Ce texte est une reprise du précédent à la façon d'une épopée médiévale, qui était ma contrainte pour le jeu "exercice de style" lancé pour les 10 ans du FoF.
Il y avait plusieurs moyens d'aborder l'épopée médiévale... Etant masochiste, j'ai essayé de coller au plus près aux caractéristiques connues de ce genre, à savoir, entre autres, les rimes. Donc voilà. A noter, certains vers n'ont pas la même longueur que les autres : c'est voulu - assumé en tout cas - puisque ça fait partie des caractéristiques possibles.
Extrait de l'ouvrage Cantilènes, gestes et contes : récits d'hier à la manière d'autrefois, par Charles Payro, 2077, chapitre 3.
Désirée aux doigts de fée
Oyez ! Approchez ! Ecoutez l'histoire
De Désirée, sorcière aux doigts de fée
Qui, née au Sénégal, d'une signare
Et d'un anglais fortuné,
Vit Paris, vécue moldue, et revint
En Angleterre trouver père, mari,
Un enfant même et de ses longs doigts fins,
Tissa dans le monde une toile amie.
Mais approchez ! L'histoire commence ainsi
Black, commerçant, voyageait par le monde
Et gagna l'opulente Saint-Louis
Ville féconde.
Marié à la dévouée Cedrella,
Il épousa Louise de Saint-Jean,
Pour un moment, tel est le postulat
Dans ces contrées lointaines. Eut un enfant,
Désirée Black, comme elle fut nommée.
Il repartit, retrouva Cedrella,
Et les quatre enfants qu'il avait déjà
Sans Désirée.
Louise confia l'enfant à sa mère,
Qui l'éduqua aux arts, à la musique,
A l'écriture et aux mathématiques :
Les Signares sont de bonnes gestionnaires,
Qui vendent à tout le monde, avec profit,
Ce que chacun recherche, or, bois, argent,
Métaux précieux, informations aussi,
Et même des amants.
Désirée aux doigts de fée, dix-huit ans,
Rêvait d'aventures et de liberté.
Un capitaine, de ses yeux ardents,
S'éprit d'elle et l'épousa, enfiévré.
Elle quitta Saint-Louis, découvrit Paris,
Ses allées, ses soirées, ces opéras,
Et se lassa des cris de son mari,
Qui, jaloux, l'exaspéra.
Méry la courtisane l'adouba,
Fit salon, l'introduisit, la montra.
Tout Paris, bientôt, se précipita,
Au salon de la Dame à l'acacia.
Désirée aux doigts de fée eut trente ans,
Et ne comptait plus guère ses amants.
Le plus célèbre d'entre eux, cependant,
Etait William Churchill, un Anglican.
Ensemble ils se montraient dans tout Paris,
Au salon de Méry la courtisane,
A l'opéra, aux bois de Chantilly,
Et jusqu'aux vallées de Toscane.
L'amant était marié, son épouse,
Solitaire, mourut en donnant vie.
De semaines, Churchill ne prit que douze,
Pour marquer un deuil mâtiné d'ennui.
A la treizième, libre de ses choix,
Il dit à Désirée aux doigts de fée
« Je t'en supplie, sublime, épouse-moi ».
Elle accepta, laissant Paris bluffé,
Et, avec son nouveau mari, enfin,
Découvrit l'Angleterre de son père.
Les Anglais se montrèrent peu enclin
A la considérer comme une paire.
Londres n'aimait guère les courtisanes
Que Paris chérissait tant. Les talents
De Désirée, ses mots toujours idoines,
S'épuisaient sur le mur indifférent
De ces Anglais froids, hautains, et distants.
L'épouse était d'une haute lignée,
Ses parents rancuniers, tenaces, patients.
Churchill, mourant, la laissa isolée.
Elle décida de retrouver son père
De réclamer sa place légitime
Dans la famille Black, célébrissime,
Et de faire prospérer ses affaires
Grâce à ses nombreuses amitiés
Qu'elle soignait par lettres régulières
Composées de ses doigts de fée.
Eblouis, cette femme singulière
Brisant leurs condescendants préjugés,
Les sorciers se pressèrent et l'invitèrent
A leurs fêtes privées, les plus fermées,
Et les Black s'inclinèrent.
La dévouée Cedrella en mourut :
Le fruit de son infidèle mari
Conviée aux fêtes du Soleil, voulue,
De ses talents charmant tous ses amis !
Désirée aux doigts de fée rencontra
Desmond Shacklebolt, garçon prometteur,
Rieur, cultivé, fils d'ambassadeur,
Chez Aligre qui les maria.
Shacklebolt est un nom sorcier illustre,
Qui remonte à la nuit des temps : romains
Peut-être, quelques celtes, des rustres
De Liverpool, c'est certain.
Aux origines de Poudlard leur nom
Est indiqué, preuve d'ancienneté.
Plusieurs des leurs méritent mention :
Malachy au courage incontesté
Qui combattit des gobelins cruels
Aliva, fine plume, journaliste,
Fonda la Gazette, travail essentiel,
Mano enfin, discret, fin analyste,
Ambassadeur et père de Desmond.
Tels sont les Shacklebolt, que Désirée
Epousa – sans le savoir en amont –
Ou sans le révéler.
Désirée aux doigts de fée, quarante ans,
Mère de Stephen, un bambin plaisant,
Fit salon, tissa sa toile, écrivit
A ses amis de par le monde ainsi
Son réseau s'étendit, servant son père.
Black affermit son poids commercial
Sur ses deux filles, une improbable paire,
Elladora, attentive, glaciale,
Et la sociable Désirée le miel.
De sa femme, Desmond était très fier,
Elle fortifiait, soutien providentiel,
Ses ambitions, son pouvoir, sa carrière.
Son salon attirait tout un chacun,
Esprits brillants, politiques, intrigants.
Elle saisit le moment opportun,
Un Siège de pouvoir se libérant.
Elle flatta, sourit, rendit services,
Maria même un jeune irrésolu,
Tous en tirèrent tant de bénéfices,
Qu'au Siège son beau-père fut élu.
Désirée aux doigts de fée, soixante ans,
Et Desmond siégeant au Magenmagot,
Formaient un couple heureux et recevant
Leurs amis et des lettres du Togo,
D'Amérique et de tout le Proche-Orient.
Elle écrivait, Désirée l'inlassable,
De Paris à la Nouvelle-Orléans
Son nom se murmurait, inévitable,
Pour sceller une affaire, un mariage,
Dénouer un problème ou une intrigue,
Ouvrir un avenir ou un passage,
Pour quelque fils prodigue.
Désirée aux doigts de fée, centenaire,
Dans son lit s'éteignit doucement.
Son fils, ses amis, bref : tous la pleurèrent,
Il y eut foule à son enterrement.
En ce temps, au Magenmagot, son fils
Préparait le sien à l'avenir,
Ainsi, élu, il le serait d'office :
Pour Shacklebolt, le meilleur était à venir.
Kinglsey, qui ne connut point son ancêtre,
Apprit tout d'elle et lui rendit hommage,
Lorsque du Ministère il fut le maître,
Après quelques années d'un sombre orage.
Elu ministre, sage et avisé,
Il dirigea la société sorcière
Pendant vingt années, sous le regard fier,
De Désirée aux doigts de fée.
Voilà ! J'espère que ça vous a plu ! J'aurais sans doute pu faire un peu mieux avec un peu plus de temps, retravailler les récurrences, égaliser les différentes parties... Mais c'est déjà pas mal.
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