Se venger. Sa vengeance. C'était la seule chose qui avait compté pour lui depuis les dernières heures. La pluie avait commencé à tomber et il errait là, quelques parts, non loin de Los Angeles, à la recherche d'un sens à ce qu'il avait fait. Il n'avait tué personne, mais le sang, l'horreur sur les visages, la peur qui se reflétait dans les yeux de ses victimes étaient tellement jouissifs. Il éclata de rire. Son rire résonna dans la nuit. Quel joie, quel plaisir, quel satisfaction.
Tornado émit un souffle, comme pour répondre aux rires de son maître sur son dos. Zorro lui donna quelques caresses sur ces oreilles. Il jubilait, il avait la conscience tranquille, du moins l'espérait. Il ressentait toujours le Z lui brulait sur le corps, comme s'il était marqué à jamais. Il restera Zorro, à jamais. Lorsqu'il allait se regarder dans le miroir, il ne voyait pas seulement Diego de la Vega, mais une part de son ombre, lui qui s'infligeait cela, toute cette souffrance qu'il ne cessait de porter pour protéger des personnes, des inconnus, des proches.
Aujourd'hui, il n'avait pas eu à faire cela. Il avait fait par vengeance, par plaisir personnel, par rage. Un nouveau sentiment qu'il n'avait jamais eu. Il s'était même lâché. Etait-il heureux d'avoir fait cela ? Non, pas vraiment. C'était le contraire. Ce n'était pas dans ses principes. Zorro n'était pas rancunier. Il menaçait, évitait de blesser mais jamais, il n'avait torturé ses adversaires.
Peu importait désormais. Ce qui était fait.
Il arrêta sa monture et descendit. Malgré les gouttes d'eau qui traversaient son costume noire, il continua sa route, tout en tenant la bride de Tornado. Il avait besoin de marcher. Il s'était rendu compte que ses jambes tremblaient. Il n'avait pas froid, il ne ressentait rien. Ses pas allaient le mener nulle part, mais il s'en moquait. Il était libéré d'un fardeau. Darius et ses amis avaient eu ce qu'il méritait.
Sa vengeance a été assouvie.
Alors pourquoi pleurait-il ?
Alejandro avait attendu toute la nuit dans la grotte, sommant Bernardo d'aller se coucher. Il savait que son fils allait revenir tôt ou tard. Il voulait être auprès de lui. Il avait besoin d'entendre Diego, se confier à lui, lui parler de ce qu'il s'était passé avec les fils de ses amis. Même s'il n'était plus trop sûr de la manière dont il devait les appeler.
Il n'avait jamais vu son fils dans cet état, aussi désespéré. Il avait pu voir de la confusion. Il devait soutenir son enfant, c'était la moindre des choses.
Qu'importe ce que tu as fait cette nuit, Diego, je te soutiendrai toujours.
Il espérait juste qu'il n'ait tué personne. Zorro n'était pas meurtrier.
C'est peu avant le lever du soleil qu'Alejandro se réveilla de sa couchette en pailles, quand il entendit un bruit de sabot. Il se redressa rapidement et alla accueillir le cavalier noir qui venait de rentrer.
Zorro était trempé de la tête au pied. La pluie n'avait cessé de continuer. Le jeune justicier mit pied à terre et débarrassa la selle de Tornado. Alejandro le rejoignit, le visage inquiet et tourmenté. Zorro l'ignora continuant ces soins sur son étalon.
« -Fils, pourquoi ce silence ? Pourquoi cette escapade ? Questionna-t-il, que s'est-il passé ? »
Zorro se figea et se tourna vers Alejandro. Ses yeux étaient aussi perçants que sa propre épée, le vieux don aurait juré que si ces yeux étaient des fusils, il lui aurait tiré dessus.
« -Peu importe, ce qui est passé est passé, répondit le masqué.
-Non, cela ne m'importe peu. Mon fils a disparu, puis s'enfuit, puis revient comme s'il avait tué un homme ! »
L'expression de Zorro passa à la colère en quelques secondes.
« -Je n'ai tué personne, père ! Je ne suis pas un meurtrier ! »
Le père se rendit compte qu'il était allé trop et tenta de calmer le renard.
« -J'en suis certain, fils, mais je voulais m'assurer de cela.
-Mêlez-vous de vos affaires, grinça-t-il froidement.
-Ce sont aussi mes affaires, rétorqua Alejandro, je suis au courant de ce que t'ont fait subir les fils de mes…amis. »
Zorro qui avait commencé à brosser Tornado serra des dents, pour ne pas éclater sa rage. Son père était là, il ne devait pas se laisser emporter par ses émotions.
« -Je suis aussi au courant de ce que tu leur as fait subir. Zorro a agi imprudemment, il n'aurait pas dû se comporter ainsi…
-JE NE SUIS PAS ZORRO, JE SUIS DIEGO DE LA VEGA ! » Hurla le justicier fou de rage.
Il s'était retourné violemment vers son père et avait arraché son masque. Ses traits n'exprimaient que de la colère et de la rage. Jamais le vieux don n'avait pareil expression sur le visage de son fils, qui d'habitude était d'une douceur et d'une gentillesse exemplaire.
« -Je suis Diego de la Vega, digne de fils de Alejandro de La Vega, s'exclama-t-il en s'approchant de son père dangereusement, et moi, Diego de la Vega a été sauvagement humilié devant tous Los Angeles ! Moi, Diego de la Vega n'a pu se défendre, se battre pour sauver son honneur ! Moi, Diego de la Vega doit subir les railleries, les moqueries de ces personnes ! Moi Diego de la Vega ne peux rien faire face à …sa propre injustice. Alors pourquoi n'ai-je pas le droit de me venger ? Pourquoi dois-je me cacher et subir tout cela ? Qui me défendra quand je n'aurai plus de masques, quand je serai acculé, quand je n'aurai plus rien à me raccrocher ? Quand Zorro disparaîtra ? »
Il haleta d'avoir trop crié, perdant sa respiration. Des larmes coulaient en continue sur ses joues. Il ne le remarqua pas. Lorsqu'il leva les yeux, il vit le regard attristé de son père. Il s'était rendu compte qu'il avait même tiré son sabre vers lui. Confus, il la rangea rapidement dans son fourreau. Il ne voulait pas faire peur à son père. Mais ce dernier n'avait pas l'air aussi d'avoir fait attention à cela.
« -J'ai…seulement voulu…me venger, s'étrangla-le jeune homme, en tant que Diego de la Vega, et non en tant que Zorro, en tant que moi-même, je voulais…les faire souffrir. Mais je ne pouvais pas…Parce que…je devais protéger Zorro. Je voulais qu'ils subissent ce qu'ils m'ont fait subir… …Mais je l'ai fait. Pour moi. Et pour personne d'autres, je l'ai fait pour venger mon honneur. Est-ce mal ? Est-ce que j'ai mal fait, père ? »
Alejandro ne répondit pas, mais il prit son enfant dans ces bras et le serra fortement, espérant ainsi faire savoir à son fils, qu'il était présent.
« -Tu n'as rien fait de mal, Diego, tu n'es pas un mauvais garçon. Tu es humain.
-Est-ce une erreur, père ? Trembla Diego.
-Nous faisons tous des erreurs, déclara-t-il doucement, mais nous ne sommes pas responsables de ce que l'on ressent et de ce qu'on est.
-Mais qui suis-je, père ?
-Tu es Diego, fils. Et tu es aussi Zorro. »
Le jeune renard se détacha d'Alejandro, confus par ses paroles. Mais son père continua :
« -Mais que ce soit Zorro ou Diego, tu es mon fils. Et jamais, je ne te laisserai consumer par la souffrance. »
Ces mots figèrent Diego de surprise. Ses yeux s'agrandirent et puis, enfin, il porta sa main à son visage, riant faiblement. Alejandro arqua un sourcil devant ce comportement étrange.
« -Je suis votre fils…Oui, finit-il par dire en chuchotant, je suis votre enfant. Un enfant qui ne peut être lui-même.
-Tu te trompes, Diego. Tu es toi-même. Tu l'as toujours été.
-C'est faux ! Je n'ai jamais pu être moi-même ! S'écria-t-il exaspéré, je n'ai rien pu faire contre Darius, contre son complot ! Si Zorro n'avait pas existé, je n'aurai pas eu à me cacher !
-C'est là que tu te trompes, fit le vieil homme calmement, cette manière de te cacher, de protéger Zorro, de le devenir ensuite, c'est ce qui ont fait de toi Diego de la Vega. Tous ces doutes que tu as à propos de ta propre identité, font de toi Diego de la Vega. Ton envie de te venger, ta colère que tu as exprimé à travers Zorro, tes sentiments, tout ce que tu as fait jusqu'à aujourd'hui, ont fait de toi, le véritable Diego de la Vega. Tu es ce Diego de la Vega, le vengeur, le protecteur, le renard, l'homme des secrets, le justicier masqué. Tout cela, c'est toi. »
Cette fois-ci, les paroles atteignirent le jeune homme en plein cœur. Il commençait à voir plus clair, les ombres qui menaçaient son esprit troublé disparurent peu à peu. Ce que son père disait était vrai. Il avait raison. Le vrai Diego de la Vega était constitué d'un tout, d'un Zorro, d'un faux oisif, d'un vengeur et d'un justicier. Il était plusieurs choses à la fois. Tout le monde voyait le véritable Diego de la Vega, sans le savoir, mais il était là. C'était lui. Ce n'était plus un rôle, car ce rôle faisait partie de sa vie, de son Lui.
« -Oui…souffla-t-il, je suis Diego de la Vega, el Zorro, le Justicier Vengeur. »
Il ignorait s'il était soulagé, mais il avait pu poser des mots sur son ressenti. Il a pu confier cela à son père. Sa justice a été rendu par lui-même. Il était maintenant certain d'avoir bien agi. Seul Zorro, soit lui-même, pouvait venger, donc rendre justice à Diego de la Vega, lui-même. Cette pensée le rassura, bien qu'il n'en était pas totalement sur. Seul Dieu pouvait juger ses actes.
Soudainement, la lumière du soleil traversa les feuilles cachant l'entrée secrète, illuminant une partie de la grotte. Les rayons se jetèrent sur Diego. Alejandro écarquilla les yeux devant cette brusque image qu'il avait devant lui.
Diego était illuminé par le soleil, l'entourant d'un halo de lumière, rendant son costume noir encore plus brillant, les ombres dansant autour de lui, rendant sa présence presque fantastique. Derrière lui, il y avait deux grandes ombres, formant deux ailes noirs sur les murs.
C'est alors que Don Alejandro réalisa alors quelque chose. Il s'était trompé sur toute la ligne. Ils se sont tous les deux trompés.
« -Non, Diego, tu n'es pas un Justicier Vengeur. Tu es un ange. Un ange de la Justice. »