Chapitre 30 : Le futur sécurisé
Résumé : L'année passe. Et la paix est enfin sécurisée.
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Esmeralda donna naissance à un beau garçon en bonne santé, suivant ses propres prédictions. Il signifia des ennuis à l'instant où Bilbon le vit, car il tomba immédiatement amoureux de son 'neveu'. Il fut presque peiné de laisser le petit retourner dans les bras d'Esmeralda, mais quand il vit sa cousine bercer son enfant, c'était une vision qui valait bien la peine d'avoir rendu le bébé. Bofur se dressait comme un parent orgueilleux, adorant absolument le petit. Tauriel semblait en admiration et ne semblait pas pouvoir s'empêcher de caresser les petites touffes de poils sur ses pieds. Esmeralda le nomma Meriadoc Brandebouc, et lui donna juste après le titre moins formel de Merry.
Merry avait à peine les yeux ouverts depuis plus d'une semaine quand Bofur offrit enfin ses intentions complètes à Esmeralda, et Esmeralda accepta. Tauriel et Gimli devinrent immédiatement leurs chaperons, et Fili et Kili apprécièrent joyeusement chaque minute.
Puis il y avait eu les lettres à envoyer. Esmeralda avait immédiatement envoyé des lettres générales pour annoncer la naissance de Merry, puis en avait envoyé une à la famille de Saradoc, leur disant qu'ils avaient un petit-fils. C'était Fili qui avait encouragé Esmeralda à demander que le titre de Saradoc passe un jour à Merry, car Merry était encore, et serait toujours, le fils de Saradoc.
La réponse, un 'oui' retentissant, avait apaisé l'esprit d'Esmeralda : Merry connaîtrait et ferait partie de deux familles, comme le devrait tout enfant hobbit. Il serait un Touque à part entière, adoré et aimé par les frères et sœurs d'Esmeralda, ses parents et ses cousins.
Et il serait un Brandebouc, avec des cousins et des grands-parents et ceux qui avaient le mieux connu Saradoc, ceux qui pourraient lui raconter des histoires de son père. Puis, quand il serait assez grand, il deviendrait le Maître du pays de Bouc.
Non que tout cela ait la moindre importance pour Merry, qui était plus que content de jouer à 'où-est-le-bébé' et tirer sur ses orteils et rire pour quiconque lui adressait ne serait-ce qu'un sourire. Plus d'une fois Dwalin l'avait enlevé pour l'emmener jusqu'à la Garde, où Merry avait été positivement gâté avec attention. Il fallait le plus sévère des gardes pour ne pas sourire à Merry et ses petites boucles et oreilles pointues, et jusqu'à présent, pas un seul garde n'avait réussi.
Le ventre de Dernwyn, pour sa part, avait grossi et grossi, et quelques mois après la naissance de Merry, un autre garçon était venu au monde. Fili avait fait de Dwalin et Ori les gardiens honoraires de leur plus jeune, puis lui avait donné le nom de Baldrin, un mélange de leurs deux ancêtres, en l'honneur de leur ami tombé. Quand Dwalin avait pris le bébé dans ses bras, les larmes aux yeux, Dernwyn avait expliqué :
« Cela signifie 'conseil audacieux' parmi les Rohirrim. Et c'est ce qu'était Balin, sans le moindre doute. »
C'était plus que Bilbon n'aurait pu espérer. C'était plus qu'il n'avait osé espérer, après ses cauchemars et avoir failli perdre Thorin, avoir failli tous les perdre d'une façon ou d'une autre. Pourtant Bilbon était là, avec un 'neveu' à son nom, un nouveau petit-neveu, et un mari qui vivait encore, au diable le destin.
Encore maintenant, son esprit lui ramenait le souvenir du rouleau de Galadriel que Haldir avait apporté, et ses paroles pour lui.
Le sort n'est pas si facilement écarté. Cependant le sort ne risquera pas ses plans futurs pour satisfaire ce qui a déjà eu lieu. Une bataille dans l'ombre d'Erebor lui a été offerte, qui a grièvement blessé trois personnes qui étaient chères à la lignée de Durin. Je crois que le sort sera satisfait de cela, et n'aura besoin de rien de plus. Un jour, il aura leurs vies. Mais vous pouvez vous reposer, et puissent mes paroles vous amener la paix.
Il y aura des épreuves devant vous. Car bien que le sort ait atteint l'objectif qu'il visait, sur le champ de bataille qu'il a fait des champs d'Erebor, il n'en a pas fini avec vous. Il y aura encore des choses à l'avenir qui vous amèneront douleur, désespoir, et chagrin. Cependant si vous restez fidèle à ceux que vous aimez, si vous continuez de rester fort et déterminé, vous vous en sortirez, et pour le mieux. Car le sort ne daigne pas être cruel avec vous. Votre histoire doit s'entremêler avec un nombre infini d'autres histoires. Et ce que vous voyez comme douleur et péril, le sort y voit les moyens pour une fin pour vous ou un autre. À travers des épreuves, votre vie changera. Et j'y vois une vie remplie de famille, de joie, et de paix.
Je veillerai sur vous, Bilbon Sacquet. Si vous avez besoin de quoi que ce soit, n'hésitez pas à me le faire savoir.
Toujours votre amie,
Galadriel
Cela ne lui avait pas exactement amené du réconfort, que le sort n'en ait pas fini avec lui, mais ses paroles lui avaient quand même offert une consolation. Qu'il avait obtenu ce qu'il voulait de Thorin, Fili, et Kili, et qu'il était satisfait. Leurs vies pourraient être prises, bien, bien plus tard. Pour l'instant, le sort s'était réaligné.
Le vent souffla un peu plus fort, et Bilbon ne réalisa pas qu'il avait froid jusqu'à ce qu'une lourde cape se pose sur ses épaules, l'entourant immédiatement de chaleur. Des mains coururent doucement le long de ses bras pour le réchauffer davantage.
« Tu es devenu très doué pour te cacher, murmura Thorin dans son oreille.
- Je ne me cache pas, contredit Bilbon. Je prends une pause loin des enfants.
- Je ne suis pas certain que tu parles de Merry, Hildili, ou Kili. »
Bilbon renifla.
« A ton avis ?
- Je parlerai à Fili pour qu'il contrôle son frère. »
Cela lui valut un rire à gorge déployée, et Bilbon se retourna enfin pour faire face à son mari. Le mithril avait disparu de sa barbe, bien que ses tresses soient encore là, et ses cheveux pendaient autour de son visage. Un signe certain qu'il avait été sur le point de se retirer pour la soirée quand il avait commencé à suivre Bilbon. Sa tresse de mariage avait été refaite pour être assortie à celle de Bilbon après la bataille, ses propres vœux renouvelés. Maintenant la perle attira son attention quelques instants avant que Thorin n'entoure son visage de ses mains chaudes.
« Tu as froid, bien-aimé, murmura Thorin.
- Il ne fait pas très chaud, acquiesça-t-il. »
Il était à peu près certain que le froid avait collé ses pieds à la pierre en-dessous de lui, et cela causait une douleur horrible à sa cheville. Chaque fois qu'il faisait froid, maintenant, elle faisait mal et mal. Certains jours, elle semblait aussi cassante que les stalactites de glace qui pendaient des portes. Un coup rapide et elle se briserait. Il enveloppait sa cheville ces jours-ci, et portait discrètement de plus longs pantalons pour que personne ne puisse voir.
« Quels sont les plans pour demain ? Demanda-t-il. Bard va venir, n'est-ce pas ?
- Oui, le Roi Bard va venir. »
Thorin étrécit les yeux devant le large sourire de Bilbon.
« Je n'ai aucune idée de pourquoi ça te réjouit tant, de le voir avec une couronne.
- Il la mérite. Et honnêtement, il était temps. Je suis content de voir ça.
- Alors tu ne viendras pas te cacher ici ? »
Bilbon pinça les lèvres.
« Je ne me cache pas. Je prends juste quelques instants pour moi. »
Le regard de Thorin lui dit précisément ce qu'il pensait de ça.
« Tu prends plus que juste quelques instants, dit-il. J'aimerais que tu puisses me dire ce qui te pousse à te cacher la plupart du temps. Tu te glisses comme un cambrioleur, et si je ne t'avais pas suivi ce soir, je ne t'aurais jamais trouvé du tout. »
C'était un endroit intéressant, supposa Bilbon, pour se tenir. Mais en errant dans Erebor après la bataille, agité et en ayant besoin de quelque chose à faire pendant que quelqu'un guérissait, il avait trouvé un petit trou dans l'une des arches près des portes. La roche avait été fendue, nul doute par le dragon de Gandalf, et le trou avait été juste assez grand pour laisser passer quelqu'un. Alors il avait soigneusement traversé l'arche pour aller sur le flanc de la montagne lui-même, et avait trouvé un petit banc de roche assez grand pour se tenir dessus. Assez grand pour que plusieurs personnes se tiennent dessus, s'ils en avaient envie, et il y avait une jolie mousse verte commençant à pousser sur la pierre avec toute la pluie. C'était devenu son endroit quand il avait juste besoin de réfléchir. Et dernièrement, c'était devenu quelque chose dont il avait de plus en plus besoin.
Cependant, ce n'était pas juste qu'il continue de partir discrètement dès qu'il le pouvait.
« Je n'avais pas l'intention de me cacher. Je n'avais pas réalisé que je partais aussi souvent, pour être honnête.
- Pas assez pour que ton absence blesse les autres, lui assura Thorin en entendant le regret dans la voix de Bilbon. Mais tu manquais, à plusieurs d'entre nous. Et à moi-même à chaque fois. »
Il inspira profondément l'air frais de la nuit et ne grimaça pas. Il ne le faisait presque plus, la blessure entièrement guérie, l'impressionnante cicatrice désormais cachée par les poils de sa poitrine.
Bilbon savait quand même où elle était. La ligne était une cicatrice non seulement sur la poitrine de Thorin, mais dans l'esprit de Bilbon, le narguant tous les jours.
« Tu ne fais plus de cauchemars, n'est-ce pas ? »
Bilbon secoua la tête.
« Non. Je n'en ai pas fait un seul depuis la bataille. »
Et s'il n'en faisait plus jamais, il serait content.
Thorin émit un 'hum' et déposa un baiser sur le front de Bilbon.
« Bien. Alors je peux me reposer plus facilement maintenant que je le sais. »
Et il l'avait fait : depuis que Caila avait été vaincue, et Erebor reprise à nouveau, Thorin était beaucoup plus content, beaucoup plus en paix. Ça lui allait bien, d'avoir si peu de rides d'inquiétude. La Moria était en train d'être reprise, et les premiers retours sur les mines avaient montré que oui, les mines étaient encore très lucratives. Denethor devait bientôt arriver, et avec son aide, Kili et Legolas allaient retourner dans la Forêt Noire, dans l'espoir de pouvoir vraiment en refaire Vertbois. Le petit Merry allait bien, ainsi que le petit Baldrin.
Et Bilbon était en sécurité. Bilbon allait bien. En soi, c'était probablement l'idée la plus apaisante dans l'esprit de Thorin.
« Bien. Alors tu peux arrêter de placer de petites cloches sur mon oreiller, dit Bilbon. »
Devant la tentative de Thorin d'afficher une expression d'innocence, Bilbon haussa un sourcil très grognon.
« Je suis sérieux. Elles sont très mignonnes, mais elles n'iront pas dans mes cheveux.
- C'est ce que tu crois, dit Thorin. J'attends juste le bon moment, et elles seront dans des tresses.
- Je les enlèverai juste après.
- Tu pourrais, sauf que je vais les tresser sous tous tes autres cheveux. Un petit carré dont tu crois que j'ignore l'existence. »
Bilbon se figea. Le regard de Thorin était bien trop satisfait pour être autre chose que sincère.
« Je ne sais pas de quoi tu parles, insista Bilbon. »
Mais Thorin lui adressa un regard entendu. Oh, il savait.
« Je ne te l'ai jamais dit, pas une fois, comment as-tu- ?
- Bien-aimé, je connais chaque partie de toi, dit Thorin, presque gentiment, le misérable. Je suis très certainement au courant de l'existence de ce petit carré de gris que tu caches si soigneusement. »
Il se pencha en avant et amena ses lèvres tout contre l'oreille de Bilbon.
« C'est l'une des choses que je préfère chez toi maintenant, murmura-t-il, un sourire dans la voix. Je me suis beaucoup attaché à ce petit carré d'argent.
- Gris est très différent d'argent, rétorqua Bilbon. »
Mais ses joues étaient chaudes, maintenant, si chaudes qu'elles brûlaient presque.
« Je mettrais de l'or et du mithril sur toi, sans parler d'argent, si j'en avais l'occasion, avoua Thorin. Je te draperais dedans. Tu mérites plus que je ne pourrai jamais te donner. Mon magnifique Bien-Aimé. »
L'une des mains de Thorin se retrouva dans celle de Bilbon, et il saisit l'occasion de la glisser sous la cape, et l'appuya contre sa veste. Thorin marqua une pause, les sourcils froncés, comme pour essayer de comprendre ce que c'était. Bilbon laissa ses doigts caresser le tissu, traçant les contours, sentant les creux et les bosses.
Il le sut à la minute où Thorin comprit. Les yeux de son mari remontèrent brusquement vers les siens.
« Toujours ? Demanda-t-il d'une voix un peu rauque.
- Toujours, dit doucement Bilbon. Je ne l'ai jamais enlevée. Je ne le ferai jamais. Elle représente autant pour moi que ma perle de mariage et mon alliance. C'est ma plus grande promesse envers toi. »
Sans détourner son regard de Bilbon, Thorin défit soigneusement les boutons dorés sur la veste jusqu'à ce que le tissu puisse être facilement écarté. Alors seulement il déplaça son regard, repliant le sommet de la veste jusqu'à ce qu'il puisse voir la chemise en-dessous.
Là, contre le tissu léger, se trouvait une broche d'or et de mithril, entremêlés à travers les branches de l'arbre. Thorin laissa ses doigts courir dessus, frôlant de temps en temps Bilbon au passage, sensibilisant chaque nerf jusqu'à ce que Bilbon ne puisse se concentrer que sur sa main et ses frôlements légers contre sa chemise et sa peau.
« J'avais supposé que tu la mettais dans ta boîte, pour la garder avec tes autres choses spéciales, admit Thorin. Quand tu as commencé à porter les vestes et tuniques naines plus épaisses, je sais que tu disais que c'était plus dur d'y mettre la broche.
- C'est vrai. Mais elle rentrait bien sous la veste, quand elle était épinglée à ma chemise de corps. Je n'oserais pas l'enlever. »
Sans le moindre avertissement Thorin se pencha brusquement et captura ses lèvres. Il était tout en chaleur, et Bilbon replia ses doigts autour de la tunique de son mari et laissa de douces lèvres le réchauffer jusqu'à ce qu'il soit rouge et brûlant. Ça valait presque la peine d'être venu ici dans le froid, ne serait-ce que pour être si instantanément réchauffé de la tête aux pieds.
Lorsque Bilbon eut tellement chaud qu'il était sur le point d'enlever la cape, au diable la neige et la glace, Thorin arrêta enfin, et avec une dernière morsure à la lèvre de Bilbon, recula.
« Tu te débrouillais bien pour me tenir chaud, l'aiguilla Bilbon, dans l'espoir de récupérer Thorin. »
Thorin sembla amusé, mais Bilbon lui permettrait d'être satisfait de lui-même si ça signifiait qu'il pouvait recevoir un autre baiser comme ça.
« Tu aurais plus chaud à l'intérieur. Pourquoi tu continues de venir là-dehors, je ne le sais pas. »
Ce n'était pas tout à fait un seau de glace sur la tête, mais cela le fit quand même frissonner. Sentant le changement, Thorin se pencha en avant, appuyant son front contre celui de Bilbon. Ses mains vinrent se poser sur ses épaules, un réconfort qui permit à Bilbon d'absorber leur force.
« Qu'est-ce qui te chasse d'Erebor ? Demanda Thorin. Dis-moi ce que je peux faire, bien-aimé. Tu es plein de détermination et d'énergie, comme tu l'as toujours été, et puis tu disparais et tu erres sans repos comme un fantôme. Je t'ai suivi ce soir. Je sais. »
L'air semblait promettre davantage de neige. Il y en avait encore une belle couche partout, et les pieds de Bilbon avaient depuis longtemps perdu toute sensation, gelés contre la pierre. La cape sur ses épaules ne l'aiderait que pendant un certain temps, et la chaleur du baiser disparaissait. Les seules choses lui fournissant de la chaleur étaient les mains de Thorin, chaudes et douces, une promesse de vie.
Sa main tombant de la joue de Bilbon, ses yeux se fermant déjà. De plus en plus froid dans la prise de Bilbon, son sang la rendant plus difficile. Tombant de la civière, pâle et sans vie, sans force ni capacité de la soulever à nouveau.
« Bilbon ?
- Quand tu étais si inquiet, pour moi, pour ma vie, je, je ne m'en souciais pas, pas comme toi, avoua Bilbon dans un doux murmure. Tu étais anxieux et tu voulais désespérément me garder en vie et j'étais tellement concentré sur ta protection, et j'ai failli te perdre quand même, et je comprends, maintenant. Pourquoi tu insistais tellement pour me garder près de toi, pour me protéger, pourquoi les premiers voleurs t'ont fait si peur et t'ont laissé inquiet pendant des années. Parce que ça fait des mois depuis la bataille, presque un an, et je ne peux toujours pas... »
Les souvenirs, ils ne voulaient pas le laisser tranquille parfois. Savoir à quoi ressemblait le sang de Thorin, savoir que Thorin n'était pas infaillible, qu'il pourrait tomber. Ç'avait toujours été une terreur, une peur venue d'un rêve, mais c'était devenu réel et il n'y avait rien eu que Bilbon ait pu faire sinon implorer le sort de ne pas le prendre.
Savoir que le destin allait très probablement les laisser tranquilles pour le reste de leurs vies était un soulagement.
Thorin bougea afin de garder son front contre celui de Bilbon et frotta leurs nez ensemble, la peau glacée du hobbit ne semblant pas déranger Thorin.
« J'avais tort, pourtant,dit doucement Thorin. M'inquiéter n'a servi à rien sinon te causer de la douleur. Si demain était mon dernier jour sur cette terre, ou le tien, je le passerais avec toi, à faire les mêmes choses que je voudrais faire tous les jours. Te faire sourire, te serrer fort. T'embrasser. »
Il déglutit péniblement.
« Je ferais n'importe quoi pour toi. Tu es ma respiration, ma joie, mon cœur. Où tu vas, je vais. Ceci est ma plus grande promesse envers toi. »
Sa main vint de nouveau se poser sur la broche.
« Même si je ne suis pas là à tes côtés, je serai toujours avec toi. »
Bilbon appuya davantage contre le front de Thorin, il avait besoin de le sentir, désespérément besoin de juste sentir. La respiration de son mari était chaude sur son visage, le calmant encore davantage.
« Je t'ai regardé saigner, je t'ai regardé prendre ce que je pensais être tes derniers souffles, murmura-t-il. »
Parce que ce n'était pas quelque chose qu'il pouvait laisser partir si facilement. Il emmènerait probablement sa peur avec lui dans sa propre tombe.
C'était horrible, de marcher dans les pas de quelqu'un, de connaître l'autre côté de l'histoire. Chaque peur qu'avait eu Thorin, Bilbon la connaissait désormais intimement.
« Mais je ne l'ai pas fait, et je suis toujours là, contra Thorin. »
Peut-être que Bilbon n'était pas le seul à suivre les pas de quelqu'un d'autre. Peut-être que Thorin avait compris un peu de la paix et de l'acceptation de Bilbon. Ils avaient pris et appris l'un de l'autre, durant leur voyage.
Cela semblait juste. Ils s'étaient battus avec et pour l'autre et en étaient ressortis plus forts.
Cela n'empêchait pas le vent de lui mordre les yeux, les faisant pleurer, ou c'est ce qu'il dirait plus tard. Thorin essuya doucement les larmes qui coulaient sur ses joues, murmurant qu'elles allaient se geler sur son visage et faisant renifler Bilbon avec amusement. Il agrippa Thorin et soupira. Il avait Thorin. Il avait son mari qui était vivant et en bonne santé et régnait toujours.
« Dis-moi ce que je peux faire, murmura Thorin. Dis-moi, bien-aimé. »
Promets-moi que nous ne verrons jamais l'autre mourir, pensa d'abord Bilbon, égoïstement, avant de repousser cette idée. Pas vers des profondeurs cachées, mais ailleurs, où ses autres peurs étaient gardées. Peur que Hildili tombe du bord de la montagne si elle continuait d'insister pour marcher au-dessus des portes, peur que Holdred attrape une terrible maladie maintenant qu'il s'était mis à suivre Oin partout, peur que Legolas et Kili se séparent, qu'un autre pouvoir hideux vienne essayer de prendre la Terre du Milieu.
Mais Hildili était soigneusement surveillée chaque jour par ceux qui étaient beaucoup plus responsables qu'elle, Holdred ne faisait que s'entraîner à être l'ombre d'Oin, Legolas et Kili étaient joyeux, et la Terre du Milieu était calme. Et même s'il y avait plus de dangers et de risques qui les attendaient, il y avait de l'aide qu'ils pouvaient demander, ceux qu'ils aideraient en un instant. En ce moment, Denethor chevauchait vers eux, voyageant lentement pour les aider à purifier la forêt une bonne fois pour toutes.
Il prit une grande inspiration, et quand il parla, sa voix ne tremblait pas.
« Un jardin, dit-il. Quelque chose que je peux faire de mes mains, puisque je n'arrête pas d'être chassé de la cuisine par les apprentis cuisiniers de Bombur. »
Les lèvres de Thorin eurent un sursaut.
« Je pourrais avoir une discussion avec eux, si ce serait plus facile, dit-il. »
Mais Bilbon secoua la tête.
« Non, laisse-les tranquilles. Ne mets jamais ton cuisiner en colère, jamais. Voilà un conseil solide pour toi. Non, je veux un jardin. Ici, dehors, au soleil et sous la pluie et en plein air. Rendre visite à Cul-de-Sac et à la Comté m'a juste rappelé à quel point j'adorais jardiner. Alors, ici fera l'affaire. »
Les sourcils de son mari montèrent jusqu'à ses cheveux.
« Ici ? Demanda Thorin. Sur ce petit banc dont je ne peux même pas promettre qu'il est stable ?
- Il est assez stable pour moi, insista Bilbon. Tu peux demander à Bofur et la Guilde des Mineurs de vérifier si tu veux, mais c'est mon espace, un endroit juste pour moi, et il y a déjà de la verdure qui pousse. Il y a de la mousse sous ce carré de neige là-bas, et je pourrais mettre mes propres tomates dans l'autre coin. Il y a des plantes qui pousseraient bien dans un sol rocailleux, ou un sol fin, et quand nous aurons fait monter de la terre pour la répartir, je pourrais planter- quoi ? »
Thorin le regardait comme s'il était une gemme au-delà de toute comparaison, de l'affection dans le regard.
« Au bout de presque onze ans, on penserait que tu aurais arrêté de me regarder comme ça, dit Bilbon. »
Mais ses joues rosissaient, il pouvait le sentir.
« Tu pourrais m'accorder cent ans, Bilbon Sacquet, et je n'arrêterais jamais de te regarder avec moins que toute mon adoration. »
Il passa une main dans les cheveux de Bilbon, et des mèches humides vinrent se reposer sur sa joue. Surpris, Bilbon tendit la main vers ses cheveux et les trouva froids et mouillés. Dès qu'il tourna son regard vers le ciel au-dessus de lui, il trouva encore plus de neige tombant doucement des nuages.
« Bilbon. »
Bilbon reporta son regard sur son mari, et encadré par la lumière venant de l'intérieur, ses cheveux cascadant sur ses épaules, des mèches d'argent scintillant sous la neige nouvelle, Thorin était une image époustouflante. Il ne pouvait même pas imaginer à quoi il ressemblait, debout là avec la cape de Thorin qui était beaucoup trop large pour lui, ses cheveux mouillés et tirant ses boucles vers le bas, son nez et ses joues brûlant sous le froid.
Pourtant Thorin le regardait comme s'il était le plus grand des trésors, comme s'il ne voulait rien de plus que d'envelopper Bilbon entre ses mains et de ne jamais le lâcher. Bilbon était plus que content de le laisser faire.
Il prit la main de Thorin dans la sienne et frotta doucement son nez contre celui de Thorin.
« Froid, murmura Thorin. »
Mais il ne lâcha pas.
« Alors emmène-moi à l'intérieur où il fait plus chaud, répondit Bilbon sur le même ton. »
Il put presque sentir les lèvres de Thorin se retrousser sur un sourire.
Le printemps venu, il savait qu'il y aurait un jardin aux proportions épiques de ce côté de la montagne, probablement bien trop pour ce qu'il voulait vraiment. Son propre petit jardin secret qui, si Thorin avait son mot à dire, ne serait ni très petit ni très secret.
Mais ce serait pour le printemps. Pour l'instant, tout ce qu'il voulait était que son mari chaleureux, entier et vivant le ramène dans leur lit chaud et doux et le serre contre lui jusqu'à ce que Bilbon ne puisse plus dire où Thorin finissait et où il commençait. Ensemble, peu importe ce qui se mettrait entre eux.
« Il devrait y avoir un arbre, lui dit Thorin tandis qu'ils retournaient dans les couloirs.
- Un arbre, sur le flanc de la montagne ?
- Un arbre, comme ton arbre à cœur dans la Comté. Comme l'arbre sur ta broche. Si quelqu'un peut faire pousser un arbre, c'est toi. »
Et Bilbon sourit.
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FIN pour l'instant ! On se retrouve mercredi avec Mes paroles erreront (mais pas mes amitiés) ! La partie 2 du Futur Modifié arrivera dimanche prochain.