jupe.

— Oh, et va te faire foutre ! ajoute-t-elle d'une voix forte, couvrant les balbutiements de rage de Ron.

Elle trace un chemin entre les différents genoux pour venir se coincer à côté de Zabini. Celui-ci se rapproche de Harry pour lui faire de la place. Harry commence à se demander si sa rate et sa vésicule biliaire vont survivre à ce traitement. Zabini se penche à son oreille avec un air de confidence et Harry fait appel à tout son sang-froid pour ne pas reculer.

— Lady Voldemort, c'est le nouveau chat de Bull', dit-il, l'air très content de lui.

— Voldy pour les intimes.

Millicent marche sur le verre brisé et se fait une place à côté d'Hermione, en s'asseyant tout simplement : lentement, mais inexorablement. Harry voit qu'Hermione s'imagine avec une Millicent Bullstrode assise sur un de ses genoux, et elle se blottit tout contre Ron à une telle vitesse qu'on pourrait croire qu'elle y a transplané.

— Et j'ai changé d'avis, ajoute Millicent en s'installant avec une mine satisfaite. Je ne la laisserai pas se nourrir de ta carcasse, Pans'. La pauvre, ça la rendrait sûrement malade.

— J'ai juste dit que… que…

Pansy commence d'une voix tonnante d'indignation mais, elle perd rapidement de son assurance.

— Que la nouvelle coiffure de Bull' pourrait la faire passer pour la sœur cachée de Voldy ? complète Zabini d'une voix charmeuse.

Il tire la langue à Millicent alors que celle-ci lui jette un regard mauvais.

— Voldemort le chat, ou Voldemort le Seigneur des Ténèbres ? demande Hermione avec une espèce de fascination morbide.

— Le chat, bien sûr ! répond Pansy.

Et aussitôt, comme Millicent lui jette un regard vengeur, une main menaçante déjà sur sa baguette, elle grince :

— C'est un très joli chat ! Bon sang, Bull', je ne pensais pas que tu le prendrais autant à cœur. Si c'était Drago qui avait dit ça, tu…

— Lui aurais lancé un maléfice dont il ne se serait pas remis avant la semaine prochaine, rétorqua Millicent avec sérieux.

Elle range quand même sa baguette.

— Et tu vas pouvoir juger des atouts physiques de Voldie par toi-même, Granger, ajoute-t-elle avec un parfait manque de naturel, quand elle choisira de se présenter. Pour le moment elle se remet en faisant un petit tour dans le train. Ce n'est pas bon pour un chat de rester trop longtemps dans son panier.

Zabini renifle, et puis il se penche en avant et jette un regard à travers ce qu'il reste de la porte.

— Où est Greg ? Ne me dites pas qu'il est toujours aux chiottes ? Si chier était une discipline olympique, il rendrait l'Angleterre fière.

— Dégoûtant, murmure Pansy en frissonnant.

— Allons, allons, Pans. Vanter le système digestif de notre ami ne mérite pas que tu tordes le nez, dit Zabini.

Il marque une pause, l'air d'attendre.

Le visage de Ron prend une expression torturée : un mélange de plaisir devant une blague scato et d'agacement car la blague en question est de Blaise Zabini ce qui veut dire qu'on ne peut en rire en aucune circonstance.

Harry, pour sa part, ne parvint à trouver d'amusement ni dans la blague – qui ne mérite pas mieux qu'un vague reniflement, à son avis – ni dans le dilemme évident de Ron. Il est terriblement perturbé, et le pire, c'est qu'il n'arrive pas vraiment à dire pourquoi.

Ce n'est pas tant que Blaise Zabini est assis si près de lui qu'il peut sentir la chaleur de son haleine sur sa joue.

Ce n'est pas que Millicent Bulstrode a repris le nom de Voldemort pour son nouveau chat et qu'il est quasiment obligé de se mordre la main pour éviter de lui raconter la fois où Hermione s'est accidentellement métamorphosée en félin en prenant du Polynectar à cause d'elle. Ça semble si loin, maintenant.

Ce n'est pas qu'il en a appris bien plus qu'il ne le souhaitait – bien plus que n'importe qui pourrait le souhaiter, c'est certain – sur les selles de Gregory Goyle, et que bientôt ledit Goyle se pointera, soit pour lui marcher sur les pieds, soit pour s'asseoir sur ses genoux, vu là où ils sont rendus.

Ce n'est même pas qu'il trouve de plus en plus étrange que personne ne soit venu s'enquérir du bruit de verre brisé.

Ce n'est pas que Pansy ait mentionné avec désinvolture le nom de ce satané Drago Malefoy.

Harry sait que Malefoy revient à Poudlard lui aussi cette année – McGonagall a pris rendez-vous avec lui dans son bureau temporaire au Ministère pour lui en parler en privé, avec un drôle d'air, comme si elle pensait qu'il était incapable de gérer ça ou Dieu sait quoi – mais bon, il y a le savoir et… le savoir. Ses mains sont moites, tout d'un coup, et Harry les essuie sur son pantalon en essayant de ne pas repenser à la dernière fois où il a vu Malefoy, et à la rage impuissante sur son visage.

Il sait qu'il ne s'en sort pas très bien quand Hermione finit par dire d'une voix décidée :

— Bon, ce n'est pas que je n'apprécie pas cette petite conversation…

Elle fait une pause pleine de sous-entendus.

Elle a toujours été capable de lire en lui comme à livre ouvert – et vu comment Hermione lit ses bouquins, il n'est toujours pas sûr de savoir si c'est une bonne chose ou non.

— J'en suis vraiment heureux, dit Zabini avec une mine parfaitement sincère.

Et il refait son sourire « tu es la seule fille sur cette terre, Hermione Granger ».
Malgré lui, Harry est presque impressionné. Ça doit vraiment demander beaucoup d'efforts pour parvenir à ce degré d'enfoirade visqueuse.

— Écoute, espèce de branleur, commence Ron avant de s'arrêter, hésitant.

Les Serpentard semblent tous avoir développé une audition extrêmement sélective et regardent par la porte.

Harry se rend compte qu'il est en train d'enfoncer ses ongles dans ses paumes et se force à arrêter. Ça laisse des petites demi-lunes blanches sur sa peau.

— C'est quoi cette puanteur ? demanda Zabini d'une voix joyeuse en s'éventant et en fronçant le nez.

— C'est toi, trouduc, répond Gregory Goyle avec un merveilleux sens de la répartie.

Il se tient sur le pas de la porte, les bras ballants, visiblement perturbé par le manque de siège.

— C'est qui qui a niqué la porte ?

— Bull', répond Pansy avec un peu trop d'empressement.

— Balance, renifle Millicent.

Harry commence à se demander si Zabini a réglé un chronomètre de façon à ce que tous les Serpentard de l'école se pointent dans leur compartiment au compte-goutte.

— Heu… dit Goyle en continuant à se tenir là, les bras ballants.

Hermione craque.

— Pour l'amour de Merlin. Capacious Extremis, prononce-t-elle en pointant une baguette efficace sur chacune des deux banquettes tour à tour.

Les sièges s'allongent avec un craquement menaçant pour s'étendre dans un espace qui n'existe pas, mais cela n'a pas l'air de poser problème.

Goyle grommelle quelque chose qui pourrait être un merci – bien qu'il n'y ait aucune certitude à ce sujet – et entre dans le compartiment d'un pas pesant. Il manque de peu se fondre dans la porte puisque Hermione jette au même instant un Reparo avec un peu plus de vigueur que nécessaire.

— Il en reste encore beaucoup dans votre clique ? demande Harry en se laissant submerger par l'exaspération.

Hermione a fini par baisser les bras, et maintenant Malefoy va arriver d'une minute à l'autre et lui gâcher l'existence. Comment a-t-il pu croire que ça irait ? Bon sang, comment a-t-il pu se laisser persuader par Kingsley qu'après un an à exercer en tant qu'Auror officieux, revenir à Poudlard pour passer ses ASPICs était une bonne idée ?

Le court silence qui suit sa question semble très, très long. Presque aussi long qu'un voyage en train jusqu'en Écosse. Et pour la première fois, Harry se demande pourquoi ça prend si longtemps, alors que le train est magique. S'ils pouvaient arriver maintenant, ça ne le dérangerait pas. Il pourrait fuir dans la tour de Gryffondor. Avec un peu de chance, s'il prend tous ses repas dans la salle commune, peut-être qu'il arrivera à ne plus jamais se retrouver en présence d'un Serpentard jusqu'à la fin de l'année.

— Notre clique ? répète Millicent après environ un million d'années.

Sa voix est dépourvue d'émotions.

— Eh bien, Vince est mort, tu sais, alors il ne va probablement pas venir. Sinon, Potter, je crains que le reste de notre clique, ce soit surtout nos parents, qui sont à Azkaban. Tu es bien placé pour le savoir – c'est toi qui les y as envoyés.

Millie.

La voix de Blaise claque et c'est un contraste étrange que ce surnom affectueux dit d'un ton cassant.

— Oui, c'est bon, Blaise, je sais, répond Millicent avec calme.

Eh bien, voilà qui est sympa, pense Harry. Il a chaud et ses yeux brûlent. Et merde. Non mais franchement, merde, merde, grosse merde de Thestral. Pourquoi ça serait à lui de se sentir coupable, là ? Tout ce que les Mangemorts avaient à faire pour ne pas finir en prison, c'était de ne pas être des putains de Mangemorts. On ne va pas non plus aller dire qu'ils ont trébuché et sont tombés accidentellement sur la Marque des Ténèbres, si ?

Le souvenir du visage de Malefoy pendant son procès et celui de ses parents lui revient, comme à chaque fois qu'il n'a vraiment pas envie d'y penser.

— Ce n'était pas que Harry, rétorque Hermione avec indignation. Il était juste un des cinquante membres du Magenmagot ! Il n'était pas seul à décider. Et puis, ajoute-t-elle d'une voix très Préfète-en-Chef, il a juste faite en sorte que justice soit rendue. Vous ne pouvez pas lui en vouloir pour ça.

Tout ça a beau être parfaitement vrai, le dire à haute voix n'aide pas forcément, constate Harry tandis que l'ambiance du wagon devient si pesante qu'on respirerait mieux dans du plomb liquide. Hermione n'a pas vraiment réfléchi à qui elle s'adressait.

Harry est presque heureux de voir la porte s'ouvrir à nouveau et l'empêcher de continuer à dire leurs quatre vérités aux Serpentards ou de partir en grandes envolées lyriques sur l'immense honneur que c'était pour Harry d'être appelé à siéger au Magenmagot alors qu'il est si jeune. Un presque heureux qui se mêle bien sûr à l'angoisse sourde associée à Malefoy, mais une petite pointe d'angoisse pimente l'existence, n'est-ce pas.

Il n'a jamais été aussi heureux de sa vie de voir Théodore Nott. D'accord, ce type ressemble à un croisement entre un lapin et un haricot plat, et il n'a jamais été heureux de voir Nott jusqu'à maintenant, alors les standards ne sont pas bien hauts, mais ce n'est pas la question. Toute distraction est bienvenue, même une distraction avec un râtelier pareil.

Nott fait le tour du compartiment des yeux et semble ne voir personne à part Harry.

Et Harry se rappelle – en essayant de ne pas flancher sous le regard mort de Nott – que, d'accord, le père de Nott fait partie des Mangemorts qui ne se trouvent pas à Azkaban, mais que c'est parce qu'il est à Sainte-Mangouste, plongé dans un coma dû à un sort, et qu'on pense qu'il y a peu de chances qu'il survive à un transfert.

— Est-ce qu'on est vraiment en train de faire ça ? dit Nott.

Il continue à fixer Harry, même si ce n'est sans aucun doute pas à lui qu'il s'adresse.

Ron pousse un lent sifflement, comme s'il venait juste de lever le voile sur un complot.

— Plus ou moins, dit Zabini.

Et puis il ajoute d'une voix joyeuse :

— Même si ça ne se passe pas tout à fait aussi bien qu'on aurait pu l'espérer, hein Harry ?

Il lui donne un coup de coude dans les côtes, comme s'il partageait une bonne vanne avec Harry.

— Viens t'asseoir, Théo.

Nott ne s'assied pas.

— Je vais aller chercher Drago, dit-il.

Harry sent son visage faire quelque chose. Il ne sait pas exactement quoi mais il sent ses muscles frémir, et Nott prend une expression hautaine et entendue, alors quelle que soit la tête que fait Harry, ça doit se voir.

Assieds-toi, dit Zabini, soudain beaucoup moins amical. Drago sait où on est. Il n'a qu'à retirer le balai qu'il a dans le cul et suivre le programme.

Le programme ? Alors il y a vraiment une espèce de complot, même si pour le moment ça semble se limiter à « parler à Potter plutôt que de lui balancer des maléfices ».

Nott s'assied et Harry a du mal à se concentrer. Nott continue à le fixer, même s'il a laissé tomber la mine hautaine pour revenir à son expression de base. Ce n'est pas un regard méchant, ce qui est pire d'une certaine façon. Il y a quelque chose de vide dans son regard que Harry a vu sur trop de visages au cours de l'année écoulée – et pas juste sur les visages ennemis.

Il suppose qu'il ne devrait pas penser à ses camarades de Serpentard comme à des ennemis. Il fait de son mieux pour s'en empêcher, et il y arrive plus ou moins, sauf au milieu de la nuit – et bon, on ne peut pas trop en vouloir à quelqu'un pour ce qui lui passe par la tête à trois heures du matin.

Ron se racle la gorge, et rougit légèrement quand tout le monde se tourne vers lui.

— Heu, bon, dit-il en levant le menton avec un air de courage. Vous comptez vous barrer ou bien ?

C'est vraiment du courage, et Harry est impressionné, sauf que Ron n'a pas bien formulé ça. Et d'une seconde à l'autre, Zabini va répondre…

— Non, dit-il de cette voix douce et franche qui donne déjà envie à Harry de se lever et de lui lancer le Maléfice du Saucisson.

Comment a-t-il fait pour ne jamais se rendre compte à quel point Zabini était pénible ?

— Je proposerais bien une partie de Bataille Explosive… dit-il, la voix si mielleuse qu'on pourrait sucrer du porridge avec. Mais peut-être qu'on ferait mieux d'attendre Drago. Vous savez comment ça le rend grincheux si on ne le laisse pas commander.

Hermione émet un petit reniflement et Harry se fait la promesse qu'il est prêt à regarder la mort en face plutôt que de jouer volontairement aux cartes avec Drago Malefoy.

— On pourrait jouer au Weasley Explosif, dit Pansy à mi-voix.

Elle lève les yeux au ciel devant Zabini qui lui jette un regard menaçant.
Harry jette un coup d'œil à Ron – effectivement, sa peau a pris une nuance cramoisie qui laisse à penser que si quelqu'un ouvrait les paris sur la probabilité qu'il entre spontanément en combustion, tout miser dessus ne serait pas une mauvaise idée.

— Nan, mais, commence Ron dans une nouvelle tentative – héroïque, mais sans aucun doute vaine – de convaincre les Serpentard de faire la seule chose raisonnable et de leur foutre la paix, est-ce que vous comptez vraiment rester avec nous tout le voyage ?

— Avec un intellect aussi acéré, c'est un miracle que tu ne te sois pas encore coupé, murmure Pansy.

— Pardon ? demande Ron, à voix bien haute, sans indulgence aucune.

Pansy carre les épaules, ouvre la bouche et…

La porte coulisse.

Harry essaie de respirer mais il trouve ça méchamment difficile ; son cœur semble vouloir s'inscrire au Guinness pour son nombre de battements par seconde, et son estomac essaie de transplaner en Australie sans le reste de son corps. Il n'a pas besoin de regarder pour savoir que c'est Malefoy, mais il ne peut empêcher ses yeux de balayer le seuil et Malefoy, pour en tirer une image composite : l'éclat de cheveux si blonds que c'est quasi du blanc, des chaussures parfaitement vernies, les angles bien nets de vêtement bien coupés, une peau pâle comme la mort.

— Hauts les cœurs, Drago, dit bizarrement Millicent. Viens t'asseoir avec moi.

Harry n'a pas envie de regarder, mais il n'arrive pas à s'en empêcher. Il va finir par croiser son regard, si ça continue. Sauf que Malefoy ne le regarde pas – il fait même très attention à ne pas tourner son regard dans cette direction.

Ça n'aide malheureusement pas Harry à se sentir mieux.

— Ne reste pas planté là, idiot, assieds-toi, dit Zabini après plusieurs minutes gênantes et interminables de Malefoy qui joue à la statue au milieu du compartiment.

Le masque neutre de Malefoy vole en éclats et il se tourne à moitié pour jeter un regard noir à Zabini – mais il se plante et se retrouve à regarder Harry droit dans les yeux.

Harry se fait presque un torticolis tellement il détourne rapidement la tête – mais ce n'est toutefois pas assez rapide pour manquer l'expression de pure haine sur le visage de Malefoy.

Harry conclut à son propre masochisme puisqu'il ne peut s'empêcher de regarder à nouveau vers Malefoy, ses yeux suivent leur propre chemin comme s'ils obéissaient à un sort. Est-ce que… est-ce que Malefoy tremble ? Au moment où il décide que oui, il tremble effectivement, et que s'il en est au point de littéralement trembler de rage, alors il vaudrait peut-être mieux sortir sa baguette, Malefoy recule gauchement d'un pas.

— Je ne peux pas faire ça, dit-il.

Sa voix est parfaitement neutre en dépit des mots qu'il vient de prononcer. Il recule encore, avec empressement, et le voilà hors du compartiment, dans le couloir. Sa baguette est maintenant dans sa main et il l'agite vers la porte qui se referme en claquant alors qu'il s'en va.

C'est une nouvelle baguette, remarque Harry en essayant de réprimer la colère qui monte en lui. Il a rendu sa baguette à Drago ! Pourquoi est-ce qu'il lui en fallait une nouvelle ? Est-ce que cet enfoiré pense que sa baguette est souillée ou un truc du genre parce que Harry l'a utilisée ?

Il se lève sans avoir pris le temps de réfléchir à ce qu'il allait faire.

— Laisse tomber, Potter, dit Pansy avec une certaine tension dans la voix. S'il a envie d'être pathétique, c'est son problème.

— Tu peux parler ! rétorque Harry.

Pansy se redresse et se tient très droite.

— Je suis là, non ? Et je fais de gros efforts.

— Oui, mais la question c'est pourquoi, la coupe Hermione. Allez, sérieux, à quoi vous jouez ?

— Jouer ? répond aussitôt Zabini avec un sourire vif et dépourvu de sincérité. On veut juste être vos amis. Est-ce que ce n'est pas évident ?

Harry se sent pris entre Charbyde et Scylla. À l'intérieur du compartiment, un groupe de sales cons qui font semblant de vouloir sympathiser avec lui ; à l'extérieur, un sale con tout seul qui ne lui aurait même pas uriné dessus pour éteindre les flammes si ses vêtements avaient pris feu.

Ses jambes prennent la décision toutes seules et il se retrouve dans le couloir, suivi par différentes voix : celle d'Hermione, inquiète (« Crie si tu as besoin de nous, Harry ») et celle de Zabini, sarcastique (« Évite les toilettes les plus proches, si tu tiens à la vie »), avant d'avoir pu vraiment décider pourquoi il se retrouve à suivre Malefoy, et qu'est-ce qu'il va bien pouvoir lui dire s'il est toujours là.

Bien sûr, Malefoy n'est plus là.

Ce qu'i la place, c'est la réponse à un petit mystère : Luna, assise les jambes croisées par terre et le dos au mur. Elle tient un épais rouleau de parchemin couvert d'une écriture dense de sa main gauche, et sa baguette dressée dans la droite. De la lumière, si épaisse qu'elle est presque tangible, part de sa baguette vers le plafond et redescend en cascade à gauche et à droite d'elle. Harry comprend qu'elle est en train de créer une barrière des deux côtés du couloir pour empêcher quiconque d'entrer dans cette section.

Quiconque, à part ceux qu'elle a justement laissés entrer.

Luna relève la tête avec un sourire séraphique.

— Bonjour, Harry. Tu as passé un bon été ?

— Heu, dit Harry avec hésitation.

Il admettrait sans qu'on le presse trop qu'il aime beaucoup Luna, mais parfois il n'arrive pas à dire si elle est stupide ou si (et c'est plus probable) elle pense que c'est lui qui est stupide et veut lui faire comprendre quelque chose sans avoir à le dire directement. L'été est passé dans un tourbillon de jugements, les méchants ont été envoyés expier leurs crimes et c'est l'apothéose de mois de préparation pour s'assurer que justice soit rendue, et rendue en public. Est-ce que c'était bien ? Harry pense que oui, la plupart du temps.

— Je crois. Heu, qu'est-ce que tu fais, Luna ?

Luna a l'air surprise qu'il ait besoin de demander ;

— Oh, je lis juste une lettre que Rolf m'a envoyée, tu sais.

Harry manque tomber dans le piège de demander qui est Rolf et qu'est-ce qu'il a à voir avec tout ça, mais il l'évite avec un talent consommé.

— Non… le sortilège.

— Oh ! Ça ? Je rends juste service à un ami.

Harry attend.

— Tu as besoin de quelque chose ? demande Luna.

Elle penche la tête de côté comme si elle était en train d'écouter quelque chose que Harry ne dit pas.

— Il te pardonnera, tu sais, Harry. Il faut juste que tu lui donnes un peu de temps.

Harry se demande de qui elle parle – ce serait très agaçant si c'était de Malefoy, se dit-il, alors la loi de l'emmerdement maximal garantit que c'est exactement de lui qu'elle parle.

— Je cherche Malefoy, dit-il en essayant de ne pas être agacé quoi qu'il en soit.

— Oui, je sais, dit Luna en regardant autour d'elle comme si Malefoy se cachait peut-être dans un coin quelque part. Mais il n'est pas là, dit-elle au cas où la porte ouverte n'ait pas été assez enfoncée.

— Il me pardonnera ? répète Harry.

Son visage est soudain brûlant et ses nerfs crépitent d'indignation.

— Tu ne le veux pas ? demanda Luna avec gravité.

Harry déglutit avec peine et essaie de passer outre le nœud d'émotions qui semble constamment coincé dans sa gorge.

— Malefoy peut aller se faire foutre.

— Je suis sûre qu'il peut, répond Luna avec un parfait sérieux. Mais Harry, est-ce que c'est ce que tu veux ?

Et là – et encore une fois, comme c'est Luna, Harry n'arrive pas à dire si elle a d'un coup oublié pourquoi elle maintenait ce sortilège ou si elle essaie de lui enseigner une leçon obscure – elle arrête son sort de barrière.

Harry assimile le fait que le monde sorcier au complet semble s'être réuni dans ce train, tous assis dans le couloir à attendre une chance de pouvoir le tripoter, et il bondit vers la porte du compartiment, en tirant Luna à sa suite et en claquant la porte dans un bruit sonore.

Zabini réagit avec une célérité et une perspicacité surprenante : il est sur ses pieds et fortifie le sort de verrouillage d'Harry – et opacifie le verre de la porte en même temps – presqu'avant que Harry ait fini de le lancer. Il jette un regard réprobateur à Luna.

— Ne me regarde pas ainsi, Blaise, dit-elle avec sérénité.

Et puis elle se tourne vers Harry :

— Ils veulent juste te dire bonjour, tu sais.

Elle s'assied à côté de Pansy.

— Ce sont juste des gens.

— Mais je n'en connais pas la plupart, dit Harry.

C'est vrai : il n'a reconnu presque personne dans la foule. Ça lui fait un drôle d'effet de se dire que les gens qu'il connaît le mieux à l'école sont ceux qui se trouvent dans ce compartiment avec lui.

— Tu ne les connais pas encore, dit Luna gaiment. N'est-ce pas merveilleux que tant de gens se soient inscrits à Poudlard parce qu'ils veulent te rencontrer, Harry ?

Et avant que Harry puisse répondre que non, ce n'est pas merveilleux du tout, elle lève sa baguette.

— Ce n'est pas bon de rester dans le noir, Harry. Ça favorise les ombres douées de conscience, dit-elle en faisant disparaître le volet.

À l'extérieur, défilent des collines ponctuées de moutons. Des nuages gris sombres filent sur un ciel encore plus sombre. Et une sorcière sur un balai dans une robe imperméable, le visage rougi par l'effort que cela lui demande de suivre le train, essaie de prendre des photos d'eux d'une main tandis qu'elle s'agrippe désespérément à son balai de l'autre.

Et comme la journée semble bien partie pour atteindre des records d'horreur alors qu'il n'est même pas encore midi, Blaise Zabini qui devrait bientôt décrocher le titre de « personne au monde la plus détestée par Harry » dit d'une voix légère :

— Bon, autant lui donner quelque chose à se mettre sous la dent, hein, Harry ?

Et il se tord sur son siège pour l'embrasser en plein sur la bouche.