Harry lui répéta mot pour mot ce qu'il venait d'entendre. Un long silence s'ensuivit, les deux sorciers avaient le regard ailleurs, perdus dans leurs pensées respectives. Harry vit les mains de Sirius trembler tandis qu'il reprenait la boule et la remettait en place.

- Voldemort va revenir ?

- Pas celui que tu as connu.

- Comment ça ?

- Il a toujours eu une peur irrationnelle de la mort, bien plus forte que celle de la plupart des gens. Il a utilisé une méthode particulièrement malsaine pour tenter d'atteindre l'immortalité et il s'est perdu en chemin.

- Tu es en train de me dire que c'est pour ça qu'il est devenu mauvais ?

- Et stupide oui.

- Pourtant son souvenir dans le journal était déjà détestable.

- Un journal ? Tu as bien dit un journal ?!

- Heu oui, avec le souvenir de Voldemort dedans. L'année dernière il a ouvert la chambre des secrets en possédant Ginevra Weasley et a ordonné au basilic de pétrifier des élèves. Tu n'étais pas au courant ?

- Ce que tu dis est impossible.

- Je ne mens pas, répliqua fermement le plus jeune.

Sirius fronça les sourcils.

- Montre-moi.

- Quoi ?

Sans répondre Sirius disparu derrière les étagères ouvragées recouvertes de mystérieux artéfacts et revint avec une fiole. Le regard d'Harry s'accrocha brièvement à une coupe et un diadème scintillant.

- Je peux récupérer ton souvenir. Concentre-toi et penses-y avec le plus de détails possible, je me chargerai du reste.

Harry accepta et fit ce qui lui avait été demandé. Sirius posa sa baguette contre la tempe de son neveu et pratiqua cette forme inhabituelle de légimancie. Une fois le souvenir terminé il emprisonna le filament translucide dans la fiole qu'il tenait de son autre main.

- L'autre Seigneur de la prophétie, c'est Dumbledore ?

- Il est très probable que ce soit lui, oui.

- Je ne comprends pas pourquoi tu lui préfères quelqu'un qui a tué mes parents.

- On a tout le temps d'en discuter. Sache que quoi que tu choisisses je serai de ton côté.

- Mais pourquoi ?

- Parce que je suis ton parrain, dit-il comme une évidence.

Harry n'avait jamais eu envie de pleurer autant de fois dans un si court laps de temps. L'étreinte qu'il reçut renforça la chaleur nouvelle qui surgissait en lui. Il avait une famille.

Cette journée était déjà éprouvante, pourtant il pouvait affirmer sans aucun doute que c'était bien la chose la plus terrible qu'il lui fut arrivé. Draco Malfoy se tenait devant lui, avec son habituel air supérieur, et lui tendait la main dans une parodie grotesque de leur première rencontre officielle.

- Potter, ma patience a des limites.

Il s'avança et lui serra la main gauchement. Le contact était doux. Il en était surpris, tous leurs précédents contacts avaient été si haineux qu'il s'attendait plutôt à être brûlé. Il finit sa journée allongé dans l'herbe à côté de son ennemi si prétentieux. Alors que le soleil leur offrait ses derniers rayons, il eut envie de rire. Il rit. Un rire désabusé, étonné par l'absurdité de la vie. Il ne remarqua pas le regard troublé du sang-pur.

Tout instant avait une fin, la nuit tombait, Draco (était-ce trop tôt pour l'appeler ainsi ?) amorça le mouvement de départ. Harry le suivit un peu plus lentement. Il laissa Draco marcher un peu devant pour prendre le temps de l'observer. Le blond paraissait changé. Était-il possible d'évoluer autant en quelques semaines ? Il semblait plus mature, moins agressif. Peut-être était-ce simplement parce qu'ils n'étaient plus ennemis.

- Je suis désolé, tu sais.

Harry sursauta.

- Quoi ?!

- Tu as bien entendu. Je suis désolé d'avoir si mal réagi à ton refus, je ne savais pas que tu en ignorais tant sur notre monde... Toute l'Angleterre croit que tu es un enfant pourri gâté après tout.

Harry s'arrêta brusquement de marcher.

- Ce n'est pas envers moi que je veux que tu t'excuses.

Le concerné s'arrêta lui aussi et lui fit face, perplexe.

- Envers qui alors ?

- Mes amis. Surtout Hermione, elle ne t'a jamais rien fait et tu n'as pas cessé de la traiter d'un nom odieux.

A la surprise d'Harry il accepta docilement et continua de l'escorter jusqu'à sa chambre. Il mit un instant de côté ses réflexions pour tenter d'enfin retenir le chemin. Le trajet était assez court mais la tension parut le rallonger.

- Si jamais tu as besoin de quoi que ce soit, tu peux appeler un de nos elfes, Dobby, et il apparaîtra.

Il regarda Harry avec un air perdu que ce dernier ne lui connaissait pas. L'image d'un mignon chaton blanc lui apparut brièvement et il rougit de gêne. Avec un simple "bonne nuit", le blond le laissa seul.

Il soupira et se rendit dans la salle de bain attenante, il avait bien besoin d'une douche. En en sortant il prit le temps de regarder son corps abîmé, et soudain, une euphorie inattendue l'envahit. Il était libre ! Il était libre, enfin ! Plus jamais il n'aurait à vivre avec eux ! Il éclata à nouveau de rire. Pas le rire malade de l'heure précédente non. Un rire joyeux, maladivement joyeux peut-être. Il repensa à Marge Durley. A ce tout ce qu'elle lui avait infligé et à comment il le lui avait rendu. La nausée avait disparue, restait seulement l'extase de la liberté et la satisfaction d'une vengeance accomplie. Et cette prophétie qui disait clairement qu'il pouvait devenir aussi puissant que Dumbledore ! Si tel était vrai, il n'aurait plus jamais à craindre quiconque. Le souvenir de l'existence, justement, de Dumbledore et de Voldemort le refroidit aussitôt.

Une fois calmé il choisit avec soin sa robe de nuit et retourna dans la chambre. Il repensa à cette conversation houleuse avec le serpentard et se dit que c'était bien trop facile. Certes Malfoy avait promis qu'il n'insulterait plus "la née de moldus" mais rien ne garantissait que le mépris derrière le mot disparaîtrait... Après tout le serpentard avait bel et bien sous-entendu que si Harry avait été mieux informé, il aurait accepté cette poignée de main en première année. Ce qui était indubitablement faux. Malfoy avait insulté son premier ami. Peu importait qu'il soit "traitre à son sang" Harry imaginait mal une version de lui cautionnant de tels propos à l'encontre d'un ami, même en étant (très hypothétiquement) raciste. Sa chouette huhula. Il sourit et caressa son doux plumage. Lucius l'a lui avait apportée ce midi et était reparti peu après. Un coup d'œil vers le secrétaire lui rappela Ron et Hermione. S'ils étaient au courant de son départ de chez ses moldus ils devaient être fous d'inquiétude. Il s'y assit et commença à rédiger ses lettres.