Bonjour à toi, petit lecteur qui ose t'aventurer dans mes quartiers. Je te souhaite la bienvenue, et t'offre une boîte de mouchoirs. Il n'est pas impossible que tu en ais besoin, si tu parviens jusqu'au bout de ce qui est, je le crains, l'état d'esprit d'un personnage qui ne m'appartient en rien, après avoir perdu un compagnon qui ne m'appartient pas non plus. En revanche, cette histoire m'appartient, et toutes protestations larmoyantes seront de mon entière responsabilité. Bonne lecture !
Facing the sorrow
Douleur
La peine. Cette douleur lancinante qui me vrille la poitrine. Ce poids sur mon cœur à l'idée de l'avoir blessée. A l'idée de l'avoir laissée derrière moi. D'avoir laissé l'Autre prendre soin d'elle à ma place. Sécher ses larmes à ma place. La prendre dans ses bras pour la consoler. Je donnerai tout pour pouvoir faire demi-tour, mais je sais que c'est impossible. Et que cela doit le rester. Je suis le garant de l'ordre et je me dois de le respecter. Mais même en sachant que j'agis pour le mieux, la douleur est tout de même présente. Ce n'est même pas de la colère, ça n'en est plus. Et la fureur qui m'habitait en vient presque à me manquer. Elle, au moins, m'était familière. Elle couvait en moi depuis tant d'années. Abandonné par mes pairs, oublié de ma mère, rejeté par mon propre peuple, elle fut longtemps ma seule compagne. Et si j'arrivais à m'en distraire, par mes voyages et mes rencontres, quand elle revenait me tourmenter, avec elle, je savais quoi faire. Je savais maîtriser ce démon qui me labourait le cœur et me déchirait l'âme. Et s'il venait à m'échapper, je savais le rattraper, réparer ce qui avait été détruit, soigner les blessés et guérir mes propres plaies. Je suis le Docteur après tout. C'est le nom que j'ai choisi de porter et je me devais de l'honorer. Mais cette peine, cette créature indomptable qui, de ses griffes, me détruit de l'intérieur... Je ne sais comment l'apprivoiser. La colère, c'était plus facile, je la connaissais. Mais les spasmes qui secouent mes membres, qui me font serrer la mâchoire à m'en faire mal, crisper les poings à m'enfoncer les ongles dans la chair tendre de mes paumes, et fermer les paupières en tentant en vain d'empêcher le liquide salé de venir parcourir mes joues, les brûlants plus sûrement que n'importe quel acide... Eux, et la souffrance qui les accompagne, je ne sais y faire face, je suis trop ignorant de ces sentiments d'un autre monde. D'une autre espèce. J'aurai besoin d'un être humain pour les affronter, les comprendre, y remédier... Non. Pas d'un humain. Mon humaine. Ma Rose Tyler. Celle qui n'est plus à mes côtés. Et je ne peux même pas espérer mourir pour faire taire cette souffrance. Assez humain pour la subir, mais trop peu pour m'en défaire. Chaque homme porte sa croix, alors il semble normal que la mienne soit à mon image. Ni vraiment douce, ni tout à fait cruelle, intense et intemporelle.
Un petit mot pour mes beaux yeux ?

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