Depuis combien de temps n'ai-je rien publié sans la contrainte d'un défi ?! Voilà quelque temps, s'est imposé à moi un titre : "Détective Bigoudi mène l'enquête." Je vous présente donc ce charmant Hobbit qui vous entraînera sur les routes de Comté à la recherche de la justice et de la vérité !
J'essaierai de poster un tout petit peu plus souvent que d'habitude !
Merci à Laessiel, Nham et La Folleuh pour leurs critiques constructives ("mais un hobbit, ça n'a pas de chaussures!") et leurs corrections ! Et un super anniversaire à Estel et Finduilas !
Bonne lecture à tous !
« Vols à la tire au marché de Lézeau »
Voilà plusieurs semaines que les braves ménagères hobbites vont faire leur marché la boule au ventre. L'ambiance qui était, il n'y a pas si longtemps, propice aux bavardages et à la bonne humeur est maintenant empreinte de coups d'œil suspicieux.
L'article se poursuivait sur plusieurs paragraphes, ne tarissant pas sur les témoignages larmoyants, les descriptions aussi diverses que variées des malfaiteurs et les appels au calme des forces de l'ordre dépassées par les événements. Mais notre lecteur était incapable de se concentrer. Peu importaient tous ces détails inutiles que les journalistes de Hobbit Matin avaient le droit de publier, Bigoudi saurait bientôt tout. Tout. De l'intérieur !
Le regard dans le vide, le cœur battant, le rêveur oublia son croissant, son chocolat chaud, ses quelques tartines, son omelette aux tomates, oignons et saucisson – petit-déjeuner frugal car Bigoudi avait l'estomac noué par l'excitation.
Madame Bouclebrune regarda son fils d'un œil fier, mais elle sembla légèrement déçue et inquiète de voir que son fils avait à peine touché à son assiette.
Quand finalement l'horloge familiale sonna dix heures, Bigoudi Bouclebrune se leva, enfila sans y penser son manteau et sortit au pas de course. Dix secondes à peine s'écoulèrent avant que la porte ne se rouvre, qu'il ne mette une pomme et un beignet dans sa poche et ne reparte. Madame Bouclebrune leva les yeux au ciel et retourna à sa cuisine en se disant que son fiston devenait grand. Mais qu'il aurait toujours besoin de sa maman.
Bigoudi dévala la colline où se trouvait son smial, manqua de renverser deux vieillards qui allaient en sens inverse, esquiva comme il put une charrette tirée par un âne et parvint par miracle à traverser le pont sans tomber tête la première dans l'eau vaseuse qui coulait dessous. Il redressa le cap avant d'arriver à bout de souffle sur la place principale de Hobbitbourg.
Il n'essaya pourtant pas de retrouver sa respiration que déjà ses yeux étaient à la recherche du panneau d'affichage qui changerait sa vie. Repérant l'attroupement de hobbits excités et non larmoyants, Bigoudi sut que les résultats se faisaient encore attendre. Il toisa alors d'un œil supérieur ceux qu'il avait vaguement fréquentés durant ses cours. Il ne les rejoignit pas, sachant avec certitude qu'il serait reçu à l'examen d'entrée chez les Shirrifs dont il rêvait depuis qu'il était tout petit. Il n'était là que pour rencontrer le commandant afin de savoir dans quelle ville il serait en poste et surtout, quand il pourrait commencer !
Plusieurs minutes passèrent encore lorsque Bigoudi remarqua enfin le chapeau caractéristique de la profession. Celui qui le portait tentait, vaille que vaille, de se frayer un chemin dans la foule qui s'était amassée autour de lui. Comme si l'étouffer aiderait l'agent à afficher les résultats plus rapidement. Lorsque ce dernier parvint enfin à s'extirper du tas grouillant, Bigoudi Bouclebrune reconnut Robin Petitterrier, un hobbit qui avait eu son examen l'année précédente. Il l'avait souvent vu à l'école où le jeune shirriff venait régulièrement remplir des papiers.
Mais ce ne serait pas Robin qui pourrait répondre à ses questions.
Les choses avaient été claires dès le début de l'année. Sur les quinze inscrits à la formation de shiffirr, il n'y aurait pas plus de quatre admis. Aussi, en attendant que le commandant soit libre, Bigoudi entreprit-il de mettre à profit ce qu'on leur avait enseigné pour tenter de déterminer qui avait gagné le précieux sésame.
Il ne fallait pas être un génie pour deviner que les frères Boulot n'avaient pas été sélectionnés. Les larmes qui leur coulaient sur les joues et la manière de se jeter dans les jupes de leur mère en disaient long. Il était absolument inenvisageable que cet abruti d'incapable de Norton Fierpied n'ait ne serait-ce qu'un soupçon de doute de réussite. Bigoudi Bouclebrune retint son souffle jusqu'à voir le dit-abruti hausser les épaules, cracher par terre et partir l'air nonchalant comme s'il n'en avait rien eu à faire.
En revanche, Carl Chaumine et sa meilleure amie, Liliane, entamèrent une série de sauts et de pas de danse hystériques. Peut-être avaient-ils dérangé un nid de guêpes ? Ou, moins souhaitable, ignoraient-ils tout de la dignité et de la respectabilité que devaient présenter en tout temps les membres de cette remarquable profession ?
Il passa rapidement sur les visages d'une banalité navrante, qui mêlaient désespoir le plus profond, larmes de crocodile, et colère, certainement contre leurs professeurs qui n'avaient pas su reconnaître leur génie. Son regard affûté se troubla légèrement en voyant Romarin Talus et Lupin Terrier. Ils se serraient vigoureusement la main, mais Bigoudi ne put déterminer lequel des deux tentait de consoler l'autre. Il dut admettre que le recalé était particulièrement bon joueur et qu'il paraissait vraiment content pour son ami.
N'aimant pas être ainsi dans l'impasse, notre futur shirrif finit par se diriger vers les listes. Comme il l'avait tout de suite vu, Carl Chaumine et Liliane Grandchamp étaient reçus. Il parcourut rapidement la liste pour trouver que Lupin Terrier était l'autre heureux élu. Ainsi que Romarin Talus.
L'incompréhension le saisit. Une goutte de sueur glaciale se mit à couler le long de sa tempe, où il sentait chaque pulsation de son cœur avec une netteté effrayante. Le temps ralentit, les sons s'assourdirent et se mélangèrent autour de lui – rires, discussions, éternuements – et ses jambes devinrent aussi molles que du coton. Il chercha désespérément son nom, sans le trouver. C'était forcément une erreur.
Ah si, il était là. D'un doigt tremblant, il suivit la ligne qui menait au résultat.
BOUCLEBRUNE Bigoudi …... REFUSÉ