Felicity

- Felicity tout est en place pour la réunion de demain ?

Je fais un bond sur ma chaise lorsque mon supérieur entre dans mon bureau comme une furie. Non mais qu'est-ce qu'il lui prend d'entrer de une sans s'annoncer et de deux en me hurlant dessus ? Je lève les yeux de l'écran et le regarde estomaquée, c'est bien la première fois en trois ans de temps que je travaille ici que monsieur Brandhi élève la voix sur moi.

- Oui ! Je crois...

- Vous croyez ! Non mais je rêve, vous avez intérêt à être au point et à ne pas me décevoir Félicity.

- Je ne vous ai jamais déçue, je ne vois pas pourquoi ce serait le cas demain.

- J'espère, vous savez que notre rendez-vous de demain n'est pas comme tout ceux que nous avons eu auparavant. Et j'ai besoin que vous soyez à cent pour cent. Ne faites pas de gaffe, surtout lorsque vous parlerez devant toute l'assemblée.

- Je n'en ferai pas voyons...

- J'espère bien parce que je ne pourrai malheureusement pas vous aider, l'anglais c'est votre langue maternelle pas la mienne.

- Vous auriez pu apprendre... Pardon je suis désolée.

- J'ai appris, mais tout ce qui est terme technique etc... Bref vous comprenez je compte sur vous. Soyez à l'heure et présentable.

Il passe une main dans ses cheveux puis quitte mon bureau en trois enjambées. Non mais qu'est-ce qu'il lui prend ? Bon d'accord qu'il soit tendu, on reçoit le grand PDG demain, mais tout de même on ne va pas en faire toute une scène. D'après les notes que j'ai reçu de sa secrétaire il n'est en déplacement sur Paris que pour vérifier le fonctionnement de l'entreprise et aussi pour voir si le projet qu'il nous a confié il y a deux mois est réalisable. Il va être épaté lorsqu'il verra que je l'ai moi même développé enfin ils le sauront tous. J'en ai parlé à personne, mais le soir après mes heures de travail, je suis restée à l'entreprise afin de le développer. Bon il y a encore quelques améliorations à faire mais ici je n'ai pas le matériel nécessaire pour continuer, mais je le présenterai tout de même demain en n'omettant pas de mentionner qu'il n'est pas totalement terminé. Je souris, je vais les épater, bien que ce ne soit pas vraiment ce qui m'était demandé mais si j'épate le grand monsieur Queen peut être qu'il s'intéressera un peu plus à cette succursale... C'est le but, qu'il se rende compte que si nous avions le matériel adéquate nous serions capable nous aussi de faire de grandes choses pour l'entreprise. Je replonge dans mon logiciel, il est presque au point. Je souris quand il sera entièrement terminé, il se vendra des millions de dollars. Il va révolutionner le monde informatique, j'en suis certaine. La porte de mon bureau s'ouvre de nouveau en grande volée et vient percuter le mur.

- Felicity !

Décidément c'est ma fête ou quoi ? Pourquoi est-il de retour ? Et pourquoi hurle-t-il de nouveau ? Je relève la tête vers lui.

- Vous vous foutez de moi ! Vous avez réservé une chambre pour six nuits... Six nuits vous vous rendez compte ?

- Euh ! Et bien lorsque je vous ai demandé combien de temps monsieur Queen souhaitait rester, vous m'avez dit que vous n'en saviez rien... Et ensuite vous m'avez dit de faire pour un bien.

- Pour un bien, ça voulait dire deux, trois nuits pas plus...

- Qu'importe, je ne vois pas où est le problème, si monsieur Queen veut rester deux nuits il repartira...

- Non, si vous avez réservé six nuits, il restera les six nuits. Punaise c'est vous l'américaine ou moi ?

Je pousse un soupir, il commence sérieusement à m'agacer. J'éteins mon ordinateur puis me lève.

- Où allez-vous ?

- Il est plus de vingt heures... Je rentre chez moi. J'ai une réunion demain matin pour laquelle je ne dois faire aucune erreur, alors si vous le permettez je vais rentrer, me relaxer dans un bon bain et dormir à poings fermés.

Je prends mon sac et passe devant lui sans un regard. Je sors, il fait plutôt doux ce soir, ce qui est encore rare à cette époque de l'année. L'hiver vient de s'achever, le printemps a pris le relais et je suis étonnée de voir qu'il s'est déjà installé, j'espère que ça ne présage rien de mauvais. Ça ne fait que trois ans que je vis ici, trois ans que j'ai quitté l'Amérique pour m'installer à Paris pas que le vie parisienne m'attirait mais j'avais besoin de me changer les idées, besoin de voir autre chose et quand j'ai vu que chez Queen ils recrutaient du personnel pour l'étranger j'ai sauté sur l'occasion.

Au départ je pensais qu'il m'aurait envoyé en Russie parce que je leur avait dit qu'importe l'endroit du moment que je puisse partir d'ici. Et lorsque deux jours après l'entretien on m'a dit que je partais pour Paris, j'étais heureuse. Et je le suis toujours, certes les hivers ne sont pas top de même que l'automne, mais en France il fait tout de même moins froid qu'en Russie.

Je déambule dans les rues en prenant mon temps, savourant la douceur du soir. J'arrive chez moi vingt minutes plus tard, je monte les escaliers et m'arrête au second étage. Je pénètre dans mon duplex de cent mètre carrés. Je me déchausse dans l'entrée et laisse mes talons sur le tapis. Je ne voudrais pas rayer ce magnifique parquet qui m'a coûté une sacrée somme l'an passé. Je range ma veste et mon sac dans le dressing et m'avachis dans mon canapé.

Je scrute la bibliothèque qui s'étend sur tout un pan de mur, me lève et vais prendre le livre qui me tente depuis quelques semaines. J'ai besoin de décompresser et dans ce cas rien de tel que de se plonger dans un bon bouquin. Je m'installe confortablement avec le livre. Je suis totalement absorbée dedans lorsque la sonnette retentit. Je le pose sur la table basse et vais voir de qui il peut s'agir surtout qu'il est tard et que je n'attends personne. J'entrouvre la porte.

- Liam ! Qu'est-ce que tu fais là ?

- Hummm, j'avais une soudaine envie de voir ma petite amie... C'est mal ?

- Oui ! Surtout que je déteste lorsque tu viens chez moi... On se voit demain soir ok ? Au bar habituel.

- Felicity, ça fait six mois que nous nous fréquentons et en six mois de temps pas une seule fois tu m'as laissé entrer chez toi... Je peux savoir pourquoi ?

- Non, bonne soirée Liam.

Je referme la porte et pose mon dos contre celle ci. Depuis la perte de mes parents il y a trois ans j'ai décidé de ne plus jamais m'attacher à qui que ce soit, d'ailleurs, ça devient un peu trop sérieux avec Liam et, il va falloir que je lui dise rapidement que c'est fini entre lui et moi. De toute façon, nous ne partagions pas vraiment les mêmes sentiments. Il m'a dit à plusieurs reprise qu'il m'aimait et il était sincère sauf qu'il faut que je me l'avoue, moi de mon côté je n'éprouve pas d'amour pour lui, d'ailleurs la seule fois où nous aurions pu passer à l'acte lui et moi, je me suis défilée. Ce n'était pas comme avec Julian, avec lui j'éprouvais tout de même de l'amour et j'ai réussi à rester neuf mois avec lui, d'ailleurs je m'étais même dit que c'était possible de m'attacher de nouveau jusqu'à ce qu'il m'apprenne qu'il avait une grave maladie et qu'il ne survivrai probablement pas... Il a donc préféré partir pour ne pas me faire souffrir, mais le mal était déjà fait, une fois de plus la vie ne m'avait pas épargné. J'en ai marre de souffrir, alors je fais la seule que je sais faire, ne pas m'attacher.

Je pars ensuite dans la cuisine, je sors de quoi cuisiner du réfrigérateur et me m'atelle à la tâche, omelette jambon fromage, c'est rapide simple et bon. Je mange tout en lisant mon livre, je suis prise dans l'histoire, je pense que je vais avoir du mal à le refermer. Je débarrasse la table et mets le tout dans le lave vaisselle, je monte l'escalier en spirale pour rejoindre l'étage. Je me stoppe devant la rambarde et regarde mon appartement d'un œil admiratif, il est vraiment magnifique, je suis tombée sous le charme dès la première visite et, je n'ai pas hésité une seconde à placer mes économies dedans. Je passe prendre une douche avant de me mettre au lit, je regarde le réveil, il est déjà vingt deux heures. J'hésite entre me coucher de suite ou lire. Je prends l'option numéro deux, je sais qu'il aurait fallu prendre la une mais j'ai trop envie de connaître la suite. Lorsque je relève les yeux, je me rends compte qu'il est près de minuit, bon dieu, il faut que je dorme, une dure journée m'attend demain. Je relis mes notes avant d'éteindre la lumière.