Histoire : Une Touche de Couleur dans le Gris

Livre 1 : Nuancer le noir.

Date : 5 Mai 2020

Bêta : Elda

Fandom: D Gray Man

Avertissement : Non, je ne possède pas D Gray Man et je ne fais aucun profit avec cette histoire.

Résumé : Après s'être réveillée au XIXème siècle, Ennaël prend le nom d'Eve, devient la dame de compagnie de Tricia Kamelott et prend la décision de faire son propre avis sur les personag ... personnes de ce nouveau monde malgré sa connaissance du manga. Elle prend peu à peu conscience de la différence sociale des femmes à cette époque et commence à avoir peur pour l'avenir surtout quand débarquent petit à petit Road, les jumeaux, Allen, Tyki, Le comte, Lulubell et Skin Bolic.

En essayant de fuir le Comte, Eve rencontre Victor Hugo qui lui passe un tas d'informations sur la guerre sainte avant de mourir. Eve se découvre un étrange talent pour les instruments de musique et se demande avec horreur si elle ne serait pas le 14ème. Cela n'aide pas que le comte ait découvert ses talents et semble s'intéresser de plus en plus à elle.

Elle se dispute ensuite avec Tyki qui manque de la tuer avec ses pouvoirs Noah, commence une correspondance avec Conan Doyles et re-manque de mourir de la tuberculose. Et puis parce que jamais deux sans trois, elle re-re-manque encore de mourir en tombant dans un lac glacé après avoir fêté Noël avec les Noahs. Ouais, pas son année. Mais la prochaine sera meilleure !

Kof...

Et au dernier chapitre : Tyki se fait prendre au lit avec une jeune fille noble et est contraint à se marier avec elle…. sauf si il se mari à quelqu'un d'autre d'abord. Eve apprends alors qu'elle se serait fait adopter par le Comte quelques mois auparavant (et qu'elle était la seule non au courant) et est plus ou moins obligé de se marier avec Tyki. Ils arrivent à peu près à s'entendre sur le mariage mais Eve reste en colère contre à peu près tout les autres.


Wow, c'est pas souvent que je termine un chapitre à la dernière seconde ! Mais hey, devinez quoi ? 9k mots et même pas de mariage, wouhou X')
...je viens de niker mon planning, je me déteste...
J'espère au moins que vous apprécierez cet effort titanesque (le double de mots habituel,tout de même) pour y arriver malgré l'échec X)
Bonne lecture !


-Avril~Mai 1887 -

Après notre discussion et accord, Tyki et moi nous étions rendus en bas pour parler de notre décision avec le Comte. Évidemment, il était avec Sheryl et Tricia et si le Duc accepta la chose avec un hochement de la tête modeste, Sheryl se précipita aussitôt sur son frère pour l'embrasser à mort, gazouillant sur sa soudaine maturité et le bonheur marital. Sentant Tricia pratiquement prête à faire la même chose pour moi, j'abandonnais sans honte Tyki à son frère et me dépêchais d'effectuer une retraite stratégique pour éviter ma patronne… mon ancienne patronne ? Techniquement j'étais de plus haut rang qu'elle maintenant… Quel bordel.

Soupirant, je m'étais dirigée vers la bibliothèque et m'étais cachée à l'étage, adossée à une étagère, un livre sur les genoux et invisible du rez-de-chaussée. Même lorsque j'entendis Tricia entrer dans la bibliothèque et m'appeler je ne daignais pas descendre ou même répondre, les dents serrées et la mâchoire douloureuse. J'avais mal au coeur et il n'était pas difficile d'en connaître la cause pour une fois. Je voyais l'attitude de Tricia comme une trahison, largement pire que l'attitude de Road ou Sheryl, pourtant blessante. Malgré mes bonnes résolutions, j'avais toujours préparé mon coeur à un changement d'humeur néfaste des Noahs, mais Tricia… Tricia était l'humaine, celle avec qui j'avais passé le plus de temps ici, que j'avais accompagné tous les jours ou presque, avec qui j'avais parlé de tout et de rien et confié mes secrets et mes peurs. Sa réaction était comme un coup de poignard et j'avais soudainement l'impression qu'elle ne me connaissait pas du tout, en dépit des deux années passées ensemble.

"Eve ?" Appela tout à coup une voix d'en bas et je sursautais, sortant de mes pensées. C'était le Comte et me disant que j'avais fais la tête assez longtemps, je soupirais et me décidais à refaire surface. N'étant pas sûre si j'avais le droit d'être en haut ou non, je m'empressais de descendre l'escalier caché silencieusement pour débouler entre les rayons, tapant ma robe au passage, espérant en faire disparaître la poussière.

"Venez-vous manger ?" Demanda le Comte lorsque j'arrivais à son niveau. J'hésitais une seconde puis acquiesça, mon ventre précédemment noué se réveillant en remarquant qu'il n'avait rien avalé depuis le matin... voir la veille.

Le suivant, me préparant mentalement à affronter Tricia, je fus agréablement surprise lorsque je ne vis que Lulubelle à table et seulement trois couverts mis.

"Ah, ils sont repartis au manoir Kamelott il y a une heure, la route est longue et Sheryl avait besoin d'être au manoir pour un rendez-vous ce Lundi." Expliqua le Comte une fois assis lorsque je lui demandais où étaient les autres. Clignant des yeux, je réalisais tout à coup qu'ils m'avaient laissé seule ici. Dans un manoir inconnu. Avec le Comte Millénaire et la Noah de la luxure. Sentant un nouveau coup de poignard en plein coeur, je plissais les lèvres tristement. Heureusement, avant que je puisse balbutier une question sans doute mal formulée, le Comte vint à ma rescousse. "Nous nous sommes dit qu'il n'était pas très adéquat de vous faire vivre Tyki et vous sous le même toit maintenant que vous êtes fiancés. Et comme vous êtes ma fille…" Dit-il mais il avait l'air un peu gêné. "Je sais que toute la situation est un peu… étrange mais j'espère que vous aimerez votre séjour ici." Dit-il avec un tel sourire que malgré mes meilleurs sentiments de colères, je ne pus qu'acquiescer, les yeux flous.

Son charisme était beaucoup trop fort pour moi.

Voilà comment se termina ma première soirée au manoir Campbell. Un silence gênant entrecoupé de petite discussions courtes et embarrassantes. Et puis, enfin, une fuite au lit bien trop tôt, pour essayer de croire que les dernières vingt-quatre heures n'étaient qu'un mauvais rêve.


Malheureusement ça n'en était pas un et le lendemain je me réveillais dans ma nouvelle chambre étrange, dans un lit trop grand et une maid frappant doucement à ma porte pour m'aider à me préparer.

Refusant catégoriquement que la bonne m'habille, j'étais infiniment heureuse lorsqu'elle n'argumenta pas et me répondit avec des yeux vides et froids qu'elle allait m'attendre dans le couloir si j'avais besoin d'aide. Plissant les yeux à ce manque total d'émotion je me lavais et m'habillais en me disant que, oui, ce devait être un akuma.

Seule humaine dans un manoir rempli d'akumas, du Comte millénaire et du Noah de la luxure. Ça ressemblait à un mauvais début de blague…

Descendant une fois mes cheveux vaguement tressés, la femme de chambre m'emboîtant le pas sitôt sorti de ma chambre, je me dirigeais vers la grande salle à manger, ne sachant pas trop où aller autrement et trop mal à l'aise pour demander à ma nouvelle gardienne. Heureusement… ou malheureusement, Lulubelle sortie de sa chambre juste quand je passais devant et après des salutations maladroites, je la suivais en bas.

Contrairement au manoir Kaamelott où tout le monde mangeait le petit déjeuner séparément (sauf pour moi et les jumeaux lorsqu'ils étaient là) au manoir Campbell, cela semblait être un moment important de la journée. Le petit-déjeuner se déroula un peu comme la veille, avec Lulubelle ne répondant aux questions que par un mot ou deux mais de mon côté j'étais un peu moins dans les choux et la conversation avec le Comte était bien plus fluide. Un peu perplexe sur ce qu'il se passait maintenant, j'étais soulagée lorsque le Comte aborda le sujet en fin de repas. Évidemment, je savais que je me mariais… mais quand ? Où ? Qu'est ce que je devais faire ? J'aurais peut être pu préparer un mariage au XXIème siècle avec beaucoup de volonté et internet sous la main mais ici, j'avais bien peur de ne pas avoir la moindre idée d'où commencer. Heureusement pour moi, il semblait que Tricia avait décidé de s'en occuper pour que je puisse me concentrer sur toutes ces choses que les femmes bonnes à marier devraient connaître.

Trop gentil à elle.

Maudissant à nouveau Tyki de tous les noms, je me préparais mentalement pour un nouvel entraînement intensif de l'enfer et je ne fus pas déçue. Tous les matins étaient consacrés aux tâches mentales comme apprendre à gérer un budget pour une maison ou l'embauche d'employés et les après-midis consistaient à des exercices de survie en société. À priori, le premier stage de "comment être une bonne noble" que j'avais suivi en prévision du bal du neuvième anniversaire de Road n'avait fait qu'égratiner la surface de toutes ces choses qu'on devait ou ne devait surtout pas faire en bonne compagnie. Ce fût avec beaucoup d'auto-persuasion que je me retiens de traîner les pieds durant toute l'affaire. Déjà ce mariage ne m'enchantait pas le moins du monde, mais ça n'aidait pas de savoir que les trois quarts de ces choses que j'apprenais à la sueur de mon front… ne me serviraient à rien du tout.

Parce que oui, j'étais l'héritière du duché Campbell.

Mais encore une fois, j'étais l'héritière du duché Campbell.

La fille du Comte millénaire quoi. Et il ne s'appelait pas millénaire pour faire jolie. Déjà mon expérience de vie n'était pas extraordinaire en tant que femme d'un Noah mais alors en tant que fille du Comte millénaire… je serais morte avant lui. Ou en tout cas je ne vivrais sûrement pas longtemps après sa mort. Et si au grand jamais je me retrouvais seul maîtresse du duché Campbell, le Comte et autre Noah… partis, hé bien je ne resterais pas jouer à la noble, je vendrais tout, titre compris, pour m'installer dans un coin sympa et jouer la bourgeoise en hermite.

Malheureusement, je n'avais même pas le temps de rêvasser à ce destin glorieux car les tuteurs embauchés par le Comte me remettaient aussitôt sur le droit chemin à coup de règles. Mes seuls moments de détentes étaient, bizarrement, les trois repas et le thé que le Comte insistait que nous prenions en famille, c'est-à-dire, lui, Lulubelle et moi. Ma nouvelle grande soeur ne parlait pas plus qu'auparavant mais j'étais au moins soulagée de dire que nos conversations s'étaient bien détendues avec le Comte. J'en venais à souhaiter que les repas arrivent plus vite. En plus, même avec mon régime alimentaire drastiquement remanié par le chef de la maison, en temps que chef Français, ses plats étaient encore meilleurs qu'au manoir Kamelott. Je ne voulais pas trahir Berthe mais la cuisine française n'avait pas de comparaison. Et je disais ça à peine à cause de 30% de nostalgie et de patriotisme mal placé.

Heureusement, sitôt le dîner terminé, tout le temps restant était libre à utiliser comme je l'entendais ! Evidemment, ça se terminait plus souvent qu'autrement à la bibliothèque, plus particulièrement au second étage où j'avais replacé le livre de magie au cas où quelqu'un viendrait le chercher. Cela n'empêchait pas que je venais le consulter dès que je le pouvais et j'étais fière de dire que je n'avais pas cassé d'autre fenêtre depuis que j'étais arrivée au manoir même après avoir réussi à invoquer une boule de lumière.

C'était peut-être parce qu'il n'y en avait pas aux alentours.

Mais une victoire était une victoire ! Et il n'était vraiment pas nécessaire de compter le nombre de piles de livres que j'avais envoyé s'écraser au sol. Techniquement ils n'étaient pas détruits… juste un peu abimés.

Il m'arrivait cependant parfois de lire un des nombreux ouvrages de politique ou d'étiquette (j'étais largement à jour sur toute la littérature, à ma grande fierté.) qu'on me donnait comme travail dans le petit salon de l'aile familiale. Là, je lisais alors dans le calme, un fauteuil confortable sous les fesses et un feu craquant dans la cheminée, le Comte tricotant dans le canapé d'en face un chat noir ronronnant sur ses genoux ou jouant avec une pelote de laine.

Il n'était pas utile de préciser que Lulubelle n'était jamais présente lors de ces soirées.


Mon emploi du temps continua comme ça pendant quatre jours, entrainement la journée, repas en famille et magie le soir jusqu'au vendredi 1er avril 1887. Malgré les deux derniers 1er avril, il était encore difficile pour moi de faire comprendre à mon esprit que, non, je n'étais plus née en octobre et même si Tricia me l'avait ô si gentiment rappelé le dimanche dernier, ce fut encore avec un certain étonnement que j'accueillis mon anniversaire.

Hey, j'étais internationalement majeure !

...et ça ne changeait strictement rien.

Me traînant hors du lit avec un air sombre, je sursautais comme une folle lorsque je remarquais ma femme de chambre, attendant prêt de la porte, une pile de tissus dans les mains. Calmant mon coeur frénétique, essayant de ne pas me demander depuis combien de temps elle était là, je lui fis un signe avant de me diriger vers le lavabo. Un vrai lavabo, avec l'eau courante ! Si être fille de duc apportait bien quelque chose, c'était les commodités… oh comme les bon bains réguliers m'avaient manqué !

"Monsieur le Duc vous envoie une nouvelle robe qu'il espère vous voir porter ce matin." Dit la femme de chambre avec un ton plat et des yeux morts. Jetant un coup d'oeil par dessus mon épaule, l'eau perlant sur mes joues, j'ouvrais grand les yeux lorsque je voyais la boule de tissu agrémentée de dentelles et de broderies qu'elle tenait devant moi. C'était, il fallait l'avouer, assez impressionnant. Cela arrivait à paraître sophistiqué et élégant tout en ayant plus de volants et de broderies que je n'en avais vu même sur la meilleur robe de Tricia. Je n'osais même pas penser au prix et rien que regarder le tissu à fleur me donnait mal au ventre à la pensée d'y faire une tâche. Mais d'un autre côté… mon moi qui adorait les déguisements avait très envie de l'essayer.

Descendant au petit-déjeuner une fois correctement habillée et même coiffée à quatre épingle pour une fois, je me sentais hyper-consciente de moi et je n'avais qu'une envie : courir dans ma chambre enfiler une de mes robes insipides mais confortable. Malheureusement, comme si sentant mon envie de fuite, Mahulda (ma femme de ménage assignée…et oui, c'était à priori un vrai prénom et un à la mode pour l'époque, qui plus est.) me suivait de prêt et j'arrivais finalement à la salle à manger.

"Eve !" M'accuellit le Duc avec un sourire rayonnant qui me fit automatiquement lui répondre avec un des miens sans même m'en rendre compte. "Joyeux anniversaire !" Dit-il et je rougis légèrement devant ce trop plein d'attention positive.

M'installant à mon siège, je le remerciais maladroitement pour ses voeux et la robe. "Merci Monsieur le Duc, elle est vraiment magnifique."

"Et elle vous va très bien, je suis content de mon choix." Dit-il joyeusement avant de tout à coup prendre un air tout timide. "Au fait, Eve, je me disais, peut-être pourriez-vous considérer m'appeler autrement maintenant que vous êtes ma fille ?" Dit-il, son visage étrangement plein d'espoir.

Maintenant, c'était moi qui me sentait mal à l'aise. Je ne me voyais vraiment, vraiment pas l'appeler "Daddy" comme le faisait Road avec Sheryl ou même le plus sérieux "Père" qui était un peu moins gênant. Même si l'équivalent anglais de "Papa" n'avait pas les souvenirs de mon propre père attaché, c'était toujours très étrange d'appeler le Comte comme cela. Il avait raison cependant, je pouvais difficilement continuer à l'appeler "Monsieur le Duc" maintenant, c'était un peu ridicule... Mais... Adam était à peine mieux aussi. Quoi que, c'était comme cela que l'appelait Lulubell lorsque je pouvais l'entendre, n'est-ce pas ? Même si elle l'avait appelé "père" en public. Allez, c'était comme tout, ça prendrait un peu d'effort de s'y adapter, mais je devais au moins pouvoir l'appeler par son prénom.

Et c'est ce que je fis, mais le son "Adam" ne produit qu'un mince sourire et un air un peu déçu. Je ne pouvais vraiment pas me résoudre à sortir le mot qu'il voulait entendre, cependant, alors je faisais mine de ne rien remarquer et fixais mes yeux sur mon assiette en priant que ça passe.

Heureusement, il semblait lire dans mes pensées car il enchaîna aussi vite "J'y pense, il ne faudra pas essayer ça en portant cette nouvelle robe, mais j'ai pensé que cela pourrait vous faire plaisir." Dit-il avec un air mi-nerveux mi-excité. À ses mots, un serviteur déposa un gros coffre de bois enserré d'un noeud en tissu. Mal à l'aise, je lui dis qu'il m'avait déjà offert la robe mais il ignora mes mots d'un geste, me demandant de l'ouvrir. Tirant le ruban, je levais le couvercle pour découvrir un tas de matériel de peinture à l'huile flambant neuf. Les yeux grands ouverts et les doigts me démangeant de l'essayer tout de suite, je levais les yeux vers le Comte pour le remercier chaudement. "je suis heureux que cela vous plaise, j'espère que vous me permettrez d'ajouter à ma collection de peinture l'une des vôtres !" Dit-il et je balbutiais une réponse gênée alors même que Lulubell entrait dans la salle.

"Félicitation." Me dit simplement Lucie après avoir salué le Comte, en me tendant un petit carré de papier de soie soigneusement emballé avec un ruban rouge.

La remerciant à nouveau, surprise de recevoir quelque chose de sa part (et inquiète parce que je n'étais même pas sûre de sa date de naissance…?) j'attrapais curieusement le petit paquet et le dénouais pour découvrir un magnifique mouchoir en tissu brodé de tant de fleurs en différente teintes de violet que le tissu blanc d'origine n'était même plus discernable. "Il est magnifique, merci beaucoup Lu...Lucie." Je souris, ayant du mal à détacher les yeux des détails. Malgré ça, je ne manquais pas le sourir victorieux du Comte en direction de Lulubell ni ses mouvements nerveux en réponse.

"Lady Eve." Appela Mahulda à mon épaule, me faisant sursauter et je levais la tête pour la voir transporter un petit tas de cadeaux qu'elle déposa sur la table à côté de moi. Le comte m'assurant qu'ils étaient tous pour moi et me proposant très lourdement de les ouvrir ici même malgré mes réticences, je prenais le bouquet sur le haut de la pile, souriants aux jolies fleurs jaunes que je ne pouvais pas nommer et je défaisais le petit paquet de papier craft accroché. Dedans, une épaisse lettre d'Arthur m'y attendait ainsi qu'un gros paquets de feuilles qui me firent ouvrir grand les yeux. C'était le manuscrit du premier Sherlock Holmes ! Me retenant à grande peine de le lire ici et maintenant pour en déceler toutes les différences avec celui de mon monde, je posais tout cela à côté de mon assiette et prenait le prochain paquet. C'était un tout petit colis mais vu l'emballage extrêmement rose, je n'eus pas besoin d'un regard à la carte pour deviner qu'il venait de Road. Ouvrant la petite boite, j'en sortais un jolie flacon en verre coloré avec un espèce de liquide visqueux à l'intérieur.

Au même moment, le Comte cracha son thé dans son assiette et se mit à tousser violemment.

"Vous allez bien ?" Je demandais inquiète lorsqu'il continua à être parcourut d'une toux incontrôlable. Jetant un coup d'oeil à Lulubelle, je la vis fixer le flacon dans mes mains et je le reposais bien vite dans sa boite, hors de vue.

"Qui a envoyé le… cadeau ?" Demanda le Comte un peu rouge lorsqu'il se fut un peu calmé. Lui répondant que c'était Road, il ne fit que se servir une nouvelle tasse de thé avant de la boire aussi sec, comme si c'était un shot d'alcool.

Un peu perplexe sur ce qu'il venait de se passer, j'attrapais rapidement le prochain cadeau pour détourner l'attention et grimaçais lorsque je vis la boite en bois remplie de maquillage sans aucun doute haut-de-gamme. La refermant sèchement, je l'éloignais de moi sous le regard curieux du Comte et prenait aussitôt le prochain cadeau. Évidemment, si le précédent venait de Tricia, celui-ci était de Sheryl mais au lieu d'un livre sur les bonnes manières ou un bijou désagréable, ce n'était qu'une pile de papier qui ressemblait… à des certificats ?

"Ho, c'est parfait !" S'exclama le Comte en se penchant pour mieux voir les documents dans mes mains. "Décidément, Sheryl pense à tout ! Cela nous évite de devoir forcer des cours de catéchisme et les cérémonies allant de paire dans votre emploi du temps déjà serré." Dit-il et je baissais les yeux et scrutait les titres pour comprendre enfin que j'avais devant les yeux des documents prouvant ma première communion et confirmation. Un horrible mensonge que j'accueillis avec bonheur. Comment Sheryl était-il passé de me faire assassiner pour être trop proche de son frère à m'envoyer un cadeau qui n'avait d'autre but que mon propre confort, je n'en avais aucune idée mais je ne m'en plaignais pas. Ça aurait été tellement plus facile de me laisser souffrir dans des cours intensif de religion chaque jour plutôt que de faire cela pour moi… par contre, comment diable est-ce que le Comte avait pu penser une seule seconde que j'allais pouvoir étudier tout ça dans le mois suivant ?!

Posant les certificats de côté en me demandant comment j'allais bien pouvoir rendre la pareille à Sheryl autrement qu'en disparaissant de sa vie, je fus un peu déçue lorsque je ne vis rien de la part de Tyki. Des jumeaux non plus, c'est sûr, mais ce n'était pas le genre de choses auxquels ils pensaient donc je ne le prenais pas à coeur. Et venant à peine de changer d'adresse il y a moins d'une semaine, il n'était pas étonnant que je n'aies rien reçu d'Allen non plus. Mais Tyki par contre… Je pensais pourtant que nous nous étions mis d'accord avant son départ, qu'il n'y aurait rien entre nous qu'à part, peut-être, un peu de maladresse…


Voilà pourquoi lorsqu'il frappa à ma fenêtre ce soir-là, avec un sac de cuir en bandoulière, avant de se glisser dans ma chambre je ne pus que lui envoyer un sourir rayonnant… tout en cachant le plus discrètement possible mes notes de magie sous mon oreiller.

"Hey." Salua-t-il en posant son chapeau haut de forme sur l'appuie de fenêtre où je m'asseyais habituellement pour lire. "Joyeux anniversaire."

Je le remerciais chaudement, heureuse de le revoir après une semaine de seulement le Comte, Lulubelle et Mahulda mais me retiens très fort de lui faire un câlin malgré mon envie. N'ayant pas vu Road depuis une semaine non plus, je n'avais pas eu ma dose de câlin nécessaire et ça me manquait beaucoup dans ce nouvel environnement pas vraiment hostile mais pas très confortable non plus. Malheureusement, avec le climat actuel… c'était un peu étrange de toucher Tyki.

"J'ai l'impression de jouer à… comment s'appelle-il encore ? Le gars avec les cheminées dont tu nous avais parlé." Dit-il en se dirigeant vers mon lit pour s'asseoir avant de s'arrêter net et de plutôt tirer ma chaise de bureau pour s'asseoir en face de moi. À priori, je n'étais pas la seule à me sentir un peu mal à l'aise…

"Le Père Noël" Je souris, décidant d'ignorer son brusque changement de place si lui non plus ne voulait pas parler du problème.

"Oui c'est ça ! Tout le monde m'a donné des cadeaux pour toi, j'ai été obligé de venir jusqu'ici." Dit-il dramatiquement en fouillant dans le petit sac de cuir qu'il avait posé à ses pieds pour en sortir un plutôt gros paquet bien enroulé de papier kraft.

"Encore des cadeaux ?" Je murmurais agréablement surprise. À part Allen je ne voyais pas qui avait pu… oh ! C'était un paquet commun de mes amis servants chez les Kaamelott, m'apprit-il mais il n'aurait pas eu besoin de me le dire. Les confitures maisons et les gâteaux secs criaient Berthe et Louise et je voyais des conserves de champignons et une petite figurine de bois qui me faisaient juste penser à Guillaume et Jean.

"Ton frère ne t'a pas oublié non plus." Sourit-il en me tendant une enveloppe et je roulais des yeux. Je ne comprenais pas pourquoi cela l'amusait encore deux ans après mais si cela lui faisait plaisir... C'était une grosse lettre et vu les tampons postaux il n'était pas difficile de deviner que cela venait, en effet, d'Allen. L'intérieur contenant plusieurs feuillets soigneusement pliés ainsi que des petits sachets des tissus de poudre orangé et une rapide lecture de la lettre m'apprit qu'il m'envoyait du henné.

"Tu crois que je pourrais l'utiliser pour embêter Road ?" Je demandais avec une fascination morbide en me retenant d'ouvrir les petits sachets au-dessus des draps de soie. Je ne doutais pas que la mixture était volatile et très difficile à enlever.

"Si tu veux te faire torturer à mort, évidemment. Autrement, je m'abstiendrais à ta place… J'ai vu des femmes l'utiliser pour se faire des tatouage temporaire ou se teindre les cheveux cependant." Proposa-t-il à la place.

"Tricia deviendrait folle si je faisais ça." Je marmonnais avec un sourir mauvais avant de poser la lettre pour prendre le dernier cadeau. "De qui est-ce ?" Je demandais surprise en voyant la petite tarte aux pommes.

"De Eeze." Sourit Tyki et il avait l'air, je dois le dire, terriblement fier. "Hé bien, techniquement je l'ai acheté, mais il l'a fait lui même lorsque je lui ai dit que c'était pour ton anniversaire, il voulait te remercier."

"C'est trop gentil à vous deux." Je souris avant de lui demander s'il en voulait. Lorsqu'il ne fit qu'un sourir en sortant son couteau suisse, je roulais des yeux avant de pousser la tarte vers lui pour qu'il la découpe. "Cela fait au moins depuis novembre que je ne l'ai pas vu…" Je soupirais. "Il doit avoir tant grandit maintenant ! Les jumeaux me dépassent déjà et si Allen ne l'a pas déjà fait, je suis sûr qu'il sera plus grand que moi lorsque je le reverrais." Je marmonnais morose.

"Heureusement qu'on a la preuve dans ce cas." Rit Tyki en tapotant sa poche de veste où je savais reposer son portefeuille avec la photo de nous trois. "En parlant de le revoir… veux-tu l'inviter au mariage ?"

Allen ? En plein milieu du clan avec une innocence active et des gènes Noah au bord du réveil ? Nop, nop, nop. Mais évidement comme je ne pouvais pas dire ça… "Même si nous envoyons une invitation maintenant et que son professeur le laissait venir, il ne serait jamais là dans un mois." Je répondis en haussant les épaules.

"C'est vrai." Réfléchit Tyki. "Il va être surpris lorsqu'on va lui dire, nous devrions peut-être écrire la prochaine lettre ensemble ? Il pourrait m'en vouloir de t'épouser."

"N'importe quoi." Je me moquais avant de prendre une bouchée de tarte. "Ce serait plutôt le contraire, il t'adore, je suis sûre qu'il te préfère."

"D'où est-ce que tu sors ça ?" Il rit en se penchant en avant, sa tête reposant sur sa main. "Il t'envoie toujours des lettres au moins trois fois plus longue que les miennes."

"Peut-être, mais il ne me dit jamais rien d'important, c'est toujours toi qui reçoit les récits de ses combats ou de ses petits boulots les plus dangereux." Je marmonnais agacée. C'était un point qui m'inquiétait réellement, depuis quelques mois, lorsqu'on avait échangé nos lettres avec Tyki tout ça pour découvrir que les miennes étaient certainement bien plus légère et joyeuse que celles que recevaient le Noah du plaisir. Je n'osais même pas penser à cette fois où, dans la même enveloppe, il m'avait demandé de lui envoyé une recette de tarte aux pommes et à Tyki, comment assommer quelqu'un sans le tuer.

"Il ne veut pas t'inquiéter, c'est tout." Répondit le Noah du Plaisir en roulant des yeux avant de me taquiner. "Tu fais la même chose, tu ne lui avait pas parlé de ce problème avec les serviteurs ou de l'accident de bicyclette. Tel frère tel soeur."

Ne sachant pas trop quoi répondre à ça, j'enfournais le reste de la tarte dans ma bouche pour pouvoir bouder tranquillement. J'avais à peine eu le temps de mâchouiller mon morceau cependant, qu'un truc me frappait le visage avant de retomber sur mes genoux. "Tyki !" Je grognais agacée en me frottant le front alors que je récupérais la petite boîte des plis de ma robe. Ca ressemblait beaucoup à…

"Il fallait bien une bague." Dit-il gêné. "Tu sais… pour rendre ça officiel."

C'était bien une bague dans le petit coffret, une chose toute fine en argent sombre entrelacée qui ressemblait lointainement à celle que mon père m'avait offerte dans l'autre monde et que j'avais portée des années. La plus grosse différence, outre le paterne de l'entrelacement, c'était la petite pierre violette soigneusement nichée entre les bandes noirâtres.

"Je voulais faire reproduire la bague que tu m'avais montré une fois, je trouvais le nom drôle, 'infidèle' rien de plus ironique pour notre situation, n'est-ce pas ?" Dit-il en me prenant la bague des doigts. "Mais le bijoutier n'en n'avait pas et il a dit que ça lui prendrait plus de temps à faire. Alors j'ai pris celle-là pour les fiançailles et on peut faire les bagues infidèles pour le mariage si cela te plaît ?" Proposa-t-il et il me tendit la main.

"J'adorerais, c'est sûr que ce serait sacrément ironique." Plaçant mes doigts entre les siens pour qu'il puisse y glisser la bague, je me retiens de renifler d'émotion. Comment diable s'était-il souvenu de cette histoire de bague ? Ça avait à peine été un croquis que je lui avait montré des mois auparavant lors d'une discussion aléatoire. "C'est trop gentil Tiky, beaucoup trop gentil. Merci mais… je me sens mal de faire la tête sur cette histoire de mariage maintenant, alors que tu y as mis autant d'effort." Je ris doucement.

"Hey, je t'ai empêtré dans cette histoire, c'est la moindre des choses… En plus, j'en profite un peu, j'utilise la bague de fiançailles comme cadeau d'anniversaire." Dit-il avec un sourire victorieux avant de soupirer et de s'affaler sur sa chaise. "Mais je suis content que cela te plaise ! C'est difficile de choisir des bijoux… j'admets que Road m'a aidé à sélectionner la bague de fiançailles, c'est elle qui m'a dit que tu n'aimais pas les grosses pierres, sinon j'aurais juste pris la plus grosse améthyste de la boutique. Je sais au moins que le violet est une valeur sûre pour toi."

"Il faudra que je la remercie dans ce cas, j'ai bien peur que je l'aurais malencontreusement perdu si tu avais fais ça." Je répondis très sérieusement, grimaçant à l'idée d'une grosse pierre criarde ankylosant ma main. "Mais je n'ai jamais vu un alliage aussi sombre avant, c'est de l'argent ? C'est presque noir" Je demandais admirative, regardant la bague miroiter à la lumière.

"Je ne suis pas sûr." Dit-il avec un air mal à l'aise alors je n'en demandais pas plus. Je me doutais bien que c'était la première fois qu'il avait dû choisir un bijou et qu'il en savait autant que moi sur le sujet, autrement dit : Rien. "Au fait, je t'ai ramené des affaires." Dit-il précipitamment en me tendant le sac de cuir à l'air toujours bien rempli.

"Ah super, tu as pris mon carnet ! Je voulais justement travailler sur les illustrations du dernier Harry Potter, Jasdero me l'a demandé la dernière fois." Je répondis excitée en fouillant le sac. Il avait même pensé aux partitions que j'avais laissé en vrac dans la salle de musique et... à ! "T'es le meilleur !" Je souris en étendant naturellement ma main pour lui faire un demi-calin comme j'en avais l'habitude avant de m'arrêter bizarrement lorsque ma main touchait son épaule... puis de précipitamment changer de direction pour attraper les cadeaux. "Je vais les ranger." Je dis inutilement d'une voix un peu trop aiguë.

Urgh, c'était bizarre, trop bizarre… l'ambiance était comme d'habitude et puis tout à coup c'était comme si le mot mariage clignotait aux néons au-dessus de nos têtes et nous agissions tout étrangement.

"Je… devrais peut-être y aller." Marmonna Tyki et je le remerciais à nouveau pour sa livraison et la bague avant de le raccompagner à la fenêtre.

Ça allait être difficile de reprendre notre relation d'avant, mais, je pensais en regardant ma nouvelle bague, j'avais de l'espoir.


Quelques jours plus tard, épuisée d'un cours d'étiquette intensif mais terriblement curieuse d'essayer ma nouvelle peinture, je me baladais dans les jardins pour essayer de trouver un sujet de dessin. Enfin, il serait plus exact de dire que je m'étais perdue dans les jardins en essayant de trouver un sujet de dessin.

Comment pouvait-on se perdre dans des jardins, me direz-vous ? C'est parce que les jardins en questions étaient constitués au quart d'un grand labyrinthe végétal qui, si des fenêtres du manoir avait l'air très jolie, était nettement moins sympathique à l'intérieur. Parce que c'était un vrai labyrinthe, pas ces espèces de jardins de haies à deux voies qui imitaient seulement la chose. Non, là j'étais totalement et irrémédiablement perdue.

Voilà pourquoi, lorsque je débouchais enfin au milieu du labyrinthe après avoir tourné entre les haies pour je ne sais combien de temps et voyait Lulubelle assise à la petite table du Gazebo, je me figeais sans savoir quoi faire. D'un côté, je ne savais jamais quoi dire à la Noah de la luxure, surtout pas maintenant qu'elle était devenue ma grande soeur, d'un autre côté, je n'avais pas envie de brûler toute ma pause déjeuner à tourner en rond… même si cela me permettrait peut-être de sauter un peu des cours de l'après-midi.

De toute façon, le choix fut pris hors de mes mains lorsque Lulubelle tourna la tête et me vit. Étant encore plus mal à l'aise maintenant de me retourner et partir, je m'approchais d'elle avec une sourire contrit. "Bonjour Lucie, hum, je suis désolée de vous déranger, je me promenais juste, je vais simplement…" Je marmonnais en agitant une main vers une des douzaine de chemins s'engouffrant à nouveau dans le labyrinthe.

"Ce n'est pas celui-là." Dit-elle et je la fixais sans trop comprendre. "Pour sortir, il faut prendre celui-ci." Précisa-t-elle lorsqu'elle vit mon air vide en montrant de son aiguille un chemin à sa gauche. "C'est le plus rapide pour retourner au manoir."

Cependant, je n'écoutais déjà plus ses instructions, lançant à peine un coup d'oeil discret vers la voie qu'elle m'avait présenté avant de tourner à nouveau mon regard vers elle, ou plutôt, ses mains. "Vous brodez ?" Je demandais curieuse en reconnaissant l'arceau et les bobines sur ses genoux. M'approchant, toute peur disparu, j'ouvrais la bouche de surprise lorsque je vis le magnifique oiseau à moitié terminé dans ses mains. "C'est incroyable Lul..cie !" Je m'exclamais, me rattrapant de justesse sur le nom. Il fallait vraiment que j'arrête de penser aux Noahs avec différents noms dans ma tête, je ne peux même plus compter le nombre de fois où j'avais failli me tromper, surtout avec le Comte… euh, je veux dire, le Duc !

"Merci." Dit simplement Lulu… non, Lucie, ses doigts formant toujours les gestes élégants permettant de créer les prochains points.

"Oh ! Mais alors est-ce vous-même qui avez brodé le mouchoir que vous m'avez offert à mon anniversaire ?" Je demandais en sortant ledit mouchoir de ma poche. Il était toujours aussi magnifique, si beau que je n'osais pas me moucher dedans alors même que la poussière de la bibliothèque ne cessait de me faire éternuer. Ça ne m'empêchait pas de le porter toujours sur moi cependant, il était parfait pour emballer des collations ou protéger mes boucles d'oreilles lorsque j'avais envie de les enlever.

Elle semblait un peu surprise de mon soudain intérêt et je me calmais aussitôt lorsque je la vis s'éloigner légèrement. "Oui." Dit-elle, ses yeux cette fois figés dans les miens et les mains immobiles sur sa broderie.

"Waw, je suis vraiment impressionnée, il est magnifique." Je la remerciais à nouveau. Et voilà, c'était fini. J'avais déjà du mal à maintenir une conversation de base mais alors si mon interlocuteur n'y mettait pas un peu du sien… hé bien on en arrivait là : Deux personnes sans rien en commun en train de se regarder dans le blanc des yeux sans trop savoir quoi dire. "Hum, alors, je devrais…" J'ouvrais la bouche en même temps qu'elle.

"Voulez-vous que je…" Dit-elle et nous nous interrompions toutes les deux. Usant de platitude, soulagée qu'elle dise enfin plus de deux mots, je lui demandais de continuer. "Voulez-vous que je vous montre comment faire ?" Dit-elle et je regardais la broderie, intéressée.

Je me souviens avoir vaguement appris un peu de broderie en primaire lors des clubs du midi mais je n'en avais pas fais depuis et je n'étais pas sûre d'avoir la patience. Il n'empêche, j'aurais bien aimé réessayer… mais peut-être pas avec Lulubell comme professeur.

"J'aimerais beaucoup mais je devrais rentrer pour mes cours de l'après-midi, une prochaine fois ?" Je lui souris et elle plissa ses lèvres en retour. Est-ce qu'elle essayait de sourire ? Ca ressemblait presque à un sourire. Ou à une grimace néfaste. Franchement je ne pouvais pas dire…

"Je peux vous guider au manoir." Dit-elle en se levant d'un air décidé avant d'attraper ses affaires et de se diriger vers un des chemins, me plantant là. Remettant mon cerveau en route, je trottinais vers elle pour marcher à son niveau. C'était encore pire qu'avant, le silence était pesant et j'avais une troupe de mini-Eve dans mon cerveau me criant de dire quelque chose, n'importe quoi. Alors, piochant la première chose qui me venait, je lui demandais si elle venait souvent broder ici.

Et là: miracle ! Un flot d'explications sortit de ses lèvres, un tas d'informations sur la couture si intense et ciblé que j'avais dû mal à même conceptualiser ce qu'elle me racontait. Ça n'aidait pas que le vocabulaire déjà très spécialisé était jeté en un anglais rapide qui me faisait tourner la tête d'incompréhension. Je ne sais pas combien de temps il nous fallut pour atteindre le manoir, mais ça m'a paru durer des heures. Ça ne devait pas être si long cependant vu que l'on croisa le Comte dans l'entrée. En nous voyant, son sourire s'illumina de joie et il pressa le pas vers nous l'air terriblement heureux.

"Je vois que vous vous entendez bien !" Dit-il en tapotant l'épaule de Lul...Lucie, un geste qui serait mieux passé sur un chat qu'un être humain. Ou un Noah. N'empêche, rien qu'un geste ou un sourire du Com...DUC, mettait aussitôt à l'aise Lucie, c'était assez impressionnant. Forçant un sourire sur mes lèvres, je me forçais à écouter ses gazouillement, la tête douloureuse, ça faisait longtemps que je n'avais pas eu autant de difficultés avec l'Anglais... Tout de même, je pensais alors que mon sourire devenait un peu figée malgré moi, le Duc ayant tendance à radoter, "Bien s'entendre" n'était peut être pas le terme. Ca avait été impressionnant de voir Lucie si passionnée par quelque chose alors qu'elle ne pipait mot d'habitude. Et rien que pour ça, j'étais prête à aller chercher un dictionnaire sur le vocabulaire de couture pour comprendre ce qu'elle me dirait la prochaine fois que je lancerais le sujet. Il faut dire, je n'avais pas grand chose d'autre à lui dire et je préférais pratiquer mon anglais avec des mots obscures plutôt que de rester à nouveau dans un silence aussi pesant que dans le labyrinthe.


Il faut croire, cependant, que la proposition de Lucie était sincère car à peine le lendemain, elle m'approchait à nouveau après le déjeuner pour me proposer de m'apprendre la broderie. N'ayant plus aucune excuse, mon prochain cours ne commençant pas avant une grosse demi-heure de plus, et était tout de même intéressée, je la suivais avec curiosité dans sa chambre. Je n'avais jamais vu la pièce ouverte et je dus retenir ma mâchoire de tomber lorsque j'entrais à l'intérieur. Si j'avais cru avoir une obsession malsaine avec les vieux bouquins ici, ce n'était rien par rapport au culte que semblait vouer Lucie à la broderie. Jamais je n'aurais pu penser ça d'elle auparavant… maintenant cependant, il était impossible de ne pas voir les dizaines de petits cabinets en verre contenant toutes les couleurs de bobines inimaginable et encore moins facile d'ignorer les cadres protégeant des tissus brodés dispatchés par centaines sur les murs.

"Wow." Je soufflais, les yeux grands.

Me laissant conduire par Lucie à son petit coin salon, je passais toute la fin de ma pause à apprendre les rudiments de la broderie. Lucie n'était pas particulièrement une bonne professeure, elle ne cessait d'utiliser des mots compliqués et ne pensait jamais à démontrer lentement ce qu'elle faisait mais elle essayait, elle essayait vraiment. Sans s'énerver, elle prit mes remarques à coeur et n'hésitait pas à me remontrer à plusieurs reprises les points avec une patience infini. À tel point que ces petits moments à l'heure du déjeuner devint un véritable rendez-vous quotidien que j'attendais impatiemment chaque jour.

Malheureusement, les leçons ne s'arrêtaient pas et je dus même bientôt renoncer à tous mes autres projets secondaires (outre la magie, je ne savais pas si je pourrais l'étudier après le mariage et quand est-ce que je pourrais en avoir besoin alors mieux valait mettre toutes les chances de mon côté maintenant.) pour pouvoir me concentrer à un autre problème plus urgent : Le mariage.

Parce que oui, Tricia (épaulée par Road, Sheryl et le Duc) avaient beau s'en occuper, je devais tout de même mettre la main à la pâte dans les préparations… autrement que par tout l'apprentissage d'être une fille de Duc bien entendu.

Alors, je passais mes soirées à donner mon avis sur des choses triviales dont je ne voulais pas m'occuper. Des fleurs en passant par les couleurs de mes robes ou le papier des invitations, je devais choisir sans même savoir si cela resterait comme ça. Mes choix n'étaient que des illusions, le mot final allant à Tricia. Et tant mieux d'un certain côté, parce que je n'avais aucune idée de ce que je faisais mais à ce moment là j'aurais préféré qu'ils me laissent tranquille au lieu de me donner l'illusion du choix.

La seule chose sur laquelle j'avais réellement mis mon véto était la robe de mariée.

La fin XIXème semblait être l'époque de tous les goûts quelques uns certainement plus douteux que d'autres. Les styles de robes étaient aussi hétéroclites que variés avec des choses qui enserraient chaque carré de peau, d'autres qui étaient tant recouvert de dentelles qu'il était difficile de voir autre chose et d'autres encore qui ressemblaient plus à des robes de princesse du siècle dernier qu'autre chose. Les trois quarts étaient horribles, lourdes, désagréables et bien trop extravagante. Cela n'aidait pas que la couleur était loin d'être défini. Adieu la traditionnelle robe blanche du XXIème siècle, la tradition n'était pas encore posée à cette époque. En fait, j'avais appris très rapidement que l'idée se mettait seulement en place à cause du mariage, en blanc, de la reine Victoria. Tricia avait voulu cette couleur pour montrer notre respect à la couronne ou quelque chose comme ça et je ne m'y étais pas opposée jusqu'à ce que la couturière vienne au manoir avec les design que ma future belle-soeur avait choisi.

Comme dit précédemment, ils étaient horribles et c'était avec force "Non" calme et catégorique que j'avais fais entendre ma voix pour la première fois depuis le début de cette débâcle. Les serviteurs avaient dû faire plusieurs allers-retour entre les manoirs Kamelott et Campbell pour transmettre nos lettres hâtivement rédigées et j'espérais vraiment pour eux que c'était des akumas et qu'ils pouvaient user de l'arche.

Tricia avait fini par jeter l'éponge et accepter le design beaucoup plus simple et moins contraignant que j'avais choisi lorsque je lui avais dit que si elle essayait de me forcer dans la robe qu'elle voulait, alors je me rendrais nue à la cérémonie.

C'était non sans un sourire satisfait et quelque peu vicieux que j'avais reçu sa dernière lettre, je dois l'admettre. Sa trahison faisait encore mal, plus encore lorsqu'elle était accentuée tout les jours par ses choix sur mon mariage qui ne tenait évidemment pas compte de mes goûts. Et pas de ceux de Tyki, évidemment. Je n'étais même pas sûre que Sheryl lui avait demandé quoi que ce soit, en tout cas ses lettres ne parlaient de rien d'autres que de plaintes à propos de toute la socialisation qu'il devait faire avec les autres nobles. Je n'étais vraiment pas sûre du quel d'entre nous avaient les tâches les plus horribles.


Alors, évidement, dans mon état de mesquinerie profonde, je ne refusais pas un nouveau moyen de me venger lorsqu'il se présenta à moi. Ou se présentèrent à moi.

Car en effet, les instruments de mon courroux n'étaient autre que les jumeaux. Nous rendant visite le week end après mon anniversaire, c'est avec les yeux ronds que je les vis débarquer dans ma chambre.

"...Tricia vous a vu comme ça ?" Je demandais en un souffle. Se tortillant nerveusement (même Devit !) les jumeaux secouèrent la tête. Il faut dire, s'ils avaient commencés à affirmer leur propre… style depuis leur entrée à l'internat, adoptant des vêtements de la classe basse, puis déchirés, se coupant eux même leur cheveux, mettant des perruques colorés etc… Ils avaient vraiment sautés un palier dans le dernier mois où je ne les avaient pas vu. "C'est… parfait." Je soufflais et les deux garçons levèrent aussitôt la tête vers moi me permettant d'observer leur nouveaux tatouages tout à mon aise.

"Tu nous hurles pas d'ssus ?" Marmonna Devit d'un air suspicieux alors que Jasdero me regardait avec des yeux plein d'espoirs.

"Vous faites ce que vous voulez de votre corps." Je répondis en haussant les épaules avant de me tourner vers mon placard pour chercher ce que j'y avais fourré une semaine plus tôt. Et moi qui ne pensais pas le sortir de sitôt… ou même jamais d'ailleurs. "Tant que ce n'est pas moi qui doit faire face à Sheryl et Tricia… Ah ah !" Je fredonnais en victoire alors que je sortais la boîte que Tricia m'avait donné à mon anniversaire. "Vu vos nouveaux tatouages, je pense que ça va vous plaire."

Me tournant vers eux, mes yeux pétillants de malice, j'ouvrais la boite pour leur montrer l'intérieur. "Qu'est-ce que c'est ?" Me demanda Jasdero en frôlant une des petites boîtes de poudre colorée des doigts.

"Du maquillage ?" Supposa Devit en jouant avec un des petits contenants avant de le coller à la joue de Jasdero y laissant une grosse trace orangée.

"Comme vous aimez les tatouages, je me suis dit que cela pourrait vous plaire. C'est un peu moins permanent alors vous pourrez tester des trucs." Je leur fis un clin d'oeil.

"Mais le maquillage c'est pour les filles." Répondit Devit et Jasdero qui essayaient déjà toutes les teintes sur son bras avec excitation s'arrêta net et regarda son frère avec des yeux si large que j'avais envie de l'écraser avec un câlin.

"Il faut croire que je ne suis pas une fille alors, ça ne m'intéresse pas." Je répondis en haussant les épaules. Ca ne servait à rien de frotter mes pensées féministes dans leur visage, mieux valait leur proposer l'option sans montrer aucun jugement. Soit ils essaieraient et peut-être que ça leur plairait (ou pas) soit ils n'essaieraient pas mais dans ce cas je leur aurais montré que c'était une option valable. "Mais j'aimerais bien un tatouage pour aller avec les vôtres…

Tu voudrais bien dessiner sur mon bras, Jasdero ?"

Quittant son frère pour me regarder à la place, il se mordit la lèvre. Ca faisait longtemps que je ne l'avais pas vu aussi timide. "Tu veux un de mes dessin ?"

"Si tu le veux bien." Je souris avant de lui tendre mon bras. "Tu fais bien les papillons, j'en aimerais un bleu ici."

Tout à coup bien plus enthousiaste, Jasdero fouilla curieusement dans la boîte. Bientôt, mes deux bras étaient recouverts de gribouillis colorés et je supervisais Jasdero pendant qu'il essayait de dessiner un crâne sur le visage de son frère. Evidemment, après que j'ai laissé Jasdero jouer avec mes bras, Devit était beaucoup trop jaloux et avait laissé son frère l'utiliser comme toile pour ses délires créatifs. C'était bon de savoir que je savais encore les manier même s'ils étaient aussi grand que moi maintenant.

Ce fut non sans un sourire satisfait que j'agitais la main le lendemain matin pour dire au revoir aux jumeaux. Ils étaient couverts de maquillages et Jasdero câlinais mon ancienne-nouvelle boîte de maquillage comme si c'était son bien le plus précieux. Ils semblaient encore plus heureux par le fait que le Duc (et Lucie) n'avaient absolument rien dit lorsqu'ils s'étaient présentés au petit-déjeuner comme ça ce matin-là. D'ailleurs, en parlant du Duc…

"Il y a un problème ?" Je me tournais vers le duc avec le visage le plus innocent que je pouvais faire lorsque je sentis son regard s'attarder un peu trop longtemps sur mon dos.

"Oh, non, rien du tout." Sourit-il en secouant la tête mais c'était avec une espèce d'abandon amusé, comme s'il savait exactement ce que j'étais en train de faire. Ce qui était potentiellement le cas vu ses prochains mots : "J'aimerais être une mouche sur le mur lorsque Sheryl et Tricia vont les voir cette après-midi." Rit-il et, sans le vouloir, mes lèvres se courbèrent vers le haut.

"Je suis sûre que Tyki se fera un plaisir de nous narrer toute l'histoire." Je répondis en le suivant dans le couloir, Lucie sur son autre côté.

"Je n'en doutes pas, nous pourrions même le voir dès ce soir si les retrouvailles de Sheryl avec ses filleuls sont trop… explosives." Dit-il avant de tourner la tête vers moi. "D'ailleurs, s'il vient, nous pourrions organiser un thé avec quelques nobles des alentours maintenant que vous avez vos bagues de fiançailles, qu'en pensez-vous ?" Voyant ma grimace douloureuse, il laissa échapper un petit rire, sa main allant se reposer doucement sur mon épaule. "Je ne sais même pas pourquoi je pose la question, vous êtes exactement pareils… Oui, je pense que ce sera un bon mariage." Dit-il doucement et tout à coup ses yeux avaient l'air aussi vieux que son nom.

Espérons qu'il ait raison sur ce coup-là...


Un chapitre spéciale Comte, Lulubell avec un peu de Tyki et des jumeaux et globalement tout le monde avec les cadeaux, quoi demander de plus ? (le mariage. Oui, ça arrive, la prochaine fois, je le jure!)
Quelqu'un m'a convaincu de mettre un des personnages que je réservais pour NLB dans le prochain chapitre... alors attendez vous à ce qu'une certaine tête de cheveux roux viennent dire coucou ;) Même si je n'ai aucune idée de comment...
Pensez aux reviews et à la revoyure!