Rating : T
Genre : Général, Action, Fight
Note : Il n'y a aucun ordre chronologique dans ce recueil.
Fureur
Five est en compagnie des Hommes de la Happou Navy, occupée à vérifier l'équipement des troupes. Les guerriers de Ka sont rompus au combat, mais chaque affrontement suscite sa part de tension nerveuse. Ils n'ont peur ni des coups, ni du sang, mais estiment suffisamment leur vie pour ne pas souhaiter mourir. Ils se battront, pour l'honneur et pour leur Commandant. Ils se battront, parce que c'est ce qu'ils sont, et la fureur du combat chante déjà dans leurs veines, parce qu'ils croient en cette guerre. En leur victoire.
Mais les secondes glissent comme des lames de rasoirs, dans cet instant creux et vide qui précède l'affrontement. Alors ils parlent ensemble, plaisantent en riant fort, moyen d'évacuer la pression et l'attente de la bataille à venir, lorsque Five aperçoit la silhouette aristocrate de Trafalgar Law, regard gris et mine sombre, plantée près du feu de camp.
- Alors, c'est vrai.
Elle se redresse, devinant la provocation malgré le ton neutre.
La jeune femme ne l'a pas revu depuis qu'ils ont quitté Dressrosa, et les cendres d'un Empire né à North Blue. Elle a entendu parler de lui, bien sûr. Son alliance avec Mugiwara, et leurs victoires successives contre pas moins de deux Yonko, ont fait couler beaucoup d'encre. Cependant, elle n'a jamais vraiment pensé se retrouver face à lui un jour, ne sachant pas vraiment si elle attendait ou si elle redoutait ces retrouvailles. Elle est autant traître que lui aujourd'hui, et si Five ne regrette rien de ses choix, se confronter à une telle réalité lui fait quand même mal, quelque part.
- Qu'est-ce que tu fais ici ? demande-t-elle.
Elle ne sait pas quoi dire d'autre, et a la surprise de voir Law se raidir. Le regard légèrement fuyant, il explique être là pour Mugiwara. Pourtant leur alliance a été dissoute, c'était dans les gros titres de la semaine dernière, et Sai lui en a même parlé. Mais avant qu'elle ne puisse en apprendre plus, une longue et puissante note résonne à travers tout le camp militaire. Le cor de guerre.
Five échange un dernier regard avec Law. Étrangement le ressentiment et les doutes s'envolent, alors que l'un comme l'autre ont la certitude d'être à la bonne place.
C'est l'heure de la bataille.
.
Elle sent sa présence, avant même de le voir.
La bataille fait rage, elle a perdu Sai de vue mais Five reconnaît encore autour d'elle plusieurs hommes de la Happou Navy, ainsi que d'autres de leurs alliés. Une énergie furieuse anime son corps, la poudre brûle dans ses veines et les lames affleurent sous sa peau, alors qu'elle se fait tour à tour canon de revolver, sabre aiguisé, lance-flammes et hache tranchante. Sourire ardent aux lèvres, elle mord si fort sa cigarette que celle-ci manque de tomber en morceaux sous ses dents. Dans la fureur du combat, elle se sent plus vivante que jamais, parce qu'elle se bat aujourd'hui pour ses propres choix, et non pour ceux d'un autre.
Five n'est plus la marionnette de personne.
Pourtant, dès lors qu'elle devine sa présence, elle se fige au milieu des silhouettes enfiévrées par la bataille. Ses membres deviennent lourds, son cœur ralentit, comme sur le point de s'arrêter, et chaque goutte d'oxygène semble peser une tonne sur sa poitrine.
Autour d'elle, la fureur.
En son âme, le néant.
La cigarette s'échappe de ses lèvres et tombe lentement sur le sol comme un pétale fané.
Et tout à coup, il est là, devant elle. Les pans de son manteau claquent dans le vent, les enveloppant dans un nuage de plumes roses, coupés du monde.
Les combats font toujours rage, plus violents et frénétiques que jamais, mais Five en a à peine conscience. Elle voit, juste devant ses yeux, son torse imposant, laissé apparent par sa chemise entrouverte, mais n'ose relever le regard vers son visage. Elle reconnaît son odeur, de fleurs et de cendres, alors un frisson la traverse.
Parce qu'elle sait déjà ce qui va suivre.
- Baby 5, souffle-t-il.
Un murmure, au milieu de la cohue de guerre, qui résonne à ses oreilles comme un cor funeste.
Elle gémit sous ce pseudonyme qu'elle a renié, sous ce nom qu'elle n'a plus entendu depuis des semaines et qu'elle croyait avoir oublié. Pourtant, l'entendre de sa voix réveille les fantômes, pas si vieux que ça. Il lève lentement la main et vient enserrer sa nuque entre ses doigts puissants. Il la tire vers lui, dans une étreinte qui est une prison. Le visage pressé contre son torse, la jeune femme sent les larmes couler sur ses joues, et ruisseler sur les muscles de son ancien maître. Five ne sait pas si elle pleure de soulagement, ou de terreur.
- Tu m'a manquée, Baby 5.
Son cœur se vrille à ces mots, douloureux de sentir la toile du Marionnettiste se poser à nouveau sur elle, et en même temps heureux, tellement heureux, d'exister et d'avoir sa place dans le monde.
Sous ses yeux, et dans ses bras, elle est enfin utile, reconnue pour ses talents, apprécié à son égale valeur. Elle mourrait pour lui, car sinon à quoi bon mourir ? Elle n'a d'autres buts que d'être là pour lui, comme il est là pour elle. Il l'a sauvée, du monde et de la misère, alors elle peut bien lui offrir en échange sa vie comme sa mort, car elle lui appartient.
Et tant qu'elle lui appartient, elle n'est pas seule.
- Baby 5, j'ai besoin de toi.
Elle relève la tête à cette requête informulée. Doflamingo n'a pas changé, aussi grand qu'un Dieu, sourire dévoreur de monde aux lèvres ; les lunettes sanguines sur son visage lui donnent l'allure d'un prédateur, aussi dangereux que possessif. Baby 5 frissonne de la tête aux pieds, portée par une nécessité, une urgence souveraine dont elle ne peut se défaire, et dont elle ne songe pas un seul instant à se détourner.
- Que puis-je faire, Jeune Maître ?
Elle attend, fébrile, l'ordre qui lui permettra de briller et d'exister aux yeux de Joker. Elle souhaite tellement lui être utile, prouver sa place ; elle veut lui être importante, nécessaire, car c'est la seule chose qui lui permet d'être vivante.
Doflamingo se baisse vers elle, l'enveloppant de plumes roses, et lui ordonne :
- Tue Sai. Tue-le pour moi.
.
- Happou ! Avec moi !
Le Commandant brandit sa hallebarde en signe de ralliement, et se précipite vers l'ennemi, une foule de valeureux guerriers dans son sillage. Les cris de ses camarades résonnent autour de lui, et il abat son arme avec une ferveur conquérante. Il n'a jamais été aussi heureux de combattre. C'est bien la première fois qu'une Navy de Ka s'implique de façon aussi visible et ostentatoire auprès de pirates, mais Sai se fiche bien des commérages et des on-dits. Il suit des valeurs qui lui sont propres et ses hommes, pour la plupart, n'ont rien eu à y redire, lorsqu'il est rentré au Pays en annonçant avoir inféodé la Happou Navy à Mugiwara.
Un adversaire se rue soudain vers lui en brandissant une masse d'armes qu'il dévie d'un crochet ajusté de sa hallebarde avant de lui adresser un coup de pied imprégné de Haki, qui l'envoie valser à plusieurs mètres de là. Lorsqu'il se redresse, Sai est encerclé par trois hommes, qui le toisent de leur supériorité numérique.
Un rictus déforme les lèvres du Commandant.
Il feinte à gauche, et lorsque les trois se bousculent vers lui, Sai se faufile dans l'ouverture dévoilée, à droite. D'une souple glissade, il se retrouve dans le dos du plus grand qu'il tranche de sa hallebarde. Le sang n'a même pas fini de gicler qu'il abat la hampe de son arme sur le deuxième, profitant de son élan pour faucher les jambes du troisième. Il focalise son énergie avec une maîtrise née de la pratique, enveloppant son pied de Hassoken pour écraser son adversaire au sol. Le seul ennemi encore debout, se frottant douloureusement le crâne, le dévisage avec incertitude. Son hésitation signe sa défaite, alors que Sai l'envoie bouler à l'autre bout du champ de bataille.
Dans la foule hargneuse, il aperçoit la silhouette de Five et un soulagement retenu trop longtemps coule dans ses veines. Ils se sont perdus de vue dans la bataille, et il est heureux que sa femme soit saine et sauve.
Il esquisse un pas vers elle, mais se fige en la voyant ramasser une épée par terre et la jeter sur lui de toutes ses forces. Pourquoi n'utilise-t-elle pas son fruit du démon ? Éberlué, il n'évite la lame acérée que par un réflexe si profondément ancré en lui qu'il a tout juste conscience de son geste. Sai se demande encore pourquoi elle agit ainsi. Y-a-t-il un ennemi, dans son dos, prêt à le pourfendre ?
- Qu'est-ce qui se passe ?
- Va-t-en ! Enfuis-toi !
- Quoi ?
Il voit alors son visage ravagé de larmes, et la grimace de douleur qui déforme ses traits. Il n'a jamais vu autant de détresse dans son regard pétrole. Quelque chose de froid et d'horrible se saisit de lui.
Dans sa course, Five ramasse un poignard sur un cadavre encore chaud, puis bondit sur son époux, la lame dirigée droit vers sa poitrine. Il retient son poignet à la dernière seconde, et la pointe écorche ses côtes, juste à l'emplacement du cœur. Son souffle se suspend, non à l'idée de mourir, mais au désarroi qui habite son épouse.
- Qu'est-ce qui te prend, bordel ?
- Il me contrôle, sanglote Five. Doflamingo.
Le nom sort en syllabes écorchées entre ses lèvres tremblantes.
Un rugissement silencieux résonne dans la tête de Sai, et sa main sur le poignet de sa femme se crispe si fort que le poignard échappe à ses doigts et rebondit par terre. La rage, sournoise compagne qui veille dans son ombre depuis qu'il a appris à aimer Five, depuis qu'il a compris tout le mal qui suinte de l'ancien Corsaire ; la rage, souveraine et intransigeante, parasite son cœur, et déjà son regard parcourt la foule véhémente des combattants, à la recherche du pirate qu'il tuera de ses mains.
- Où est...
Il ne voit pas venir le coup de pied de Five, qui le cueille au creux des reins et le fait vaciller.
Sai lâche le poignet retenu et aussitôt la jeune femme lui assène un nouveau coup, avant de ramasser le poignard à ses pieds et de se ruer sur lui. Peinant à retrouver son équilibre, il évite de justesse alors que son épouse, en pleurs, le conjure de prendre la fuite. Mais il ne peut pas faire ça. Il ne peut pas la laisser derrière lui. Raffermissant ses appuis, il encaisse de plein fouet l'attaque et parvient à saisir les bras de Five, l'immobilisant.
- Où est-il ? grogne-t-il avec fureur.
Le visage de la jeune femme se décompose alors qu'elle comprend de qui il parle.
- Non ! Il te tuera !
- Pas si je le tue avant, rétorque-t-il mais elle ne l'écoute pas.
- Tu dois fuir, Sai. Je t'en prie, va-t-en. Pars loin d'ici ! Sauve-toi !
- Et te laisser ici ? rugit-il. Entre ses griffes ? Jamais !
Five a un sursaut, dans ses sanglots, alors qu'elle prend mesure de ces paroles.
Elle s'est brisée de l'intérieur, devant l'ordre de Doflamingo. Le masque de Baby 5, bancal et instable, construit à la va-vite par quelques mots bien choisis, a volé en éclats et elle s'est dégagée des bras geôliers de son maître en hurlant que non, jamais, elle ne le ferait pas. Doflamingo ne s'est pas démonté pour autant, son sourire plus large que jamais :
- Oh, si. Tu vas le faire.
Et avant qu'elle n'ait pu deviner, comprendre, agir, faire quelque chose, n'importe quoi, même s'il n'y avait rien à faire... les fils parasites ont piqué ses mains, ses bras, ses jambes, tout son corps. Elle est à nouveau sa prisonnière, comme avant. Sauf que la conscience nouvelle de ses barreaux rend sa captivité plus insupportable que jamais. Elle a lutté, tout au long de sa course à travers le champ de bataille, et elle lutte encore, contre ses bras et ses jambes qui ne sont plus les siens, mais les fils de Doflamingo sont robustes.
Elle ne veut pas assister, impuissante, au drame de sa propre vie. Elle ne peut pas voir Sai mourir, elle ne peut pas voir son sang sur ses propres mains.
Doflamingo le sait bien, que cela la détruira de façon irrémédiable.
- Brise-moi les jambes ! hurle-t-elle, au désespoir.
Le Commandant de la Happou Navy, pourtant redoutable combattant, sursaute à ses mots et Five lui en veut presque de cette faiblesse, parce qu'elle sait bien que Doflamingo ne laissera pas passer une telle opportunité. Les fils dansent, et d'un puissant crochet aux jambes, elle met son époux à terre. Sa main armée vole vers son torse exposé et il la retient d'extrême justesse, avant de la plaquer au sol d'une torsion du poignet.
Five connaît cette clé de bras, ils l'ont répétée à plusieurs reprises lors des entraînements, mais Doflamingo ne réagit pas assez vite, et elle est soulagée de sentir le corps de Sai qui pèse sur son dos en la maintenant immobile, dans une prise impossible à défaire.
- Brise-moi les jambes, répète-t-elle, haletante.
La chute lui a coupé le souffle, et elle est de toute façon incapable de maîtriser les tremblements furieux de son corps, en proie à une panique désespérée qu'elle ne parvient pas à contenir.
- Je serais immobilisée. Doflamingo ne pourra plus se servir de moi.
Elle sent Sai hésiter dans son dos.
Mais ils n'ont pas le temps pour ça, ils n'ont pas le droit à l'erreur, pas alors qu'ils combattent Doflamingo. Elle sait mieux que personne combien il est redoutable. Les fils tirent sur sa peau, de plus en plus fort, et elle peut deviner la frustration de l'ancien Corsaire à la brûlure de ses points d'accroche. La traction s'accentue, et elle glapit de terreur, comprenant une seconde trop tard ce qu'il projette de faire, alors que son bras gauche est violemment tiré en arrière.
Le craquement, lorsque l'os se brise, résonne sous crâne.
La vague de douleur la submerge, et elle a à peine conscience du sursaut d'horreur de Sai, faille aussitôt exploitée par Doflamingo qui agite ses doigts et manœuvre son corps inerte pour reprendre le dessus sur le Commandant de la Happou Navy. Vacillante, assommée de douleur, elle voit entre ses paupières embuées Sai, tombé à terre, surplombé par son corps devenu marionnette. Sa main valide a retrouvé le poignard, sans qu'elle sache comment, et la lame meurtrière danse au dessus de la gorge offerte de son mari.
- Non, hoquette-elle.
Sai lui est plus précieux que sa propre vie. À ses côtés, elle a découvert que l'existence ne se justifie pas en échange de services. L'amour qu'il lui porte lui fait peur, parfois, par son absence de règles et de limites.
Il l'aime pour son individualité, pas pour ses talents, même s'il reconnaît ses capacités au combat. Il l'aime pour son caractère, pas pour la valeur de sa personne, même s'il estime ce qu'elle est. Serait-elle ignare, incapable, inutile, qu'il l'aimerait encore, sans faiblir.
Les paupières du jeune homme papillonnent devant la pointe du poignard.
- Non, grince-t-elle.
Même s'ils sont mariés, Sai refuse qu'elle lui appartienne. Tout comme il ne lui appartient pas. Ils se sont jurés fidélité, devant l'autel, mais leur loyauté ne bride pas leur liberté. Et Five sait qu'elle ne sera plus jamais seule. Car leur relation n'est pas bâtie sur une obligation, mais sur leur volonté partagée.
Un filet de sang coule sur la gorge vulnérable de Sai.
- NON ! jure-t-elle en serrant les dents.
Il l'a rendue plus vivante qu'elle ne l'a jamais été.
Elle ne peut pas être la main de sa mort, fut-elle dirigée par Doflamingo lui-même.
Alors elle tire en arrière, elle s'arc-boute contre les fils parasites, résiste à la pression qu'on veut lui imposer, met en jeu toutes les forces qu'il lui reste, et toutes celles qu'elle n'a pas. Sa volonté s'affûte, inébranlable, elle ne se laissera pas faire. Son bras gauche, fracturé, pend inerte contre son flanc, mais la douleur n'est rien en face du déchirement de son poignet valide. Ses doigts, raides sous les fils de Doflamingo, sont crispés sur le manche du poignard. Elle lutte si fort, ses muscles se contractent, ses articulations grincent, et elle a l'impression que sa peau se cisaille contre la pression des fils qu'elle refuse de suivre.
Five enfonce ses pieds dans le sol pour maintenir son appui, se plie toute entière en arrière, chaque fibre de son corps tendue à l'extrême. Focalisée sur son effort, elle n'a même pas conscience des fils qui se détachent, sur ses chevilles et ses épaules. L'emprise de Doflamingo se craquelle mais les menottes invisibles sur son poignet persistent et le poignard oscille dangereusement dans ses doigts qu'elle ne sent même plus. Toute sa rage, sa ferveur, explosent dans sa tête, et consolident sa volonté. Five est plus déterminée que jamais.
Elle hurle, sans avoir conscience de crier, tout son être focalisé sur ce seul et unique but : sauver Sai.
Même si elle doit s'arracher le bras. Même si elle doit se briser les membres.
La transe dans laquelle sa femme s'est plongée tétanise Sai. Il a pris un mauvais coup sur la tête en tombant et c'est vaseux, à travers un voile opaque, qu'il voit Five mettre sa volonté au défi de celle de Doflamingo.
Le hurlement de la jeune femme cependant, termine de le réveiller.
Déchiré de la voir se tuer à la tâche, il a l'envie subite de relever la tête, pour empaler sa gorge sur la lame tremblante du poignard, afin d'éviter une telle torture à son épouse. Mais il est incapable de le faire. Pas par crainte de mourir. Mais parce que Five ne se pardonnera jamais sa mort, même si elle n'est pas responsable. Alors il cherche à se défaire de l'étreinte, à briser ce tableau grotesque où leurs deux vies sont suspendues aux fils de Doflamingo ; mais l'emprise de Five, toute à son effort impossible, lui laisse peu de marge de manœuvre. Il ne peut pas se dégager sans risquer la pointe du poignard. Sai est coincé. Impuissant.
Du coin de l'œil, il aperçoit Boo, à quelques mètres de là, qui court vers eux en hurlant. L'espoir regonfle le cœur du Commandant. Son frère va les sauver. Il aura deviné, sans doute, les manipulations de Doflamingo, il saura quoi faire. Leur salut arrive, il suffit juste que...
Une bande hurlante de guerriers enragés tombe sur Boo. Son frère ne les pas vu venir, et même s'il est un combattant aguerri et redoutable, il est dépassé par le nombre. Il est fort cependant. Il saura se défaire de ses adversaires, Sai en a la certitude. Mais il sera trop tard. La pointe du poignard vient piquer le creux de sa gorge et un voile bleu tombe sur ses yeux. Un instant plus tard, il a le souffle coupé par un tonneau qui heurte violemment son torse. Un grognement de douleur lui échappe et lorsqu'il se redresse, le poignard a disparu.
Five aussi.
À bout de souffle, perdu, il cherche désespérément sa femme des yeux. A-t-elle été emportée par Doflamingo ? Et où est l'ancien corsaire, d'ailleurs ? Alors qu'il se remet péniblement debout, la silhouette élancée de Trafalgar Law le bouscule avec violence. Une insulte au bord des lèvres, Sai voit le pirate courir vers une colline où les combattants se sont tous immobilisés, les armes baissées, et le regard tourné vers le choc des titans : Don Quichotte Doflamingo affronte Sanji la Jambe Noire, dans une explosion de jambes, de flammes et de fils blancs.
Son cœur rugit, mais l'impulsion de se joindre au combat est retenue par l'absence de Five.
Sai bâillonne sa panique et observe le champ de bataille avec le regard froid du Commandant de Guerre. Les pièces se mettent alors en place, le voile bleu, le tonneau, Trafalgar Law... Il fait volte-face, et du premier coup d'œil trouve sa femme, affalée par terre à quelques mètres de là. Il court la rejoindre et, confusément, voit que Boo, s'étant défait de ses adversaires, est déjà avec elle. Sai tombe à genoux et ne peut s'empêcher de prendre sa femme dans ses bras, prenant toutefois soin de ne pas malmener ses bras blessés.
- Il faut l'évacuer ! s'exclame Boo. Elle ne peut pas se battre dans cet état.
- Je ne vais nulle part ! tranche Five avec fureur.
- Mais...
Un grondement explose dans les airs et fait trembler le sol.
À l'Est, les fils et les flammes font des ravages. À l'Ouest, des colonnes de Magma fumant se frottent à des plantes folles et sauvages, à des décharges de foudre, à des éclats de glace tout droit venus du Royaume des Morts, et à il ne sait quoi encore. Au Nord, des Météores pleuvent aux pieds d'un Démon à trois têtes et aux multiples sabres. À l'Ouest, des flots de Ténèbres affrontent un Monkey D. Luffy qui a doublé de volume et dont les bras allongés et couverts de Haki volent en tous sens.
Tout autour d'eux, les simples soldats, quelque soit leur camp, se replient et se regroupent, alors que les monstres s'affrontent dans un déluge de puissance.
Sai a conscience de sa valeur de guerrier. Il sait qu'il est fort.
Mais il sait aussi que ceux-là sont d'un autre niveau.
- J'crois pas qu'on puisse faire grand chose, marmonne-t-il, plus pour lui-même que pour les autres.
Il lève bien haut sa hallebarde.
- Happou ! On se replie !

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