On avait appelé une ambulance. Le trafique avait été interrompu par des passants en attendant que les secours arrivent. Des gens se pressèrent avec effroi autour du jeune homme blessé et inconscient, mais par mesure de sécurité, personne n'osa le toucher. Les ambulanciers qui déboulèrent en quelques minutes l'installèrent dans une civière puis dans leur véhicule, et tandis que l'un d'entre eux évaluait l'étendue des dégâts, un autre posait un masque à oxygène sur sa bouche et un troisième tentait de trouver quelqu'un à joindre pour le prévenir de l'accident. Mais dans les poches de Naoya, il ne trouva ni téléphone portable ni portefeuille, et tout ce qu'il put dénicher fut la clé de la chambre d'hôtel. Le nom de l'établissement était gravé à la verticale, et l'ambulancier donna des directives pour que l'on téléphone à l'hôtel en question. Le secouriste chargé des appels aux proches des victimes réussit à joindre la réceptionniste, qui les informa, grâce à la recherche qu'elle effectua dans le registre des clients après avoir obtenu le numéro de chambre, que le blessé avait un frère du nom de Naoto Kirihara. Elle appela la chambre avec le téléphone de la réception à deux reprises mais n'obtint aucune réponse. Elle ne possédait pas les coordonnées de Naoto mais assura qu'elle le préviendrait de l'état de son frère sitôt qu'elle le verrait rentrer à l'hôtel. Une fois ces mesures prises, les secouristes puis le personnel médical de l'hôpital concentrèrent tout leurs efforts sur leur jeune patient admis en urgence. L'état de Naoya était plutôt critique, nombreuses fractures notamment aux côtes et au bassin, mais la colonne vertébrale et le crâne avaient été épargnés. Heureusement que la voiture qui l'avait percuté n'était pas lancée à pleine vitesse...
Une fois qu'ils eurent fini de le soigner, une infirmière l'installa dans une chambre vide et repartit. Dès lors, il ne resta plus qu'à attendre que le patient se réveille.
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Une voix persistante vrillait ses oreilles. Il se sentait bien, dans cette bulle confortable et tiède qui tenait toutes ses douleurs à distance, mais la voix ne cessait de répéter son prénom, encore et encore. Il aurait pu l'ignorer. Mais il y avait tant de détresse, tant de culpabilité, dans cette voix, qu'il n'eut pas le coeur à le faire. Il se força à regagner la lumière. Et il ouvrit les yeux.
"Naoya ! Naoya..."
Il se sentait lourd. C'était comme s'il s'enfonçait dans le matelas sous lui, mais dans le même temps, il ne sentait presque pas son corps. L'air était vif dans ses poumons. La lumière était éblouissante dans ses orbites. Le lit était dense sous lui. Il se sentait bizarre, mais ça allait. Alors que la réalité se précisait autour de lui, il se sentit moins perdu. Une longue silhouette noire, à la périphérie de son champ de vision, attira son regard. Il tourna pesamment la tête et ses yeux se fixèrent sur le visage angoissé aux prunelles noires devant lesquelles tombaient des mèches sombres.
"Naoya ! cria pratiquement son frère lorsque leurs regards se rencontrèrent. Naoya, est-ce que ça va ? Comment tu te sens ? Tu as mal quelque part ?
-Grand frère..., marmonna Naoya d'une voix pâteuse."
Il déglutit pour tenter d'affermir sa voix. Il vit Naoto esquisser un geste pour lui prendre la main, puis se raviser et retomber pesamment sur sa chaise. Mais Naoya avait désespérément besoin de contact humain. Du contact de son grand frère. Il bougea alors sa main sur le côté et décolla un peu les doigts du matelas pour encourager son frère à poursuivre le geste qu'il avait interrompu.
"Grand frère, murmura-t-il, tu veux bien... hum... tu veux bien me tenir la main ?
-Naoya..."
Naoto lui adressa un regard bouleversé avant de se pencher légèrement en avant et de prendre doucement la main de son petit frère dans la sienne. Naoya y blottit sa main plus petite et les souvenirs le submergèrent.
Le temps qu'il avait passé avec Kanako et qui avait sûrement été délicieux ne figurait pas dans la mémoire de son frère à cet instant. Il était bouleversé, et Naoya se retrouva directement propulsé au moment où il avait franchi les portes automatiques de la réception de l'hôtel, sa petite amie sur les talons. Elle avait décidé de le raccompagner et de passer dire bonjour à Naoya, qu'elle n'avait pas vu depuis longtemps. La réceptionniste guettait attentivement le retour de l'homme aux cheveux noirs, et dès qu'elle le vit franchir le seuil, elle se leva de sa chaise et contourna le comptoir à pas pressés, ses talons cliquetant sur le carrelage.
"Monsieur Kirihara ? l'appela-t-elle en l'interceptant au pied des escaliers.
-Oui, répondit laconiquement l'intéressé. Qu'y-a-t-il ?
-Je... Nous avons reçu un appel téléphonique du centre hospitalier qui se trouve dans le quartier est de la ville, l'informa-t-elle en tripotant nerveusement les boutons de son chemisier. C'était... à propos de votre frère. Il... Il a été renversé par une voiture dans le centre-ville..."
La brusque montée d'émotion qui submergea Naoto fut presque trop forte pour Naoya. Le coeur de son grand frère s'accéléra et se mit à cogner dans ses oreilles, le sang sembla se retirer de ses veines, son corps devint à la froid glacé et brûlant.
"Naoya ?! Renversé par une voiture ? Où est-il ? Comment va-t-il ? Comment se fait-il que personne n'ait pu empêcher ça ?! s'écria le grand frère, en proie à une panique qui le faisait trembler de tout son corps."
Presque sans s'en apercevoir, il avait agrippé la réceptionniste par les épaules et la secouait violemment pour obtenir immédiatement des réponses à ses questions.
"Naoto ! lui cria Kanako en passant ses bras autour de lui pour l'éloigner de la pauvre femme effrayée. Calme-toi, Naoto !"
Elle réussit à lui faire lâcher prise, mais ses mains apaisantes ne parvinrent pas à stopper ses tremblements, ni l'angoisse qui rugissait dans ses veines. Voyant que son petit ami peinait à garder le contrôle de lui-même, elle se tourna vers la réceptionniste et lui demanda d'une voix directe et efficace :
"Où se trouve Naoya ? Dans quel hôpital ? Pouvez-vous nous le dire ?
-Oui, bien sûr, balbutia leur interlocutrice. J'ai noté l'adresse sur un papier."
Kanako prit les choses en main. Elle s'empara des notes de la réceptionniste, la remercia chaleureusement et entraina Naoto, qui tremblait toujours violemment, sur le parking où était garée sa voiture. Il sortit ses clés et tenta de les glisser dans la serrure, mais son horreur était telle qu'il ne parvenait même plus à contrôler ses mouvements.
"Laisse-moi faire, ordonna Kanako en ouvrant elle-même la portière et en prenant place derrière le volant. Dans ton état, tu n'arriveras jamais à nous conduire à l'hôpital. Je vais nous y emmener, chéri.
-Kanako..."
Naoto ressentit vaguement de la reconnaissance, mais son âme toute entière était tournée vers son frère et il ne parvenait pas à se concentrer sur quoi que ce soit d'autre. Il monta du côté passager et laissa sa petite amie les conduire jusqu'à l'hôpital où se trouvait Naoya. Pendant le trajet, l'angoisse lui tordait le ventre, provoquant presque de violentes nausées. Il se sentait glacé et brûlant et ne parvenait pas à calmer les secousses de son corps. Mais surtout, une culpabilité écrasante lui rongeait le coeur, le transperçait, le déchirait, comme des milliers de couteaux, lui criant, encore et encore, que tout ça était de sa faute, entièrement sa faute, que s'il avait été aux côtés de Naoya, rien de tout cela ne serait arrivé, qu'il était un grand frère pitoyable, indigne, méprisable, qu'il avait échoué et qu'il ne méritait pas d'avoir un frère comme Naoya. Celui-ci aurait voulu lui dire que ce n'était pas vrai, que c'était pas de sa faute, qu'il ne pouvait pas le protéger de tout, tout le temps... Le désespoir de son frère lui faisait si mal.
Kanako jeta à intervalles réguliers des coups d'oeil anxieux vers son petit ami, mais celui-ci, la tête tournée vers la fenêtre, ne prêtait pas la moindre attention à elle. Enfin, lorsqu'ils arrivèrent à l'hôpital, Naoto se jeta pratiquement hors de la voiture, puis courut vers l'entrée de l'établissement, son manteau noir claquant derrière lui. Il fallut à Kanako plus de temps pour le rejoindre, en partie à cause de ses talons qui n'étaient pas très pratiques pour la course. Elle le trouva à l'accueil, les mains agrippées au comptoir, pressant la réceptionniste, d'une voix paniquée, de lui indiquer la chambre de Naoya Kirihara. Aussitôt que la femme lui ait eu remis cette information, il fonça vers l'ascenseur et Kanako eut toutes les peines du monde à le rattraper avant que les portes ne se referment. Dans la cabine métallique, Naoto ne cessa de tapoter fébrilement son bras gauche avec les doigts de sa main droite, totalement hermétique à tout ce qui l'entourait, sa petite amie la première. Dès que les portes se rouvrirent, il ne perdit pas de temps pour se jeter hors de l'habitacle et courut vers la chambre de son frère. Kanako le suivit mais s'arrêta sur le seuil, sans doute pour leur laisser un peu d'intimité.
L'état de son frère brisa une nouvelle fois le coeur de Naoto. Naoya avait l'air si fragile et si vulnérable, couché là dans cette pièce blanche, ses cheveux châtains étalés sur l'oreiller, les yeux clos. Le grand frère s'approcha d'un pas tremblant, tout à coup vidé de ses forces. Il tira une chaise près du lit, et, le souffle court, se pencha vers Naoya pour l'appeler, d'une voix d'abord si faible et si étranglée qu'elle ne fut qu'un murmure. Puis Naoto réitéra son appel, plus fort et plus pressant, et Naoya ouvrit les yeux.
En revenant à la réalité, il crut pendant un instant que son frère pleurait. Ses yeux noirs étaient brillants et une ou deux larmes semblaient perler à ses cils.
"Grand frère, murmura-t-il tristement, tout va bien.
-Non, tout ne va pas bien, Naoya, gémit Naoto d'une voix étranglée. Tu... Tu aurais pu mourir quand cette voiture t'a renversé et... et tout ça c'est de ma faute, parce que je n'ai pas pu...
-Grand frère..."
La culpabilité qui broyait le coeur de son frère était toujours aussi vive, Naoya le sentait distinctement. Il serra doucement les doigts de son frère dans les siens en un geste de réconfort et assura :
"Grand frère... rien de tout cela n'est de ta faute. Se faire renverser par une voiture est quelque chose qui arrive tous les jours. Personne n'est à l'abri de ce genre d'accident.
-Mais, Naoya...
-Je sais, le coupa le jeune homme d'une voix ferme. Tu veux me protéger. Mais, grand frère, tu ne pourras pas me garder en sécurité tout le temps. Parfois, je serai blessé et ça ne sera pas de ta faute. Ce sont simplement des choses qui arrivent à tout le monde.
-Naoya, je...
-Grand frère, murmura Naoya d'un ton plus doux, ça ne fera pas de toi un mauvais frère pour autant. Au contraire, tu es le meilleur frère que j'aurais pu rêver d'avoir. Tu as toujours été à mes côtés, pendant toutes ces années. Et je sais... que tu feras n'importe quoi pour me protéger. Alors, grand frère... ne te blâme pas pour cet accident, s'il te plaît. Ce n'est pas de ta faute.
-Naoya..."
La voix de Naoto s'étrangla et il déglutit péniblement. Un gémissement lui échappa et sa tête s'affaissa vers l'avant tandis que des sanglots secouaient ses épaules. Il ne versa pas la moindre larme, mais ses plaintes déchirantes en disaient assez long sur sa douleur. Sa douleur de grand frère.
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"Naoya ?
-Oui, grand frère ?
-Comment est-ce arrivé ?
-Eh bien... je traversais la route et je me suis senti tout bizarre... Tu sais, comme quand je disparaissais à force de trop utiliser mon pouvoir...
-... Naoya... tu as affirmé la dernière fois que tu ne te volatiliserai pas comme Shouko parce que tu voulais rester dans ce monde... Cela veut-il dire que, cette fois, tu avais envie de... de disparaître ?
-Non ! Grand frère ! Je ne souhaiterai jamais ça ! Je veux rester à tes côtés, grand frère.
-Alors pourquoi... ?
-Je suppose... que je me sentais juste abominablement seul. Mes pouvoirs... semblent prendre le dessus sur moi quand je passe trop de temps isolé...
-... c'est comme dans le rêve que j'ai fait, n'est-ce pas ? Celui où j'étais marié avec Kanako... Naoya... ce rêve va se réaliser si je reste avec elle, n'est-ce pas ?
-Je... je ne peux rien affirmer, grand frère. Mais je pense que... oui, il y a des risques que ça se produise.
-... je vois.
-Grand frère ?
-Ne t'inquiète pas, Naoya. Je ferai en sorte que ça n'arrive pas.
-...grand frère..."
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Rendu comateux par les médicaments, Naoya n'avait pas tardé à s'endormir. Naoto le laissa seul un instant et prit garde à fermer doucement la porte derrière lui en sortant pour ne pas le réveiller. Kanako était assise sur une chaise en plastique dans le couloir, la mine tourmentée et les yeux rivés sur le sol. Elle releva la tête en entendant Naoto s'approcher.
"Naoto ! s'exclama-t-elle en se levant d'un bond. Comment va-t-il ?
-Il a quelques côtes cassées et le bassin fracturé, mais il s'en remettra, répondit doucement son petit ami.
-Dieu merci ! se récria Kanako, soulagée. Chéri ? Pourquoi fais-tu cette tête ? s'inquiéta-t-elle ensuite en voyant Naoto détourner le regard."
L'homme aux cheveux noirs prit une profonde inspiration puis leva de nouveau la tête vers elle.
"Ecoute, commença-t-il doucement, je crois... qu'il vaudrait mieux que nous nous séparions."
Kanako se figea et ses yeux s'arrondirent d'incrédulité. Elle ouvrit la bouche mais aucun son n'en sortit.
"Na... Naoto, finit-elle par balbutier, pourquoi... ? Ce n'est pas parce que ton frère a eu un accident que tu dois tourner le dos à ta vie !
-Kanako, ce n'est pas ça, la contredit-il patiemment. Tu te souviens du rêve que nous avons fait le jour de notre première rencontre ?
-Celui où nous étions mariés ?
-Oui. Tu te rappelles... que mon frère n'était pas là, n'est-ce pas ? Que pour vivre une vie de couple normale, je l'avais apparemment abandonné.
-Oui... je m'en souviens, murmura la femme aux cheveux acajou d'une voix ténue, car elle commençait à voir où son petit ami voulait en venir."
Naoto prit une profonde inspiration. Ce n'était pas facile pour lui non plus. Après tout, il était amoureux de cette femme. Mais il y avait des choses bien plus importantes.
"Dans ce rêve, j'ai vu mon frère dans un état végétatif alarmant, comme si son esprit avait disparu. Ou était mort. Et tout porte à croire... que cela va bel et bien arriver si nous continuons à nous voir.
-Je ne vois pas le rapport entre les troubles psychiques de ton frère et notre vie de couple ! s'écria Kanako, exaspérée.
-Naoya a besoin de moi pour le maintenir dans la réalité, répondit Naoto en durcissant le ton. Sans ma présence, ses pouvoirs psychiques le tirent vers une autre réalité, un autre monde auquel il ne pourra accéder qu'en devenant une pure conscience dénuée de corps. Et si jamais il atteint cet état, alors plus rien ne pourra le ramener."
Kanako cilla, chamboulée. Elle commençait à saisir le problème.
"Mais... même si nous vivons ensemble... rien ne t'oblige à le laisser de côté, tenta-t-elle de protester d'une voix faible. Tu pourrais... continuer à le voir."
Naoto secoua la tête.
"Naoya ne pourra jamais avoir une vie normale. Si je me résous à en vivre une, je risque d'être accaparé par des obligations qui m'empêcheront d'être assez présent pour lui.
-Mais..."
Naoto posa ses mains sur les épaules de sa petite amie et plongea son regard dans le sien. Il y lisait sa détresse, sa douleur et son désespoir, et il savait qu'ils faisaient écho aux siens. Mais il fallait qu'elle comprenne.
"Je ne peux pas faire ça à Naoya, dit-il avec force. Je lui ai promis que je serai toujours à ses côtés. Mais plus encore, c'est mon frère. Nous avons partagé et vécu plus de choses que tu ne pourras jamais imaginer. Il a toujours été là pour moi, il m'a soutenu et aimé toute notre vie, pour ce que je suis -malgré ce que je suis. Je ne peux pas vivre sans lui. Il a besoin de moi, mais j'ai aussi besoin de lui.
-Tu m'as moi, murmura Kanako, mais il était évident qu'elle ne croyait pas elle-même à ses paroles."
Elle avait vu quel grand frère gentil et attentionné Naoto était. Elle avait assisté à ses actions dévouées envers son frère, le soutien, l'écoute, le tendresse qu'il lui avait apportés, elle avait été témoin de la complémentarité des deux frères, qui semblaient agir presque en symbiose et ne paraissaient jamais plus à leur place que quand ils étaient ensemble. Naoya était le plus discret des deux, mais elle s'était rendu compte du soutien indéfectible, de l'amour et de la préoccupation sincères qu'il portait à son frère. Elle savait... sans vraiment le comprendre. Après tout, elle était fille unique.
Kanako ferma les yeux, vaincue par le chagrin. Elle avança d'un pas et se blottit contre l'homme dont elle était amoureuse et qui s'apprêtait à la quitter. Elle ne pleura pas -c'était une femme forte-, mais exhala un long soupir désespéré, résigné. Naoto la serra contre lui et lui embrassa doucement les cheveux. Ils demeurèrent étroitement enlacés pendant un long moment, qui aurait aussi bien pu durer des années. Puis ils se détachèrent. Kanako essuya une larme qui perlait à ses cils et s'écarta.
"Dans ce cas, murmura-t-elle d'une voix dont elle s'efforçait de contenir les tremblements, je suppose qu'il ne nous reste plus qu'à nous dire adieu.
-Oui, répondit Naoto avec contenance, mais le coeur lourd. Adieu, Kanako Kurahashi.
-Adieu... Naoto Kirihara, chuchota Kanako."
Elle se tourna lentement, puis fit quelques pas dans le couloir. Elle s'arrêta, sans doute en proie à un violent désir de retourner se jeter dans ses bras, mais le brida fermement et reprit sa marche. Naoto la suivit des yeux jusqu'à ce qu'elle disparaisse au détour du couloir.
/
"Grand frère ? Où est-ce que tu étais passé ? murmura Naoya d'une voix pâteuse.
-Ah... Je discutais dans le couloir avec Kanako, lui apprit l'interpelé en refermant la porte de la chambre derrière lui."
Naoya bougea un peu dans son lit d'hôpital et s'efforça de se concentrer sur le visage de son frère. Naoto reprit sa place sur la chaise en soupirant, les épaules basses et le regard triste.
"Grand frère ? s'inquiéta Naoya. Qu'y-a-t-il ? Il y a un problème avec Kanako ?
-Non... enfin oui. C'est juste..."
Naoto soupira de nouveau.
"Je viens de rompre avec elle, expliqua-t-il en détournant les yeux.
-Quoi ? Mais pourquoi ? s'exclama Naoya, stupéfait. Oh..., comprit-il la seconde d'après. A cause de ce qui m'est arrivé, n'est-ce pas ?
-Oui.
-Grand frère... Je suis désolé."
Naoto avait été tellement heureux avec la femme aux cheveux acajou. Et maintenant, voilà qu'il paraissait si triste. A cause de lui. Tout ça parce qu'il était incapable de se maintenir dans la réalité tout seul. La culpabilité et le dégoût de soi le submergèrent.
"Naoya, ce n'est pas de ta faute, affirma fermement Naoto, qui avait dû lire sa détresse au fond de ses yeux bruns. Tu n'y peux rien si tu es né avec ce pouvoir. Et je ne te laisserai pas te flageller pour ça.
-Mais quand même..., murmura tristement le jeune homme. Grand frère, je suis désolé que tu aies dû rompre avec Kanako. Est-ce que tu n'as pas... de regrets ?
-Non.
-Mais pourquoi ?
-Parce que, Naoya... Je pensais que tu le savais déjà. Tout simplement parce que rien ne sera jamais plus important que toi."